Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 45 🎭

Mes mains se rejoignent sous la table en vieux bois. Je triture mes doigts sans pouvoir m'en empêcher.

Malgré l'aura bienveillante de Seokjin, je suis pétrifié. Je sens les muscles de ma mâchoire me faire mal, à force de serrer mes dents les unes contre les autres. Je crispe chacune des parties de mon corps pour retenir mes tremblements.

À la place d'affronter son regard rassurant, je m'évade dans la décoration du petit café. Cette dernière me rappelle un peu la grande salle de théâtre que nous venons de quitter. Les chaises sont recouvertes d'un fin coussin en velours rouge, alors que des détails dorés s'incrustent de manière minimaliste ; dans un cadre sur le mur, ou encore sur les plinthes. Un rideau noir sépare le barre de la cuisine, au derrière. De temps en temps, un serveur dégage l'épais tissu pour passer, un plateau plein à craquer de boissons. Des affiches de grandes chanteuses d'opéra s'étalent ici et là.

Le silence me met mal à l'aise. Je ne connais pas ce Seokjin, et il est difficile de tenir une conversation, ou de relâcher ma prudence. Je dois avoir l'air d'un oisillon effrayé.

"Tu vas prendre quelque chose ?" me demande-t-il.

Depuis tout à l'heure, c'est lui qui tient la discussion. Par de simples questions, de simples remarques. Moi, je ne fais qu'acquiescer, et me réduire au silence.

Putain, Jungkook, ne bloque pas maintenant. Reprends toi.

Tu es loin de tout ça, maintenant.

Pas vrai ?

"Un chocolat chaud. Et toi ?"

"Ils ont un sirop à la barbe à papa ! J'ai jamais vu ça, je vais goûter."

Son entrain n'est accueilli que par mon manque de réponse. J'ai immédiatement l'envie pressante de me foutre un coup dans le ventre.

Pourquoi est-ce si dur, d'afficher ce sourire sur mes lèvres, pour lui montrer que je m'intéresse à ce qu'il me dit ? Pourquoi est-ce si dur d'agir face aux autres ? Pourquoi est-ce si dur de comprendre leurs attentes, et d'en être à la hauteur ? J'ai sans cesse l'impression qu'un poids immense me réduit à néant et me vole ma capacité sociale. Mon collier m'appelle si fort que je suis obligé de le saisir, de le faire tourner et tourner entre mes doigts.

Seokjin a la même habitude que Taehyung.

Celle de combler le vide lorsque mon silence l'emporte.

Alors il ne s'arrête pas.

"Dis moi quand tu seras prêt pour parler de... tu sais. C'est délicat, comme sujet, alors si tu as besoin de temps, on peut juste parler d'autre chose en attendant."

"Ah- euh, ok. Oui, fin, je sais pas..."

Jungkook, ferme là.

Tu t'es vu, là ?

Ridicule.

Ridicule !

J'encaisse. J'emmagasine. Il tente un sourire. Mais encore une fois, rien de mon côté. Je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à me détendre, à lui adresser un sourire avec autant d'aisance que lui. Et chaque fois que je tente de dire quelque chose, ma voix me paraît étrangère, salie, souillée, ridicule, absurde. Je voudrais me terrer derrière le rideau noir qui mène en cuisine pour m'échapper de ce rendez-vous.

La voix s'incruste dans ma tête.

Jungkook, ferme là.

Peut-être qu'elle ne partira jamais, peu importe à quel point je tente de la dompter. Peut-être que je devrais m'adapter à elle. Après tout, c'est bien ce qu'on appelle la résilience ; le fait d'embrasser ses faiblesses et ses traumatismes pour ne faire plus qu'un avec eux. Dans la résilience, il n'y a pas de notion de guérison. On ne guérit pas. On apprend à vivre avec.

J'apprends à vivre avec.

Jungkook, ferme là.

Non !

Ma poigne se resserre autour de mon collier. Le côté de l'anneau s'enfonce dans ma paume. Ma respiration s'accélère. La panique m'enserre. Je lui fais barrage, rassemble toute ma volonté à me lancer en dehors du blocage qui retient tout à l'intérieur. Je pousse de toutes mes forces, me concentre à l'explosion de mes mots.

