Chapitre 55 🎭
« Je l'aime à mort,
Et dans mon film on est si beau,
Regardez nous jouer les Roméo. »
Roméo - Pierre de Maere
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La première scène s'ouvre sur la querelle qui annonce les tensions entre les Capulet et les Montaigu.
Soudain, je suis mû par une énergie qui me surprend. Tout autour de moi disparaît. Chaque particule du public s'envole. J'imagine la scène flotter au-dessus du vide, alors que nous performerions pour les anges.
Tout se transforme en un rêve un peu brumeux dans lequel mon ambition surpasse tout le reste. Je me sens puissant, prêt à faire valser les scènes à mon gré. Je suis Roméo, et être Roméo, c'est comme manier la pièce du bout des doigts. Je suis le fil qui relie chaque personnage, qui tisse l'intrigue. L'élément sur lequel on va se concentrer. L'élément qui prend les décisions, qui s'impose.
Je n'arrive pas à savoir si ce changement en moi vient d'un courage dont je ne me pensais pas capable, ou d'un pur instinct de survie. Parce que je ne suis pas sûr que j'aurais pu faire les premiers pas sur scène sans ça.
Les répliques s'enchaînent, et soudain, c'est à mon tour d'apparaître. Mon corps bouge sans même que je n'ai à le lui ordonner, bien trop habitué à ces heures interminables de répétition.
J'utilise cette nouvelle énergie pour calmer la tempête dans mon ventre, abaisser mes épaules et afficher l'air le plus affligé possible.
Je veux offrir une prestation digne d'un vrai acteur.
Pas pour les impressionner, eux, public face à moi.
Mais pour impressionner Taehyung.
Parce que rien que l'idée de recevoir ses compliments après notre spectacle me promet des frissons addictifs. Je veux l'entendre me chuchoter à quel point j'ai été bon. Je veux l'écouter chanter mes louanges et lui montrer qu'il n'a pas à regretter un instant de m'avoir donné ce rôle.
Je veux si bien jouer que Lee Ji-hoon lui même sera obligé de reconnaître le talent de Taehyung dans sa mise en scène. Je veux tant l'émerveiller qu'il sera jaloux d'une telle performance.
J'imagine la scène flottante. L'absence du public. Il n'y a face à moi que le regard de Somi que j'accepte. Je ne crois pas à la vie de l'âme après la mort. Je ne crois pas en grand chose, et pourtant, rien que l'idée de me dire qu'elle pourrait m'observer, quelque part, rendre hommage à son ancienne passion, me donne le courage de m'avancer sur scène.
Je joue le Roméo accablé par le chagrin d'un amour passé. Celui qui ne croit plus en l'amour, et erre au hasard en se laissant traîner dans la boue.
Benvolio -Hoseok- entame son premier dialogue avec moi.
"Dis moi sérieusement qui tu aimes."
Étrangement, plus les secondes passent, et plus les nœuds dans mon estomac se dénouent et fluidifient ma parole.
"Tu veux donc que je te le dise ?" je m'accable, excédé.
Puis la fatalité tombe.
"J'aime un homme."
Je sens le public s'agiter un peu. C'est ici que tout prend un tournant osé. Taehyung a réarrangé la pièce pour ajouter cette dimension à l'histoire, si bien que la réaction de Benvolio est d'abord étonnée. Il me demande de répéter, sous le choc, puis lorsqu'il est sûr de ce que j'ai dit, il joue un contraste entre la déception et l'envie de toujours soutenir son ami.
Je sens un frisson me parcourir quand je perçois à quel point les yeux dans le noir analysent ce qu'il se passe.
C'est là le réel enjeu de la pièce.
***
La pièce se déroule merveilleusement bien, et l'angoisse s'envole comme de la fumée. Je me sens étrangement à l'aise, à me mouvoir sur scène. Il n'y a rien qui soit nouveau, rien que je ne sache pas faire, rien que je ne sache pas dire.
