Interlude ⁴ 🎬
Hellooo ! Et oui cet udpate est une interlude, et vous verrez de quel point de vue :)
Elle est assez longue (+ que mes chapitres de base ; elle fait environ 6000 mots)
J'espère qu'elle vous plaira car elle est très importante et qu'on y découvre pas mal de choses
Sur ce bonne lecture aaaahdkdbdk !!!
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La table est dressée. La nappe rouge est de sortie. Les verres en cristal sont libérés de la poussière qui les recouvre toute l'année.
"Somi, tu peux descendre ?" appelle ma mère.
Je suis en train de me débattre avec mes cheveux dans le miroir. Ils sont de plus en plus longs. Je les préfère au carré, mais toutes mes copines à l'école se moqueraient de moi si je le faisais.
La porte de la salle de bain s'ouvre soudainement. Ma soeur débarque comme une tornade et se place elle aussi devant le miroir. Je la repousse un peu ; elle prend toute la place.
Elle prend toujours toute la place, je pense amèrement.
"T'es toujours pas prête ?" je lui lance. "Maman t'a demandé de descendre."
Elle a revêtu ce genre de robe qui ne va qu'à elle. Ses longs cheveux bruns épousent ses épaules, puis sa poitrine, avant de s'échouer dans le creux de ses reins. Son regard est éclatant. J'aperçois des paillettes légères sur ses paupières.
Je baisse le regard.
Somi est toujours intimidante. Elle est grande, si grande. Et mature. Et pétillante. Bavarde. Peut-être un peu trop. Peu importe à quel point mon amour est puissant pour elle, j'ai l'impression de faire tâche à côté.
Elle attire tout à elle. C'est fascinant, à quel point elle est un point central dans ce monde. Partout où elle va, elle est une accroche, quelqu'un qu'on connaît. Quelqu'un qu'on peut approcher sans peur. Quelqu'un qui nous apportera forcément le meilleur.
La popularité.
La lumière.
Connaître Somi, c'est sortir de l'ombre.
Mais c'est étrange, parce que c'est sortir de l'ombre tout en restant dans la sienne.
"Moi aussi, je veux me maquiller."
"Non, Sana. Toi, tu es encore trop jeune." me taquine-t-elle.
"Eh !" je m'indigne faussement. "Ça va, Madame-je-suis-rentrée-au-lycée-et-je-prends-la-grosse-tête ?"
Elle rit, et soudain, ma brosse quitte mes doigts. Je réalise trop tard qu'elle me l'a piquée, et s'applique à mettre en ordre ses propres cheveux avec.
Je hausse les épaules. De toute façon, j'avais fini. Je m'affaire à me brosser les dents.
"Somi !" retentit la voix de notre mère, en bas.
Je ne l'entends que rarement crier. Elle a tendance à être très réservée, comme Papa. Mais je sais que cette soirée la rend nerveuse, comme tous les ans.
Noël.
C'est la seule occasion où nous voyons un peu notre famille. Autrement, c'est silence radio toute l'année, et ce n'est pas plus mal que ça.
Mais aujourd'hui est spécial. Puisque c'est la première fois que cette réunion annuelle est organisée chez nous, au cœur de Gwangju.
J'entends des pleurs en bas. Je soupire.
"S'il te plaît, Somi, je ne peux pas m'occuper de Jungkook et de la cuisine en même temps."
Elle acquiesce, puis abandonne la brosse pour descendre. Elle me laisse seule, le visage coincé devant le miroir. Je n'arrive pas à m'en défaire. Je parcours ma peau des doigts, finement, pour redécouvrir chacun de mes traits.
J'entends Jungkook immédiatement se calmer. Je ne sais pas quel genre de super pouvoir a Somi pour l'apaiser ainsi. Notre petit frère l'adore, je le vois bien.
Il y a une certaine complicité entre eux que j'envie.
Somi a une certaine complicité avec nos parents que j'envie.
Somi a une certaine complicité avec ses camarades de classe que j'envie.
Somi a une certaine complicité avec mes propres amis que j'envie.
Tandis que je quitte mon reflet, une dernière pensée reste amèrement accrochée. J'ai beau fermer les yeux, cette phrase est toujours placardée devant moi, comme un miroir qui me suit partout où je vais, qui me renvoie en pleine face le peu d'estime que je porte à moi-même.
Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
***
Des exclamations s'échappent lorsque l'heure des cadeaux arrive. Des merci s'envolent. Des regards émerveillés scintillent, d'autres tentent de cacher leur déception. Chacun attend son tour pour ouvrir ses cadeaux ; nous avons toujours fait comme ça dans la famille. Et je crois que nous ne sommes pas du genre à briser nos habitudes lorsqu'elles s'ancrent.
Quand c'est au tour de Jungkook, tout le monde observe ses mains encore trop peu adroites tenter de déchirer le papier cadeau. Ses yeux sont brillants, grands ouverts. Il a ce genre d'éclat qu'on ne peut voir que dans les yeux d'un enfant. Ses cheveux bruns entourent son visage rond, alors que ses minuscules doigts s'affairent à la tâche. Je ne peux m'empêcher d'être attendrie par cette vision.
