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Vendredi 13 octobre 2524 - PARTIE 1



And the lady-bot take my heart, Oooh lady-bot, Ooooh, lady bot...

« Oh, non ! Pas déjà ! S'il vous plaît, dites-moi que je rêve ! »

Je me réfugie sous mon oreiller, loin de mon réveil. Je ne supporte plus d'entendre cette boîte de conserve me chanter l'atrocité du moment. Ça fait un bout de temps que je pense à m'en débarrasser. D'autant plus qu'ils viennent de sortir le modèle Aurora chez Univer's – celui qui met les rêves en pause. Mais ce n'est pas avec mon salaire d'arpète que je pourrai me l'offrir. Je suis condamné à me réveiller à coup de Lady-bot ou pire, de Biologic-Mechanic-Organic – une horreur pour les tympans.

Trois bonnes tapes sur la machine de torture, et je me réconcilie avec le silence. Je m'étends les bras levés. C'est dingue à quel point un lit peut-être tendre et chaud de bon matin. Mais pas le temps de m'y prélasser, je dois aller travailler.

Ce qu'il y a de bien avec la routine, c'est qu'elle regorge d'habitudes bien ficelées. M'étirer, enfiler pantalon, chemise et veste est l'affaire de 15 minutes. C'est aussi le minimum dont a besoin mon cerveau pour chauffer la vapeur. Prendre mon petit-déjeuner se fait en deux minutes – le temps d'emboîter une capsule dans mon poignet. Activer mon droïde d'accompagnement nécessite trois minutes, étant donné que ce n'est pas un modèle récent. Et enfin, marcher jusqu'au lycée où je travaille se fait en dix minutes – avec de bonnes chaussures. Je me réveille donc toujours trente minutes avant mon premier cours, car, malgré le fait que la vie soit courte, je reste un incorrigible roupilleur.

Ce vendredi est un jour comme les autres. J'arrive à la bourre à l'école à cause de ce satané nœud de cravate – jamais assez droit, jamais assez serré. C'est une formalité dont je me passerais bien. Le concierge m'ouvre la porte avec un rictus en coin, l'air de dire : tiens, voilà Mr Gargan ! Tous les matins en retard, à la même heure ! Je lui réponds d'un maigre sourire et me hâte vers ma salle de classe, le front transpirant, ma chemise pendant sur ma ceinture en deux fanions, ma sacoche ballottant contre ma hanche.

Arrivé dans le couloir du deuxième étage, je peux entendre mes élèves chahuter. Je parviens devant la porte. Je réajuste une fois de plus ma cravate, j'enfonce ma chemise dans mon pantalon et reprends mon souffle. Je pose une main ferme sur la poignée.

J'entre.

Je suis surpris. J'ai l'impression de m'être trompé de pièce – chacun est à sa place, les bras croisés, le visage neutre, presque angélique. Je me doute que ces petites têtes jubilent intérieurement. À cet âge-là, ils se croient assez malins pour duper n'importe qui. Ils pensent que les adultes sont stupides, démodés et fragiles émotionnellement. Ils nous voient comme des machines obsolètes, de véritables dinosaures. Nous avons vieilli avec notre monde, et de toute évidence, le nouveau leur appartient. Je préfère leur laisser ces croyances avant-gardistes. Ils les perdront en grandissant.

Je ravale ma salive, puis je donne le ton professoral.

« Bonjour à tous !

— Bonjour, monsieur Gargan ! » me répondent-ils en chœur.

Je dépose ma sacoche en cuir sur mon bureau et examine le compteur situé au-dessus de la porte. Tout le monde est là, sauf le jeune Kavinski. Je m'en doutais un peu, cette petite tête blonde n'a jamais aimé l'Histoire – mais peut-être n'aime-t-il pas l'enseignant. J'enclenche le tableau d'un claquement de mains. Du bout de l'index, je commence à modéliser mon cours sur les années lumière. Seulement la moitié de mes élèves semblent attentifs, c'est pourtant leur dernière année scolaire, mais il ne faut pas oublier qu'ils n'ont que 14 ans.

« Qui peut me dire quand la première lumière blanche s'est manifestée ? » je demande en naviguant du regard dans la classe.

