11 septembre 2017

/!\ lisez jusqu'à la fin pour savoir à qui appartient le dessin en cours en média /!\

Comme j'ai parlé avant des concours je me suis dite que ça ne ferait pas de mal de parler des sujets. Comment fait-on un bon sujet ? Comment trouve-t-on l'originalité ? Comment parvient-on à ce tant convoité sujet ICP ? Comment juge-t-on nos sujets.

Déjà, comment trouver un sujet original ? Deux options : soit faire comme moi et partir loin loooiiiin, aussi loin que possible des sujets déjà faits. Vu que tous les sujets habituels et pas originaux sont basés sur le superficiel, l'apparence ("une fille gothique", "une princesse" par exemple, et même "l'été" et "Halloween" sous entendent d'un côté des sables jaunes, des pique-niques, des costumes ou des fantômes) on fait un sujet qui se centre sur un concept, où même le sujet en lui-même est cryptique, et où les dessinateurs doivent décrypter, puis réintégrer dans leur dessin.

Cependant lorsqu'on n'a jamais fait de cours de philo de sa vie ça peut paraître difficile à faire pour les dessinateurs et encore plus difficile à inventer pour l'organisateur.

Du coup on cherche ces ICP, "innovative crowd-pleaser", le sujet qui plaît à beaucoup de monde et qui est original. Pour trouver celui-ci il faut réfléchir. Souvent les sujets qui plaisent sont ceux qui mélangent idée et superficialité.

Souvent, les sujets viennent quand l'organisateur a une passion hors le dessin qu'il tient à partager, que ce soit la protection de l'environnement, l'histoire d'un pays, un sport, une mythologie et d'autres encore, il trouve le moyen d'inspirer les autres.

Les problèmes avec cette façon de trouver un bon sujet est que 1) une même personne ne peut avoir que 5 ou 6 hobbies maximum en général donc le stock est assez vite épuisé, et 2) ta passion n'est peut-être pas la passion d'un autre.

Que faire alors ? Eh bien, élargir le sujet.

Prenons un exemple : je suis particulièrement passionnée par la mode de l'Angleterre victorienne. Bien que je ne sois pas la seule dans ce cas, nous ne serions pas assez pour faire un concours là dessus. Ainsi le sujet "l'ère victorienne" (qui à priori marcherait car on combine le superficiel de la mode avec les idées morales de cette époque que la mode reflète) ne marche pas parce que c'est trop niche. C'est aussi pour ça que les concours avec trop de restrictions ne marchent pas non plus : le concours attire les personnes déjà intéressées, mais n'invite pas les personnes qui ne connaissent pas à découvrir en dessinant.

Par contre, ce qui marcherait mieux, c'est "un ambassadeur du passé" dans lequel il faudrait représenter une personne habillée d'une tenue vestimentaire classique d'une époque précise de l'histoire du monde. Ainsi, on englobe plus de monde en laissant plus de liberté : chacun peut pavaner sa passion, que ce soit le vintage des années 60, les multiples jupons de l'époque géorgienne, les somptueux kimono de l'ère Edo, ou encore les robes de soie de Cléopâtre. On donne non seulement aux participants l'occasion de pratiquer leur passion, mais également la possibilité de faire découvrir à d'autres la beauté de quelque chose qui les intéresse.

Le deuxième sujet découle du premier, car l'on considère la nature de ce qui nous intéresse, et non ce qui nous intéresse en lui-même. On ne fait pas un sujet où l'on est obligé de faire comme nous, mais un sujet où nous ferions comme ça si nous avions à y participer. Trouver un sujet qui peut plaire à beaucoup de monde sans pour autant forcément plonger dans des idées abstraites, c'est l'exercice de trouver une réponse, puis trouver une question.

C'est pour ça que c'est une bonne idée aussi de poser des questions autour de vous : quels sont les hobbies de vos amis qui pourraient potentiellement vous inspirer un dessin ? Quels sont ceux qui ne vous inspirent pas un dessin ? Est-ce qu'il y aurait un sujet qui permetterait et à votre ami de dessiner quelque chose en lien avec son hobby, et qui vous permettrait de dessiner quelque chose qui vous plairait aussi ?