Il découvre avec émerveillement de nombreux cadeaux ; il est celui qui en a reçu le plus.
Lorsqu'un tout dernier paquet reste, ma sœur se penche pour le prendre elle-même dans ses mains.
"Celui-là, c'est le mien." annonce t-elle fièrement.
Jungkook s'agite immédiatement. Ses mains essaient d'atteindre le paquet, dans un mélange de mots incompréhensible, ce qui nous fait éclater de rire. Lorsque Somi lui permet enfin d'attraper son bien, Jungkook déchiquette presque le papier pour découvrir ce qu'il se cache derrière.
À l'extrémité de son petit bras finit par pendre une légère chaîne en argent, au bout de laquelle un anneau s'écoule. La lumière du plafond se reflète dessus, me faisant cligner l'œil droit.
Somi, toujours accroupie devant lui, attire son attention.
"C'est un collier." articule-t-elle.
"Collé ?" répète Jungkook, maladroitement.
Le sourire qu'affiche ensuite Somi me laisse sans voix. Il déborde tant d'affection que je me demande s'il ne va pas plonger toute la pièce dans un état d'apaisement. Il y a quelque chose sur son visage, dans sa manière de porter de l'attention aux autres, qui illumine et donne envie de s'adonner à elle. Il y a quelque chose dans le fond de son regard, de sincère et de confiant, d'éloquent et d'expressif, qui redonne la vie partout où elle passe.
Je crois qu'en ce sens, elle est un peu l'équilibre de notre famille. Celle qui remet en ordre lorsque ça ne va pas. Celle qui comble les vides lorsqu'une faille tente de l'emporter. Celle qui recolle les morceaux d'un verre cassé.
Je souris quand elle s'approche de notre petit frère pour saisir le collier, et l'accrocher délicatement autour de son cou de bébé. Jungkook baisse le regard pour dévisager ce nouvel attirail qui pend sur son t-shirt.
Et puis, il le saisit, le fait tourner entre ses doigts et...
... le fourre dans sa bouche.
Alertée, je m'élance vers lui pour essayer de retirer l'objet, qu'il serre fort entre ses dents.
"Eh, Jungkook, non ! Ça se mange pas !" je m'exclame.
Je sens les autres rirent derrière nous, alors que Jungkook ne démord pas. Ses yeux pleins d'incompréhensions m'envoient des éclairs, comme si j'empiétais sur sa propriété, alors je recule, effarée, lâchant le collier des doigts. Puis il retrouve son expression faciale plus douce et continue de mâchouiller l'anneau.
Je soupire.
"Je crois qu'il va pas s'en détacher, de ton cadeau, Somi..."
***
"Tu fais du théâtre ? Trop bien ! Est-ce que c'est vrai qu'il y une salle super impressionnante à Hongil ?"
Somi acquiesce, dépassée, mais pas mécontente de cette attention qu'on lui porte.
Je les observe, de loin, à l'écart. Mes lèvres se font maltraitées par mes dents. Mes cheveux, qui se sont coincés derrière mes oreilles, me démangent. Je les ramène pour qu'ils cachent davantage mon visage. Je n'aime jamais trop me révéler. Je ne me fais pas de queue de cheval haute comme mes copines. Je déteste que mon visage soit aussi accessible, dénué de mes mèches presque noires qui me donnent un semblant de sécurité.
Parce que je me sens toujours menacée. Repliée.
De trop.
Surtout lorsque je scrute mes propres amies passer plus de temps avec ma sœur qu'avec moi même. Je les ai invitées pour l'après-midi, et à chaque fois, c'est pareil.
Somi ne me lance même pas un regard, comme si je n'existais plus.
Si seulement elle me regardait, en cet instant.
Si seulement elle me regardait, elle verrait à quel point cette situation me touche, à quel point je me sens inutile, tout à coup.
Mais Somi est tellement occupée avec cette horde de jeunes filles qui lui tournent autour, qu'elle ne me donne pas même une seconde d'attention. Mais le pire, je crois, c'est qu'elle ne se retient pas de parler, elle ne fait rien pour les congédier, et il brille dans son regard une satisfaction à se faire entourer ainsi qui m'agace au plus haut point.
Pourquoi cette soudaine colère, en moi ? Comment se fait-il que... que j'ai envie de la détester, tout de suite ? Je m'en veux. Profondément. Elle n'aurait jamais de pensées comme celles-ci envers moi. Parce que Somi est parfaite. Parce que Somi est gentille. Parce qu'il n'y a tout simplement rien à lui reprocher.
Alors qu'est-ce que je lui reproche, moi ? Il doit bien y avoir quelque chose que je lui reproche, pour ressentir cette rage dans le creux de ma poitrine, qui me rend si mauvaise. Peut-être que c'est ça le problème. Ce que je lui reproche, c'est simplement cette perfection. Parce qu'elle me met dans l'ombre.
Parce qu'elle me fait mal.
Parce qu'elle me vole mes amies.
"Est-ce qu'on pourra venir te voir au spectacle de fin d'année ?" s'exclame l'une d'entre elles.
J'ai envie de disparaître.
