III
Mon troisième c'est du mélange, des rencontres et des partages
Ça crée une alchimie étrange qui nous fait grandir à chaque âge
Y a des sourires dans toutes les langues, et des différences qui s'effacent
J'ai vu de belles vues apaisées, mais j'ai vu aussi les vies d'en face
Charades, Grand Corps Malade
Alix était étendue en étoile sur son lit et fixait le plafond d'un regard vide.
À la fenêtre, le volet avait été entrouvert et la lumière du jour entrait doucement. Près d'elle, sur le lit, il y avait des cachets, des torchons, des pièces de métal, un chalumeau, et combien d'autres objets encore. Un drap était taché de sang. Son avant bras et son mollet gauche étaient tous deux enveloppés de tissu blanc, que quelques flaques de sang tachaient par endroits.
La jeune adulte souffrait toujours le martyr, mais encore, elle ne disait rien. Ne pas s'évanouir demandait pourtant déjà un grand effort. Mais son esprit restait concentré sur les souvenirs qui remontaient doucement. Elle s'en rappelait désormais, de cette metteuse en scène farfelue, de son théâtre mécanisé, ses commandes à chaque fois plus spécifiques, elle à chaque fois un peu plus timbrée. Elle se souvenait qu'elle adorait travailler sur ces projets tard dans la nuit. Les demandes d'Enola étaient toujours innovantes, et Alix, face à son espace de travail, créait enfin vraiment. Ce rêve qu'elle avait abandonné des années plus tôt avait, semblait-il, enfin pris racine dans ces idées loufoques. Alix était toujours heureuse quand était venu le moment de dévoiler sa nouvelle création à Enola d'un geste théâtral.
Lentement, elle se redressa sur les coudes, balaya sa chambre du regard. C'était le chaos. Il y avait du sang, des outils et des plaques de métal de partout. Avec un soupir, elle se rassit correctement. Elle ne voulait plus se faire du mal. Mais l'envie de savoir était plus forte. Savoir ce qu'il s'était passé entre sa première rencontre avec la metteuse en scène et son demi-coma. À quel moment dans sa vie elle s'était constituée de plus de métal que de chair humaine.
Son regard se baissa vers son genou. Elle ne devait peut-être pas toucher aux articulations tout de suite. Ça commençait à se compliquer, car elle aurait aimé garder au moins une jambe et un bras fonctionnels. Après tout, elle avait encore un autre implant, plus petit, dans le bras gauche. Le genou viendrait après.
C'est sur la terrible pensée qu'elle était en train de programmer méthodiquement la destruction de son propre corps qu'elle se remit au travail.
**
La journée avait été fructueuse. Alix avait bien vendu. Ses clients n'avaient pour la plupart pas été trop désagréables, même si l'un d'eux était un peu trop insistant pour baisser les prix.
À présent, elle quittait son appartement où elle était rentrée se reposer un peu. La nuit tombait doucement sur Valoran. Elle parcourait les rues, les mains dans les poches. Dans Valoran, il n'y avait jamais de vent, le vent, Alix ne savait pas vraiment ce que c'était. C'étaient toujours l'air figé entre les buildings et le nuage de pollution omniprésent. Mais, les soirs comme ça où la lumière du soleil couchant était diffuse à travers la brume, c'était comme un plafond de coton rouge orangé, et par-dessus les néons, Alix ne pouvait s'empêcher de trouver ça joli.
Il y avait beaucoup de choses qu'à Valoran, elle ne connaissait pas. Alix n'avait jamais quitté la ville. Les étoiles, par exemple, elle ne savait pas ce que c'était. Même si le ciel avait été débarrassé de ce nuage artificiel – ce qui n'arrivait pas –, les lumières de la cité, dans la nuit, étaient bien trop puissantes pour que l'on devine le ciel. Elle savait que ça existait, les étoiles, elle en avait entendu parler. De ce qu'elle en savait, c'était bien au-delà de ce que son imagination pouvait appréhender.
La nature elle-même, elle lui était un peu étrangère. Il y avait bien quelques parcs à Valoran, et parfois, entre deux immeubles au loin, elle apercevait des montagnes. Mais imaginer des vastes déserts, des inlandsis de glace à perte de vue, des lacs creusés dans les glaciers, ça, ça lui était quasiment inaccessible. L'image qu'elle avait du monde extérieur était à ce point réduite que, lorsqu'elle était toute petite, elle était persuadée que Valoran recouvrait la Terre entière.
Son pas la mena bientôt dans les quartiers plus animés, et ses pensées s'envolèrent. Rapidement, elle entra dans un pub, duquel une musique s'échappait ; une voix de femme, un peu diffuse, comme si elle était déjà un peu sous substances. Alix joua des épaules une fois à l'intérieur et souffla dans son masque en apercevant Jiu. C'est pas trop tôt, grommela-t-elle avec mauvaise volonté.