Jungkook, reprends toi !

"Je ne l'ai jamais connu. J'étais trop jeune." je lâche soudainement. "Je sais seulement qu'elle est décédée lorsque j'avais cinq ans. Je... je n'ai aucun souvenir d'elle."

Je ferme les yeux, quelques secondes, afin d'assimiler ce que je viens de dire, et de relever la tête. Un soupir de soulagement s'échappe d'entre mes lèvres. Je suis lancé.

"Tu... On ne t'a jamais parlé d'elle ?" me questionne-t-il.

Je secoue la tête, incapable de dire quoi que ce soit de plus.

Je me retourne, laisse mon regard planer un peu partout dans la pièce. La table derrière la notre est vide. C'est idiot, mais ça me rassure. Je crois que s'il y avait eu des gens, j'aurais été inapte à prendre la parole. J'aurais eu sans cesse cette désagréable sensation d'être sur écoute, qu'on puisse m'entendre et analyser chacun de mes mots à tout moment. Même si ça aurait été des inconnus. Je sais que c'est stupide, mais c'est plus fort que moi.

"Je ne savais pas tout ça, je m'excuse. Et bien, si tu veux, je peux te raconter tout ce que je sais. Je n'étais pas très proche d'elle. Je ne l'ai jamais connue personnellement. On entretenait ce genre de relation amicale sans intérêt. On ne s'entendait pas mal, mais on avait chacun nos groupes de potes, et on ne se voyait jamais en dehors des cours."

Je l'écoute, sans l'interrompre.

"Elle était bien entourée. Pendant toute notre année de seconde, elle était la leadeuse de notre classe. Celle qui s'engageait. Celle qui aimait tout le monde, et tout le monde la respectait en retour. C'était ce genre de fille sur laquelle on pouvait compter pour des problèmes dans notre classe. Elle était prête à donner de sa personne pour aider. Elle faisait du théâtre, je me souviens. Elle s'était inscrite et elle en parlait beaucoup. Ça lui correspondait bien, puisque c'était une vraie pipelette. Elle ne s'arrêtait jamais, et je crois que ça lui plaisait, d'avoir toute l'attention centrée sur elle. Mais ce n'était pas par égocentrisme. C'était seulement... par passion, je crois. Par dévouement pour les autres."

Je suis pendu à ses lèvres, prêt à rattraper chaque information qu'il voudra bien me donner. Ça ne m'étonne pas d'elle, tout ça. Sur les photos, elle était toujours en évidence, à se jeter sur le devant de la scène. Je ne l'imaginais pas autrement.

Mais l'entendre, de la bouche de quelqu'un d'autre, ça me tiraille au point où je sentirais presque les barreaux du dossier de ma chaise s'enfoncer dans mon dos. Je ne bouge pas d'un pouce, n'osant plus esquisser un seul mouvement. Mon corps en souffre, me hurle de me replacer, de faire craquer mon dos, mais j'ai cette impression désagréable que ça ferait trop de bruit, qu'un seul geste de ma part tinterait la pièce entière de ma présence encombrante.

Alors je laisse mon corps hurler.

Tandis que j'incorpore le silence.

"Toute l'année, elle avait cette aura qui ne laissait pas indifférent. Si tu veux tout savoir, la plupart de mes amis auraient rêvé l'approcher et avoir une relation avec elle. Mais elle refusait toute approche de ce type. C'est étrange, de parler de tout ça, après des années, alors que tout ça s'est terminé aussi tragiquement..."

Seokjin fait une pause, comme plongé dans ses pensées. Je lui laisse le temps de reprendre ses esprits. J'aimerais lui dire qu'il n'est pas obligé de se presser, mais rien ne sort. Je comprends que ça ne sert à rien que j'essaie. Ma préoccupation est si conséquente qu'elle crée ce blocage impossible à franchir de mes cordes vocales.

"Tout a changé, vers la fin de l'année. Pendant plusieurs semaines, elle n'est plus venue au lycée. Tout le monde se posait des questions, des rumeurs se répandaient. Certains disaient qu'elle était malade, d'autres qu'elle avait été enlevée, d'autres qu'elle était décédée, bref, toutes sortes de suppositions plus horribles les unes que les autres. Seules ses amies les plus proches étaient au courant, mais elles ne voulaient rien dire."