Dans les coulisses, on s'échange des mots, des rappels, des encouragements attrapés au vol dans la précipitation. Dès que je dois rentrer sur scène à nouveau, je suis toujours poussé par mes amis derrière moi. Tout le monde fait de son mieux, et j'ai tant d'ardeur au fond de ma poitrine à jouer que je m'étonne que tout se passe aussi bien.
Ça me fait tout bizarre.
Parce que j'y prends sincèrement du plaisir.
J'apprécie ma voix qui porte et se module en fonction de la bonne intention à prendre. Je savoure les répliques de mes interlocuteurs, sur lesquels je rebondis comme une balle de ping pong.
Je me sens invincible.
Et je crois saisir, pour la première fois, pourquoi ce brin de passion est si important aux yeux de Taehyung.
Jouer, quand on se prend au jeu, est enivrant.
Taehyung m'impressionne. Dès que nous avons une scène à jouer où nous sommes seuls, et où nous échangeons des mots gorgés d'amour et d'interdit, c'est en réalité là où je dois me concentrer le plus pour ne pas flancher et garder la tête haute.
Je n'aurais jamais cru que les orbes séductrices de Taehyung puissent être plus déstabilisantes qu'un public entier qui m'épluche du regard.
Pour les scènes de baiser, nous nous embrassons seulement sur la joue, sous le bon angle pour un effet de réalisme, sans réellement s'embrasser. Comme ce qu'on a toujours fait en répétition. Je sens que ces moments choquent l'auditoire, remet en question la conception de l'amour qu'ils ont pû voir dans leur vie jusqu'ici. Et même si j'ai peur des conséquences, je suis fier de participer à cette claque collective que nous sommes en train de leur mettre.
Mon entrain s'épuise un peu, mais dure. J'ai toujours eu l'impression que chaque personne avait une jauge de confiance en soi plus ou moins remplie. Celle de Taehyung ou de Soomin déborde. La mienne, elle, a très peu de liquide. Encore quelques heures, et ma réserve sera écoulée. Mais je me rassure, me dit que tout ira bien. Que j'ai le droit de l'épuiser, cette jarre. Et demain, elle se remplira à nouveau.
Mais alors que j'effectue un geste, insouciant, que je regrette aussitôt, je n'en suis plus si sûr.
Ma jarre ne se vide pas. Non.
Elle explose, brisant le verre, répandant ses morceaux tranchants partout. Certains se plantent certainement dans mes membres. Oui, ça doit être pour ça que je reste figé.
Je n'arrive plus à bouger.
Il m'a suffit d'un seul geste pour que tout s'écroule : ma tête qui se tourne légèrement, mes yeux qui captent un instant l'ombre du public, et une légère lumière, si légère que j'aurais pu l'ignorer. Mais mon regard a été attiré par cette lueur, indéniablement, et ma confiance en moi s'est entâché à la vue d'un téléphone, sur lequel un enregistrement est clairement en cours, et d'un visage derrière, qui sourit malicieusement.
Heechul.
La pénombre ne m'empêche pas de le reconnaître.
C'est sa vengeance pour l'avoir dénoncé au proviseur. Sa vengeance pour avoir tenté de mettre fin à ce jeu. Sa vengeance pour avoir essayé d'enfin conquérir les mots que j'étais forcé de lui offrir.
Je ne sais même pas pourquoi je me fige. Après tout, je me doutais bien, qu'il serait là. C'est son but depuis le début de l'année, et il n'abandonnerait pas ses efforts après tant de travail acharné, tant de mots déjà volés.
Je me détourne. Mes prochaines répliques sortent d'entre mes lèvres avec un automatisme effrayant. Mes oreilles bourdonnent. Je sais que je suis en train de jouer, que je suis en train d'afficher les bonnes émotions sur mon visage, mais le cœur n'y est plus. L'âme m'a délaissée quelque part dans la salle, à côté d'un téléphone qui aspire ma parole, la dévore jusqu'à ce qu'elle ne m'appartienne plus.
