Ils remontèrent tous ensemble pour ne pas s'éterniser au sous-sol, bien que cela n'aurait pas déplu à Lyssa qui se sentait fascinée par tout cet univers qu'était la guerre.

Une fois en haut, leur nouvelle tenue en main, les deux amies remarquèrent que Mona avait préparé un véritable stand de coiffure. Elle avait positionné une chaise en face d'un grand miroir plain-pied et une pile de serviettes. Sur un petit tabouret, quelques ciseaux s'agençaient de différentes tailles et de différentes formes. La femme s'agita en revoyant tout le petit monde revenir du sous-sol.

- J'ai tout préparé pour que votre déguisement soit crédible. Mais pour ça, je pense que vous vous en doutez, il va falloir dire adieu à vos longs cheveux.

Lyssa questionna, n'ayant aucune conscience des aspects physiques des jeunes hommes Sacrifiés :

- Je ne comprends pas. Pourquoi devons-nous perdre nos cheveux ?

Angela lui répondit avec bienveillance :

- Disons que certains stéréotypes coriaces indiquent que la plupart des hommes et donc des jeunes garçons, ont les cheveux courts. Et je suppose que les Sacrifiés ne font pas exception à la règle.

Hector confirma en hochant la tête :

- On avait des coupes assez strictes sur place. Donc si vous vous ramenez avec vos chevelures de sirène, j'peux vous assurez que vous serez démasquées en moins de deux.

Tout semblait logique, Lyssa n'avait aucune raison de refuser. Elle considérait l'esthétique comme secondaire. Leur but restait le même: trouver Julian, et s'il fallait qu'elle devienne chauve pour aider son amie, elle le ferait.

Sans un mot, elle s'avança vers la chaise, voyant qu'Angela était encore réticente à l'idée de perdre ses magnifiques mèches dorées. Elle s'installa confortablement et sourit à Mona en guise d'approbation. Celle-ci agrippa des ciseaux imposants et demanda une dernière fois :

- Prête ?

Lyssa acquiesça et soupira un coup. Elle examina une dernière fois ses cheveux bruns épais qui arrivaient au milieu de son dos dans un mouvement ondulé. Un soupçon d'excitation s'éveilla dans ses yeux : celui de passer à l'action pour retrouver Julian.

Elle entendit son amie demander :

- Vous avez l'habitude de couper des cheveux ?

- Évidemment. Dans cette ville, il n'y a pas grand chose, et tout est cher. Il y a un coiffeur à l'autre bout mais je sais même pas s'il exerce encore. Alors, c'est moi qui m'occupe des coiffures de qui veut dans le secteur !

Mona commença par asperger de l'eau sur les cheveux de Lyssa à l'aide d'un vaporisateur en démêlant ses mèches.

- Sinon, comment comptez-vous vous infiltrer ?

Un silence gêné leur répondit. Depuis leur arrivée à Phobos la veille, les deux amies n'avaient pas eu le temps de mettre un plan en place. Elles manquaient d'informations au delà de la carte d'Hector, et comptaient agir en fonction de la situation dans l'immédiat en se rendant sur place. Cette méthode n'était bien évidemment pas assez prudente.

Hector et Dante s'était assis autour d'une table non loin du stand de coiffure et firent signe à Angela de venir les rejoindre. Le tavernier prit la parole :

- Franchement, vous avez eu une chance monstrueuse. Vous vous enfuyez de votre résidence sectaire sans vous faire tuer. Vous arrivez à rencontrer Irène sans vous faire tuer, à venir ici sans vous faire tuer... J'suis pas certain que votre veine continuera dans le camp. Donc j'sais pas moi, réfléchissez à un truc solide.

Dante interrompit son ami :

- C'est à cause d'Irène que t'es dans cette situation ? Je croyais que c'était fini cette histoire.

- Tais-toi, tu veux. J'les aide aussi parce que y'a rien à faire dans cette ville.

Mona soupira un sourire taquin aux lèvres :

- Dis plutôt que tu veux faire plaisir à Irène.

Le tavernier bégaya un coup, visiblement mal à l'aise et haussa le ton.

- Arrêtez de dire n'importe quoi. En plus, ça doit faire au moins cinq terracycles qu'elle est pas venue. C'est de l'histoire ancienne.