"Bien sûr. C'est payant, mais tout le monde peut venir. Même si les lycéens sont prioritaires."
J'ai envie qu'elle disparaisse.
***
Le pas dur, je n'arrive pas à mettre mes idées en ordre. Je toque à sa porte, mais n'attends pas de réponse pour entrer. Elle est là, droite, assise face à son bureau, le nez plongé dans un livre que je ne lirai probablement jamais. Une pièce de théâtre, il me semble. Elle en a reçu à Noël.
Son regard, qui se relève vers moi, innocemment, et son sourire sincère qui pend à ses lèvres font courir dans mes veines une sensation que je déteste aussitôt, mais qui me prend aux tripes, qui grimpe et s'empare de mes cellules jusqu'à me rendre dingue.
La jalousie.
Ne flanche-t-elle jamais ? Pourquoi est-elle si parfaite ? Et pourquoi ne voit-elle pas le problème dans ce qu'elle m'a fait, cet après-midi, laissant mes propres amies l'approcher et s'amuser avec elle, tandis que j'étais dans le coin de sa chambre, calée dans l'ombre jusqu'à être oubliée ?
"Somi." je claque.
Immédiatement, elle perçoit un problème dans mon ton colérique.
Ses yeux s'adoucissent. Ses traits se détendent. Sa voix se fait plus délicate lorsqu'elle prononce mon prénom. Et sur l'instant, je la déteste d'avoir toutes ces réactions adéquates, toutes ces expressions du visage effectuées au millimètre près pour toujours sembler d'une perfection absorbante. Tandis que moi, je me coltine cette bouche avec un côté qui se soulève plus que l'autre lorsque je parle, ces sourcils bien moins expressifs que les siens, des joues qui rosissent plus facilement.
Mon cœur se brise petit à petit au rythme de ces pensées qui deviennent aussi violentes, envahissantes. Qui ne me ressemblent pas.
J'aime Somi. Je l'aime tellement. Et tous ces moments passés avec elle dans ma jeunesse me rappellent à quel point nous sommes proches, à quel point elle est quelqu'un de bien. Alors pourquoi, pourquoi, là, tout de suite, je n'arrive plus à ressentir une once de compassion ?
Je me sens trahie par moi-même. Par mes propres sentiments.
"Prends pas cet air !" je m'exclame, hors de moi.
"Wow, Sana. Qu'est-ce qu'il y a ? Viens t'asseoir, on peut en discuter, tu-"
"Arrête de prendre cette voix là !" je continue dans ma lancée. "Arrête de jouer la gentille grande sœur qui va prendre soin de moi, alors qu'en réalité, tu t'en fiches !"
Elle est surprise. Une larme dévale ma joue lorsque je réalise que cette surprise me donne encore plus envie de la secouer.
Alors elle n'a vraiment rien vu.
Des années que je me retiens. Des années que je laisse grandir ce sentiment insupportable en moi, ce sentiment qui me dévore et prend toute la place, bien plus de place que Somi ne pourra jamais en prendre. Ça me picote de l'intérieur, soudain, et c'est la première fois que j'explose.
J'aurais pensé que ce serait libérateur.
Pourtant, c'est seulement douloureux.
"Mais enfin, qu'est-ce que tu racontes, Sana ? Bien sûr que si, je fais attention à toi."
Son ton calme est à deux doigts de me faire vriller.
Putain, elle est intouchable.
"Si tu faisais vraiment attention, tu aurais vu que j'étais sur le point de chialer tout l'après midi parce que tu accaparais toute l'attention de mes amies !"
"C'est juste pour cet après midi que tu as cette réaction là ? Je ferai attention la prochaine fois, il suffisait juste de me le dire."
"Non, ce n'est pas juste pour cet après-midi !"
Ça y est. Nous y sommes. La bon point a été touché, et maintenant, il suffit de le remuer, dans la chair, afin que ce soit plus douloureux encore. Il suffit d'appuyer de toutes mes forces pour essayer de somatiser à travers la douleur.
"C'est pour tout ! Depuis toujours ! Je suis toujours là, comme une merde, dans ton ombre, et toi, tout ce que tu trouves à faire, c'est me regarder de haut comme si de toute façon, c'était ma place, c'était normal. C'est vrai, il est logique que Sana, la petite sœur de Somi, se retrouve en bas de l'échelle. Mon seul intérêt est de faire partie de ta famille, j'ai l'impression. C'est la seule qualification qu'on me donne. Je suis la sœur de Somi, jamais juste Sana, comme si je ne devais exister que par toi, comme si j'étais juste un putain de satellite autour de son orbite. Et toi, toi... Toi, tu fais toujours comme si c'était normal, parce que c'est vrai, après tout, tu es parfaite, tu as le droit de recevoir tous ces éloges. Tu as le droit de recevoir tous ces éloges, et moi, en attendant, je pourris dans ton ombre !" j'éclate, excédée.
