Entre rêve et réalité
Minos émergeait doucement du néant. Où était-il ? Il l'ignorait. Mais avant tout : que s'était-il passé ? Minos y repensa un moment... Ah oui ! La morsure de Cerbère ! Malgré qu'il ne soit encore qu'un chiot, l'animal tricéphale avait déjà la bave bien empoisonnée ! Mais qu'est-ce que Pharaoh lui donnait à manger comme viande pourrie ? Quoi !? Il lui donnait n'importe quoi ! Qui donnait n'importe quoi à qui ? Kanon. A Cerbère. Mais pourquoi le chevalier d'Athéna donnerait-il n'importe quoi à manger à Cerbère ? Il n'était pas allé le voir ! Quoi que... non, ça c'est juste un coup de Kanon, seigneur des Enfers ! Non mais quelle blague ! S'il n'était pas déjà mort, il en serait certainement mort de rire ! Il était mort ? Comment ça ! Il était mort !?
Oui, Rhadamanthe, il lui avait demandé de le tuer. Donc, il était mort... donc, il était allongé par terre sur les rives de l'Achéron. Mais il ne pourrait pas traverser le fleuve ! Hein, et pourquoi ne pourrait-il pas passer ? Rhadamanthe lui avait certainement mis une pièce d'argent dans la bouche... Il tâta avec sa langue. Rien. Dans sa main alors. Ça marchait aussi dans la main. Non, rien. Dans l'autre peut-être. Non plus. Ah les traitres ! Rhadamanthe ne lui avait même pas donné une pièce pour payer la traversée ! Charon ne voudrait jamais le laisser passer. Tout juge qu'il soit, il était mort et pour le passeur, un mort pouvait passer s'il payait sa traversée. Pas de rame ! Pas de traversée ! C'était aussi simple que ça !
Bon, le mieux était encore qu'il ouvre les yeux. La pièce avait sûrement glissée de sa main pour tomber par terre. Mais ses paupières ne voulaient pas s'ouvrir, trop lourdes sûrement par manque de sommeil. Ou collées. S'il retrouvait le crétin qui lui avait collé les yeux, ça allait barder pour son matricule ! Il n'avait plus qu'à tâter autour de lui avec ses mains pour retrouver sa pièce. Parce que tout bien réfléchi, il doutait que Rhadamanthe ou Eaque ait pu oublier de lui donner une pièce pour la traversée. Mais la trouver sur le sol irrégulier de la rive et à tâtons ne serait pas évident. Tiens, à quel endroit des Enfers le sol était-il aussi doux et moelleux ? Minos y réfléchit assez longuement mais sans trouver la réponse.
Ah si ! Il se rappelait ! Son fauteuil dans son bureau ! Il était assez confortable ! Bizarre, il avait l'impression d'être allongé. Il essaya de se redresser mais quelque chose l'entravait. Il devait certainement y avoir des âmes installées sur lui. A quel endroit des Enfers les âmes étaient-elles entassées comme les ordures dans un dépotoir ? Là, il ne voyait vraiment pas. A moins que... zut, il avait oublié. Lorsqu'il s'était battu avec Kanon... avec ou contre Kanon ? Enfin toujours était-il que par endroit, il avait vu des tas d'âmes. Elles avaient dû être éjectées de leurs enfers au moment de la guerre. Ses très estimés frères et collègues ne l'auraient tout de même pas balancé là, comme l'âme de n'importe qui !
Non, il n'avait pas été jugé ! Un juge des Enfers jugés par un autre juge des Enfers. C'était légal ça ? Minos y réfléchit un instant. Il ne s'était jamais posé la question jusque là. Un juge n'avait jamais eu à juger un autre juge. Mais c'était sûrement légal, il serait jugé par ses pairs. Mais devait-il seulement passer par le tribunal. Ce ne serait pas étonnant avec ce bougre de Kanon ! Allez hop ! Les spectres au jugement ! Et les juges aussi ! Allez zou ! Ça ne fera qu'un seul voyage comme ça !
Bon en attendant, il devait parvenir à savoir où il se trouvait s'il voulait pouvoir essayer de négocier. A moins qu'il ne traverse pas l'Achéron. Ouais, il allait faire comme ça. Il ne traverserait pas le fleuve et il resterait de ce côté avec les âmes indécises et ennuyeuses à mourir... sans rien faire... Donc, commencer par ouvrir les yeux.
