L'amour pousse dans les arbres
Cette odeur de barbecue, Margot s'en souviendrait toute sa vie. La fumée, les saucisses grillées ... C'était les symboles de l'été. En cette soirée, il faisait chaud, si chaud et pourtant le vent soufflait fort en cette Corse dénudée, naturelle, élégante. Il faisait noir, plus noir que noir, plus noir que le soir. Quand Margot relevait la tête, ce n'était pas pour détendre son cou, non, c'était pour voyager. Dire bonsoir aux étoiles, à la voie lactée, faire un clin d'œil à son oncle germain qui l'admirait de ces points dorés et lui souriait, tout enjoué. Margot, elle aimait son oncle. Elle lui racontait souvent comment, un jour, elle avait entretenu seule une conversation avec un nuage. C'était une journée d'orage, lui disait-elle, et il ne voulait pas laisser place au soleil.
Margot, elle aimait les livres. Elle aimait les mots, les phrases, les lettres. Margot, elle était reine de son monde intérieur, reine de sa vie, reine de son cœur.
Margot, elle aimait la vie. Et lui aussi.
Un jour, racontait-elle à son oncle germain de sa voix cristalline, je me suis disputée avec un arbre. J'avais si faim, si tu savais. Et lui, il ne voulait pas faire tomber ses pommes. Je l'ai imploré, supplié de m'en accorder au moins une moitié. Puis le vent a soufflé et l'une d'elles est tombée. Elle était bien rouge, cette pomme. Si sucrée ! Je crois n'en avoir jamais gouté de pareilles. Et elle était belle !
Margot, elle était passionnée. Elle souriait au monde, aux silences, aux bruits, au soleil et à la nuit.
Margot, elle aimait la nature. Et lui aussi.
Le temps d'un après-midi, j'étais juste sortie, poursuivait-elle à l'attention de son oncle germain. Juste sortie, quand tout à coup, j'ai vu un oiseau voler. Il était rouge, je crois, et il est passé là, juste devant moi. Il s'est retourné et m'a souri. « Suis-moi, viens faire un tour au paradis », m'avait-il dit. Alors, je suis montée sur lui, et j'ai vu le soleil de plus près, les nuages, les maisons à colombages, et les toits étaient roses. Et ils étaient beaux !
Margot, elle aimait les couleurs. Les odeurs des fleurs, en été, puis le parfum des lilas violets.
Margot, elle aimait les oiseaux. Et lui aussi.
Alors, c'était tout naturellement qu'en ce soir si noir, plus noir que noir, plus noir que le soir, en cette Corse dénudée, naturelle, élégante, Margot était sortie, pour s'aérer l'esprit. Elle avait vu un arbre, au loin. Et il était grand, si grand ! Margot avait couru, pour le rejoindre, et s'allonger en ses branches épaisses, réconfortantes. On entendait la chorale des grillons, le bal des lucioles et, par-dessus, le sourire des étoiles. Mais lorsqu'elle était arrivée, le vent avait tout chamboulé. Il avait fait tomber, sous cet arbre centenaire, un homme. Un jeune homme. Un garçon. Il était assis, il lisait, allongé sur un lit de feuilles mortes, ses cheveux bruns valsant au rythme des brises régulières. Il leva la tête et trouva Margot, à quelques mètres de lui, l'observant d'un air ahuri.
- Comment t'appelles-tu ? osa-t-il demander.
- Margot, Reine de cette contrée, dit-elle en souriant, enchantée par la beauté de ce garçon sacré. Et toi ?
- Je me nomme Alexandre Ier, Roi des pommes, et de tous les pommiers.
Son sourire était d'or, et sa voix, si douce.
Et c'était ainsi que, un soir d'été, noir, plus noir que noir, plus noir que le soir, en cette Corse dénudée, naturelle, élégante, Margot et Alexandre ne s'étaient plus quittés.
Et c'était alors que, devant la chorale des grillons, le bal des lucioles, et, par-dessus, le sourire des étoiles, Margot et Alexandre, tout deux si enchantés, s'étaient, pour la première fois, embrassé.
Margot avait aimé cela. Et lui aussi.
Nouvelle dédiée à une amie, qui se reconnaîtra.
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