ACTE I - Scène 4
Samedi 03 Octobre, 15 : 08
<Golden~ Harry Styles>
« Sérieux ? Ton club de théâtre va faire un remix de « Roméo et Juliette » pour le spectacle de fin d'année ? Comme c'est original ! » Ironise Zoé.
Je lève les yeux au ciel. C'est le week-end et, vu qu'aucune soirée n'est prévue dans notre cercle d'amis, j'ai voulu organiser quelque chose de plus calme que d'habitude. Même si nous sommes déjà en début octobre, le soleil brille dans le ciel qui est d'un bleu si vif qu'on ne peut pas le regarder directement – à moins de vouloir devenir aveugle. Il faisait tellement beau ce matin que j'ai immédiatement supplié les filles (Zoé, Emily et Clara) de venir passer simplement l'après-midi dans un parc, sur une nappe avec un goûter et des boissons que chacune d'entre elles apportera. Elles ont toutes accepté avec enthousiasme, assurant qu'elles seraient là à quinze heures trente. Mais, à côté, j'ai demandé à Zoé de venir une demi-heure plus tôt, car je voulais lui parler en privé, chose que nous n'avons pas pu prendre le temps de faire durant la semaine : nous étions toujours avec Clara et Emily, et parfois même, Théo et son groupe d'amis – c'est-à-dire aussi Mark, à ma plus grande déception – se joignaient à nous. La semaine a continué ainsi, avec les regards condescendants posés sur nous persistant et Mark ne loupant pas une occasion pour se moquer de moi. Heureusement que le théâtre avait récemment repris et que Zoé était là pour me remonter le moral ! Zoé qui, tout le long de cette semaine, contrairement à moi qui étais plutôt agacée de ne pas pouvoir parler en seule à seule avec ma meilleure amie et de devoir subir les taquineries constantes de Mark, était plus joyeuse que jamais. Chaque matin, elle me prenait dans ses bras, me serrant fort contre elle, et toute la journée, elle ne cessait jamais de sourire et de rire, même quand elle a appris qu'elle avait eu – 4 à son contrôle d'histoire-géo (oui, – 4, vous avez bien lu). Sa bonne humeur inhabituelle m'a rendu le sourire plus d'une fois, même si j'en ignore la cause. Et c'est aussi pourquoi je voulais lui parler en privé cet après-midi : pour l'interroger sur d'où sortait cette joie soudaine, alors que tout le lycée rit de nous dans notre dos.
Nous nous sommes donc rejointes à un parc à côté du lycée, avons jeté une nappe sur le gazon et installés dessus les quelques boissons et les gobelets en plastiques soigneusement apportés, puis nous nous sommes mises à parler de tout et de rien. Le sujet du théâtre est bien sûr venu, car il est en ce moment ce que j'ai le plus en tête. Je lui ai raconté dans les grandes lignes la première séance, ainsi que l'arrivée de la nouvelle fille, Iris. Et évidemment, je lui ai également parlé du cours de vendredi soir, où nous avions plus bavardé entre nous, Iris inclue – elle semble vraiment faire partie du groupe à présent, et je suis heureuse de voir qu'elle s'entend bien avec tout le monde et s'intègre parfaitement dans le rythme assez étrange mais joyeux du club de théâtre – que véritablement cherché pour la pièce que nous allons jouer en fin d'année, pour le spectacle. Néanmoins, Adam a proposé quelques idées, dont, effectivement, un remix plus moderne de « Roméo et Juliette », de Shakespeare. Ce serait lui qui réécrirait le texte et ce dernier serait bien différent de l'original, bien que l'idée générale de la célèbre pièce de Shakespeare soit conservée. La proposition d'Adam a été généralement approuvée, même si nous n'avons pas encore pris la décision finale de si, oui ou non, nous allons interpréter cette pièce au spectacle, en mai. J'étais persuadée que Zoé faisait semblant de m'écouter en hochant la tête de temps à autres (ou lâchant des « hum, oui, je vois parfaitement ce que tu veux dire » faussement intéressés) comme elle a l'habitude de faire quand je lui parle de théâtre, mais lorsque j'ai cité la proposition d'Adam, ma meilleure amie a fait une drôle de tête avec un rictus amusé et s'est empressée de moquer l'idée en raillant avec ironie à quel point celle-ci était originale. Je lève les yeux au ciel à sa remarque.
« Arrête ! Je lui réponds en la poussant légèrement, mais Zoé se contente de rire. Certes, ce n'est pas l'idée la plus originale du monde, mais je suis persuadée qu'Adam a un truc en tête. De toute façon, peu importe ce qu'on jouera à la fin de l'année, ce sera absolument génial, parce qu'on sera tous ensemble. »
Zoé se moque en roulant des yeux, un sourire moqueur sur sa frimousse bronzée.