Ma poitrine me fait mal après de telles paroles. Je sens mon estime de moi en prendre un coup. Plus ma tirade avance, et plus je me sens devenir quelqu'un d'autre. Ce n'est pas moi qui raconte tout ça, c'est la petite fille blessée, celle qui ne se sent pas assez, celle à qui on a toujours répété ; "Regarde Somi, tu devrais faire comme elle", "Encore une mauvaise note ? Ta soeur était la première de sa classe, à l'époque, je me souviens...", "Prend un peu exemple sur ta soeur, elle, elle ne fait jamais un pas de travers.", "Je ne t'aurais pas cru si timide, Somi est un vrai moulin à parole, elle."
Les larmes ruissellent sur mes joues alors que je sors enfin ce qui m'habite depuis si longtemps. Depuis toujours, peut-être. Je me sens impuissante, face à la jalousie et à mon manque de confiance qui me prennent à la gorge et me forcent à dire ces horreurs.
"Sana." appelle ma sœur, en se levant de sa chaise.
Elle me rejoint sur le pas de sa porte, avec cet air de "je vais prendre la situation en main". Parce qu'elle prend toujours la situation en main. Parce qu'elle a toujours les mots adaptés, les gestes qu'il faut. Toujours.
Je recule brusquement, me retrouvant hors de sa chambre, sur le palier.
Elle me fixe, comme une étrangère.
J'en souffre davantage.
Nous sommes maintenant face à face, dans l'ombre dévorante du couloir. La colère me fait avancer, alors c'est à son tour de reculer dans l'allée.
"Tu es égoïste ! Tu es le centre de ton monde, et tu ne vois même pas quand moi, j'ai l'impression que mon propre monde s'écroule autour de moi ! Ce n'est pas que mes amies, que tu me voles sans aucun remord, mais même nos parents te préfèrent ! Même mes professeurs te préfèrent, me répètent à quel point tu étais une meilleure élève que moi, plus sociable, plus ouverte, plus douée, et à quel point je suis décevante à tes côtés ! Même Jungkook te préfère ! Il est tout le temps sur tes genoux, tout le temps collé à tes pattes. Moi, dès que j'approche, il ne réagit qu'à peine, et se met toujours à pleurer quand je veux jouer avec lui ! Et toi, quand ça arrive, tu débarques, le sourire aux lèvres, pour le calmer et me réprimander comme si j'étais en faute ! Parce que je suis toujours en faute."
Somi recule à nouveau.
"Sana, je ne savais pas que tu ressentais tout ça..."
J'avance encore.
"Évidemment, que t'en sais rien ! Tu es trop concentrée à jouer les miss parfaites pour t'en rendre compte !"
Elle recule.
Son visage est peiné. Je ne sais plus ce que je dis. Ni si je le pense.
Mais je souffre tellement.
Et j'aimerais tant qu'elle le voit.
J'avance.
Et soudain, c'est la goutte de trop.
"Sana ! Tu pourrais arrêter d'embêter ta sœur deux secondes ? Jungkook dort, tu vas le réveiller."
Je me crispe en entendant mon père.
Évidemment, c'est forcément moi, la fautive ! Évidemment, comment Somi pourrait-elle l'être ? Je soupire, douloureusement.
De rage, je fais encore un pas en avant. Mais soudain, mon cœur s'arrête lorsque Somi, elle, fait un dernier pas en arrière. L'expression affligée sur son visage se transforme soudain en effroi lorsque son pied glisse.
À force de faire éclater ma colère, de lui faire prendre la place que j'ai toujours voulu avoir, de la faire grossir dans ce couloir dénué de lumière, je n'ai pas vu ce qui se trouvait juste derrière ma soeur, reculée dans le seul petit espace que j'ai daigné lui laisser ;
Les escaliers.
Un cri m'échappe. Je tends une main en avant, pour attraper n'importe quoi ; son poignet, sa main, son t-shirt, mais c'est bien trop tard. Ma colère s'évapore lorsque Somi part définitivement en arrière. Je plaque une main sur ma bouche, pour étouffer un cri d'horreur.
Je ferme les yeux.
Un corps qui tombe.
Un craquement désagréable, horrifiant.
Puis plus rien. Quelques secondes de silence. Un silence comme je n'en ai jamais expérimenté auparavant.
Ensuite, tout est flou. Mes pas dévalent automatiquement les marches. Je me précipite. Tout en bas, mon corps se poste près du sien. Je plonge mes genoux au sol afin d'être à sa hauteur. Mes doigts tremblent, et j'arrive tant bien que mal à dégager les mèches de cheveux qui m'empêchent de la voir.
Je découvre son visage, tiré de tous les côtés dans une grimace indescriptible. Ses yeux sont clos, fortement, très fortement, alors que deux légères larmes roulent de chaque côté. Sa respiration est erratique, entrecoupée de plusieurs secondes entières par moment, où sa poitrine ne bouge plus.
"Somi ?!" je hurle, affolée.
"Qu'est-ce que-" intervient mon père, aussitôt coupé par la vision qui s'offre à lui.
Alerté par le bruit, mes deux parents nous ont rejoints. Je crispe mes doigts entre eux, l'adrénaline dévalant chaque parcelle de ma peau dans une douche glacée qui congèle mon cerveau.
Son... Son cou n'est pas dans une position normale. Ce n'est pas normal. Pas normal.
"Appelle les urgences !" hèle mon père à l'adresse de ma mère.
