L'espoir.

C'est un sentiment si fort qu'il peut vous emmener loin.

Mais c'est surtout un sentiment que je croyais disparu depuis longtemps.

Comment aurais-je pu espérer que l'espoir revienne un jour, sans l'avoir ?

Pourtant, je le ressens maintenant, serrée dans les bras de Nathan.

L'espoir d'un amour véritable, sans haine ni jalousie.

L'espoir d'une vie meilleure, où la peur n'a pas lieu d'être.

L'espoir d'un cauchemar qui s'estompe, laissant place au rêve.

Je soupire.

Jamais je n'aurais cru que tout irait si vite, moi qui, à seize ans, n'avais jamais eu de petit-ami. Moi la détestée de tous, évitée par les autres par peur de la réaction de Mathis.

Car Mathis aurait pu être mon premier petit-copain.

Car Mathis m'aimait, mais je n'étais pas intéressée, ayant eu vent de ses activités douteuses avec ses amis.

Ce fut la pire erreur de ma vie.

Ou la meilleure.

Je me colle encore plus à Nathan, heureuse d'avoir trouvé mon âme sœur.

Nathan que je connais à peine, que je voyais au quotidien sans vraiment lui adresser la parole. Car, si je parle à un garçon, je le mets automatiquement en danger. Et moi aussi, par la même occasion.

Nathan, la seule personne à qui j'ai parlé de mes soucis, que même mes parents ignorent. Il m'inspirait confiance, alors je lui ai tout dit.

J'ai bien fait.

J'ai la conviction que ce garçon va changer ma vie. Il est comme moi : discret, qui ne veut pas de problèmes, mais qui en a quand même... Sauf que, lui, il a quelque chose de plus : le courage, et l'espoir.

Mais, à ses côtés, je les ressens.

À ses côtés, je me sens courageuse.

Je me sens espérer.

Nat, c'est mon sauveur, celui qui a produit le miracle que j'attendais tant.

C'est lui, ma bonne étoile.

Alors que sa main caresse mes cheveux, je lève mon regard vers le magnifique ciel éclairé.

J'ai toujours adoré les étoiles.

Ce sont de petites lumières, à l'air si minuscule et fragile, mais pourtant si fortes en réalité ! Ce sont des lueurs d'une telle puissance qu'elles peuvent briller malgré la noirceur de la nuit. Des lueurs qui ne s'éteignent jamais et reviennent chaque soir, berçant mes pleurs et mes angoisses d'une douce chaleur.

J'ai toujours été fascinée par elles, par leur grandeur et par leur lumineuse imposance. Et j'ai toujours rêvé d'aller les voir de plus près.

Quand j'ai dit à mes parents, petite, que je voulais devenir astronaute, ils ont bien ri. Déjà, j'étais une fille, et je n'avais aucune chance de percer dans le domaine. Même les hommes avaient du mal à le devenir, alors une femme ? C'était impossible pour eux. De plus, j'étais si frêle, si fragile, si émotive...

Mais je n'ai jamais abandonné ce rêve.

C'est pour cela que je demandais toujours des livres d'astronomie pour mes noëls et mes anniversaires. C'est pour cela que j'ai coché maths, physique et HLP comme spécialités sur ma fiche de vœux provisoires pour l'année prochaine.

HLP, car j'aime beaucoup lire, mais surtout parce que l'espace et l'homme forment avant tout une histoire. L'histoire de l'Humanité, d'un rêve d'abord écrit dans la Littérature, envisagé avec Philosophie.

L'histoire d'un rêve qui devient réalité.

Les étoiles se reflétant dans mes yeux, je me confie à Nat :

— J'ai toujours été fascinée par les étoiles, par leur force et leur brillance. Un jour, j'irai les regarder de plus près, à bord d'un vaisseau qui m'emmènera à des kilomètres au dessus de nos têtes, loin de tout ça, là où je serai bien... 

Mon regard rêveur se perd dans l'immensité infinie du cosmos. Je m'imagine, à vingt-sept ans, intégrer l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne, après avoir effectué un master mention aéronautique et espace à l'ISAE-SUPAÉRO, la meilleure école pour se rendre dans l'espace.