« « Ce sera quand même génial parce qu'on sera tous ensemble ! » Mimique t-elle. Comme c'est meugnon... Et extrêmement niais. Quand les trois quart du public viendra réclamer remboursement car la pièce est nulle, tu ne viendras pas les calmer avec des « peace & love » !
- Hey ! » Je proteste en la poussant de nouveau tandis que Zoé fait des bruits de bisous et créé des cœurs de ses doigts fins.
Nous nous chamaillons un instant, nous taquinant l'une l'autre puis riant à gorge déployée. Au bout de quelques minutes, nous nous apaisons et je me sers un verre de jus de fruits que je bois dans le calme, profitant simplement de la douce ambiance, observant le parc autour de moi. Dans le fond, les cris joyeux des enfants jouant à chat perché où à d'autres jeux innocents persistent, ainsi que ceux d'un petit groupe d'amis de douze ans environ se disputant une partie de football. Des personnes sont posés comme nous pour pique-niquer entre amis, famille ou amoureux, et les bruits de la nature du parc, comme ceux des insectes grésillant, des oiseaux chantant et du vent soufflant dans les herbes, complètent cette scène apaisante. Je lève les yeux pour voir une lumière d'or passer entre les feuilles d'un vert aussi pur que celui de mes iris, et soupire de bien-être. Je me sens bien.
Je me tourne vers Zoé, qui sirote tranquillement son jus en observant les alentours, comme moi. Comme il fait plutôt chaud pour un mois d'octobre, nous portons des tenues assez légères. Zoé a un short taille haute en jean et une courte veste en jean assortie sur un débardeur noir, elle a relevé ses cheveux châtain-roux en une queue-de-cheval haute maintenant légèrement défaite par nos gamineries. La regardant ainsi, son short dévoilant ses longues jambes bronzées et son visage dégagé et éclairé par son habituel grand sourire de la semaine, je ne peux m'empêcher de la trouver absolument superbe. Elle est radieuse, et la voir ainsi fait battre mon cœur un peu plus fort. Lorsqu'elle se rend compte que je l'observe, un léger sourire flottant sur mes lèvres, elle lève son regard vers moi et nos yeux s'ancrent les uns dans les autres le temps de quelques secondes. Mon visage s'enflamme pour une raison inconnue, et je le détourne rapidement pour toiser à nouveau les familles qui nous entourent.
« On est bien, là, non ? Me lance Zoé en s'allongeant près de moi sur la nappe, croisant ses bras derrière son crâne pour regarder le soleil à travers les feuilles de l'arbre au-dessus de nous.
- Hum, » Je marmonne en retour sans la regarder, mes joues encore roses.
Puis soudain, je me souviens de la raison pour laquelle je désirais lui parler en privé, et je me relève pour lui faire face.
« Je peux te poser une question ?
- Trop tard, tu me l'as déjà posée, » S'amuse Zoé, ses yeux noisette toujours fixés sur l'arbre.
Je pouffe légèrement avant d'enchaîner.
« Ah, ah, très drôle. Je voulais te demander, toute la semaine, tu as été super heureuse et souriante, même si tout le lycée nous mataient bizarrement. Et je doute que ce soit ta nouvelle notoriété qui te rende aussi joyeuse, je rajoute en riant. Alors, pourquoi t'étais comme ça ? »
Un sourire évident se dessine sur les fines lèvres de Zoé, qui lâche un petit rire à son tour, un rire où je distingue une pointe de timidité.
« Je ne vois pas de quoi tu veux parler. »
Je dresse un sourcil. Le fait qu'elle refuse de me regarder dans les yeux et son sourire qu'elle essaye en vain de cacher ne fait que rendre son mensonge plus évident. Je lui flanque un petit coup de coude en insistant, me foutant d'elle au passage :
« Me dit pas qu'il n'y a rien. La dernière fois que tu m'as sorti cette phrase, c'était après la soirée de Théo et tu venais de le reluquer de bas en haut de façon très peu discrète. Je te connais, Zoé.
- A mon plus grand malheur, » Marmonne t-elle, et je souris victorieusement.
Pourtant, son sourire semble s'agrandir un peu plus et ses joues se teinter d'une couleur carnée lorsque j'ai prononcé le nom de Théo. Zoé soupire, puis se relève pour s'assoir plus convenablement sur la nappe, relevant un regard mi-amusé, mi-timide sur moi.
« Très bien. Pour te dire toute la vérité, tu avais raison, il y a un truc.