Elle s'assit près de lui, devant le bar. Il sourit en la voyant et lui retira son masque.
— Ici, tu peux enlever ça, tu sais.
Alix rangea l'objet du délit dans son sac et se retourna vers la barman pour passer commande. Quand deux grands verres remplis de liquide vert pomme atterrirent dans ses mains, elle se leva de son siège et se fraya un chemin dans la pièce, suivi de son ami. Ils trouvèrent une table ronde dans un coin et s'assirent l'un près de l'autre. Ils commencèrent à discuter. Très vite, Jiu sortit des cigarettes de sa poche. Une heure plus tard, des verres vides se bousculaient sur la table et ils baignaient dans un épais nuage de fumée. Deux autres personnes les avait rejoints, de parfaits inconnus avec qui ils discutaient. Les basses résonnaient dans le pub, leurs têtes tournaient légèrement. La serveuse revint avec des verres pleins, Alix n'était même plus sûre de savoir ce qu'elle buvait. Elle écrasa son mégot dans le cendrier, et presque par automatisme, reprit une autre cigarette. Elle leva son briquet pour l'allumer et le fourra à nouveau dans sa poche avant de se pencher vers l'homme en face d'elle qui parlait de moteurs et de drones. La soirée commençait à partir dans tous les sens, mais Alix se sentait bien. Elles n'étaient pas rare, à vrai dire, les soirées comme ça. Ils en faisaient facilement une à deux fois par semaine, parfois plus. Souvent plus.
Lentement, Alix laissa sa tête basculer en arrière. La musique changea pour quelque chose d'un peu plus lent. Dans la lumière tamisée, la fumée devenait bleue. L'alcool courait dans ses veines et elle sentait qu'elle n'était plus tout à fait maîtresse d'elle-même. Ce qu'elle adorait ça. La cigarette se consumait entre ses doigts, elle n'écoutait plus du tout la conversation, déconnectée de ce microcosme interne au bar jusqu'à l'univers entier étendu au-dessus de Valoran. Portée par la musique, elle ferma les yeux.
Au bout d'un temps – mais combien, de temps ? –, elle sentit qu'on lui secouait l'épaule. Lentement, elle papillonna des yeux et redressa la tête. Les deux inconnus étaient partis, elle avait complètement perdu la notion du temps. Jiu était levé et attendait qu'elle le rejoigne. Alors, maladroitement, elle se redressa et le suivit à l'extérieur du bar. En espérant qu'il ait payé.
Ils commencèrent à déambuler dans les rues, aucun d'eux ne marchait vraiment droit. Jiu riait plus facilement que d'habitude, et Alix, elle, prenait parfois, sans raison, des poses de ninja en plein milieu de la route. Les grandes artères étaient encore empruntées par les voitures, mais les rues un peu plus petites, elles, en étaient quasiment dépourvues.
Alors qu'ils rentraient lentement chez eux, un éclat de voix se fit entendre.
— Eh, vous ! C'est vous qui avez appelé ?
— Oui, c'est nous !
— Mais lâchez-nous !
D'un même mouvement, Alix et Jiu se tournèrent vers les voix. Il y avait deux policiers qui traversaient la route pour rejoindre, sur le trottoir opposé, quatre autres personnes.
— C'est eux, messieurs ! Vous devez les emmener !
— On n'a rien fait !
Alix et Jiu s'étaient arrêtés et observaient l'action en silence, sans même sûrement avoir conscience d'eux-mêmes. Entre les mains des deux hommes, deux autres hommes se débattaient furieusement.
— Vous n'avez pas le droit !
— Ils étaient juste là, dans cette ruelle, messieurs. Ils pratiquaient l'homosexualité ! C'est puni par la loi !
— Et passible de prison, compléta le policier. Vous les avez surpris ?
— Ils mentent, ne les écoutez pas ! Jamais je ne le toucherais !
— Ils étaient juste là, contre le mur. Ils...
— Viens, murmura soudain Jiu à l'oreille d'Alix.
Revenu à lui, le jeune homme s'était rappelé qu'il n'était pas bon pour eux de rester près des gardiens de la loi. Il ne manquerait plus qu'on ne les interpelle et qu'on ne leur demande leurs papiers...
— Ils vont les mettre en prison ?
Jiu la tira vers lui et ils disparurent dans une ruelle adjacente. Elle finit par se laisser emmener en silence.
— Bien-sûr. L'homosexualité est un crime.
Dans sa phrase, il n'y avait aucun jugement de valeur. Jiu énonçait les faits bruts : l'homosexualité était un crime dans la cité. Ce qu'il pensait réellement de la situation, ça, il se gardait bien de le dire.
Oh, ça, oui, en apparence, Valoran était belle.
— Ils avaient que ça à foutre, de les dénoncer, grommela Alix. Ils emmerdaient personne, maintenant, toute leur vie est foutue.