À la fin de la scène, je me réfugie en coulisse, et je suis effrayé, parce que j'ai tant été perturbé que je ne sais plus si j'ai su le cacher. Tout s'est déroulé avec un mécanisme dont je n'ai aucun souvenir. Me suis-je figé trop longtemps ? Ai-je tout gâché ? L'obstruction dans ma gorge s'est-elle ressentie ? La faiblesse sur mes traits s'est-elle vue ? Est-ce que j'ai déçu Taehyung ? Et si je n'arrivais pas à me reprendre avant ma prochaine apparition ? Et si le blocage s'emparait de ma gorge et enchaînait mes cordes vocales ?
Mince.
Mon cerveau se brume. L'adrénaline me rattrape au galop. La chaleur monte dans ma tête et efface toute cohérence. Les fourmis courent sous mon crâne.
Je tente de respirer, longuement, d'entendre les mots qui sont clamés haut et fort. Je réfléchis, essaie de calculer le temps que j'ai avant de devoir revenir sur scène. Mais je n'arrive plus à rassembler mes idées. Aucune pensée ne passe, toutes filtrées et jetées à la poubelle.
Une nouvelle respiration. Ma panique s'intensifie. J'essaie de résoudre des calculs idiots pour me distraire. Huit et seize ? Quatre et Trente ? Neuf et Six ? Mais les chiffres se mélangent. Je ne trouve pas les réponses. J'atteins le mur au fond des coulisses, et m'assois sur le long banc qui le longe.
Ma tête tombe entre mes mains, mes coudes s'échouent sur mes genoux. Je ferme les yeux. Je sens la chaleur de mes paumes contre mon front, et essaie de me concentrer sur le contact.
Soudain, une autre chaleur s'invite à mes sens. Un corps qui s'arrête devant moi, puis des doigts qui séparent mes mains de mon crâne. Taehyung. Je relève les yeux ; ils me piquent alors même qu'aucune larme ne me vient. Au contraire, ils sont secs. Trop secs.
Un coup d'œil à mon visage, et Taehyung attrape Jimin, qui traverse les coulisses. Ils se lancent une oeillade entendue, que j'ai du mal à analyser à travers mon état brouillé. Jimin acquiesce et me jette un coup d'œil inquiet. Je n'ai pas le temps d'en voir plus puisque Taehyung, qui n'a pas lâché mes mains, m'aide à me relever.
Je suis ses mouvements, mon cœur faisant pulser mon sang si vite que je l'entends dans mes tempes. Mon corps est bouillant et gelé à la fois. Sa main me guide, et quand je réalise qu'il nous fait passer par la porte à l'arrière des coulisses, celle qui mène au couloir des loges derrière la scène, je proteste.
"Tu dois bientôt aller sur scène, Hyung ! Laisse moi, ça va aller, ne gâche pas tout pour moi, s'il te plait, retournes-y, je pourrais jamais me le pardonner, l-laisse moi, j-"
"Jungkook. Tout va bien. J'avais prévu que ça pourrait arriver. On a lancé une entracte. Enfin, Jimin va le faire. C'est courant, une entracte, au théâtre. Personne n'y verra aucun problème. Et si tu veux tout savoir, c'est parfait, parce que ça arrive pile à la fin d'un acte. Encore plus crédible. Alors maintenant, prends juste le temps de respirer, ok ?"
Mes yeux s'écarquillent, et j'acquiesce, touché qu'il ait pu prévoir ça pour moi.
Arrivés dans le couloir, je me laisse tomber contre le mur. Taehyung s'assoit à mes côtés. Chacun de mes membres est secoué de tremblements, et je déteste le fait que j'ai beau serrer les dents de toutes mes forces, ça ne les fait pas tarir.
"H-Heechul." j'avoue, ignorant ma respiration instable. "Je l'ai vu dans le public. Et il m'enregistrait. C'est idiot, j-je le savais, et pourtant, ça me fait quand même quelque chose. Même si j'ai la volonté que ça ne m'atteigne plus."
Taehyung m'écoute patiemment.
"Regarde." j'ajoute.
Je lève mon bras pour lui montrer mes doigts qui s'agitent sous mes tremblements.