- Non, jure ? » Je lance de façon ironique.
Zoé m'administre d'un regard blasé, et je glousse à sa réaction. Elle fait alors semblant de se lever pour partir, mais je la stoppe net en posant ma main sur son épaule, lui faisant des grands yeux de chien battu lorsqu'elle se tourne à nouveau vers moi.
« Zoé, reste ! J'implore dramatiquement. Désolé, je te laisse parler, promis.
- T'as intérêt, me préviens t-elle en se réessayant. Donc, je disais, il y a un truc. Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais tu te souviens lorsqu'on parlait au téléphone lundi soir de ce qui s'était passé à la cantine le midi ? A un moment, je t'ai interrompu et j'ai raccroché.
- Hum-hum, je fais en dodelinant de la tête, rejouant la scène dans mon esprit.
- Et bien, la raison pour laquelle je t'ai raccroché au nez, c'est que... »
Elle s'interrompt brutalement, le regard au loin, et je pivote pour voir Clara et Emily courir vers nous, chargées de nombreux sacs. Je souffle de déception tandis que les deux filles nous hurlent, faisant se tourner vers nous de nombreuses familles qui nous interpellant avec des regards noirs :
« HÉ, HO ! ZOÉ, BETH ! ON EST LA ! »
***
<Polygraph Eyes ~ YUNGBLUD>
« OUI, JE PENSE QUE TOUT LE PARC EST AU COURANT MAINTENANT ! » Je hurle en retour.
Zoé se contente de pouffer. De mon côté, je checke mon téléphone et constate qu'en effet, il est plus de quinze heures trente... Soit l'heure à laquelle nos deux amies avaient prévu de nous rejoindre. La blonde et la brune arrivent vers nous dans un sprint et mettent en place les paréos qu'elles ont amenés avant de s'écrouler dessus, le souffle court.
« Désolé... du... retard, s'excuse Emily, la respiration hachée, en repérant le regard interrogateur de Zoé. On a... couru... comme des... dingues.
- Mais la bonne nouvelle, c'est qu'on a des cookies ! S'écrie Clara, absolument pas fatiguée, en faisant jaillir d'un de leurs sacs une boîte en plastique transparent remplie d'une douzaine de cookies aux pépites de chocolat.
- Cookies ! » S'écrie aussitôt Zoé, les pupilles dilatées, en levant ses poings vers le ciel.
Nous la regardons toutes bizarrement avant d'éclater de rire. Enfin, Emily commence par rire, puis se met à tousser et menace de s'étouffer, ne parvenant toujours pas à respirer normalement. Mi-amusées, mi-inquiètes, nous lui tapons dans le dos jusqu'à ce que la blonde nous fasse signe d'arrêter, car nos tapes ne font qu'aggraver la toux. Puis, au bout d'une poignée de secondes où Clara, Zoé et moi la regardons avec inquiétude, Emily se redresse brusquement, toujours vivante, et s'exclame :
« Je suis toujours en vie !
- Elle est toujours en vie ! Renchérit Zoé en brandissant de nouveau ses poings en l'air. Ca veut dire qu'on peut attaquer les cookies ? »
Je pouffe en voyant ses yeux brillant d'envie fixer la boîte. Et c'est normal, Zoé adore ça (c'est d'ailleurs étonnant qu'elle n'est toujours pas créé une religion vouée à la vénération des cookies) et Emily est la meilleure pour les cuisiner. Même moi, ça m'arrive d'en manger un ou deux quand elle en fait, alors que je ne suis habituellement pas une fan. Pourtant, je fais toujours semblant d'adorer ça devant Zoé, car je sais que si elle apprend que je n'aime pas, elle, de un : ne voudra plus partager un cookie géant avec moi à la table du café à côté du lycée, ce que nous faisons tous les mercredis midis après les cours, et je ne veux vraiment pas arrêter de faire ça avec elle pour une raison que j'ignore – et de deux : me trouvera sûrement bizarre d'avoir prétendu aimer ça toutes ses années juste pour elle, chose que je ne comprends pas moi non plus. Et elle aurait très certainement raison.
« Bien sûr ! Approuve Emily en hochant vigoureusement la tête, fière d'elle, et c'est limite si Zoé ne se jette pas sur la boîte pour fourrer une demi-douzaine de biscuits dans sa bouche.
- Mmmh, lâche t-elle en les savourant, les yeux clos et le visage renversé vers le ciel. Emily, tu es définitivement la reine des cookies.
- Ou la reine tout court, » Corrige la blonde avec un sourire supérieur.