— Et alors ? T'aurais voulu y aller et les aider ?
Alix grogna en dégageant son bras de l'emprise de son ami pour marcher seule. Son pas était lourd, toujours légèrement branlant.
— Ben non. Chacun sa merde. Mais ça reste des raclures.
Jiu acquiesça en silence. Les pensées d'Alix était mélangées par l'alcool, elle était déjà passée à autre chose. Au fond d'elle, la scène à laquelle elle venait d'assister ne lui faisait pas grand-chose. Elle constatait l'injustice tellement souvent dans les bas-fonds qu'elle y devenait imperméable. Elle continuerait d'insulter ce genre de salauds, mais le sort des deux jeunes hommes, ça, elle l'avait déjà oublié.
À un coin de rue, ils s'arrêtèrent, ils ne tournaient plus au même endroit.
— Bon... Rentre chez toi entière, okay ? Ça me ferait chier que tu te fasses tabasser en rentrant, t'es en état de rien faire.
— Roh, ça va, je suis encore autonome. Je sais que tu peux pas te passer de moi, mais quand même !
— T'es pétée comme un coing, abrutie. Tu sais à quel point c'est facile de se faire poignarder au détour d'une ruelle sans que personne le sache. Alors survis, c'est tout. Sinon, j'aurais jamais l'occasion de te voir sourire.
Alix leva les yeux au ciel avec amusement en commençant à s'éloigner dans la ruelle. Sans ralentir, elle lui fit un signe de la main.
— C'est beau d'y croire encore !
Puis elle rabattit sa capuche sur son crâne et disparut, d'un pas incertain, dans l'obscurité. Jiu soupira avant de lui-même prendre sa route de son côté.
— Imbécile.
**
Dans le miroir, ça n'était vraiment pas beau à voir.
Alix s'était traînée jusqu'à sa salle de bain pour chercher du désinfectant, des lingettes et, à vrai dire, tout ce qui pourrait lui servir. Quand elle s'était redressée – elle tenait à peine debout –, elle avait rencontré son regard dans le miroir. La grimace avait été automatique.
Son corps était déformé. Son visage était émacié, blanc, et des cernes noires s'enroulaient sous ses yeux. Elle n'avait rien mangé depuis des jours, elle avait seulement bu un peu d'eau depuis son réveil. Elle ne portait que des sous-vêtements, et le reste de son corps était détruit par les implants mécaniques, le sang, les bandages, les prothèses de fortune... Était-ce vraiment mieux que les insectes et le lichen ? Alix avait fini par se pencher au-dessus de ses toilettes pour vomir.
Ce n'était pas vraiment descriptible. Plus que l'image, monstrueuse, qui se dressait devant elle, c'était le fait qu'il s'agisse de son corps à elle. C'était ça, c'était ce dégoût de son propre corps. Elle ne se reconnaissait plus, son esprit ne parvenait pas à appréhender le fait que cette carcasse défigurée, c'était la sienne.
Un monstre.
C'était ce qu'elle était.
Dans le reflet face à elle, il ne restait pas grand-chose d'humain. Ça la terrifiait, ça provoquait en elle un dégoût à la limite du supportable. Et même si elle détournait les yeux, cela ne servait à rien, ce corps, elle vivait dedans, elle ne pouvait pas s'en défaire. Elle n'avait pratiquement pas pleuré de sa vie, mais à cet instant, devant la glace, elle aurait bien aimé.
Elle avait quitté la salle de bain, ne supportant finalement plus la vision de son apparence. D'un pas lourd, elle rejoignit son lit.
Son corps, elle n'en avait jamais pris soin. Que ce soit son masque anti-pollution, qu'elle n'avait porté qu'une fois sur deux, ou tout l'alcool et le tabac qu'elle lui avait imposé, et maintenant... Ça. Ces implants, et cette auto-mutilation – car on devait pouvoir appeler cela ainsi. Avec ce corps, elle n'avait pas été très clémente, et ce depuis son enfance. Parce-qu'elle n'avait pas jugé ça utile, qu'elle avait la tête à autre chose. Qu'elle s'en foutait, tout simplement. Parce-que ce corps qu'elle se trimballait depuis sa naissance, ça avait toujours été une tare plus qu'une bénédiction.
Et maintenant, elle le haïssait, elle aurait voulu pouvoir l'enlever comme un vêtement, le jeter dans une de ces ruelles suintantes. Elle aurait voulu en changer, ou ne plus en avoir du tout. Ça lui faisait du mal, le simple fait d'être dedans, prisonnière de ces restes d'humain. Rien que d'y penser, ça lui soulevait l'estomac, ça la foutait par terre.
C'est mon corps qui n'a jamais voulu sourire, pas moi.
Alix se laissa tomber de tout son poids sur le lit. Les ressorts grincèrent. Elle balaya d'un regard las ce qui l'entourait, ce décor impersonnel, son espace de travail en bazar, les objets qui recouvraient son lit. Elle se sentait à bout.
