2 Novembre 1993
- Pourquoi vous faites ça ?
- Bonjour Mademoiselle Catherine Fantini.
- Bonjour Monsieur Bador. Je préfère que vous m'appeliez Cathy.
- Et moi, Sébastien.
- Je ne me le permettrais pas !
- Et pourquoi pas ? Tout le monde,ici, m'appelle par mon prénom. Tout le monde sauf vous, bien évidemment.
- J'en suis désolée.
- Et moi donc. Pourquoi débarquez-vous comme une furie dans mon bureau ?
- Désolée si je suis brusque, mais vous m'avez poussée à bout.
- À bout ! Ha ! Je ne pensais pas y arriver un jour. La si parfaite mademoiselle Fantini en colère. Allez... Ne pleurez pas pour si peu... et arrêtez de vous excuser. Votre sensiblerie m'exaspère. Vous n'êtes plus la même depuis votre retour d'Allemagne.
- Vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même : c'est bien vous qui aviez insisté pour que j'y aille.
- ... J... Je...
- Ça fait un peu plus d'un an que je suis rentrée et à aucun moment vous n'avez cherché à savoir comment ça s'est passée.
- Je... J... et puis zut. Je n'arrive simplement pas à comprendre comment une personne aussi intelligente et sensée, que vous, puisse être aussi fragile.
- Et moi je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous avez refusé de présider mon jury de soutenance.
- Séchez donc vos larmes et reprenez-vous. Je ne présiderai pas votre jury parce que ça me regarde.
- Je ne comprends pas. Vous avez présidé tous les autres jurys de soutenance du labo. Pourquoi pas le mien ?
- J'ai lu très attentivement votre travail. Je n'ai eu aucune correction à faire. Votre thèse est juste parfaite. Que voulez-vous de plus ?
- Mais c'est injuste !
- Plus je vous observe et plus je me dis que j'ai pris la bonne décision : vous n'avez besoin de personne et encore moins de moi. J'ai convié le professeur Andrew Lloyd pour présider le jury. Il était curieux de faire enfin votre connaissance.
- Et vous en serez ?
- Non.
- Puis-je parler librement ?
- Je vous en prie.
- Pourquoi vous ne m'aimez pas ?
- Vous au moins vous allez droit au but. Et qu'est-ce qui vous fait croire que je ne vous aime pas ?
- Vous faites tout pour vous débarrasser de moi. Il y a 3 ans, vous m'avez envoyée en Allemagne. Et aujourd'hui, vous voulez m'envoyer aux États Unis.
- Je demande à Andrew de présider, et vous en déduisez que je ne vous aime pas. Quelle force de déduction !
- Le professeur Lloyd est un éminent chercheur que je respecte énormément mais il a le défaut de ne pas être vous. D'ailleurs, j'ai déjà refusé son offre d'emploi.
- Vous n'auriez pas dû. Ce n'est pas en France que vous pourriez travailler à la hauteur de vos capacités.
- J'en suis consciente mais je ne souhaite pas partir.
- Mais vous n'avez aucunement besoin de moi. De vos quatre années dans l'équipe, citez-moi un seul moment où vous avez fait appel à mon aide.
- Vous avez toujours cru en moi.
- Et je croirai toujours en vous mais je n'ai pas les moyens de vous garder ici. Les recherches que vous faites nécessitent des financements que l'État français n'est pas prêt à assumer. Acceptez l'offre d'Andrew, et vos travaux seraient amplement récompensés.
- À quoi servirait le succès si personne ne m'attend à la maison.
- Rester ici vous obligerait à nier qui vous êtes. Vous intégreriez au mieux un laboratoire d'analyses médicales où vous passeriez vos journées à valider des résultats pour des patients dont vous ne connaissez rien. C'est ce que vous souhaitez ?
- Moi ce que je veux c'est d'être heureuse.
- Et selon vous, quelle est la définition du bonheur ?
- Le vrai bonheur est la vie qu'on se choisit. Pour ma part, le bonheur est une maison à la campagne. Une maison pas trop petite pour contenir tout l'amour qui s'y partage mais pas trop grande non plus pour qu'on n'y perde pas nos valeurs.
Elle est entourée d'un jardin. Il ne sera pas trop grand pour que les enfants sachent toujours retrouver leur chemin dans les dédales de son étonnante flore.
D'ailleurs, c'est une ribambelle de mômes qui en fera les honneurs. Ils auront des joues bien roses car ils courront de partout mais sauront rester sages.
Toutefois, le premier de tous les bonheurs, et le plus important à mes yeux, c'est la personne avec qui on le partage. Je veux pouvoir choisir mon époux. Je ne veux pas qu'on me l'impose. Je le veux aimant, je ne le veux pas volage. Il faudrait qu'il se rappelle tout le temps de son amour pour moi. J'aimerais nous promener main dans la main. Qu'il ne me lâche jamais la main, que ce soit devant les voisins, le préfet, un président ou tout autre roi. Et même devant une reine. Il m'aimera et n'en rougira pas. Je voudrais que nos discussions soient interminables, que nos disputes ne soient que courtes, passionnées mais non inflammables. Je n'aime pas les bouderies, ni les mots qui se taisent et nous noient.
Et puis je voudrais la nuit venue qu'il oublie le nombre des années écoulées et qu'il sache encore m'aimer comme aux premiers regards.
Est-ce trop demander ?
- Comment vivrez-vous ? L'amour et l'eau fraîche ne rassasient leur homme qu'un temps.
- Je ne suis pas inquiète. Nous trouverons du travail, quitte à faire des petits boulots pour commencer.
- Et comment s'appelle cet heureux homme que je le félicite ?
