Chapitre 12 - 2 Infiltration
Le reste du voyage se concentra plus sérieusement sur ce qu'il allait se passer une fois arrivés à la gare de la zone 13. C'était également une zone marchande, où il n'y avait pas énormément de visiteurs des différents villages mais assez pour que les filles puissent se fondre facilement dans la masse.
Le chemin de terre épuisé par les âges fit remplacé par une route bétonnée un peu plus régulière qui laissait comprendre l'arrivée proche de civilisation. Dante fit signe aux deux amies de se cacher dans les sacs en tissu jusqu'à nouvel ordre.
À partir de là, Lyssa ne put compter plus que sur son ouïe développée pour comprendre où ils en étaient. Angela de son côté patientait en ne pouvant entendre que son propre coeur battre à tout rompre face au stress. L'enjeux était beaucoup trop grand, elles n'avaient pas le droit à l'erreur.
Le bruit crépitant des roues sur le béton les accompagna pendant de longues minutes, avant que Lyssa ne détecte des bruits d'animation lointaine : des chariots, des discussions, des éclats de voie de négociation et des hennissements métalliques d'Hipparions. Le brouhaha se rapprocha progressivement, jusqu'à ce que le véhicule ne s'arrête :
- Halte !
Lyssa décela quelques crissements significatifs d'une armure lourde et métallique en plus de ceux des Hipparions. En entendant la voix grave et autoritaire de l'homme, elle en conclut assez rapidement qu'il devait sans doute s'agir d'un garde. Son rythme cardiaque s'accéléra à cette pensée et elle retint sa respiration par pur réflexe.
- Merci de préciser la raison de votre visite. Avez-vous quelque chose à déclarer ?
Un froissement de papier qu'on déplie et la voie assurée de Dante répondirent à l'homme :
- Je suis épicier à Phobos, je viens m'approvisionner au marché.
- Votre laisser-passer me semble un peu vieux. Je vais devoir fouiller votre chargement. Et votre ami ? C'est votre assistant ?
Lyssa décela un ton condescendant et moqueur émaner du garde. Elle ne put s'empêcher d'être exaspérée par l'égo de cet homme, même si elle commençait à réellement paniquer : il allait fouiller la charrette.
- Ce ne sera pas nécessaire.
La voix certaine d'Hector coupa le garde, avant un son de cuir grinçant et un silence marqué. Le garde balbutia, honteux :
- Toutes mes excuses, chère vétéran. Ce n'est pas tous les jours que l'on croise un ancien soldat avec la légion d'honneur. Je vous en prie, allez-y.
Légion d'honneur ?
Lyssa ne put s'empêcher de relever. Hector avait la légion d'honneur ? Cela paraissait étonnant pour quelqu'un qui se présentait comme un ancien Sacrifié au rôle monotone et tranquille.
Pourquoi tous les gens qu'elle avait croisés jusqu'à maintenant, ne pouvaient s'empêcher de cacher quelque chose ? Ce sentiment laissa un pic de frustration, bien que le soulagement prônait sur tout le reste : ils avaient pu entrer sans se faire repérer.
La jeune fille garda en tête la prochaine étape. Il fallait attendre que Dante se gare et qu'il ouvre les sacs lui-même pour leur notifier que la voie était libre.
Son odorat s'éveilla, accompagnant les bruits du marché agité. Lyssa sentait au loin des épices de tout genre, des fruits sucrés, de la viande cuite... Cette dernière senteur lui mit l'eau à la bouche, et elle sentit son estomac se crisper face à l'envie de dévorer ce qui était à l'origine de cette si bonne odeur.
À cette pensée, elle commença à ressentir qu'elle lâchait prise, que sa faim prenait possession de sa raison. La peur se propagea dans sa tête : allait-elle se transformer !? Ici !? Devant tous ces gens !? Elle prit une grande inspiration par la bouche et se pinça le nez pour ne plus renifler cette divine odeur qui lui faisait perdre la tête.
Les yeux fermés pour reprendre son calme, elle ne remarqua pas que le haut du sac venait de s'ouvrir, et que Dante la regardait d'un air interrogateur :
- Qu'est-ce qu'il t'arrives ? Eh, faut pas trainer !
L'adolescente sortit de sa torpeur. La réalité la rattrapa et lui fit reprendre ses esprits, avant qu'elle ne se dégage péniblement du sac. Elle remarqua que son amie faisait de même. Celle-ci notifia sans trop de difficultés le regard apeuré de Lyssa, et comprit rapidement qu'il ne s'agissait pas seulement de l'appréhension de l'infiltration.
- Est-ce que ça va ?
Angela avait posé doucement sa main sur l'épaule de son amie qui hocha la tête timidement, essayant de reprendre ses esprits.
- Oui, ça va aller.
Mais ça n'allait pas. La peur de ne pas réussir à se contrôler était présente. Une simple odeur de viande pouvait laisser son corps révéler sa nature chimérique...
En levant le menton, elle croisa le regard froid et légèrement agacé de Dante.