On va arriver au point central de l'histoire, je le sens. Mon pouce appuie fortement sur la chaînette de mon pendentif. La douleur traverse ma main pour remonter dans mon bras. Je détends mes muscles lorsque je réalise que je risque de l'abîmer.

"Je me souviens encore parfaitement du jour où elle est revenue, deux mois plus tard." continue Seokjin. "On dirait un mauvais rêve, quand j'y repense. Dès qu'elle a franchi la porte de notre classe, le silence a envahi la pièce. Un silence effrayant, comme on en entend rarement. Habituellement, c'était elle qui menait, qui engendrait la bonne humeur et la sonorité dans la classe comme une chef d'orchestre. Mais là... là, il n'y avait plus que le vide. Elle nous fixait, les yeux emplis d'émotions contradictoires. Seulement ses yeux parlaient. Mais elle, elle était silencieuse. Et puis, on a aperçu cette trace, affreuse, le long de son cou. C'était assez impressionnant. Je n'avais jamais vu une chose pareille."

Une vague idée me traverse l'esprit. Mais je me dis que non, c'est impossible, ce serait trop cruel. Un millier de questions me viennent. Mais je les enfouis dans l'espoir de me tromper sur les hypothèses de leur réponse.

Au moment où Seokjin ouvre la bouche pour reprendre son récit, un serveur nous interrompt. Ce dernier dépose sur la table un sirop à la couleur beaucoup trop rosée. Il doit y avoir une quantité affolante de colorant, là dedans. Mon chocolat chaud s'invite devant moi l'instant d'après. Je le contemple sans appétit, prêt à replonger dans les mots de mon vis à vis.

J'ai le cœur qui bat à tout rompre. Je sais que mon âme a déjà compris ce que mon cerveau se refuse de saisir.

Seokjin prend une gorgée de son sirop.

Moi, je ne touche pas à ma boisson. Elle est aussi brûlante que ma peau. J'ai chaud. Les lumières tamisées et le côté intimiste de l'endroit m'oppressent. Mes vêtements me grattent, me démangent. Mes questions cognent dans mon crâne. Je veux à la fois continuer d'écouter tout ce qu'il sait d'elle, encore, encore, et à la fois je voudrais prendre l'air, sortir de ce café étouffant. Mes jambes sont coincées sous la table, ma main accrochée à mon collier.

Je crève d'angoisse et de curiosité.

"Il y avait.. une cicatrice. Elle était éclatante, exposée au grand jour, même si elle était en partie cachée par son col roulé. Une ruade de questions pleuvaient. Je regrette encore, aujourd'hui, d'avoir rejoint tous ces élèves qui lui sautaient dessus pour lui demander ce qu'il s'était passé. Elle avait besoin d'air, de temps, ça se voyait, et pourtant, on était trop pressés. On était si jeunes... Et à toutes ces questions, elle n'y répondait pas, impuissante. Puis notre professeure d'histoire a débarqué et a repoussé tout le monde, formant un halo de protection autour de Somi. Elle nous a ordonné de retourner à nos places et de nous tenir tranquille. Puis elle a fait un communiqué devant la classe, et c'est là que nous avons appris la nouvelle."

Seokjin a de plus en plus de mal à me regarder dans les yeux.

"Elle avait perdu la voix..." achève t-il, plus bas.

Ma cage thoracique est sous pression. J'ai le sentiment qu'un trop plein d'air la remplit. Un trop plein d'air que je n'arrive plus à souffler, à faire sortir. L'oxygène, trop longtemps installé à l'intérieur, brûle mes poumons.

Je me dis que pour elle, surtout pour elle, ça a du être la pire des pertes.