- Il aimerait que je l'appelle Sébastien mais j'ai peur de me croire autorisée bien plus que ce qu'il ne veut me donner alors je continue à l'appeler par son nom d'affiliation... Et c'est sur votre visage que coulent les larmes maintenant.
- Vous me demandez de tout quitter pour vous. Savez-vous que j'ai une vie en dehors de l'université, et que j'ai aussi des rêves et des ambitions.
- Je ne vous demande rien. Je vous explique seulement mes espoirs et désirs. Si je ne représente rien pour vous, ne me demandez plus de vous appeler par votre prénom. Je ne suis pas un automate à la façon de Hopper. Je suis une humaine rêveuse, sensible et fragile.
- Qu'allez-vous faire après ?
- Je trouverai bien un laboratoire d'analyses médicales qui voudra bien de mes services.
- Et pour votre rêve de bonheur.
- Oh ça ! Il me suffit d'acheter la maison avec son jardin et d'y planter les rosiers. Pour le reste, seul l'avenir saura le raconter. Il commence à se faire tard, je vais rentrer.
- Cathy !
- Oui monsieur Bador.
- Sébastien, s'il vous plaît.
- Oui Sébastien.
- Suis-je à ce point idiot ?
- Je ne l'ai jamais pensé.
- Pourtant je cherche constamment à vous éloigner alors que je ne souhaite qu'être cet homme que vous voulez rendre heureux. Je n'ai pas le droit de vous demander de m'aimer.
- Pourquoi ?
- Pour commencer, vous êtes mon étudiante et moi votre professeur et pour finir je ne vis pas seul.
- Oh !!! Vous ne m'avez jamais dit que vous étiez en couple.
- Vous ne me l'avez jamais demandé non plus. Vivez heureuse c'est tout ce que je vous demande. Ne m'attendez plus. Je ne le mérite pas.
- C'est à moi de décider de ce que je suis prête à faire ou non par amour. Vous ne croyez pas ?
- Je pars demain aux US rencontrer le doyen de la faculté de Harvard. Il m'a proposé une chaire et souhaite que j'intègre leur équipe de chercheurs. Je prendrai des décisions à mon retour.
- Harvard ? Vous n'y pensez pas. C'est très loin. Vous rentrez quand ?
- C'est la chance de ma vie. Et je ne parle pas que du salaire. Je ne sais pas encore si je rentrerai un jour. Je dois vous avouer que j'espérais vous voir accepter l'offre d'Andrew. Nous serions alors voisins, vous et moi. Aux states, j'achèterai un terrain pour y construire une maison dans une petite prairie. J'y planterai des rosiers blancs. Partagerez-vous ce projet ?
- Et votre compagne ?
- Notre couple bat de l'aile depuis plus d'un an. Elle m'a justement posé un ultimatum quand elle a su que je cherchais à vous faire partir au même endroit que moi.
- Toute une année et vous êtes encore ensemble ! Que s'est-il passé ?
- Elle a trouvé dans ma poche un papier froissé. Je le trimbalais de vêtement en vêtement. Un jour, alors que j'étais sous la douche, elle s'est autorisée à fouiller dans mes poches. Elle a ainsi pu lire la déclaration d'une admiratrice qui avait tenté de mettre fin à ses jours.
- La mienne de lettre ? Pourquoi ne m'en avoir rien dit ?
- Pourquoi ne me faites-vous pas suffisamment confiance pour me parler de ce qui vous est arrivé en Allemagne ?
- J'ai posé la question en premier. Comment l'avez-vous eue ?
- Je sortais du bureau de Schmutz quand je suis allé frapper à votre porte dans le but d'entendre votre version des faits. C'est moi qui vous ai découverte dans la baignoire et qui ai appelé les secours. C'est aussi moi qui étais là à votre réveil mais vous ne me voyiez pas. Vous m'appeliez mais vous ne m'écoutiez pas vous répondre.
À mon retour en France, j'ai commencé à me poser des questions. J'avais besoin de prendre du recul. Avec Alice, ça n'allait plus depuis plusieurs mois, mais nous étions ensemble depuis tellement d'années que je ne voulais pas la quitter sur un coup de tête. Alors j'ai essayé de me convaincre que je n'avais pas de sentiment réel pour vous. J'en étais encore là quand Alice m'a vidé les poches.
- Comment avez-vous réagi ?
- J'étais en colère. Je n'avais rien fait de mal mais elle m'accusait de la tromper. Selon elle, si je restais tard à la fac, ce n'était que pour profiter plus longtemps de votre compagnie.
- Ne lui avez-vous pas dit ?
- Dire quoi ? Que vous ne m'intéressez pas, que je travaille réellement ou que j'ambitionne de m'installer aux US avec vous pour voisine ? Non je n'ai rien dit et pour cause elle avait raison. J'ai seulement mis trop de temps à le réaliser.
- Mais il ne s'est jamais rien passé entre nous !
- Certes, physiquement non. Mais ce n'est pas l'envie qui me manquait.
- Vous avez gardé ça en vous tout ce temps.
- Je voulais d'abord me poser les bonnes questions.
- Et quelles sont vos réponses ?
- J'aime votre définition du bonheur. Dites-moi Cathy, vous n'avez pas localisé votre projet ?
- Non en effet. Il sera là où sera mon cœur.
- Même aux États Unis ?
- Si le bonheur frappe à ma porte, je ne la lui claquerai pas au nez. N'empêche que je trouve injuste que vous ne soyez pas là pour assister à ma thèse.
- Que me donneriez-vous en échange ?
- Que voudriez-vous ?
- Vous.
Fin
*****
Vous avez aimé ?
Alors n'oubliez pas ma petite étoile ainsi qu'un commentaire constructif. Et si ça vous dit d'aller encore plus loin, n'hésitez pas à lire la suite.
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