Après il faut savoir trouver le juste milieu : si le hobby de votre ami est par exemple la plongée synchronisée, et le votre est la discipline équestre du dressage, on n'a pas besoin d'élargir au point où le sujet c'est simplement "les sports", parce que ça on peut trouver en 2 minutes. Par contre on peut se demander ce que ces deux sports ont en commun : tous deux ont pour but d'impressionner un public ou un jury. Tous deux sont des sortes de danses. On pourrait formuler un sujet qui permette de les réunir plus étroitement, il suffit d'en trouver les mots. On pourrait nommer également dans le même genre la danse, la gymnastique, le patinage artistique, les arts du spectacle.

Réfléchir et être créatifs. "What is the difference between a raven and a writing desk?" demande le Chapelier Fou dans Alice au Pays des Merveilles. Votre travail en tant que créateur de sujets n'est pas de voir en quoi ce que quelqu'un d'autre aime dessiner est différent de vous, mais en quoi c'est pareil.

Ensuite, un point que j'aimerais signaler et dont j'ai déjà parlé : les restrictions que vous mettez à vos sujets sont tout aussi importants que le sujet lui même. Les mettre au pif pour rendre ça plus difficile, c'est chercher à se faire disputer par des participants.

La plus grande erreur que puisse faire un organisateur est de penser que les restrictions ont pour but de rendre la tâche plus difficile. C'est faux, elles doivent rendre la partie plus intéressante, on lance un défi aux dessinateurs, on ne leur met pas des bâtons dans les roues.

Si vos restrictions sont trop complexes ou paraissent trop random, vous perdrez des compétiteurs. Des restrictions qui obligent à dessiner les cheveux d'une certaine façon, ou qui interdisent certaines couleurs illogiques vu le sujet mettent un coup dans l'imaginaire du dessinateur, car ce n'est pas un défi, c'est juste une irritation. Dire que le personnage doit avoir les cheveux détachés et longs, c'est priver le dessinateur d'un arsenal de créativité et le bloque dans son originalité. En effet, si tout le monde doit le faire, les coiffures seront très semblables dans l'absolu.

Pareil, enlever l'utilisation de certaines couleurs, d'accord, selon le sujet ça peut rendre la partie très intéressante, mais si c'est au hasard non merci. Par exemple dire qu'on doit utiliser seulement du rouge, bleu, vert et jaune pour faire un portrait psychadélique, c'est cool. Priver les dessinateurs de bleu s'ils doivent faire un dessin sur le sujet du patriotisme français, c'est con.

Les restrictions doivent être réfléchis afin de pousser les dessinateurs dans une direction donnée, enflammer leurs passions, non pas leur faire dire "ah mince je peux plus faire ce que je voulais".

Aussi les restrictions qui impliquent énormément de travail sont à proscrire, car l'effort fourni doit être un choix, non une obligation pour attirer beaucoup de personnes. Par exemple les restrictions qui obligent de faire figurer 5 personnages en entier sur le dessin ou alors l'obligation de faire un fond détaillé et réaliste va en décourager beaucoup. On peut le conseiller, mais l'obliger n'est pas bon pour le concours.

Je signale quand même que l'obligation de faire un fond tout court n'est pas du travail superflu puisque celui-ci peut être abstrait ou simplement être un motif afin de donner l'ambiance et en dit beaucoup sur le dessinateur.

Je passe enfin à ma troisième partie : comment juger son concours ?

J'ai parlé avant des multiples avantages et inconvénients des différents façons de juger un concours. Ici je vais parler uniquement de la méthode soit avec une personne seule qui juge, soit avec un jury.

Lorsqu'on créé un sujet qu'on veut utiliser pour le concours, on suit un plan : d'abord on trouve l'idée, après on cherche comment le formuler de façon aussi claire que possible, et enfin on se pose la question de nos attentes.

Qu'est-ce que je veux que les participants fassent ? Qu'est-ce que je vais valoriser dans les dessins ?

Ce sont des questions importantes car si on n'a pas de réponse, on a beau dire "je juge pour l'originalité" on finit par juger par la beauté subjective d'un dessin.

