13 août 2017

Bonjour tout le monde.

Ceci est un rant parce que je suis énervée et passive agressive X).

J'ai déjà longuement parlé de ce sujet dans mon premier carnet de dessin, mais j'ai été confrontée à quelque chose qui m'a poussée à renouveller le sujet.

Vous avez lu le titre, on parle de la prise de modèle en dessin.

Déjà avant d'avancer mon argumentaire / explications je vais juste clarifier ce que je veux dire par prise de modèles.

Par prise de modèle, c'est trouver un dessin ou une photo (préférablement une photo) et le recopier ou en recopier des éléments. Ces modèles peuvent être simplement une inspiration pour un élément précis, un bijou sur un vêtement ou un détail de fond, une base pour une pose qu'on peut "habiller" d'un visage et de vêtements qui viennent de l'imaginaire de chacun ou carrément une étude, une copie de l'original. C'est souvent ce dernier type qui se prend une mauvaise réputation, surtout lorsqu'il s'agit d'un dessin qui est copié car on (ce "on" est souvent idiot, je signale) parle de plagiat en le voyant. Je répète que copier un dessin, du moment que ce n'est ni volé (dessin enregistré, modifié avec un logiciel, puis appelé le sien) ni décalqué (page blanche par dessus l'original et on trace), ce n'est pas un plagiat mais peut être considéré comme un entraînement. Tout le monde qui dessine bien a appris par mimétisme, souvent ça commence par là.

Je répète parce que c'est important : TOUT LE MONDE QUI DESSINE BIEN AUJOURD'HUI A COMMENCÉ AVEC LE MIMÉTISME.

Où veux-je en venir ? Déjà voyons d'où je suis partie.

J'ai vu une jeune dessinatrice demander des conseils pour apprendre à dessiner. Elle est au tout début de son apprentissage en dessin (sachant qu'un apprentissage peut durer des dizaines d'années voire toute une vie). Parmi les conseils, j'en ai vu des bons : dessiner tous les jours (et si c'est pas possible, dessiner aussi souvent que possible, au lieu de glander sur les réseaux sociaux en attendant qu'il se passe un truc), dessiner ce que tu vois dans la vie de tous les jours...

Cependant j'ai vu quelque chose qui m'a choquée : le commentaire "te sers-tu de modèles ? Si oui arrête tout de suite". Je paraphrase mais c'est l'essence de la chose.

Vous voyez pourquoi je répète "tout le monde commence avec l'imitation ?". Pour moi cette phrase est choquante parce qu'elle est 1) totalement illogique, 2) peut ralentir beaucoup la progression d'un jeune dessinateur et 3) aide à propager le stéréotype que la prise de modèle est mal.

Je vais expliquer mon point de vue point par point.

1) inciter une jeune dessinatrice à ne plus utiliser de modèles est illogique. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans le cas de la personne en question, c'est supprimer son professeur. Pour quelqu'un qui veut apprendre à dessiner en "autodidacte", les choses que nous ayons qui s'apparentent le plus à un maître sont les images et les dessins qui nous inspirent. Une photo de personne te dit comment dessiner une personne. Il faut non seulement étudier longuement, reproduire répétitivement les formes qu'on voit, mais en plus il faut avoir l'autodiscipline de le faire régulièrement, (plus de 5 fois par semaine au moins si on veut avoir un bon rythme de progression) car on n'a pas de professeur pour nous y pousser. Sans cet appui de modèles, il n'y a vraiment plus rien, rien, qui puisse nous dire où ça ne va pas ni comment potentiellement le régler. Cela me mène au 2)

2) si on n'a rien ni personne pour nous expliquer (pas par les mots dans le cas du modèle, mais par les images mêlé à la capacité d'observation du dessinateur qui s'améliore au fur et à mesure), c'est presque impossible de progresser. Ici, prendre de mauvais modèles (comme des dessins médiocres) et ne pas en prendre du tout revient à peu près au même : on ne gagne pas en capacité de dessin. On ne peut bien dessiner d'imagination si notre imagination ne connait pas les bases. Une imagination bien entraînée peut créer un modèle 3D proportionnel d'un être humain pour le contorsionner dans tous les sens et le voir sous tous les angles. Sans entraînement, il n'en est rien. Ce petit pantin imaginaire n'est pas en bois mais en gelée, il peut se déformer si on essaye de l'articuler d'une façon inhabituelle, les muscles changent de points d'accroche, les bras deviennent des spaghettis qui se plient en courbe parfaite, les jambes des colonnes de marbre...

Des trucs comme ça. C'est passablement proportionnel, mais c'est imprécis, les muscles et articulations sont flous tout simplement parce que dans la tête ils sont tout aussi flous.

D'un autre côté, après avoir dessiné avec modèle (c'est là que les photos se montrent supérieurs aux modèles dessin parce que souvent les dessins se servent d'une connaissance précise de la structure des muscles pour simplifier la forme tout en gardant les courbes qui sont la base du corps humain, si on s'appuie directement sur la version simplifiée, bah il nous manque des infos) encore et encore, on connaît les courbes, on bannit les jambes qui ne sont que des droites parallèles, on sait dessiner un coude :

Et encore, là c'est bof parce que les mecs c'est pas mon point fort, mais ça reste infiniment plus esthétique et vivant que la première version. En supprimant les modèles à un stade de dessinateur embryonnaire, on avorte sa possibilité de progresser jusqu'au stade ou, en effet, il n'a plus besoin de modèles.

Enfin le 3) ça propage l'idée que les modèles, c'est le mal.

Ce n'est pas le cas. Au contraire les modèles sont primordiaux pour progresser. Il suffit de voir la méthode la plus respectée et connue utilisée dans les écoles d'art qui ont la réputation de faire progresser : les cours de modèle vivant. Y'a le mot modèle dans le titre carrément. Si les modèles étaient si mauvais, pourquoi les utiliserait-on aussi voracement dans les hauts niveaux ?

Pourtant je vois encore des jeunes dessinateurs se mettre un énorme frein en disant "je veux dessiner que sans modèle" ou pire encore, mettre un frein à d'autres qui les admirent (et qui en sont à un état encore plus jeune de leur voyage de dessinateur) en leur disant que les modèles ne sont pas bons pour eux.

Personnellement, je peux faire des dessins simples sans modèle, mais j'ai surtout besoin de progresser dans ma connaissance des muscles du dos et des articulations épaules / hanches. Du coup je fais des entraînements rapides à partir de photos. Je me permets maximum 5 minutes par pose, et une fois que j'ai fini la page, je reviens sur les croquis pour corriger.

C'est en se servant de modèles qu'on se donne la possibilité de s'en sevrer.

Voilà, rant illustré...