Cette dernière s'exécute, tapant plusieurs fois le numéro, oscillante.
Mon attention se repporte de nouveau sur Somi. Je perçois, entre ses cheveux blonds, sur le haut de sa tête, une perle de sang apparaître, pour filer entre ses mèches.
Je suis figée, je ne compte plus les minutes qui passent jusqu'à ce que de violents coups soient donnés à notre porte. Des gens rentrent. Je ne crois pas être tout à fait consciente. Surtout lorsque je perçois à quel point ma sœur peine à respirer.
Je crois que le pire de tout, c'est qu'elle reste silencieuse. Pas un cri, pas une plainte de douleur, seulement son visage et son corps crispé.
Une femme me demande de lui faire de la place. Au début, je ne comprends pas. Je fixe son uniforme, aussi rouge que la goutte de sang que je viens de voir apparaître.
Je me décale en vitesse lorsque l'information monte.
La femme se fait aidée de deux hommes pour porter Somi.
Et c'est lorsque le corps de ma sœur, auparavant tendu, se fait plus laxiste et lâche entre leur bras, que j'expérimente réellement la peur, à sa racine même.
"Elle perd connaissance !"
J'ai juste le temps d'entendre ces paroles avant qu'elle ne disparaisse, déposée sur un brancard. Mes parents la suivent, précipitamment.
"Occupe toi de Jungkook pendant notre absence, Sana, ok ?" me ramène à la réalité ma mère.
J'acquiesce. Au son des pleurs qui s'égosillent de là haut, je comprends qu'il s'est réveillé.
Mes parents accompagnent les urgentistes.
Nous laissant seules,
Moi, ma culpabilité, et la panique écrasante à l'idée de l'avoir tuée.
***
Papa est revenu nous chercher, moi et Jungkook, pour nous emmener à l'hôpital. Ce dernier est sur mes genoux, alors que nous patientons. Il gesticule dans tous les sens. Je le sens énervé, perturbé par ce qui l'entoure, peut-être même effrayé. Je ne trouve pas la force d'essayer de jouer avec lui pour le distraire.
"Se passe quoi ?" murmure t-il.
Je me mords les lèvres, alors que personne ne lui répond. Ma mère me lance une oeillade inquisitrice, pleine de reproches. Je baisse la tête.
Je leur ai tout raconté. J'ai fait profil bas. La culpabilité me ronge tant qu'elle me donne envie de m'infliger un sort similaire à celui de Somi. Ça aurait dû être moi, dans cet escalier. Je l'aurais mérité.
J'ai l'impression que le temps s'étire à l'infini. Il ne m'a jamais paru aussi long.
Somi n'est pas morte.
C'est la première chose que l'on nous a annoncé. Puis qu'il y aurait besoin d'une intervention chirurgicale d'urgence. C'est tout ce que nous savons. Mes genoux tremblent. Ils tremblent tant que le petit corps de Jungkook entre mes bras s'en amuse. Je fais alors exprès de le faire sautiller plus haut, et il s'en réjouit.
Maman m'observe avec un air que je ne lui ai jamais vu. Ses yeux bleus sont couverts d'un voile qui me fait peur. Un voile étrangement vide.
Je ressasse sans cesse ce qu'il s'est passé il y a maintenant un bon nombre d'heures. Mon coeur ne s'est pas apaisé. Je revois le regard cru de Somi avant de basculer, puis son corps qui, dû à l'élan de sa chute, tombe bien plus bas.
Puis ce craquement. Je ne sais pas ce que c'était. Où il l'a touchée. J'ai peur de l'apprendre.
Je revois sa poitrine, qui se soulevait difficilement. L'air, qui ne passait quasiment pas la barrière de ses lèvres. Son visage, empreint de choc et d'une douleur si grande qu'elle en est restée muette.
Ça ne veut pas sortir de ma tête.
"Vous êtes la famille de Jeon Somi, c'est bien ça ?" nous demande un homme.
Plusieurs hochements de tête précipités lui répondent. Nous sommes étrangement silencieux, dans ce couloir.
"Bien. Veuillez me suivre."
Nous le suivons et nous entrons à quatre dans un bureau étroit. Les murs me donnent l'impression de se compresser et de m'étouffer. Ma peau est soudain étriquée, et des frissons la parcourent dans la peur de la sentence que ce médecin va exposé.
Il s'adresse à mes parents.
"Votre fille est actuellement en bloc opératoire d'urgence."
Le tic tac d'une horloge à ma droite me crispe. Mes doigts viennent chercher mes cheveux derrière mes oreilles pour les ramener en avant.
"Le choc a été sur la tête, mais le cou a suivi et s'est gravement tordu. Le larynx a été fracturé. C'est quelque chose qui est capable de tuer sur le coup, le cou étant une zone extrêmement sensible et indispensable au corps. Mais par chance, Somi s'en sortira."
Son discours ne me rassure pas du tout. Jungkook est toujours sur mes genoux. Il s'amuse avec le collier à son cou. Il ne le lâche pas des yeux, comme s'il omettait tout ce qu'il se passait autour de lui. J'aimerais faire comme lui. Ne pas encore comprendre à quel point la situation que j'ai engendrée est en train de tout changer.