Ses yeux s'abaissèrent vers son corps, sombre. Elle attrapa sans le regarder l'un de ses outils, sûrement un tournevis, ça ferait l'affaire. Elle ne semblait plus qu'à moitié conscient de ce qu'elle faisait. Dirigé vers son genou, son regard s'était fermé. Et elle se jeta presque sur l'implant pour l'arracher.
Je déteste ce corps.
Elle hurla de rage quand de son articulation jaillit un geyser de sang.
**
Lentement, la rue défilait. C'était le soir. Le nuage de pollution se teintait d'orange, les lumières se reflétaient sur les façades de verre des buildings. L'air était saturé de drones, les passants se bousculaient dans la rue, et les voitures rivalisaient de vitesse sur la route comme sur les ponts supérieurs.
Alix dévalait la rue d'un pas rapide. Les mains dans les poches, la capuche rabattue sur la tête, elle n'était qu'une ombre au milieu des passants.
Elle n'était pas d'humeur ce soir-là. Plus tôt dans l'après-midi, elle avait eu affaire à des gars vraiment pas nets qui avaient essayé de la voler. C'était encore parti en combat de rue. Les deux vermines étaient reparties bredouilles, mais dans la bataille, le mechanical dont ils souhaitaient s'emparer était tombé. Alix n'avait pas pu le vendre, elle devrait le réparer maintenant. Ça lui avait laissé un goût amer au fond de la gorge.
Elle était allée déposer ses affaires en vrac chez elle et s'était aussitôt échappée dans la ville immense. Dans les moments où elle ne se sentait pas toujours très bien, Valoran lui ouvrait les bras. Là où l'air et les gens étaient brassés, où mille couleurs ponctuaient le paysage. Il n'y avait pas d'horizon, que ces immeubles comme les barreaux d'une cage, mais pour Alix qui n'en était jamais sortie, ça avait ce côté rassurant. Elle se fondait dans la masse, indistincte du reste de la foule, une âme comme toutes celles qui l'entouraient. Cachée au fond de sa veste, à l'abri de sa capuche, elle n'était qu'un corps ballotté entre ceux des autres.
La rue prit la pente et elle la gravit rapidement. Il lui fallait jouer des épaules quelques fois. Dans sa vision périphérique, les façades des immeubles défilaient à l'identique les unes des autres. Alors qu'elle bifurquait à un tournant, un véhicule de sécurité passa si près d'elle qu'il la frôla. Alix ne broncha même pas.
Bientôt, un air de rap s'éleva dans l'air. Elle leva le nez et prit le temps de détailler les bâtiments de ce nouveau quartier dans lequel elle entrait. Les immeubles se perdaient si haut dans le ciel que dans les rares espaces où celui-ci apparaissait encore, il était criblé de néons. Les lumières fluorescentes pullulaient le long des immeubles, alors même que la nuit n'était pas encore tombée. C'était un quartier dans lequel Alix n'avait pratiquement jamais mis les pieds. À la limite des districts entassés desquels elle venait, c'étaient les quartiers en périphéries du grand centre, ceux dont le taux de richesse était déjà plus élevé que dans les bordures de la ville ; et la seule architecture en était un indice suffisant. Les couleurs foisonnaient sur les façades de verre des buildings, les vêtements des passants s'embellissaient à mesure qu'elle avançait. Plus elle s'enfonçait en terrain inconnu, plus Alix devenait une tache au milieu de ce tableau richement décoré, elle vêtue de noir, qui portait sur son passage la marque de la pauvreté, de l'illégalité.
Parfois, quelques regards glissaient sur elle, peu s'y arrêtaient. La plupart des passants étaient complètement indifférents. Elle-même ne les dévisageait pas vraiment, plutôt occupée à détailler l'architecture environnante, les ponts qui reliaient les immeubles entre eux, desquels des néons pendaient, les grandes pancartes plus haut. Les mains toujours enfoncées dans les poches, les pensées encore en vrac, elle continuait d'avancer plus par automatisme qu'autre chose. Au fond d'elle, elle sentait qu'elle n'était pas à sa place dans cet environnement, mais marcher sans but lui permettait d'évacuer les pensées sombres qui la guetteraient si soudain elle s'arrêtait.
Un instant, son regard se baissa, alla à la rencontre du sol. Les lumières des néons projetaient des échos de couleurs sur l'asphalte de la route. Des voitures passaient, les vitres fermées. Quand elle releva les yeux, elle fut surprise en voyant à sa gauche un bâtiment étonnamment bas. Entre les gratte-ciels, lui ne possédait que quelques étages. Il était en pierre, avec au sommet un promontoire comme on en faisait plus. C'était assez sobre, il y avait de grandes fenêtres en verre sur la façade avant. Alix haussa les sourcils quand elle lut l'inscription en hauteur : Théâtre Saturne.