"Je tremble toujours. J'ai la tête en feu, comme une sorte de shot d'adrénaline, alors que je donnerais tout ce que j'ai pour que ça s'arrête."
"C'est normal." souffle Taehyung. "Tu as été habitué à réagir ainsi à chaque fois que tu t'es fait humilié, parce que c'est la manière qu'à trouver ton cerveau pour te protéger. Ça ne peut pas partir en un claquement de doigt, mais je te promets qu'avec le temps, ça s'atténuera. Et je vais faire en sorte que ce Heechul sorte de cette putain de salle avant que la pièce ne reprenne."
Je veux baisser mon bras, mais avant que je ne le puisse, il le saisit. Ses doigts commencent à jouer avec les miens. Ça me distrait. Je respire. Je réalise que ça commence déjà à se calmer, et que ma crise est plus gérable que celles que j'ai pu faire auparavant.
Les réactions sont davantage physiques que mentales. Ce sont davantage des réflèxes qu'une panique incontrôlable.
"On a combien de temps ?" je m'inquiète.
"Quinze minutes. Sûrement un peu moins maintenant."
J'acquiesce, me concentrant sur le toucher de Taehyung. Il s'amuse à plier toutes mes phalanges une par une, avec douceur, et plus il le fait, plus les tremblements s'évanouissent au creux de ses doigts. Sans réfléchir, ma tête tombe pour se reposer sur son épaule, et je me demande depuis combien de temps les choses ont tant changé pour qu'un geste aussi intime me paraisse si naturel.
Parfois, je me questionne. Sur ce qu'on est, lui et moi. Ce que tout ça veut dire. J'ai l'habitude de vivre comme ça vient, sans vouloir poser de mots dessus. Je ne sais pas encore si je veux des réponses à mes questions. Même sans une ça se concrète, je crois que j'aime juste être proche de lui.
"Je vais aller demander au directeur de s'en occuper, en lui disant que je l'ai vu t'enregistrer, hm ? Une fois qu'il ne sera plus là, tu penses que tu pourras continuer ?"
"Évidemment." je réponds, parce qu'il est hors de question que j'abandonne ici. Hors de question que je mette des bâtons dans les engrenages que Taehyung s'efforce d'enclencher et de faire tourner chaque jour de sa vie.
"J'adore ton odeur." je lâche sans trop savoir pourquoi.
"Ah bon ?" s'amuse t-il.
"Hm. Elle me rassure. Quand tu es près de moi, c'est synonyme de sécurité. Une bulle de laquelle je ne veux jamais sortir. Je suis bien, avec toi. J'aimerais que ça reste comme ça pour toujours."
J'ai conscience de la vulnérabilité de ma voix, mais je n'ai pas honte. Je ne fais qu'abaisser ma tête un peu plus sur son épaule. Je me demande ce qu'il pense. J'aimerais relever la tête pour observer sa réaction, mais je reste immobile. Avant qu'il ne puisse répondre quoi que ce soit, je lui lance :
"Si on veut avoir le temps, il faudrait qu'on aille parler au directeur dès maintenant."
Lorsque nous nous relevons, il ne lâche pas ma main pour m'aider. Il ne s'attendait peut-être pas à ce que je veuille l'accompagner, mais j'en ressens le besoin.
Le besoin de ne pas trop me reposer sur les autres pour faire changer les choses. D'agir par moi même.
"Tu es courageux." je l'entends souffler, avant qu'on ne sorte par la porte arrière du bâtiment, afin de ne pas se faire repérer par le public.
Devant le bureau du directeur, quasiment à l'autre bout du lycée, je sens mes mains se remettre à trembler, alors je les cache dans mes poches.
C'est seulement une réaction physique, je me répète. Le mental n'est pas obligé de suivre.
Nous entrons. Le doyen est à sa place habituelle. Il lève un sourcil d'incompréhension, et nous dévisage de haut en bas.
C'est vrai que j'avais oublié que nous portions nos costumes.