Nous hochons toutes la tête et Clara rit en ébouriffant les cheveux ondulés de sa meilleure pote. Emily prend également quelques cookies, et Clara, qui n'est pas du genre à manger des masses, se contente d'un pour l'instant. De mon côté, pour perpétuer le mythe, je pioche un biscuit et croque dedans avec bonne volonté, avalant le plus vite possible. C'est peut-être anormal de ne pas aimer ça, puisque j'adore le chocolat et le beurre, mais c'est plus la texture en soi qui me dérange plutôt que le goût. Je ne sais pas, les biscuits en général, ce n'est pas tellement mon truc.
« Bon, c'est bien beau tout ça, je déclare dès mon cookie terminé. Mais les filles, vous nous avez interrompues alors que Zoé allait enfin m'avouer la raison pour laquelle elle était aussi souriante toute la semaine, et je veux toujours savoir, donc... »
Clara et Emily se tournèrent aussitôt vers moi, leurs yeux écarquillés, et se réinstallèrent plus confortablement sur leurs paréos, comme pour écouter une histoire passionnante. Et en effet, comme si il s'agissait d'une histoire passionnante, les deux filles semblaient réellement curieuses et intéressées.
« Sérieux ? On s'est demandées toute la semaine ce que c'était que ce sourire ! fait Emily.
- Alors que la moitié du lycée se foutait de notre gueule, ajoute Clara.
- On a conçues des tas de théories, mais aucune ne tenait vraiment la route.
- Emily était persuadée qu'on t'avait fait un lavage de cerveau et que tu n'avais aucun souvenir de la journée de lundi, mais je lui ai fait remarquer que tu as mentionné avant-hier le contrôle d'histoire qu'on a eu lundi, donc l'hypothèse tombe à l'eau.
- Tais-toi, Clara, j'ai jamais dis ça ! proteste Emily en rosissant.
- Tu remets ma parole en cause ? Rappelle toi, Em, que je screenshot toujours tout. »
Les filles gloussent légèrement, et Zoé et moi rions avec elles. Le regard bleu océan d'Emily et celui brun de Clara pivotèrent alors vers ma meilleure amie est allongée sur ses coudes.
« Alors ? Dis-nous !
- Tu ne peux pas sourire comme ça sans raison derrière, surtout dans les conditions où nous étions.
- Non, ce n'était pas si évident, si ? » Rit Zoé, mais une pointe d'angoisse se lit dans sa voix.
Clara et Emily hochent la tête, comme pour affirmer que « Si. T'es cramée, ma vieille ! ».
« Zoé, on aurait dit que tu avais dormi un cintre dans la bouche – chaque jour de la semaine. C'était limite flippant.
- Sympa, constate la concernée en inclinant la tête sur le côté, comme si elle s'imaginait avec cette tête jouant dans un film d'horreur. Mais très bien, je vous dis pourquoi j'ai été comme ça. C'est pas incroyable, je vous préviens, ne vous attendez pas à un scoop !
- Pas grave, dis-nous juste ! J'insiste en levant les yeux au ciel.
- Ouais, je suis sûre que ne fais que ça pour maintenir le suspense ! Renchérit Clara.
- Attendez, les filles, je n'ai pas le pop-corn ! » Panique Emily.
Zoé roule des yeux.
« BREF, reprend-elle en insistant bien sur ce premier mot, je disais tout à l'heure à Beth que pendant notre appel de lundi soir à propos de vous-savez-quoi...
- Voldemort ?
- Ta gueule, Beth.
- ... Je lui avais raccroché au nez, continue Zoé. En fait, ce qu'elle ne sait pas, c'est que pile au moment où on discutait de cela, j'avais mes réseaux sociaux ouverts et j'ai eu une notification sur Instagram d'un message privé de... »
Elle prend une profonde inspiration. Nous nous penchons vers elle comme trois commères gourmandes de potins, attentives, tenues en haleine.
« De Théo, achève t-elle sans cacher son grand sourire.
- QUOI ? Hurle presque Emily en ouvrant des yeux grands comme des assiettes.
- Chut, laisse-moi finir ! Rit doucement Zoé, ses joues à présent rosées. Il venait me demander si ça allait par rapport à ce qui s'est passé lundi midi, et m'a rassuré du mieux qu'il pouvait, m'assurant qu'il trouvait mon rire génial car il était assumé. On a parlé jusqu'à super tard le soir, de tout et de rien, et on a continué à se parler presque tous les jours de la semaine. Il est tellement gentil, et doux, et compréhensif, et beau, et...
- JE LE SAVAIS ! » Crie soudainement Emily.
Zoé se tourne vers elle, confuse, pour voir la blonde qui s'est levée en précipitation et est désormais debout, le doigt pointé dans sa direction, une expression triomphante sur le visage.