Je m'imagine regarder les étoiles, si belles, si grandes et si proches, défiler en dehors du vaisseau où je me trouve pour ma première mission.

Je rêve, si bien que je ne remarque pas tout de suite le trouble de Nathan.

Mais je finis par sentir les spasmes qui parcourent son épaule, où ma tête est posée.

Je me redresse, inquiète.

Nathan pleure.

— Je... je suis désolé... 

Mes yeux s'embuent à mon tour. Je n'aime pas le voir, lui qui est si fort, dans un tel état. Surtout que je ne le comprends pas. La tête légèrement inclinée, comme ça m'arrive dès que je suis perplexe, j'essaye d'essuyer délicatement de mes doigts les larmes qui coulent sur ses joues.

Elles ne devraient pas couler.

— Pourquoi ? Tu n'as pas à l'être ! Ce n'est pas de ta faute, ce qu'il m'arrive, mais de la mienne. Entièrement de la mienne ! 

Rageusement, j'arrache une motte de terre. Je me suis laissée faire par ce gaillard au cerveau amoindri ! J'ai laissé son attirance envers moi se muer en haine et me consumer, jour après jour, sans m'y opposer ! J'aurais dû crier « Stop ! » mais je me suis tue face à cet imbécile et à sa bande de brutes ! J'ai été faible là où j'aurais dû rester forte. Et, à cause de ça, je fais culpabiliser le garçon le plus adorable que je connaisse !

Celui-ci agrippe fermement ma main, son beau visage basané déformé par la douleur, ce qui m'interpelle vraiment.

— Non ! Toi, tu n'as pas à t'en vouloir ! Ça t'es tombé dessus, alors que ça n'aurait jamais dû arriver. Car ce qu'on vient de vivre, c'est... complètement irréel ! Tu ne peux pas... être là. 

Je le comprends parfaitement. Ceci ne peut pas être réel. Qui serait capable de m'aimer, moi la petite victime du lycée ? Une larme m'échappe.

— Je sais que ça peut paraître insensé, mais...

— Non ! répète-t-il avec force. Je ne parle pas de ça. Tout ceci n'existe pas. Je n'ai pas eu ce courage... Je n'ai pas été à la hauteur... Ce n'est qu'un rêve. Moi, je suis en train de dormir, et toi... et toi... 

Un sanglot étouffe la fin de ses paroles, tandis que je l'enlace avec douceur. Mais je parviens malheureusement à les percevoir malgré tout.

— ... tu ne pourras jamais voir les étoiles... ! 

Soudain, la vérité m'éclaire telles les lumières d'une maison lorsque l'on rétablit l'électricité après l'orage. Je la vois défiler devant mes yeux, flashback de ma dernière journée dans le Replay de ma vie.

Tout s'est passé exactement comme il y a quelques instants :

Mathis qui me surprend à la sortie du lycée ;

Matteo, Lucas et Adam qui rappliquent également ;

Leurs coups violents ;

Leurs rires heurtants ;

Leur folie effrayante ;

Tout, absolument tout, est comme je viens de le revivre.

Tout, à part l'arrivée de Nathan.

Excepté un fait, le plus important de tous : après ma dernière chute, je ne me suis pas relevée.

J'ai l'impression que mon cœur cesse de battre. Jusqu'à ce que je me rappelle que c'est déjà fait.

Je peux dire adieu à mon rêve d'immensité spatiale.

Mathis aura fini par avoir ma peau.

Mes mains tremblent.

Ma vue se trouble.

Je vais partir.

Je suis déjà partie.

Mais, malgré ma détresse, malgré ce qui nous sépare contrairement à l'illusion de ce moment magique, malgré le lever proche du soleil qui brisera ce lien spirituel qui nous lie, pour ma dernière soirée, Nat me câline d'un geste passionné.

— Sache que je serai toujours avec toi, en pensées. Je ne t'oublierai pas, fille du cosmos.