"Bonjour monsieur." je me lance. "Je viens vous voir pour... Enfin, je- Vous aviez dit que vous feriez votre possible pour sanctionner tout ceux qui participent au jeu. Je ne sais pas si vous vous souvenez de Heechul, mais nous sommes en train de jouer notre pièce de théâtre, et il est actuellement dans le public en train de m'enregistrer. Si ce serait possible de le faire sortir, et de prendre les mesures nécessaires, s'il vous plaît."
C'est étrange, d'avoir le proviseur de mon côté, maintenant. C'est plus facile. Je n'ai plus à souffrir en silence, mais seulement à toquer à une porte pour que des mesures soient prises.
Le directeur se pince les lèvres, passe un doigt sur un fichier qu'il était sûrement en train d'analyser avant que l'on entre, puis soupire.
"Je m'en occupe." assure t-il.
J'acquiesce. La colère m'assaille un peu quand je réalise qu'il aurait préféré ne pas s'occuper de cette sale affaire.
Mais son agacement vaut-il vraiment des mots volés ?
***
Heechul a été viré de la salle, sous les regards curieux. J'ai observé la scène de derrière les rideaux. Ses traits se sont enragés quand le directeur s'est pointé. Quelque chose m'a perturbé, aussi. Ses mains semblaient trembler aussi fort que les miennes le font lors de mes crises, lorsqu'il a traversé l'allée pour suivre le doyen hors de la pièce.
Mais je n'y porte pas d'attention. Je suis immédiatement soulagé, et je sens un poids fondre dans mes épaules.
Nous reprenons vite la pièce. Bien que j'ai du mal à retrouver l'aplomb que j'avais au début, je sens petit à petit mon corps se détendre.
Tout va bien.
Tes mots sont libres, maintenant.
Les répliques s'enchaînent jusqu'à l'acte final. Julian a pour plan de se faire passer pour mort auprès de sa famille avec un poison, pour pouvoir les berner et ensuite fuir loin, au bras de Roméo. Mais ce dernier, non informé, apprend la "mort" de Julian, et en est tant accablé qu'il décide de se donner la mort lui même.
Je n'aurais jamais cru dire ça, mais jouer le mort, c'est assez drôle. Je suis inerte, au sol, les membres mous, les yeux clos, tandis que les voix autour de moi s'agitent. Je me demande même si je pourrais m'endormir, ici, au beau milieu de la scène.
Julian, Taehyung, découvre mon cadavre après s'être réveillé de sa fausse mort préméditée. Il est dévasté, abattu par la vue de l'homme qu'il aime, décédé en partie par sa faute. Il se lamente, et finit par s'agenouiller à mes côtés. Il est dos au public, et se désole sur mon corps inanimé. J'apprécie sa proximité, et quand il se penche pour faire semblant de m'embrasser, je crois que je suis pris par un éclair de folie.
Une étincelle vive qui me fait décaler ma tête de quelques centimètres quand il embrasse ma joue. Ses lèvres entrent alors en collision avec les miennes. Le contact est si grisant que je peine à ne pas ouvrir les yeux.
Le public n'en voit rien. Taehyung est de dos, penché au-dessus de moi. Et alors dans un dernier élan d'inconscience, ma tête se redresse d'un centimètre, pour appuyer plus durement mes lèvres contre les siennes. Mais bien vite, il se relève. J'entrouvre un œil, et je crois être électrisé sur place par la vision face à moi.
C'est la première fois que je vois Taehyung rougir.
Ce dernier se redresse rapidement pour reprendre son rôle, comme si rien ne s'était passé, alors que je retiens un sourire au coin de mes lèvres.
Dans toute la tragédie dramatique que peut être l'histoire de Roméo et Julian, ce dernier se poignarde de chagrin, mourant au côté de celui qu'il a aimé comme il n'a rien aimé auparavant.
Quand sa tête repose finalement sur ma poitrine, je me demande s'il peut sentir à quel point mon cœur semble sortir de ma cage thoracique.
Les voix des personnages autour de nous clament tantôt avec scandeur, tantôt avec affligeance notre mort.