Une main se lève. Je la désigne.

« Oui, Régis ?

— Le 6 janvier 2456, Monsieur. À 14 h 47 pour être plus précis. C'est à ce moment-là que la première lumière est tombée du ciel.

— Exact. »

Je claque des doigts et fais apparaître la représentation holographique d'articles de presse accompagnés de photos.

« Un flash géant, ont dit certains. Un éclair sans fin, ont décrit d'autres. À l'époque, tout le monde est d'accord pour dire que personne n'a jamais vu de chose semblable. Mais peu importe à quel point cette fameuse lumière a pu être éclatante, le plus grave est arrivé lorsqu'elle a disparu. Oui, car quelques minutes plus tard, quand tous ont retrouvé la vue, il est apparu que les personnes ayant soixante ans et plus étaient écroulées au sol, le souffle coupé, les yeux grisés par la mort – le cauchemar venait de commencer. Personne ne s'attendait à une telle chose. Il y a eu de nombreuses autopsies, mais elles ont toutes rendu le même verdict : arrêt brutal de l'organisme. C'était comme si on avait arraché les piles de plusieurs millions de jouets en même temps, car ils étaient trop âgés – comme si l'enfant d'un pseudo-Dieu avait fait du tri dans sa chambre. Mais le pire, c'est que plus personne n'a pu vieillir au-delà de soixante ans après cet évènement. »

Je me racle la gorge.

« Bien. Quand est-ce que la deu... »

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'une main se lève au premier rang. Il s'agit de ma petite préférée.

« Madeline ?

— La deuxième lumière est apparue 33 ans plus tard, le 9 avril 2489. Depuis, il nous est impossible de vivre au-delà de 40 années. »

J'approuve de la tête et lui adresse un sourire satisfait.

« C'est tout à fait ça. »

Je claque de nouveau les doigts, remplaçant les articles de presse par une courbe de mortalité – celle-ci s'écrasant brutalement au niveau des 40 ans. J'enfonce mes mains dans mes poches.

« De nombreuses recherches ont été effectuées, mais malgré nos efforts, nous ne sommes jamais parvenus à expliquer ce phénomène. Le seul pouvoir que l'homme a face à l'inconnu, c'est de lui donner un nom. Et ce ne fut pas difficile, il l'appela la limite. »

J'efface l'hologramme d'un revers de bras et m'assieds sur le bord de mon bureau.

« Je vais être bref. J'ai conscience que je n'ai plus grand-chose à vous apprendre sur le sujet. À n'en pas douter, vos parents vous ont transmis cette partie de notre histoire dès que vous avez eu l'âge de la comprendre. J'appelle ça une connaissance chewing-gum – vous avez dû la mâcher et la remâcher au cours de toutes vos classes précédentes. C'est pourquoi, même si les années lumière se trouvent dans le programme de cette année, je n'ai pas l'intention de vous l'enseigner plus que je ne viens de le faire. Vous êtes confrontés chaque jour qui passe aux conséquences de la limite, qu'elles soient politiques, économiques ou sociales. Notre société s'est adaptée à notre nouvelle espérance de vie, et vous avez grandi avec elle. Vous la connaissez sur le bout des ongles – je n'ai plus rien à vous apprendre de ce côté-là. »

Je joins mes mains entre mes genoux et observe ma classe.

« S'il y a bien une chose que la vie m'a enseignée, c'est que le passé est intemporel. C'est un peu comme un géant qui se nomme hier et qui, dès aujourd'hui, grignote demain. Tout ce qu'on espère en tant qu'être humain, c'est qu'il ait le plus de demains sur lesquels se faire les dents, car quand il arrive au dernier, il nous avale sans mâcher... Je suis professeur d'histoire, et mon but est de vous faire comprendre l'importance de se pencher sur les pas de ce géant, car pour prédire où il va, il faut connaître d'où il vient. »

Je me redresse et réactive le tableau holographique.

« Prenons notre loupe et faisons marche arrière... Avant, il nous était possible de vivre au-delà de 100 ans... »

Le cours se poursuit dans l'attention, le désintéressement et les chuchotements. Très vite, midi sonne.