Des yeux rieurs lui répondirent. Il prit une gorgée dans le verre de whisky que venait de lui servir son ami avant de changer de sujet :

- Du coup pour ce plan. Le meilleur moyen j'pense, c'est de passer par la gare. C'est d'là qu'arrivent les jeunes recrues. Du coup, si vous jouez les brebis égarées, ça peut marcher.

Lyssa se concentrait sur la discussion pour ne pas s'attarder sur les mèches qui tombaient sur le sol :

- Et comment pouvons nous aller à la gare d'ici ?

Hector continuait de siroter son verre, lorsqu'il indiqua Dante d'un geste du menton. Celui-ci contesta :

- Ah non ! Je veux pas être mêlé à ça. C'est vos affaires.

- Allez quoi ! J'vous accompagne ! De toute façon, Simon m'a bien énervé hier. Si j'ferme la taverne une journée, ça lui fera de belles jambes.

À l'évocation de ce prénom, Lyssa sentit un frisson de dégoût lui parcourir le cou, et vit du coin de l'oeil son amie se crisper. Le tavernier comprit la réaction de ses invitées, avant de les rassurer :

- Vous en faîtes pas, j'lui ai bien fait comprendre qu'il avait pas intérêt à recommencer.

En énonçant cette phrase, son visage changea. Les deux amies furent surprises de découvrir qu'Hector présentait une expression haineuse et meurtrière. Le gentil tavernier avait laissé place pendant une seconde à un guerrier à l'aura assassine.

Dante se mit à rire :

- Le pauvre Simon ! Te connaissant, même si t'ouvres ta taverne, il reviendra pas de sitôt !

Il ajouta après une gorgée de whisky :

- Je veux bien vous y amener demain, j'ai des provisions à aller chercher. Mais je vous préviens, si jamais ça sent le roussi, je vous balance sans aucun scrupule.

Cette annonce fut vite coupée par Mona qui annonça plus fort :

- Bon, c'est terminé !

La femme de Dante passait un dernier coup de peigne dans les cheveux de Lyssa. De nombreuses mèches s'étalaient au sol, témoignant de la quantité de cheveux qui n'était plus sur son crâne. La jeune fille passa la main dans sa nouvelle coiffure tout en regardant le résultat dans le miroir. Elle ne pouvait pas vraiment juger car elle n'avait jamais réellement vu de jeune garçon, mais il est vrai qu'Hector et Dante n'avaient pas les cheveux longs.

Angela regardait son amie, un pincement au coeur. Elle se fit néanmoins la réflexion que Lyssa resterait toujours jolie, peu importe sa coiffure ou ses habits. À cette pensée, elle se sentit rougir, et remarqua qu'Hector la regardait, un sourire en coin.

Savait-il à quoi elle pensait ?

Dante félicita sa femme, ignorant ce dialogue silencieux :

- C'est bien réussi, vachement crédible.

Il se tourna vers Lyssa :

- Va mettre la tenue pour voir ?

Celle-ci se dirigea vers une salle à gauche que lui indiquait Mona. Elle se changea en vitesse avec la tenue qu'on lui avait donnée plus tôt et revint dans la grande pièce.

Elle se vit avant les autres dans le miroir plain-pied. Les bottes de cuir lui allaient parfaitement. Elles étaient confortables bien qu'un peu rigides et les sangles se réglaient en cas d'inconfort. Le pantalon était souple ce qui était bien pratique pour l'entraînement à la course ou au combat. Enfin, la tunique argentée était plus lourde, dans une matière métallique qui semblait très résistante et assez lâche pour cacher sa poitrine. L'emblème des Sacrifiés décorait son torse, de cet ange doré qui déployait ses ailes vers la liberté. La jeune fille soupira avec ironie, trouvant l'insigne de très mauvais goût.

- Pincez-moi je rêve ! Y'a une nouvelle recrue dans ton salon, Dante !

Hector s'était esclaffé avec enthousiasme. Il paraissait sincèrement surpris par le réalisme du déguisement. Son regard approbateur n'était pas le seul : toutes les personnes de la pièce semblaient du même avis.

Après un moment d'hésitation, Angela prit place à son tour, mal à l'aise. Elle était prête à subir la transformation pour pouvoir retrouver son frère.

***

En sortant de chez Dante avec leurs habits habituels, les deux amies eurent du mal à s'accommoder à l'absence de chevelure à l'arrière de leur nuque.