"Les voix respiratoires ont été légèrement endommagées, ce qui a entraîné une difficulté à respirer. C'est en partie le manque d'oxygène qui a causé son évanouissement, mais également la douleur trop insupportable pour que le cerveau reste conscient. Mais cette partie-là peut-être arrangée durant l'opération."
Les épaules de mes parents s'apaisent infimement.
"Cependant..."
Le médecin laisse son regard se perdre sur les papiers devant lui. Les épaules de mes parents se tendent de nouveau.
"Je dois vous dire qu'il y a une chose... pour laquelle nous ne sommes pas certains."
"Laquelle ?"
Les têtes se tournent vers moi. Je viens de poser cette question, la voix tremblante. Je retiens mes larmes depuis des heures, et je sens que je commence à saturer. Elles pointent le bout de leur nez.
Tout ça, c'est de ta faute, me chuchote une petite voix. Tu ne devrais même pas avoir le droit de pleurer. Ni de prendre la parole.
"Les cordes vocales ont été gravement touchées durant la fracture. Étant un organe très complexe, il ne sera sûrement pas possible d'y remédier durant l'opération."
Mon coeur se décompose.
"Ce qui signifie..."
Il se jette au sol et je serais presque heureuse de l'écraser, de le réduire en poussière pour ne plus rien ressentir...
"... Une perte définitive de la voix."
... pour n'être plus qu'une âme de silence.
***
Une semaine depuis que Somi est revenue à la maison. Elle a ce truc autour du cou que je n'arrive jamais à regarder dans les yeux. C'est comme un plâtre, mais en beaucoup plus effrayant, en beaucoup plus sérieux.
Le silence est pesant, ici. Jungkook est le seul à le combler, de temps en temps. Il doit être à l'âge de raconter tout et n'importe quoi. Qu'est-ce qu'il se passe, dans la tête d'un enfant de quatre ans ? Je n'en sais rien, mais chaque fois qu'il approche ma soeur et que ses petits doigts effleurent le plâtre blanc qui lui maintient le cou pour l'instant, son regard est ponctué d'une telle tristesse que cela m'afflige profondément.
Somi suit des cours, quasiment tous les jours, dans un centre spécialisé qui apprend la langue des signes. C'est si réel, ce qu'il se passe, et pourtant, je ne réalise pas.
Je crois que si je réalisais, la culpabilité et la peine mélangées seraient telles qu'elles me tueraient.
Je donne trois coups à sa porte. C'est étrange, mais j'ai le réflexe d'attendre qu'elle me réponde, de cette voix enjouée qu'elle avait toujours.
Mais elle ne le fera plus jamais.
Mon coeur fait cette chose étrange. Il se comprime violemment avant de se desserrer, comme s'il se réduisait, ou plutôt comme s'il moisissait, se recouvrait d'une pellicule noire et accablante.
J'entends du bruit à l'intérieur, alors j'entrouvre. Je la vois assise, par terre, face à un Jungkook en pleine réflexion devant un puzzle. Il a son collier dans la bouche, et les sourcils froncés en observant les différentes pièces.
Somi avait pour habitude de jouer à des courses poursuites avec lui, de faire des choses épuisantes et extravagantes, qui faisaient toujours mourir d'hilarité le plus jeune. Maintenant, les activités qu'ils entreprennent sont si calmes, et cette étincelle qui la caractérisait a déserté son regard.
Cette étincelle que je lui enviais.
Tu es contente, maintenant qu'elle a disparu ? me souffle ma culpabilité dans le creux de mon oreille.
Je voudrais lui hurler de se taire, mais je sais que je mérite cette torture.
"Somi..." je souffle.
Elle se redresse. Son regard vide me troue la poitrine. Elle semble d'abord peu confiante, puis se résigne avant de me montrer son lit du doigt, pour m'indiquer de m'y asseoir. C'est ce que je fais, et elle se lève pour me rejoindre à mes côtés. Jungkook nous ignore, trop concentré sur son puzzle et le collier qu'il mâchouille sans arrêt.
Je souffle un grand coup avant de me jeter dans le vide.
"Je... Je sais que les mots ne seront jamais suffisants pour pardonner ce que je t'ai fais."
Le regard de Somi s'adoucit, et elle secoue la tête. Les larmes me piquent. Je suis certaine que si elle en avait la capacité, tout de suite, elle me dirait quelque chose du genre ; "Bien sûr que si. Les mots ont un pouvoir que tu sous-estimes." Parce que c'était le genre de truc qu'elle lançait, que je trouvais bateau mais qui faisait tout ce qu'elle était.
Les mots faisaient tout ce qu'elle était.
"Je suis désolée. Désolée pour tout. Si tu savais comme je m'en veux. Je n'ai jamais voulu te faire de mal, et encore moins que tout ça n'arrive. Je suis désolée d'avoir gâché ta vie, désolée que tu aies perdu la voix, que tu ne puisses même plus parler, même plus t'exprimer alors que tu aimais tant le faire. Tu aimais t-tellement ça, Somi..."
