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Froid. Il faisait si froid. La douleur était indescriptible, si intense que Lyssa ne la sentait plus.

Elle ne comprenait toujours pas ce qu'il s'était passé, mais elle avait mal. Plus aucun son ne sortait de sa bouche. Elle s'abandonnait à ses nerfs crispés.

En levant la tête du mieux qu'elle le pouvait, elle revit ces personnes qu'elle pensait bienveillantes. Ces mêmes personnes qui avaient passées des heures à la torturer.

Quelle heure était-il ? Elle n'en savait rien.

Elle était là, dans une salle délabrée, accrochée au mur par les poignets. Ce mur glacé qui collait contre son dos depuis des heures était la seule preuve de réalité qu'elle sentait encore. Les sangles la serraient et la maintenaient debout contre son gré, les bras tendus vers le ciel.

- Bon, je pense que ça suffit pour cette nuit. Les résultats ne sont pas très concluants, et tuer le sujet serait compromettant.

La gérante Magie se tenait devant Lyssa.

Une vitre en verre les séparait, maintenant la jeune fille enfermée dans un cube transparent.

La femme la regardait avec mépris et dégout.

Lyssa n'avait toujours pas saisi le sens de cette situation. Elle était là, impuissante, meurtrie, mais rassembla tout le peu de force qui lui restait pour demander :

- Pour...quoi...

La lèvre supérieure de Magie se redressa en signe d'écoeurement.

- Tu oses me demander pourquoi ? Estime-toi heureuse d'être en vie. Tu n'es qu'un monstre, comme tous les gens de ton espèce. Je savais qu'un jour ou l'autre, tu t'éveillerais. Je n'attendais que ça, que tu montres ton vrai visage pour pouvoir te donner une bonne leçon.

Pour Lyssa, tout était flou.

Le robot sur le toit l'avait trainée de force jusqu'à sa chambre.

Elle avait juste eu le temps dans la précipitation de laisser tomber discrètement les notes d'Angela dans le coin de la pièce. Heureusement, la machine ne les avait pas vues. Lyssa avait eu l'espoir qu'Émilie et 038 récupèrent les feuilles et les cachent.

À ce moment là, l'androïde qui l'avait maintenue était accompagné des gérantes et d'autres humanoïdes, qui semblaient attendre la jeune fille. Ils lui avaient attaché les mains avec des sangles métalliques.

Lyssa avait vite compris que quelque chose n'allait pas. Malgré sa bêtise et toutes les erreurs qu'elle avait pu commettre, elle n'avait jamais été traitée comme une criminelle de cette façon.

Son acte était-il si grave que ça ? Elle n'en savait toujours rien.

Mais maintenant elle était là, dans une grande salle délabrée avec au milieu un cube de verre : Celui où elle était maltraitée depuis de longues heures maintenant.

On l'avait amenée dans ce bâtiment qu'elle pensait abandonné, un bâtiment du domaine Vesta vers la forêt où personne n'allait jamais. La jeune fille avait toujours cru que cela devait être un hangar où étaient rangés des outils ou d'autres choses utiles.

Si elle avait su qu'il renfermait une salle de torture...

Happée par ses songes qui l'aidaient à garder la raison, elle sentit du sang remonter le long de sa gorge. Elle en cracha au sol. Les décharges électriques avaient dû totalement la détraquer.

La gérante Magie laissa échapper un ricanement :

- Veuillez noter que le sujet 417 a une résistance hors du commun face à des décharges qui auraient déjà dû tuer n'importe quel être humain. Elle y est presque, je sais qu'elle ne pourra plus tenir longtemps.

Derrière la gérante, une énorme console informatique couverte de voyants verts et rouges, était controlée par des androïdes de services. Ils appuyaient sur différents boutons et poussaient des manivelles qui infligeaient de lourdes décharges à la jeune fille.

Dans le cube en verre, des fils électriques étaient mis en place, reliés aux sangles du mur où les mains de Lyssa étaient accrochées. C'était par là que les décharges électriques à répétition lui parvenaient.

La jeune fille avait réussi à voir à sa droite, de l'autre côté de la vitre un énorme écran, sur lequel elle devinait une radiographie et d'autres données sur son corps. De nombreux chiffres étaient affichés, des chiffres que les gérantes regardaient régulièrement :

Elle était en proie à une expérimentation.

Mais pourquoi ? S'ils voulaient la tuer, qu'ils le fassent. C'était insupportable.

- Quand s'est-elle éveillée selon toi ? demanda la gérante Saeva à Magie.

- Normalement, dans la nuit de mardi. Elle avait de la fièvre d'après les androïdes infirmiers. Elle n'est pas venue en cours tout le reste de la semaine, et il n'y a aucune trace d'anticorps dans son sang. Elle n'a donc pas été réellement malade. D'après les tests, l'ADN de ses cellules est en plein réarrangement. Je ne m'en suis pas rendue compte plus tôt car son androïde n'a pas fait de rapports depuis plusieurs semaines. Je la soupçonne d'avoir trafiqué 038. Je vais donc envoyer ce dernier en maintenance permanente, avec l'accord du Paladin bien sûr.

Magie détailla Lyssa du regard de haut en bas et trouva la jeune fille pitoyable. Elle en jubilait presque, et continua ses explications. 

- Elle a largement l'âge, elle est presque à son dix-septième terracycle. Je commençais à m'inquiéter qu'elle soit normale et que je ne puisse pas lui infliger ce qu'elle mérite.