Ah... C'est ici qu'elle travaille ?
Maintenant qu'elle y repensait, Enola avait bien dû lui dire le nom de son théâtre quand elle l'avait invitée à passer. En tout cas, ce genre d'endroit ne devait certainement pas courir les rues de Valoran. Devant le bâtiment, les gens passaient toujours plus indifférents. Pendant un instant, Alix se demanda vraiment où Enola pouvait trouver des clients.
Elle resta un moment immobile devant la façade, se faisant bousculer par une silhouette inconnue. Honnêtement, elle n'avait jamais prévu d'y mettre les pieds, pas même de se rendre devant. Même maintenant qu'elle y était, elle n'était pas sûr de vouloir entrer. Un théâtre, non mais elle n'avait que ça à faire.
Réflexion faite, Alix songea au moteur qu'elle avait retapé pour le metteur en scène. Un sol entier qui se soulève ? Quels autres genres de machines Enola avait-elle été capable de mettre au point ? Si cela se trouvait, l'intérieur était un véritable musée de mechanicals tous plus farfelus et novateurs les uns que les autres. Alix se tourna un instant vers la route d'où elle venait, et où l'attendaient, à son extrémité, toutes les pensées sombres qu'elle tentait de refouler. Son choix était fait.
Alors, avec un peu d'hésitation, elle s'avança. Mettre un pied dans ce lieu ne lui semblait vraiment pas naturel. Elle croisa le regard d'un homme qui haussa un sourcil à sa vue, lui aussi avait l'air de dire, tu vas vraiment entrer là-dedans ? Eh bien oui, se résolut Alix. Là-dedans, des collections de mechanicals attisaient sa curiosité, et il fallait le dire, ce lieu hors du commun semblait vouloir vous aspirer à l'intérieur. Alors Alix franchit la porte.
Le hall était lumineux. Il y avait une première grande pièce, circulaire, avec un guichet fermé. Le long des murs s'élançaient des balcons. Il s'agissait d'une architecture occidentale très ancienne. Jamais de son existence Alix n'était entrée dans un lieu pareil. Ça lui donnait la sensation d'un rêve bizarre, à la limite de l'inconfortable. Les balcons était dorés et le plafond couvert d'immenses feuilles de palmier peintes à même la pierre. C'était étrangement beau, en bien trop grand décalage avec les rues de verre qu'Alix avait quittées une minute plus tôt. Elle se sentait tellement étrangère à cet endroit que, pendant un instant, elle songea à partir.
Mais elle prit sur elle et avança encore d'un pas. Face à elle, il y avait une grande porte qui devait mener à la salle de représentation, et de laquelle s'échappait une musique étrange. Alix n'avait jamais entendu un air pareil, c'était doux, il n'y avait pas de chant, rien que de l'instrumental. De son oreille inexpérimentée, elle pouvait facilement dire que cette musique était au moins aussi vieille que le théâtre et les costumes en soie d'Enola.
À nouveau, elle s'était figée, attentive au moindre détail. Elle tourna sur elle-même, son regard passant le moindre pan de mur au peigne fin. Trop irréel, et elle souhaita se remettre en mouvement, car si elle restait trop longtemps immobile au milieu de ce monde parallèle, elle allait avoir le tournis.
Mais quand elle se retourna vers l'entrée de la salle de représentation, son souffle se coupa dans sa gorge. Ses yeux s'ouvrirent un peu plus grand, et elle resta tout aussi statufiée qu'elle ne l'était jusqu'alors.
De la porte avait jailli un bateau, un bateau qui semblait avancer tout seul à bien trois mètres du sol. Jailli, c'était un bien grand mot, car il avançait assez lentement. Il devait faire un mètre et demi de long, un voilier, tout de cordages, une coque en bois luisante ; un vaisseau des temps anciens, comme sorti tout droit d'une époque reculée pour pénétrer directement dans son monde par cette porte ouverte.
Alix resta encore là un moment à le regarder bêtement. Le vaisseau tourna comme pour décrire un cercle à travers le hall. La jeune femme aux cheveux violets sembla se réveiller, papillonna des yeux, se reprit soudain. Cette vision merveilleuse avait titillé sa curiosité, et désormais, elle désirait plus que tout entrer là-dedans, pour découvrir quel mécanisme avait permis à ce bateau de bouger, et quels bijoux de la technologie elle découvrirait encore à l'intérieur. Alors, laissant le vaisseau promener sa coque seul, elle se remit en marche, et les buildings et les drones s'abandonnèrent à la jungle extérieure quand elle pénétra au cœur même du théâtre.