Je craque alors que sa tête se pose contre mon épaule. Je comprends qu'elle fait davantage cela pour camoufler ses propres larmes que pour m'offrir du soutien.
"Ce que tu ressens actuellement doit être indescriptible, et j'imagine même pas comment ça doit être de ne... de ne pas pouvoir le dire. J'aimerais pouvoir être là pour toi, mais rien que ma présence doit t'être inconfortable en sachant que.. que c'est de ma faute. Une part de toi doit me détester."
Je la sens acquiescer contre mon épaule, et je serre mes poings entre eux pour me contenir de m'effondrer après sa révélation silencieuse.
"C'est bien trop tard pour m'en rendre compte, mais la jalousie que je ressentais envers toi était puérile. Elle a grandi en silence en moi pendant si longtemps, et ça ne m'a mené nulle part. Je ne me le pardonnerai jamais. Et j'espère que tu ne me le pardonneras jamais également."
Son front s'enfonce un peu plus dans mon épaule alors qu'elle sanglote, silencieusement, si silencieusement. Pourtant, sa poitrine est secouée par un trop plein d'émotions titanesque.
Je suis en train de lui faire du mal.
Mais je veux au moins lui faire savoir ce que j'ai sur le cœur.
"Je voulais aussi dire que je ne te verrai jamais différemment, et que si je le peux, j'éloignerai tous ceux qui te voudront du mal dans le futur. Tous ceux qui essayeront de te mettre des bâtons dans les roues. Peut-être que ce n'est pas, ou plus mon rôle. Peut-être que je n'ai plus à avoir de place quelque part dans ta vie, mais je... je veux tout faire pour que tu sois quand même heureuse, malgré... malgré ça."
Jungkook s'est détourné de son puzzle. Il nous regarde à tour de rôle.
"Pouquoi z'êtes tristes ?" demande-t-il innocemment.
Je n'ose pas lui répondre, et baisse le regard. Somi se relève. Je l'observe s'éloigner sans se retourner.
"Je suis désolée." je m'excuse encore une fois.
Je m'apprête à sortir, mais de dos, elle me fait signe de rester d'un geste de la main. Elle attrape quelque chose sur son bureau.
Puis elle me tend une seule phrase, sur un morceau de papier, qui manque de meurtrir mon âme un peu plus, pour de bon :
"Ce n'est pas grave."
***
Lorsque je place un évènement sur la frise chronologique dans ma tête, il y a toujours ce qui se réfère à l'avant, et ce qui se réfère à l'après, comme deux choses bien distinctes. Comme le jour puis la nuit, le chaud puis le froid.
Le bruit puis le silence.
Il n'y a plus une seule sonorité à la maison. Tant que ça en est effrayant. J'essaie souvent de m'expliquer ce phénomène. Qu'est-ce qui nous a amené à tous ainsi se taire, à mettre sous tabac les problèmes, à se terrer dans ce vide morbide qui nous colle comme une seconde peau ?
Au début, je crois que c'était pour respecter Somi. Parler revenait à lui rappeler que nous en avions la capacité, et pas elle. C'était douloureux, d'ouvrir la bouche, pour annoncer, raconter quelque chose, puis se rendre compte que notre propre voix devait la briser un peu plus.
Puis je crois que l'habitude s'est ancrée. Nous nous sommes d'abord tus par respect, puis par incapacité de revenir à la spontanéité. Par la peur étrange et saisissante qui prend au ventre à chaque fois que les lèvres s'apprêtent à être remuées. Par le sentiment que la vie a quitté les lieux.
Somi était la vie.
Elle était toujours celle qui irradiait de bonnes ondes, qui s'exclamait haut et fort, parfois trop, qui aimait en faire beaucoup pour pas grand chose. Elle était celle qui racontait ses journées d'école avec passion à mes parents, le soir, alors que nous l'écoutions tous. Elle était celle qui faisait courir Jungkook partout et le faisait crier d'amusement. Elle était celle qui venait vers moi et qui dictait toutes les règles d'un jeu qu'elle avait inventé pour qu'on y joue ensemble. Elle était celle qui venait me voir le soir dans ma chambre pour me raconter tous ses secrets, toutes ses histoires d'amour et d'amitié.
Moi, après l'avoir écouté avec des étoiles plein les yeux, je n'avais jamais rien à dire. Jamais rien qui ne soit équivalent à ses péripéties sans fin, qu'elle exagérait par le ton et la parole, deux atouts qu'elle maîtrisait si bien.
C'était elle qui comblait les silences dans le salon alors qu'elle débarquait, son tout nouveau texte de théâtre à la main, et récitait toutes ses répliques à voix haute quitte à nous casser les oreilles, jusqu'à ce qu'elle les ait retenues par cœur et se sente satisfaite.
Nous la laissions toujours faire.
La vie est triste, depuis.
Quand je dis la vie, je parle de Somi. Somi est triste.
Je le vois bien, dans ses regards qui se perdent. Dans ses essais de communication de moins en moins présents. Dans son pas plus lasse. Son instinct de survie plus détendue.