Une longue pause marqua ces horribles paroles.

Lyssa ne cherchait même plus de sens à tout ça. Elle combattait l'inconscience et écoutait sans comprendre ce qu'il se passait autour d'elle.

Soudain, au milieu de sa torpeur douloureuse, elle sentit son coeur battre plus vite et sa respiration s'accélérer.

- Mesdames, le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire du sujet s'affolent. Son organisme est à la recherche d'énergie.

Les gérantes se tournèrent vers Lyssa, mais cette fois-ci, avec l'air fasciné. La gérante Saeva, les yeux grands ouverts et le sourire aux lèvres, s'esclaffa :

- Oui ! Elle y est presque ! Balancez une décharge de moyenne fréquence !

Les androïdes s'exécutèrent.

Les fils de cuivre s'illuminèrent dans la cage en verre, et une douleur sourde se propagea dans tout le corps de la jeune fille.

Elle n'avait plus de forces pour hurler, plus rien, mais une colère vive et mortelle s'éveilla dans son esprit. Tous ses muscles étaient crispés par les impulsions électriques.

Elle ne supportait plus la souffrance, elle ne pouvait plus encaisser.

Lyssa sentit une vague d'énergie se propager dans son corps, dans ses muscles. Elle ouvrit la bouche pour hurler et dire à tous ces monstres qu'elle allait les tuer, qu'elle souhaitait traverser la vitre et remplacer son corps par celui des gérantes.

Si seulement elle pouvait les faire griller sous ces décharges qu'elle subissait sans relâche.

- Bah alors, on n'est pas contente ? Tu peux me regarder de la façon la plus haineuse que tu voudras. Toi, tu es dans le cube, et moi, je te regarde.

Saeva finit sa phrase par un clin d'oeil.

C'était trop.

Les décharges avaient cessé. Lyssa prit une grande inspiration et tira de toutes ses forces sur ses liens. Elle savait que c'était en vain, mais elle ne pouvait pas abandonner.

Étrangement, elle sentit les sangles se relâcher.

Comment avait-elle pu décaler un lien métallique implanté dans le mur ?

Elle était plus forte, elle le sentait.

La jeune fille serra les dents pour continuer à tirer, sollicitant la force de tous ses muscles, et laissa échapper un grognement et s'étonna : ce grognement n'avait rien d'humain. À l'instant même où elle le remarqua, une haine vive s'empara de tout son corps. Elle oublia qui elle était pendant de longues secondes avec une seule pensée en tête :

Tuer les femmes qui se tenaient face à elle.

Elle sentit son organisme se transformer, ses bras et ses jambes s'élargir. Une puissance parcourut soudainement son être et son visage se modifia. Sa mâchoire s'allongeait et devenait plus forte. Sa vision était de plus en plus nette et les sons de plus en plus audibles. Ses muscles et ses os se consolidèrent, entrainant une décharge de brutalité dans les mouvements de Lyssa.

Les sangles du mur furent arrachées en un seul coup vif avec une facilité déconcertante. Elle se jeta sur le sol et hurla du plus fort qu'elle le pouvait. Ses hurlements n'étaient pas une voix humaine, mais un rugissement monstrueux. Elle remarqua en regardant vers le sol, que ses mains avaient été remplacées par des pattes gigantesques et qu'un pelage roux strié de noir recouvrait tout son nouveau corps.

Lyssa entendait et ressentait le pouvoir nouveau qui la parcourait :

Son envie de destruction était plus forte que jamais.

Elle fixa les gérantes. La jeune fille ne comprenait pas d'où provenait sa nouvelle apparence, mais savait qu'une chose incroyable venait de lui arriver, une chose extraordinaire.

Elle n'avait qu'une obsession :

Détruire les formes de vie abjectes qui se tenaient face à elle.

Magie dévisageait Lyssa, les yeux écarquillés. Le dégoût avait laissé place à la peur, mais Saeva ne semblait en aucun cas apeurée par la nouvelle apparence du sujet :

- Enfin ! En une nuit Magie, tu te rends compte ? En plus, je n'avais jamais vu de Chimère Tigre, c'est quand même une belle bête !

Lyssa ressentait toujours cette envie de sang. Elle fixait les humaines face à elle comme un prédateur regarde ses proies.

- Ça suffit, donnez-lui un tranquillisant. Nous la ferons livrer au laboratoire expérimental du Sud de Jupiter mercredi soir. Je vais prévenir le Paladin.

La jeune fille sous sa forme chimérique comprit qu'elle allait subir une piqûre. Elle chargea la vitre, mais celle-ci était beaucoup trop solide pour céder sous l'impact de son nouveau corps. Elle se fit simplement mal à la tête, mais moins qu'elle ne l'aurait pensé.

Les androïdes de services qui contrôlaient sa torture depuis le départ, actionnèrent un mécanisme qui fit sortir une seringue du mur. Celle-ci fut immédiatement projetée sur Lyssa : elle sentit une douleur rapide dans le bas du dos.

Ses muscles se détendirent en quelques secondes et son nouveau corps s'écroula au sol entrainé par la gravité. La jeune fille pouvait encore rester éveillée, mais sentit immédiatement une deuxième piqûre au niveau de sa jambe.

Cette fois-ci, elle n'arriva pas à lutter.

Elle remarqua sa vision se troubler, et ses yeux se fermer avec comme dernière vision le départ des gérantes de la salle.

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