"Je n'ai jamais su comment c'était arrivé. Un accident, sûrement. Ses cordes vocales avaient été endommagées à un point de non retour. On en parlait peu. En fait, plus personne ne parlait vraiment. C'était soudain très vide, sans elle. Sans sa voix. Elle était là, présente, mais c'était comme si elle avait perdu tout ce qui faisait son identité. Comme je te l'ai dit, je n'étais pas très proche d'elle, mais d'une certaine manière, je crois que ça nous a tous affectés. Certains élèves ont essayé de l'accompagner, de tout faire pour lui faire lâcher un sourire. Et puis... il y en a d'autres qui s'éloignaient, n'aimaient pas trop l'idée de se retrouver avec elle, dans l'incapacité de communiquer normalement. Moi, avec mes amis de l'époque, on ne pouvait qu'observer ça de loin. J'avais du mal à la reconnaître. Sans sa voix, elle était... le néant. Il n'y avait plus de vie sur son visage. Plus rien."

Seokjin reprend sa respiration, boit une gorgée de son sirop. Il sort son téléphone de sa poche pour se regarder dedans, et enlever les taches roses qui se sont invitées au coin de ses lèvres. Moi, je reste dans la même position, ébahi par tant de révélations.

Il range son téléphone et continue.

"Je crois qu'elle a dû abandonner le théâtre, et son rôle. Elle aurait pu jouer une figurante, mais elle a refusé l'offre. Elle se repliait sur elle-même. L'image était assez choquante... On le voyait tous, mais on ne savait pas quoi faire. Je me souviens qu'elle disait sans cesse auparavant à quel point le théâtre lui plaisait. Elle en parlait tout le temps. Mais après l'incident, elle ne participait plus à aucune option, aucune activité de classe. Toute l'année a continué comme ça, dans cette ambiance un peu terne. L'année suivante, je n'étais plus dans sa classe. Je n'entendais plus trop parler d'elle. On disait qu'elle venait de plus en plus rarement en cours, que certains élèves se moquaient. C'est cruel, quand j'y repense... Si je savais ce qui allait arriver, j'aurais tout fait pour l'empêcher. Mais je la connaissais qu'à peine, c'est idiot. Pourtant, on était tous attachés à elle d'une manière ou d'une autre. C'était quelqu'un qui laissait sa trace derrière elle, quelqu'un dont on se souvenait, qui s'implantait dans les cœurs de tout le monde."

L'humidité remonte à mes yeux. Je me force à rester fixe, à ne pas flancher. J'empêche les clignements de paupière pour que ça ne déborde pas. Seokjin l'aperçoit.

"Si tu as besoin d'un moment, je peux m'arrêter."

"N-non." je souffle, la voix tremblotante.

Mais soudain, sous ma propre surprise, je craque.

C'est d'abord une larme qui s'écoule le long de ma joue. Je la rattrape rapidement d'un doigt, mais d'autres apparaissent à la seconde suivante. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je ne comprends pas comment ça se fait que je perde le contrôle ainsi, moi qui parvient si bien à refouler tout à l'intérieur, habituellement.

Honteux, je tente de me reprendre, d'essuyer les gouttes salées, de me tourner de côté afin que Seokjin arrête de me scruter. Mais rien ne fonctionne.

"Jungkook...!" s'exclame-t-il, alarmé.

Immédiatement, il se lève et contourne la table pour poser ses mains sur mes épaules, face à moi. Je ne tente même plus de cacher mon visage, et respire doucement pour me calmer. Je voudrais me fondre en excuse. Ravaler les larmes et les ranger pour plus tard.

"Eh, Jungkook, ça va aller. Je n'aurais pas dû aller aussi vite, je m'excuse, ça doit pas être facile pour toi."

C'est absurde, cette scène. Presque théâtrale. Moi, dans un café, en train de fondre en larmes sous le regard du grand frère de Taehyung. Ce dernier s'abaisse pour être à ma hauteur. Il prend mes mains tremblantes dans les siennes.

"Prends ton temps pour respirer, ok ? On a tout notre temps. C'est complètement normal de pleurer, ce n'est pas rien."

Le barrage s'effondre sous la quantité impressionnante de liquide.

"M-mais c'est ridicule ! Ça ne devrait m-même pas autant m'atteindre. J'ai... Je ne la connaissais même pas..."

Je renifle entre deux respirations. La honte m'envahit la seconde d'après.

"Ça ne veut rien dire." me rassure Seokjin. "Ça ne change rien. Ça reste ta sœur, c'est normal."

"Raconte moi la fin." je chuchote presque.

Peu importe mon état, je ne peux pas m'arrêter là. Il faut que je sache. Il faut que j'aille jusqu'au bout, jusqu'à la partie que je redoute le plus.