Hou ! La lumière ! Mais il ne pouvait pas l'éteindre ! Il abusait Eaque à avoir toujours toutes les lumières d'allumées. Il avait mal au crâne. C'était de la faute de Rhadamanthe, son whisky était trop fort. Minos lui avait déjà dit. Comment pouvait-il avaler un truc pareil. Et Eaque était pire, il buvait ça comme du p'tit lait ! A croire que l'alcool n'avait aucun effet sur lui. C'était ça, il était immunisé contre l'alcool. Maintenant, Minos se demandait pourquoi il avait bu. Qu'est-ce qu'il avait à fêter. Pas le départ de Kanon. Ce mec était comme son cabot : une vraie plaie... Son pied ! Voilà pourquoi il ne pouvait plus se lever ! Le bleuté lui avait coupé le pied ! Il avait pourtant demandé à Rhadamanthe de le tuer ! Ça lui revenait maintenant ! Cerbère l'avait mordu et Kanon... il ne sentait plus son pied.
- Je t'avais demandé de me tuer, Rhad, parvint à dire Minos en ouvrant les yeux et d'une voix qu'il aurait voulu moins faiblarde.
La Wyverne releva subitement la tête, sortant de son livre pour regarder son frère. Il chercha en silence à quel moment Minos lui avait demandé une telle chose. Non, il ne voyait pas alors pour sauver les apparences, il répondit d'un ton neutre :
- Parce que tu crois que Kanon m'aurait laissé faire.
Minos secoua à peine la tête. Bien sûr que Kanon aurait empêché Rhadamanthe de le tuer. Le bleuté était, et le blanc en était sûr et certain, un enquiquineur de première, bien décidé à contrecarrer tout ce que faisaient les juges. Il détailla un instant les environs. Il était chez lui, dans son lit. Par contre, ce n'était pas ses draps habituels. Voilà pour la rugosité du « sol ». En même temps, lorsque l'on a l'habitude de dormir dans des draps en soie ou en satin, des draps en pur coton peuvent provoquer un choc dermique, d'où les cauchemars !
- Et encore, ne te plains pas ! intervint Eaque. Tu avais la meilleure place. Kanon nous a engueulé mais quelque chose de bien !
« La meilleure place » grommela Minos. Il avait un pied en moins il n'appelait pas ça avoir la « meilleure place » ! Il tenta de se redresser mais une vive douleur dans le bas de sa jambe lui indiqua qu'il valait peut-être mieux ne pas bouger. Comment pouvait-il encore avoir mal à son pied alors qu'il n'en avait plus.
- Ah ! s'exclama Eaque. Kanon a dit qu'on pouvait te mettre un gros oreiller pour te redresser. Aide-moi à le relever, Rhad !
Le brun s'immobilisa près du lit alors que la Wyverne n'avait pas bougé et que le Griffon écarquillait les yeux. La dernière fois que les deux autres avaient aidé Minos...
- Je vais le faire seul.
Minos peina à se redresser sous les regards imperturbable de Rhadamanthe et impatient d'Eaque pressé de se débarrasser de ce gros coussin, parce qu'il se sentait terriblement ridicule avec ça dans les mains. Enfin, il le coinça un peu brutalement derrière le dos de son frère.
- Avec vous aussi, il s'est bien amusé.
Minos parlait bien évidemment des blessures laissées par Cerbère sur les avant-bras de ses frères.
- Il a essuyé et passé plusieurs fois la dague au feu, reprit Rhadamanthe. Donc, la dague que tu avais depuis des siècles...
La Wyverne ne termina pas sa phrase. Minos n'avait pas besoin de davantage de détails pour savoir dans quel état était sa pièce historique. Il devait se changer les idées pour oublier sa mutilation et le massacre de sa dague. Alors il posa des questions sur ce qui s'était passé pendant qu'il était incons... absent. Rien et pour une bonne raison : Kanon était resté à la Toloméa jusqu'à il y une heure environ où il avait demandé aux deux autres juges de prendre la relève.
Minos se redressa, sidéré de ce qu'il venait d'entendre. Pourquoi le bleuté était resté autant de temps ? Peut-être attendait-il que Minos meurt ?
- Réfléchis deux secondes, lui lança Rhadamanthe. Crois-tu qu'il t'aurait soigné pour te faire mourir juste après ?
- Ce serait du pur sadisme, répondit Minos, expert en la matière.
Mais il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser ce que venait de dire la Wyverne. Et en soulevant drap et couverture, il découvrit que son pied était toujours à sa place au bout de sa jambe et mieux bandé que ce qu'avait fait le Griffon. Finalement, Kanon ne l'avait pas mutilé comme il l'avait cru.
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