L'intérieur n'était pas moins époustouflant et Alix se figea à nouveau, comme si elle s'était oubliée elle-même. La pièce était déserte. Des rails de fer, assez discrets, couraient entre les rangées de sièges, et des bateaux se frayaient un chemin à travers la salle en suivant leurs courbes. De tailles plus ou moins grandes, c'étaient différents types de voiliers qui semblaient voguer entre les fauteuils rouges. La musique, ici, était plus forte, des crescendos agréables s'enroulèrent autour de ses oreilles. Des étoiles tombaient du plafond, au loin, un phare et le bruit des vagues. Entre les rideaux ouverts, elle pouvait apercevoir le sol de la scène, couvert de draps bleus transparents, diligemment se mouvoir.
Alors c'était ça. Elle avait beau savoir quel moteur faisait remuer ce plateau, elle en restait ébahie. C'était un mélange de mécanique pure, de bricolages artistiques, de morceaux d'illusions éparpillés. Comme des vagues douces portées par un vent invisible. La musique jouait encore, et elle n'était plus sûr de savoir si elle était toujours dans ce théâtre perdu au milieu de la ville fumante, ou dans un monde fantastique que la mer avait envahi. Des sensations d'euphorie enfantine la submergeaient, à mi-chemin entre le magasin débordant de jouets de Noël et l'impression de voir l'océan pour la première fois.
Et l'apaisement qui s'était emparé de son corps laissa place à un furieux sursaut quand un spot lumineux sembla tomber du plafond et s'écrasa sur la scène dans un fracas assourdissant.
— Bordel de merde de chiasse de foutre !
Les sourcils de Alix se haussèrent. Eh ben, ça ne rendait pas poli en tout cas. Lentement, elle se remit en mouvement, commençant à dépasser les rangées de siège pour aller voir de plus près. Bientôt, elle pouvait distinguer au-delà du rideau les structures de métal qui couraient le long du plafond. De l'une d'elles, elle aperçut un trapèze descendre lentement, une illuminée pendu à sa barre de bois.
Coucou Enola.
Les cheveux rappelés à l'ordre par la gravité, la metteuse en scène se laissait porter par le trapèze en grognant, un outil à la main. Alix la fixa avec amusement. Il fallait croire qu'avec le temps, ça ne s'arrangeait pas.
Arrivée suffisamment près de la scène, Enola tendit les bras, attrapa le spot et se redressa en position assise sans effort. Comme si ça ne demandait pas une force musculaire impressionnante d'effectuer un tel mouvement, surtout avec un lourd projecteur dans les bras. La trapéziste tira sur la corde et le mouvement s'inversa, la ramenant plus près du ciel, alors qu'elle demandait à son spot dans un chuchotement :
— Ça va, Henry, t'es pas blessé ?
Oui, définitivement, une bien drôle d'énergumène.
Alix enleva son masque et un bateau lui passa soudain devant. Elle admira un instant l'engin, le détail des cordages, la cabine, et surtout, les discrètes roues sous le vaisseau qui lui permettaient d'avancer.
Oui, pour une magie pareille, on était prêts à accepter des énergumènes comme Enola Fritz.
— Alors, comment va Henry ? Finit-elle par s'enquérir.
— Bah il est un peu cassé, mais c'est superficiel, ça l'empêchera pas de... Wait, qui est là ?
Enola se retourna soudain et aperçut la silhouette d'Alix en bas lui faire coucou. Elle ouvrit de grands yeux.
— Naaan, Alix ? C'est à ça que tu ressembles sans masque ? Depuis quand t'es aussi belle ?!
Face à un tel personnage, Alix ne pouvait s'empêcher d'être amusée. Elle fit encore quelques pas, enjambant un rail pour se trouver au plus près de la scène. Devant elle, le sol continuait de se mouvoir. Si on regardait bien, le mouvement était légèrement saccadé – ça restait un fichu sol –, mais les draps qui suivaient son mouvement donnaient l'illusion de vaguelettes rondes et harmonieuses. En illusions, Enola semblait savoir y faire.
— J'ai peut-être toujours été magnifique, et tout ce temps, tu n'en savais rien.
— Sainte Marie mère de Dieu, et dire que j'ai vécu vingt-deux années sans connaître un tel visage, quelle injustice.
Le sarcasme d'Enola n'atténuait pourtant pas le compliment. Alix leva la tête, croisa son regard. Elle aussi, c'était la première fois qu'elle la voyait sans masque. La metteuse en scène lui offrit un grand sourire, et Alix devait bien se l'avouer, qu'Enola aussi, perchée tout là-haut, elle était belle.
Puis l'air qui flottait autour d'elle revint lui titiller les oreilles.
— C'est quoi, cette musique ?
— Du Schubert. C'est un compositeur du dix-neuvième siècle. Ça s'est perdu, ce genre de musique, j'ai du mal à comprendre pourquoi.
J'ai du mal à comprendre les gens, en fait. Ça, Enola ne le dit pas à voix haute, parce que c'était assez évident pour ne pas être formulé. Parce-que c'était un sentiment qu'Alix connaissait assez bien elle-même, et ça, ça se sentait toujours assez rapidement.