Je me rends à la cantine sans grand espoir d'y être surpris. La carte n'a pas changé depuis des années. Je relève la tête de mon assiette de frites-saucisses avec un haut-le-cœur – l'odeur m'obstrue les narines d'un souvenir nauséabond. Les élèves, eux, semblent apprécier. C'est le but, leur apprendre qu'avant le progrès, on devait sentir, couper, mâcher, savourer, puis avaler – et même parfois, vomir. Je décide de me rabattre sur mon dessert, un gâteau à la fraise dans un costume de chantilly. Je glisse ma gamelle de frites devant Jack qui me remercie d'un sourire mâché.

T'es plus à ça prêt. Hein, Jack ?

Jack Rilong est professeur de chimie – un goût-goût', comme on les surnomme. Il est si gros qu'on a l'impression que sa blouse peut exploser à tout moment – mitraillant de boutons tous les malchanceux assistant à l'effroyable évènement. Il ne dit ni bonjour, ni au revoir, ni merci. Il ne fait que sourire la bouche pleine. Même ses cours sont muets – sa cavité buccale n'étant là que pour assouvir son insatiable appétit. On raconte qu'il a pris 70 kilos après la mort tragique de sa femme. Ça ne m'étonnerait pas. Il s'agit d'un homme maussade, aux yeux profonds et nébuleux comme deux trous noirs. Tout ce qui gravite autour de lui semble voué à sombrer dans les ténèbres. Ce qui est étrange, c'est que je crois que je l'aime bien. Je m'assieds toujours à sa table – mais peut-être est-ce aussi parce que je ne supporte pas les autres professeurs.

Je sors de la cantine une bouteille d'eau en main. Il me reste une heure de libre avant la reprise et je sais quoi en faire. Il y a un parc à côté de l'école où je travaille, le Sillon vert. C'est l'un des rares endroits en ville où l'on trouve encore quelques arbres pour se mettre à l'ombre. Je m'y rends souvent pendant la pause du midi. Je m'assieds contre un tronc moussu, j'étends mes doigts dans l'herbe fraîche et je ferme les yeux. Le silence... J'ai parfois l'impression d'être le seul à prendre conscience de ma personne dans ce monde toujours trop occupé, trop pressé.

Une fois détendu, je sors un cahier et un stylo de ma sacoche, puis j'ouvre ma bouteille d'eau et y jette une pastille de whisky. Psssh... Rien que de l'entendre fondre, j'ai le palais qui frétille. Je sais que c'est une mauvaise habitude. Je ne me souviens plus depuis quand je fais ça, peut-être depuis la mort de mon père...

Non, ça ne peut pas faire si longtemps.

J'arrêterai sûrement un jour, mais ça ne sera pas aujourd'hui, ni même demain. J'ai besoin de cette porte pour m'évader de ce quotidien morose, pour me couper de cette réalité et trouver l'inspiration ailleurs, là où l'esprit vagabonde sans balises ni façades.

Il est 14 h et je peux reprendre mon cours. Mes mains sont fébriles et j'ai la nausée. Heureusement, j'ai toujours des capsules détox sur moi. J'en ai emboîté une dans le SAR de mon poignet, mais il faut attendre deux bonnes heures pour qu'elle fasse effet. Je crois que mes élèves n'ont jamais remarqué mon faible pour l'alcool, je leur donne systématiquement des travaux individuels en début d'après-midi – il ne serait pas raisonnable de me tenir debout devant eux dans un tel état.

La classe est silencieuse, mes étudiants sont penchés sur leurs cahiers. Je sais que la plupart n'aiment pas écrire, ils pensent que le papier ne sert à rien, que c'est une perte de temps et que ça prend de la place – même si je ne cesse de leur répéter que c'est une habitude que l'homme a appris à garder « au cas où ».

Il faut que vous compreniez que le monde a radicalement changé depuis l'éruption solaire du 2 janvier 2112. Ce jour-là, de puissants vents chargés en particules ont balayé les satellites de notre atmosphère. Ils ont saturé tous les appareils électriques qui se sont enflammés comme des allumettes. Les avions ont piqué du nez, les navettes ont emprunté des chemins périlleux, et certaines infrastructures ont croulé sous leur poids oublié. En un souffle, le soleil a rendu à l'humanité sa fragilité.