Lorsque nous allions en cours, une fois, je l'ai vu traverser la route sans regarder, comme une âme qui ne sait pas où errer, qui pense être transparente et insouciante aux dangers. Une voiture l'a frôlée de près. Depuis, je fais toujours attention lorsque nous sommes ensemble dehors.
Je fixe la seule guirlande qui occupe le salon, dans mes pensées. Elle est déposée autour la télévision, comme si cela allait rabibocher notre esprit de Noël. Mais l'ambiance est morne. Nous devons bientôt partir pour rejoindre notre famille.
"Somi, tu peux descendre ?" appelle ma mère.
Cela me rappelle l'année dernière. Sauf que cette fois-ci, Noël n'est pas chez nous, et tout est différent.
Ma mère a bien plus de tics nerveux qu'auparavant. Sa peau a pâli. Mon père est beaucoup plus anxieux que les autres années. Son teint a vieilli. Et moi... moi, je me demande à quoi je ressemble. Ça ne doit pas être glorieux non plus.
Somi ne descend toujours pas. Je me demande si je devrais aller la voir, mais je me résigne à l'attendre, dans un coin du salon, collée au mur comme s'il avait le pouvoir de me faire disparaître.
Jungkook, lui, est le seul à garder un peu d'entrain. Même si je vois bien que la tragédie qui s'est abattue il y a de ça maintenant plus de six mois le rend perplexe, presque nerveux de temps en temps. Il a du mal à bien formuler ses phrases comme les autres petits de son âge, et il bégaie beaucoup. Une conséquence au fait que nous ne communiquons plus.
Dans mon champ de vision, je peux le voir monter les escaliers à quatre pattes. Nos parents ont beau lui répéter de se tenir correctement sur ses deux jambes, il n'en fait toujours qu'à sa tête. Ses mains attaquent les marches plus hautes pour ensuite hisser ses jambes l'une après l'autre.
J'imagine qu'il veut aller voir Somi. C'est le seul qu'elle laisse encore communiquer avec elle. Autrement, elle évite tout contact. Je ferme les yeux quelques secondes pour respirer, longuement.
Tout juste quand je les rouvre, Jungkook a disparu, s'est échappé dans le couloir du haut.
Je m'apprête à le rejoindre pour voir ce que fait Somi depuis aussi longtemps, mais soudain, mes pas s'arrêtent net à l'entente d'un cri. Puis des pleurs.
Ils viennent de Jungkook.
"Jungkook, ça va ?" j'appelle d'en bas, peureuse qu'il ait pu tomber, se faire mal, ou pire, se tordre le cou et-
"Maman !!" hurle Jungkook, de sa petite voix.
Ma mère prend les devants, et commence à monter les escaliers.
"M-maman." répète Jungkook. "J'ai peur !' crie t-il, déchirant le silence habituel qui a pris le pas dans cette maison. "Pouquoi Noona est au plafond, j-j'ai peur !"
L'adrénaline monte vite, si vite que j'en ai un vertige. Je suis figée, incapable d'avancer. Je sais pertinemment qu'un coup immense et irréparable va me tomber dessus, quelque chose qui me tuera peut-être sur le coup, et pourtant, je suis incapable de bouger pour l'esquiver, incapable de faire quoi que ce soit d'autre que d'écouter les pleurs déchirants de Jungkook, là haut, et les pas de ma mère qui bientôt le rejoignent, alertée au possible.
C'est à ce moment-là que tout a réellement déchanté.
Au début, je n'y ai pas cru.
La vie qui se donnait la mort, ça n'avait pas de sens.
Puis je l'ai vu, de mes propres yeux.
Alors j'ai réalisé.
Le monde s'est officiellement noirci. Autant que la culpabilité sourde qui me déchirait l'estomac.
Depuis ce jour, nous n'avons plus jamais fêté Noël.
Et la vie est passée sous silence.
***
Le cerveau a parfois des réactions étranges, inexplicables.
Mais ce qui est sûr, c'est qu'il les organise toujours dans le but de se protéger.
C'est ainsi qu'à partir de ce jour, chaque parcelle concernant le souvenir de Somi, dans la mémoire de Jungkook, déserta pour ne laisser qu'une idylle plus facile à accepter, plus facile pour avancer et se développer lorsque l'on a seulement cinq ans et que l'on a déjà fait face à la mort d'une façon aussi brutale.
Mais malgré cette défense, une telle vision laisse des traces irrémédiables.
Et le passé n'est pas invincible au vide et au silence.
Remué par le bruit et le chaos, il finit toujours par ressurgir.
**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*
Aah les guys je suis désolée c'est horrible mdr 😭 J'avais prévu cette interlude depuis le début de l'histoire, mais l'écrire, c'est autre chose, rip Somi ça me fait trop de la peine... :(
Qu'en pensez vous ? Vous vous attendiez à ce que l'histoire passée de la famille Jeon se passe comme ça ? J'ai hâte d'avoir vos retours dihsosjskd
Le fait que le collier est relié à Somi et que Jungkook s'en sert depuis toujours comme anti-stress sans même le savoir... svp je suis brisée... Mdr
Sur ce À +, merci on est bientôt à 40k je suis tellement choquée wtf, <333333 (j'réalise pas c'est énorme ?!?!)
-Elise-
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