- Au cas où vous l'auriez oublié, si on vous grille ici Hector et moi on risque d'être balancés de l'autre côté de la Barrière, ou pire encore. Alors bougez-vous qu'on en finisse.
Les deux jeunes filles s'exécutèrent. Une fois descendues de la charrette, elles vérifièrent mutuellement si leur costume était crédible, bien qu'elles n'avaient globalement aucune idée d'à quoi ressemblait une jeune recrue. Elle ne pouvait que se fier aux dires de leurs deux bienfaiteurs.
Dante s'était garé derrière un grand bâtiment de fer, où se rangeaient patiemment quelques autres Hipparions encore en veille. Certains étaient accrochés à une remorque comme Axio et Fulgur et d'autres se trouvaient recouverts d'une selle et d'étriers.
- Vous êtes à l'arrière de la gare, seuls les marchants sont autorisés à se garer ici. Alors dépêchez vous avant qu'il y en ait un qui débarque. Hector va vous accompagner.
- Vous voulez dire le vétéran à la légion d'honneur ?
Lyssa avait lancé cette question en fusillant le tavernier du regard. Celui-ci baissa la tête un peu honteusement, avant de s'énerver pour éviter les trop longues explications :
- On a tous un passé. Et j'ai choisis de pas tout vous raconter. Maintenant, 'faut qu'on y aille avant que quelqu'un nous choppe.
- Qui nous dit que tu ne nous envoie pas dans la gueule du loup ?
Angela s'était avancée, lançant le même regard inquiet et plein de reproches que son amie.
- Ah non, vous allez pas commencer maintenant. Le bougre vous nourrie, vous loge sans broncher, vous trouve un moyen d'atteindre vos objectifs suicidaires en se mettant lui même en danger alors qu'Achos vous recherche, et vous doutez de lui ? Franchement, j'aurais mieux fait de vous laisser aux gardes.
Dante croisait les bras, défiant du regard à son tour les deux jeunes filles, qui acquiescèrent honteusement à cette remarque. C'est vrai que rien ne semblait accuser Hector. Pourquoi se serait-il autant démené s'il n'avait pas été de leur côté ?
- Désolée... C'est juste que... Une légion d'honneur s'obtient par des actes...
- Peu recommandables, je sais. Tu crois que l'premier truc que j'ai envie de dire à des filles paumées c'est "Ah au fait, dans ma jeunesse j'ai massacré tout un village de rebelles " ? Non, j'pense pas. On s'connait que depuis deux jours, hein.
Lyssa avait l'impression que rien ne faisait sens, et ne pouvait s'empêcher de faire le lien avec leur après-midi à discuter. Elle était horrifiée par l'acte, et la froideur de l'homme qu'elle avait trouvé si chaleureux.
- Mais comment ?
- Ils peuvent parfois s'montrer très persuasif. Et cette petite médaille là, elle permet que tous ces abrutis ne m'posent pas trop de questions. J'ai honte de ce que j'ai fait, mais j'aurais tord de pas m'en servir.
Un silence tendu s'imposa, avant que Dante n'ordonne, d'un ton autoritaire :
- Partez, avec ou sans Hector. Vous n'avez plus rien à faire ici.
Angela balbutia, honteuse :
- Merci pour tout, Dante. Pardonne notre méfiance.
Il secoua la tête :
- Il n'y a rien à pardonner. Faites attention à vous.
Les deux amies exprimèrent un sourire de reconnaissance, avant que l'épicier ne tourne les talons avec ses nombreux sacs en main.
- Bon, dépêchez. J'sais où j'dois vous emmener pour que ce soit crédible.
Même si Lyssa se sentait encore méfiante, elle ne put empêcher de reconnaitre l'urgence de la situation, et le fait qu'elles avaient besoin d'aide pour arriver à infiltrer le groupe des jeunes recrues.
Hector les emmena dans la grande serre de fer de plusieurs mètres de haut. Des baies vitrées reliaient les poutres métalliques, donnant un visu dangereux sur l'extérieur. La gare semblait vide. Quelques trains attendaient patiemment qu'on les utilise. Ils étaient recouvert d'une épaisse couche de poussière, témoignant pour certains une utilisation occasionnelle. D'autres plus modernes et plus luxueux reflétaient les quelques rayons de soleil qui traversaient la gare. Une horloge gigantesque indiquait la mauvaise heure et avait même l'air ne plus fonctionner.
L'espace restait comme abandonné, capturé par le temps. D'un premier coup d'oeil, Lyssa aurait juré qu'aucun train ne pouvait arriver dans cette gare, tellement les rails étaient rouillés et usés par les âges.
Un bruit strident lui fit grincer les dents de douleur, comme pour la contredire. Elle entendit un son lointain, régulier et mécanique taper sur les rails qui semblaient inutilisables jusqu'alors. Un train s'approchait maladroitement. Hector entraina les filles derrière un vieux wagon pour les cacher et observa discrètement l'arrivée du véhicule.