« JE LE SAVAIS QUE THÉO TE PLAISAIT !
- Plus fort, ils ne t'ont pas entendu au Mexique ! S'agace Zoé.
- Attend, mais c'est trop bien ! s'exclame Clara, comme si elle réalisait enfin ce que ça voulait dire. Le Théo du lycée t'as envoyé un message ! Vous parlez tous les jours depuis une semaine ! Et en plus il te plaît de ouf ! Tu te rends compte ? Ma copine va sortir avec Théo Lawrence !
- Chuuuut ! Murmure furieusement Zoé, couleur pivoine. Je ne vais pas sortir avec lui, t'es folle !
- Qu'est ce que t'en sais ? En tous cas, ne nie pas que t'aimerais bien ! »
A ce point, le visage de ma meilleure amie ne pourrait pas prendre une nuance plus foncée.
« Est-ce qu'il a déjà flirté avec toi ? Interroge Emily en se rasseyant, ses mains en coupe autour de son visage, l'expression pleine de curiosité.
- Non ! s'écrie Zoé avant d'hésiter. Enfin, je ne pense pas... Je ne sais pas...
- Attend, c'est très simple, clame Clara en allant piquer le téléphone portable de Zoé. Si tu ne sais pas, t'as qu'à nous montrer la discussion. Et avec Emily, on définira si c'est du flirt. »
J'ai l'impression d'assister à la scène comme étouffée, ou au ralenti, les images floues et le son réprimé. Emily et Clara rient en essayant de lire les messages échangées entre Théo et Zoé, la concernée essaye de leur en empêcher sans parvenir à effacer un large sourire de son visage, sans faire attention à moi. De mon côté, je ne sais pas comment je me sens. Dès que Zoé a prononcé le nom de Théo, j'ai eu comme un pincement au cœur, comme si on me pressait sur la cage thoracique en m'empêchant de respirer normalement. Mes yeux me piquent, mon cœur me fait mal, je surprends même mes lèvres et mes mains à trembler légèrement. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée. Je devrais être contente pour ma meilleure amie que son crush la contacte, je devrais être resté près d'elle à la taquiner et la féliciter, je devrais sourire moi aussi, mais je n'y parviens pas. Je n'arrive plus à contrôler mes muscles. Je m'imagine alors Théo la contacter, les deux parler jusqu'à tôt dans la matinée, Zoé rougir et morde doucement sa lèvre inférieure comme elle le fait parfois en le voyant, ma meilleure amie rire à ses blagues, les deux se tenir la main, peut-être même s'embrasser... La bile remonte à une vitesse alarmante dans ma trachée. Bordel, j'ai une putain d'envie de vomir quand je pense à ça. Et l'incompréhension de cette envie me fait encore plus mal au crâne.
« Hey, Beth, tu vas bien ? »
Zoé est tournée vers moi, tout comme Clara et Emily. Les trois me regardent avec inquiétude et incrédulité, ne comprenant pas mon silence. Je n'arrive pas à parler, les mots restent coincés douloureusement dans ma gorge. J'ai du mal à avaler ma salive, comme quand j'ai envie de pleurer. Pourtant, je me force à prendre une grande inspiration et à prononcer ces mots, même si ils me brûlent les lèvres :
« Ça va. Tout va bien, j'ai juste un peu de tournis. Je suis super heureuse que tu parles enfin à Théo, ça faisait longtemps qu'il te plaisait !
- Oui... murmure Zoé, les sourcils froncés, ayant l'air d'avoir remarqué mon désarroi intérieur.
- Je suis désolée, je fais dans la précipitation et commençant soudainement à ramasser mes affaires, mais je me sens un peu malade. Je pense que je vais rentrer chez moi. Bon appétit.
- Mais ça ne fait même pas trois-quarts d'heure que tu es là, constate Clara, confuse.
- Je sais, mais j'ai vraiment la migraine. On se voit lundi, je murmure en me levant le plus rapidement possible sous les regards confus des filles.
- Attend, tu veux que je te raccompagne jusque chez toi ? S'inquiète Zoé.
- NON ! » Je lâche dans un cri trop brusque pour être naturel.
Zoé sursaute et écarquille ses yeux noisette. Me rendant compte de mon ton, je me corrige aussitôt :
« Je veux dire, ça va, je ne vais pas faire une syncope. Je suis juste vraiment fatiguée. »
Sans me retourner, je fourre ce qui m'appartient dans mon sac et me dirige vers la sortie du parc d'un pas rapide, ignorant les questions apeurées que les filles me lancent au loin.
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