Là-haut, Enola avait quitté son trapèze et s'était assise sur une poutre de fer, les jambes dans le vide de parts et d'autres de la structure de métal. Elle tenait fermement le spot de ses deux mains, et commença à se pencher pour le remettre en place.
— Tu casses souvent ton propre matériel ?
Il y eut un rire là-haut. Le regard d'Alix avait retrouvé le mouvement de vagues hypnotisant de la scène devant elle.
— Non, heureusement ! D'autant que je ne roule pas sur l'or non plus. J'ai juste eu un moment d'inattention, pauvre Henry...
— Ça oui, pauvre Henry.
Alix regarda à nouveau Enola, celle-ci était presque allongée sur la poutre pour replacer le spot correctement. Elle semblait l'emboîter sur quelque chose, lui aussi avait des petites roues latérales, comme les bateaux.
— Ça a l'air compliqué, ton truc.
— C'est surtout qu'il faut de la précision. C'est un rail, ça, c'est pour que le spot puisse se balader pendant une même scène. On peut faire se lever puis se coucher un soleil en une minute si on veut. Ça fait des super timelapses.
Alix ne répondit rien, fascinée. Comme elle l'avait dit, le théâtre, ça n'était pas vraiment son truc ; mais voir l'inventivité dont Enola faisait preuve, la façon dont elle donnait du sens à chaque mechanical qu'elle avait entre les doigts, ça, c'était fantastique.
— Bon allez, bouge-toi et aide-moi un peu. Tu sers à rien, là en bas. J'ai oublié une clé dans les coulisses, monte-la moi s'il-te-plaît.
Il fallut un instant à Alix pour enregistrer la demande, et ses yeux s'écarquillèrent.
— Mon... ter ?
— Oui, le contraire de descendre. T'inquiètes, y a une échelle pour les faibles. Tu n'es pas obligée de faire du trapèze.
— Du trapèze... C'est pas un théâtre, c'est un cirque... Et t'es un vrai clown si tu crois que je vais monter là-haut !
Enola stoppa son mouvement et se pencha pour lui lancer un regard courroucé.
— Ou bien tu refuses de me donner ton aide, et c'est vraiment égoïste, ou bien tu as peur des hauteurs, et c'est pas rester en bas qui va t'aider à surmonter ça !
Alix rétorqua avec la même mine d'oiseau pas content.
— Ça sert à rien de soigner une peur si je reste en bas !
— T'es une enfant !
— M'en fiche !
Enola soupira et se laissa tomber de tout son long sur sa poutre tandis qu'Alix restait en bas, les bras croisés.
— Je peux pas laisser Henry, il est pas fixé, et il est super lourd ! J'ai vraiment besoin de toi ! Ingrate !
— Je suis pas une ingrate, je te dois rien, d'abord.
— Tu me dois le plaisir d'enfin avoir un métier passionnant, alors soulève ton cul de là !
Et le pire, c'était qu'Enola avait vu juste. Comment elle sait, même ?
Avec un grognement exagéré, Alix se dérida enfin. Elle escalada la scène, les draps bleus et blancs vinrent lui chatouiller les mollets à travers son jean.
— Elle est où, ta merde ?
— C'est une clé à molette et elle est là derrière, entre les deux pans de rideaux.
Alix traversa lentement la scène, elle avait l'impression de déranger ces draps qui vagabondaient joyeusement sur le plateau lisse. En quelques enjambées, elle se trouva derrière le pan de rideau et attrapa la clé argentée qui se trouvait effectivement là.
— Si je la lance un peu fort, tu peux la rattraper, non ?
Un soupir s'échappa des hauteurs.
— Écoute, Alix, je suis très contente que tu sois plus bavarde que d'habitude, mais non, me lancer un outil en métal alors que je suis en équilibre à presque quatre mètres du sol ne va pas m'aider !
Alix soupira avec mauvaise foi. D'un pas lent, elle se dirigea vers l'échelle contre le mur et entreprit de l'escalader. Il suffisait de ne pas regarder en bas, non ?
Échelon par échelon, elle s'éloignait peu à peu du sol. Elle essayait de ne pas y penser, mission impossible. Si loin de la terre ferme, l'outil semblait peser une tonne dans sa main. Et non, Alix, l'altitude ne fait pas augmenter le poids de la gravité. Surtout quand l'altitude fait deux mètres.
Quand elle arriva en haut de l'échelle, elle resta face contre le mur et brandit simplement un bras tremblant derrière elle, les yeux fermés, priant pour qu'Enola vienne vite chercher son outil et qu'elle puisse tout aussi rapidement redescendre. De sa poutre, la metteuse en scène lui envoya un regard contrit. Elle s'en voulait un peu de lui faire subir ça, mais...
— Alix... M'en veux pas, mais je suis trop loin pour l'attraper, là...
— C'est une blague. C'est une blague, répéta la vendeuse dans un murmure. Je dois, là maintenant...