Lorsqu'une ampoule grille, on la remplace par une autre. Mais que fait-on quand c'est le monde entier qui s'éteint d'un seul coup ?

On survit, voilà tout.

La population s'est éparpillée dans le chaos. Ce n'est qu'au bout de vingt ans de guerre civile et la réduction de moitié de la population mondiale que l'humanité a commencé à bâtir une nouvelle société. Plusieurs personnes ont formé des groupes, puis des communautés, puis des villes, et en 2254, un traité mondial renoua la corde de la société.

Depuis ces évènements, l'homme a réappris à vivre avec la technologie, mais surtout, à survivre sans. On s'emboîte des capsules dans le poignet pour repas, mais on apprend aussi comment se sustenter sans. Des intelligences artificielles stockent l'ensemble de nos données, mais l'OMI (l'organisation mondiale des immatriculés) persiste à tout archiver sur papier. Et, malgré les innombrables moyens de transport existants, les rues des villes demeurent exclusivement piétonnes. On vit avec le confort sans jamais s'y contraindre, et je suis convaincu que c'est une excellente chose.

L'heure tourne, je reste droit dans le fond de ma chaise. Je semble attentif, et pourtant je rêve. C'est alors qu'une élève m'appelle, main levée.

« Monsieur Gargan !

— Hum, oui ? » Je secoue la tête – le retour est difficile. « Excuse-moi, Asla. J'étais en train de réfléchir. Que se passe-t-il ? »

Elle se dresse et agite la fiche que j'ai distribuée un peu plus tôt.

« Dans le troisième texte que vous nous avez donné, la ligne 21 fait référence à Internet. Qu'est-ce que c'est ? » me demande-t-elle d'un air curieux et ennuyé à la fois – le genre d'expression qu'on ne voit qu'en classe.

Je regarde ma montre comme si j'avais besoin de son autorisation pour parler – il est 16 h 50 et tu es sobre, félicitations ! Soulagé, je me permets un soupir avant de répondre.

« Eh bien... Internet. Comment t'expliquer ça ? » Je me retiens d'éructer. Mes joues gonflent, et un relent de whisky s'échappe d'entre mes lèvres. « C'était un immense réseau qui reliait tous les ordinateurs – un système vraiment ingénieux. Grâce à lui, on pouvait faire des choses comme communiquer, partager, apprendre, générer des idées, acheter...

— Mais alors, si c'était si bien. Pourquoi n'existe-t-il plus ? m'interroge Ems Fosta, une autre de mes élèves.

— Hum. » Je referme le cahier devant moi et je me lève. Je crois que la pause est finie, mon cher Gargan. « Parce qu'il a fragilisé l'humanité. » Je me retourne et claque des doigts. Le cours du matin m'éblouit de sa lumière bleue. Je m'empresse de l'effacer d'un revers de bras. « Une des nombreuses choses que l'histoire nous a apprise, c'est que l'Homme ne devrait avoir qu'une seule dépendance : l'Homme lui-même », dis-je en schématisant ma phrase du bout de mon index.

Je me retourne vers mes élèves.

« Internet en est sûrement le plus... »

Le reste de mes mots se perd dans mon souffle. Je ne peux pas continuer ma phrase. Il y a quelque chose d'inquiétant à la fenêtre, quelque chose que je connais, que j'ai déjà vu, non – que j'ai déjà lu. C'est ça, cette lueur pâle qui semble fixe au loin, les livres d'histoire en ont fait quelque chose d'effrayant. Mais je n'ai pas le temps de m'en rendre compte ni même de cligner des yeux. D'un seul coup, tout devient blanc. Je suis aveugle, je n'arrête pas de papillonner des paupières, mais même les yeux fermés, je nage dans la lumière. J'entends les enfants crier autour de moi. Les chaises grincent, les bureaux se renversent, les feuilles volent.

Que se passe-t-il ?

Je me recule, quelqu'un me bouscule. Je tombe sur les fesses. Désorienté, je décide de ne plus bouger. Il faut que je respire, si c'est ce que je crois, alors je ne suis pas le seul à ne plus rien voir.

J'espère juste me tromper.

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