Celui-ci était rouillé et vétuste comme les autres, mais les phares à l'avant s'allumaient timidement d'une faible lueur. Il s'arrêta en émettant des grincements métalliques témoignant de l'état usé des freins. Les portes s'ouvrirent à l'unisson, et de nombreux hommes en uniformes descendirent des différents wagons dans un même mouvement. Lyssa reconnue depuis sa cachette les silhouettes des mêmes costumes que le sien.
- Timing parfait.
Le tavernier exprima d'un air satisfait son calcul. Il chuchota :
- Bon écoutez moi bien. J'vais faire diversion. Pendant ce temps là, vous allez vous mêler à la foule des nouvelles recrues. Personne ne va vous remarquer car la plupart des recrutements se font sur volontariat et les p'tits nouveaux se changent pendant le voyage. À vous d'inventer d'où vous venez. Passez par les rails et cachez vous derrière les trains.
Lyssa posa sa main sur le bras d'Hector :
- Merci pour tout, vraiment. Et désolée pour plus tôt...
- T'excuses pas. Et t'imagines pas des trucs hein, c'est pour Irène tout ça.
Angela lâcha un rire étouffé.
- Je remercierai Irène alors.
- Allez. Cassez-vous qu'on en finisse.
Le tavernier s'avança en se dirigeant vers le groupe, pendant que les jeunes filles commencèrent à longer le train par la gauche. Elles se faufilèrent à travers une ouverture entre deux wagons, et traversèrent les rails de cette façon, passant de train en train.
Elles arrivèrent finalement au niveau de celui d'où provenait les jeunes recrues, avant de se cacher. Lyssa ne voulait pas risquer d'aller sur le quai sans savoir si quelqu'un allait les repérer. La jeune fille repensa à Hector qui avait annoncé qu'il allait faire diversion. Mais comment ?
Elle ferma les yeux pour utiliser son ouïe. Angela comprit rapidement ce que son amie faisait et essaya de ne pas la déranger, retenant son souffle.
Au milieu des bruits de pas et de quelques bavardages timides, Lyssa reconnut la démarche confiante d'Hector.
- Et bah, t'as pas changé !
La voie enjouée du tavernier sonnait juste. Est-ce-que leur bienfaiteur connaissait un soldat ?
- Hector ? Ça fait un bail. Dix ou quinze terracycles ?
- J'sais plus trop, Hadrien. T'es devenu Capitaine alors ?
Lyssa se figea, alertant Angela. Le tavernier ne connaissait pas n'importe quel soldat, il connaissait le Capitaine en charge des nouvelles recrues. Elle arrêta sa séance d'espionnage, et indiqua à son amie qu'il était temps d'aller sur les quais.
En longeant le wagon à nouveau pour atteindre l'arrière du train, les deux jeunes filles vérifièrent timidement si personne ne pouvait les voir. La voie était libre, personne ne regardait dans leur direction et le Capitaine semblait trop occupé à sa discussion.
Elles se hissèrent sur le quai en s'aidant mutuellement, avant de rejoindre le groupe en se plaçant derrière quelques jeunes garçons qui n'osaient dire un mot.
Angela balaya quelques coups d'oeil furtifs pour vérifier si personne ne les avait vu, et relâcha la pression au bout de quelques secondes : personne n'était venu les intercepter.
Elles avaient réussi.
- Bon, les petits nouveaux.
Le Capitaine avait pris la parole.
- Nous avons cinq heures de marche jusqu'au camp. Avant de partir, je tiens à vous présenter mon vieil ami Hector. Un vétéran qui a remporté la légion d'honneur. J'espère que vous suivrez ses pas.
L'interessé lança un sourire en coin aux deux jeunes filles qu'il réussit à apercevoir au bout du rang.
Elles avaient bel et bien réussi.
Il salua Hadrien d'un mouvement de la tête, avant de détourner le regard avec regrets.
Lyssa se sentait tellement reconnaissante envers cet homme.
- Nous y allons. Il n'y a pas de demi-tour possible. Votre vie appartient désormais à l'armée Sainte. Votre but et le seul qui vous restera en tête sera celui de servir le Système, de faire régner la paix et la bonne parole de notre Seigneur. Plus grand tu seras, plus grands nous serons !
Avec regret, les deux jeunes filles accompagnèrent le reste des soldats :
- Plus grand tu seras, plus grands nous serons !
Malgré ce sentiment amer de retour en arrière, Lyssa sentit un picotement d'excitation dans la nuque. Le danger et l'avancement des évènements la tenaient en haleine. Mais elle ne sentit pas, à l'autre bout du rang, le regard insistant d'un jeune homme qui avait tout suivi.
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◾Merci d'avoir lu ce douzième chapitre du Système Terre ! J'espère qu'il vous aura plu. J'aimerais vous poser quelques questions si vous avez le temps ◾
▪️Que pensez-vous de l'histoire d'Hector ? ->
▪️Quelles sont vos prédictions sur la vie de Lyssa et Angela dans la camp d'entraînement ? ->
▪️Remarques sur l'écriture ->
▪️ Remarques sur l'histoire/scénario ->
◾ Merci pour vos retours ! N'hésitez pas à voter ⭐ pour que l'histoire continue ! Le chapitre 13 arrive bientôt... ◾
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