"Pauvres enfants victimes de notre inimitié..."
Cette inimitié, cette haine qui née en réalité de la peur de l'inconnu, de la peur d'un amour banni par les conventions, et qui fait des milliers de victimes tous les jours.
Le rideau se clôt enfin après la morale finale.
Je tente de me relever, mais la tête de Taehyung est toujours lourde sur mon torse. Ses deux billes brunes captent les miennes. Ses mèches, un peu humides de sueur sur les pointes, donnent à son regard une impressionante intensité.
"Je te revaudrai ça." chuchote t-il pour que je sois le seul à l'entendre.
Un frisson me parcourt, remonte jusqu'à mon sourire. Nous nous redressons, essoufflés. Les projecteurs donnent chaud, et le public qui applaudit fait tourner ma tête.
J'ai réussi.
Ce soir, je suis sorti de l'ombre.
Malgré quelques moments de doute, j'ai brillé comme je n'ai jamais brillé.
Nous nous positionnons tous en ligne, au bord de la scène, alors que le rideau se rouvre pour nous laisser saluer le public. Je me courbe avec les autres, et quand je jette un coup d'œil aux visages familiers à mes côtés, je me sens au bon endroit, au bon moment, dans le bon univers.
Un sourire implacable me barre le visage alors que je me tourne de nouveau vers le public. Ma main droite est dans celle de Taehyung. Il me serre vigoureusement, ses doigts s'entremêlant aux miens discrètement. Ma main gauche est dans celle de Chaeyoung. Elle rayonne, une goutte de sueur coulant sur sa tempe. Je sens la satisfaction gonfler mon cœur.
Les applaudissements ne tarissent pas. Juste avant notre dernière révérence, je capte un bleu pâle qui brille au loin. Ma mère s'est levée. Elle applaudit elle aussi. Des larmes ruissèlent sur ses joues, et je suis soudain incapable de détourner mon regard d'elle. De son sourire.
Un sourire éclatant. Transperçant. Fier.
Un sourire comme je n'en ai jamais vu.
Le rideau se ferme définitivement, et les applaudissements s'évanouissent petit à petit. J'ai l'esprit fou, les neurones en bazarre, le cœur complètement secoué d'euphorie.
Maintenant que le rideau rouge est abattu, j'observe les visages se tordre de fierté, les voix murmurer des on l'a fait, des accolades, un Jimin surexcité, une Soojin qui le supplie de se calmer, un Hoseok qui parle déjà de l'alcool qu'il va s'enfiler ce soir, un Namjoon qui regarde ce beau monde fièrement, une Chaeyoung essoufflée, sa fleur maintenant tombante entre ses mèches blondes, un Seokjin qui félicite son frère et ne peut s'empêcher de le taquiner, et un Taehyung qui a l'air dépassé par le succès de son travail. Sa manie des monologues prend le dessus. Les mots s'écoulent d'entre ses lèvres à la vitesse de l'éclair alors qu'il félicite tout le monde.
Et puis je pense à Yoongi, qui m'attend à l'extérieur de la salle.
À tout ce que me réserve le présent, le futur, et même le passé.
Sur l'instant, j'ai l'impression que je ne pourrais plus jamais avoir peur du chaos.
Parce que quand je regarde le vacarme sur cette scène de théâtre, il est beau, le chaos.
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COUCOUUU (wtf ça y est la représentation finale est passée)
Dites moi ce que vous en avez pensé ! J'espère sincèrement que c'était à la hauteur.
Hâte d'écrire la rencontre yoonkook et la soirée qui suit kdjdkdhd
Aussi, on arrive bientôt au lemon (il n'y en aura qu'un dans cette histoire, et il est plutôt significatif), et je me chie dessus pour l'écrire mdrrr, j'espère qu'il sera pile comme je l'imagine depuis le début
Ça vous intéresserait un post de memes sur SDTM pour fêter les 50k ? J'hésite à faire ça mais j'ai peur que ça fasse trop égocentrique mdrr
À + <333
-Elise-
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