Quand on dit "je juge pour l'originalité", comment on mesure l'originalité ? Comment peut-on dire avec certitude qu'un dessin est plus original qu'un autre ? Souvent les jeunes dessinateurs confondent originalité et complexité de composition, alors qu'un dessin très simple peut être original aussi. Les questions que je pose ici sont des questions auxquelles il faut au moins un semblant de réponse avant de commencer. C'est clair qu'on ne trouvera pas la définition d'originalité parfaite avec un système de notation, mais il faut au moins être clair sur ce que veut dire l'originalité pour soi.

"Qu'est-ce que je vais valoriser dans les dessins ?" est la question qui règne sur le jugement de concours. Si on veut mettre les jeunes et expérimentés sur un pied d'égalité, alors il faut trouver comment prendre en compte la qualité du dessin fourni par rapport aux capacités reconnues précédentes du dessinateur. A-t-il plus ou moins soigné ce dessin que les précédents ? A-t-il eu la bravoure de tenter une nouvelle technique ?

Je conseille lors de la conception d'un sujet d'avoir avec vous un papier A4 avec un crayon. Vous divisez le papier en deux avec un ligne horizontale. Ceci est votre brouillon.

Sur la partie du haut, vous cherchez votre sujet. Vous avez quelque chose qui vous passionne en tête ? Cherchez comment le rendre plus accessible à tout le monde. Écrivez les éléments que vous voulez retrouver dans les dessins, ce qui vous a fait vous intéresser à cette idée en premier lieu. Ensuite écrivez plusieurs façons de formuler votre sujet, et essayez de réfléchir à plusieurs dessins aussi différents que possible qui pourraient s'appliquer à ce concours, et choisissez la formulation qui est la plus précise mais qui permet au moins 3 dessins différents qui pourraient intéresser d'autres personnes que vous.

Voilà, vous avez votre sujet. Ça vous a peut-être pris 2 heures, peut-être 2 semaines, mais vous l'avez. Gardez cette feuille avec vous partout, comme ça si jamais vous avez une pensée subite à ce propos après avoir laissé votre esprit divaguer, vous pouvez l'écrire. Maintenant phase 2 :

La deuxième moitié de la feuille sera la moitié "mes attentes". Écrivez sur la moitié de feuille n'importe où n'importe comment les éléments que vous valoriserez dans les dessins qu'on vous rendra, les choses qui permetteront aux compétiteurs d'avoir un bonus. Écrivez en plus gros ce que vous valoriserez le plus, et en plus petit ce qui donne un bon point mais qui est secondaire.

Voilà, votre brouillon est fait. Lorsque vous écrivez le chapitre d'annonce des concours, ayez ce papier avec vous. Cela vous permettra d'être plus clair, d'affiner plus l'énoncé du concours, et d'être plus confiant lors du jugement. Vous pouvez également faire parvenir la deuxième moitié de feuille à votre jury afin de leur donner une idée de ce qu'ils cherchent dans le dessin.

Voilà, ces conseils et cette façon de faire est une version simplifiée de ma méthode (qui elle même est dérivée de mes brouillons de philo). Elle ne fonctionnera peut-être pas pour tout le monde, mais j'insiste tout de même que faire un brouillon papier pour réunir ses pensées avant de lancer un concours permet d'avoir tout de suite plus de confiance et de dynamisme. En plus vous serez capables de répondre tout de suite avec aucune hésitation aux questions qu'on vous pose sur vos sujets, car vous vous les êtes déjà posées vous-mêmes.

J'espère que cela aura pu vous aider !

- K

PS : ReiMakesArt est une petite à qui on me compare beaucoup au niveau du style de dessin. Je maintiens que je n'ai pas de style, mais j'admets qu'elle ne dessine pas trop mal (un screen d'un de ses dessins en cours publié sur son artbook se trouve en média) alors si vous pouviez lui donner un peu d'amour je pense que ça lui ferait plaisir.

Edit : le compte ReiMakesArt est mon deuxième compte. Je m'en suis servie pour une expérience sociale présentée plus tard dans ce livre afin de savoir s'il y avait un traitement de faveur pour les personnes "connues" vs les personnes "non connues" lors de concours.