Enola afficha un sourire désolé qu'Alix ne vit pas.
— Idéalement, venir me l'apporter, ouais...
— Okay, c'est définitif, je te déteste.
Alix ferma les yeux, prit une grande inspiration, puis se hissa sur ses bras pour s'asseoir sur une poutre. Toujours plus haut. Elle s'immobilisa quand elle fut calée, essayant réellement de prendre sur elle pour ne pas défaillir. Ce serait bête de perdre connaissance à une hauteur pareille.
Dans des gestes lents et tremblants, elle se retourna et entreprit de se laisser glisser sur la poutre. D'ici, elle ne pouvait plus ignorer le sol à quelques mètres en dessous d'elle. À mesure qu'elle avançait, centimètre par centimètre, elle marmonnait toutes les insultes qu'il avait en stock. Et peut-être que, à voix basse, elle insultait Enola sur dix générations.
— Allez, tiens, prends-la, ta clé.
Enola sourit doucement quand Alix parvint en face d'elle, séparée par un tout petit mètre, elle aussi à califourchon sur la poutre. Les doigts de la jeune femme étaient serrés autour de la poutre, leur jointure avait blanchi. La metteuse en scène saisit l'outil avec reconnaissance.
— Merci beaucoup, Alix.
Celle-ci ne répondit rien, le regard droit devant elle, tentant toujours d'ignorer le vide qui lui tendait les bras.
Elle baissa à nouveau les yeux vers Enola, et vit que celle-ci semblait avoir des difficultés à tourner la clé tout en soutenant le poids du spot. Avec un long soupir, Alix s'avança un peu, malgré sa peur, et tendit la main pour l'aider à porter le projecteur. Enola leva vers elle un regard surpris, mais ne fit pas de commentaire. Elle était composée à cent pour cent de sarcasme, et pas sûr que, dans son effort, la vendeuse apprécie qu'à l'instant, elle se moque d'elle.
— C'est fixé, merci beaucoup.
Alix ramena doucement sa main à elle, poussa un long soupir. Elle allait enfin pouvoir redescendre.
— Attends une petite minute.
— Hm ?
Enola se retourna vers elle d'un air innocent, et Alix la dévisagea, suspicieuse.
— Il y a une plateforme, juste là. Pourquoi tu n'y as pas posé Henry pour aller chercher ta clé toi-même... ?
— Oh.
Enola se gratta l'arrière du crâne, gênée. Bon, de toute façon, c'était fait...
— J'y ai pas pensé... Mais... On est bien, là-haut, non ?
— Tu te fous de ma gueule ?!
La châtaine eut un rire gêné. Même si une part d'elle semblait amusée, il y avait une vraie culpabilité dans son regard. Alix leva les yeux au ciel avec un grognement.
— Je te hais de toute mon âme, sache-le.
— Encore désolée, murmura Enola à la manière d'une enfant qui se fait gronder.
Alix leva à nouveau le regard et le planta dans celui de sa vis-à-vis. Là-haut, il faisait un peu plus sombre, puisqu'elles étaient au-dessus des spots. Mais dans la semi-lumière orangée, le regard d'Enola brillait. Un peu soudainement, Alix était incapable de détacher son regard d'elle. Au loin, Schubert semblait s'être presque tu. On entendait tout juste le bruit des vagues et le tissu qui se soulevait en bas.
Enola ne disait plus rien, elle aussi se contentait de regarder Alix en silence. La femme aux cheveux pâles la dévisageait, les yeux de la metteuse en scène étaient doux, elle avait quelques tâches de rousseur discrètes, ça lui allait bien. En fait, Alix avait presque l'air surprise de la trouver belle. Ou alors c'était juste ce regard qui avait quelque chose de captivant, tellement captivant que pendant une minute, elle avait complètement oublié le vide sous ses pieds.
Et puis Enola sourit, et le cœur d'Alix loupa un battement. Espèce d'illuminée, songea-t-elle. Mais là, avec la musique et les câbles enroulés au plafond, Enola était dans son élément, et de sa posture jusqu'à son sourire, elle avait réellement quelque chose de théâtral.
Un murmure s'éleva dans l'air, tout bas, indicible. Le ton était posé, la voix n'osait pas s'élever comme par peur de casser quelque chose qui ne faisait qu'éclore.
— Tu ne souris jamais comme ça ?
Le sourire d'Enola s'était agrandi d'un tout petit millimètre, comme pour joindre le geste à la parole. C'était vraiment un beau sourire. Alix déglutit et répondit tout aussi bas :
— Non. Pas comme ça.
— Je vois.
Le sourire d'Enola s'agrandit, devint plus franc, au loin, Schubert laissait retentir ses dernières notes. Avec le bruit des vagues, on aurait dit que, en-dessous d'elles, la mer s'agitait vraiment.
— Tant que tes yeux sourient, moi, ça me va.
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