Pour les consoler, Mona leur avait proposé de leur donner quelques fleurs qu'elle avait ramassées quelques jours plus tôt dans la forêt. Lyssa avait gentiment refusé, mais Angela avait emporté une rose aux pétales généreuses. La senteur sucrée l'avait immédiatement attirée et elle savait déjà ce qu'elle allait en faire.

Elle demanda timidement :

- Hector ? Est-ce que tu sais où peut se trouver la petite fille d'hier ?

- Ah la gamine ? À cette heure là, elle doit pas être loin de la taverne. Elle sait que j'lui donne du pain facilement.

Elle hésita :

- Pourquoi n'a-t'elle pas de prénom ?

- J'sais pas trop. Elle est orpheline donc personne ne l'a baptisée, et tout le monde l'appelle gamine alors bon...

En arrivant devant la taverne, Lyssa remarqua que l'enfant était accroupie et jouait avec la terre et un bout de bâton. Quand elle vit le tavernier et les deux amies revenir, son visage s'illumina :

- Oh vous êtes là !

Elle courut vers Angela :

- T'as fait quoi à tes cheveux ? C'est moche comme ça.

L'honnêteté fit rire la jeune fille qui s'agenouilla au niveau de la petite.

- J'ai un petit quelque chose pour toi.

Elle lui tendit la rose avant d'ajouter :

- Elle a la même couleur que tes joues. Cette fleur m'a fait penser à toi.

La petite agrippa la fleur de ses petites mains, les yeux écarquillés face à la beauté qu'on lui offrait. Angela passa la main dans ses cheveux, un peu gênée :

- Dis-moi, est-ce que quelqu'un t'as déjà donné un prénom ?

L'enfant secoua négativement la tête :

- Jamais.

- Pourquoi est-ce que tu n'en a pas choisi un ?

La petite baissa la tête nerveusement, voilant son regard de tristesse :

- Parce qu'un prénom on nous le donne, on le choisit pas. C'est un garde qui me l'a dit.

Angela secoua la tête, ressentant un pic d'exaspération envers ce garde sans coeur. Elle réfléchit quelques instants, avant de demander avec un regard plein de bienveillance :

- Et si moi je t'en donne un, ça marche ?

La petite ouvrit de grands yeux surpris, sentant son coeur battre si fort dans sa poitrine. Elle hocha la tête avec énergie, attendant patiemment que quelqu'un ose enfin la faire exister.

Angela posa les yeux sur la fleur qu'elle venait d'offrir à l'enfant.

Oui, ça ferait l'affaire, ça lui irait bien.

- Rose.

Elle leva les yeux vers la petite qui retenait encore son souffle :

- Ça te va, si je t'appelle Rose ?

La petite sauta dans les bras autour de la nuque d'Angela. Un torrent de larmes s'écoulait de ses yeux. Elle reniflait fort, s'étouffant à moitié, agrippant de ses petites mains le pull de celle qui venait de donner un sens à sa vie.

Lyssa regardait la scène, attendrie. Angela était vraiment extraordinaire, elle venait de donner tellement de bonheur à ce petit être. Au milieu de leur course et de leur fuite, elle arrivait à rester humaine et bienveillante. Pendant un instant, la jeune fille sentit son coeur battre et ses joues chauffer.

Elle avait envie elle aussi, de prendre Angela dans ses bras.

- Je serai comme toi plus tard.

La petite avait desserré son étreinte et essuyait son nez humide avant de s'exprimer d'une voix enrouée.

- Comme moi ?

- Je serai gentille avec les gens, et je combattrai les gens pas gentils.

À cette annonce, Angela sourit et acquiesça. Elles allaient partir le lendemain, avec Hector et Dante. Mais au fond d'elle, elle savait qu'un jour, elle reverrait Rose.

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◾Merci d'avoir lu ce onzième chapitre du Système Terre ! J'espère qu'il vous aura plu. J'aimerais vous poser quelques questions si vous avez le temps ◾

▪️Que pensez-vous de Dante et de Mona ? ->

▪️Quelles sont vos prédictions sur Rose ? ->

▪️Remarques sur l'écriture ->

▪️ Remarques sur l'histoire/scénario ->

◾ Merci pour vos retours ! N'hésitez pas à voter ⭐ pour que l'histoire continue ! Le chapitre 12 arrive bientôt... ◾