"Tu es sûr ?"

Seokjin se redresse. J'acquiesce. Il reprend place à sa chaise, mais laisse s'écouler un moment avant de continuer. Juste le temps que je retrouve une respiration stable et des mains moins tremblantes.

"Comme je disais, on était plus dans la même classe." reprend t-il, prudemment. "Quand j'ai appris pour... pour sa mort, on avait plus du tout contact. Et je ne sais même pas si elle avait gardé contact avec qui que ce soit. Elle s'isolait. C'était évident, que la perte de sa voix l'avait fait plonger au fin fond des enfers. Elle s'est donnée la mort le 25 Décembre 2008. On ne nous a pas dit comment, sur le coup, mais ça s'est su par la suite sur les réseaux. Elle se serait pendue. Putain, c'est affreux... Je me souviendrai toujours de ce moment où, à la rentrée des fêtes de Noël, la nouvelle est tombée. Le lycée n'avait jamais été aussi silencieux que ce jour-là. Jamais."

J'empêche de nouvelles larmes de flouter ma vision. Il me semble que Seokjin aussi retient un épanchement alors qu'il déglutit.

"Voilà, c'est tout ce que je sais d'elle. Ça fait bizarre d'en reparler, après tant d'années..."

Une interrogation m'apparaît soudain, que je réussis à formuler malgré la brume dans mes émotions.

"Et à Taehyung, tu lui en as déjà parlé ?"

Il secoue la tête.

"Je n'ai jamais vraiment abordé le sujet de Somi à qui que ce soit en dehors du lycée." avoue t-il. "Taehyung était beaucoup trop jeune quand c'est arrivé, comme toi. Et par la suite, il a grandi. Il avait sûrement l'âge de savoir ce qu'il s'était passé, mais je ne suis pas du genre à m'épancher sur ma vie. Je ne lui ai jamais raconté tout ça."

Le vide retombe autour de nous. Je devrais rentrer, il commence à se faire tard. Mes parents et Sana vont m'attendre pour manger. La gorge nouée, je me force à boire mon chocolat d'une traite. Je grimace au contact du liquide froid. Seokjin, lui, repousse son verre vide au milieu de la table.

"Quand j'y repense, elle parlait de toi, avant que tout ça n'arrive."

Je me fige.

"Comment ça ?" je me précipite, plus fort que prévu.

"Elle évoquait parfois sa famille. Surtout sa sœur, mais il y avait la mention d'un petit frère, aussi. Je pense qu'elle vous aimait beaucoup, et que je me devais de te le dire."

Mon cœur se serre.

Somi m'aimait. J'étais important pour elle.

Je suis tellement désolé, moi, de ne pas me souvenir de toi.

***

Lorsque je me concentre sur ma mémoire pour essayer d'en retirer quelque chose d'avant mes cinq ans, rien ne me vient. Seulement un trou béant. Je pensais que c'était normal. J'ai toujours cru que c'était normal. Jusqu'à ce que j'apprenne que beaucoup de gens se souvenaient de quelques éléments de leur vie, même à un si jeune âge. Certains souvenirs peuvent remonter jusqu'à nos deux, trois ans. Mais moi, rien. Pas même une vision, une parole.

Que du vide.

La seule vie qui m'apparaît est une vie de silence, sans Somi. Pour moi, j'ai toujours vécu dans cet environnement. Mais maintenant, je sais que ce n'est pas le cas.

"Il va falloir mettre les bouchées doubles ! Il ne nous reste plus qu'un mois et demi à peine. D'habitude, la représentation finale se fait en juin, mais avec les examens de cette année, ça a été décidé qu'on fasse ça en mars. Ça fait moins de temps de préparation, mais on est déjà bien avancés, alors je compte sur vous tous."

J'écoute distraitement le discours de Taehyung. Sa voix résonne dans mon esprit et l'apaise. J'intègre chaque phonème sans pour autant en comprendre le sens, mes pensées prenant toute la place dans mon esprit.

Je repense à Heechul, que j'ai croisé dans les couloirs, en venant ici. Il était accompagné de ses fidèles acolytes, Jennie et Junghwan, mais aussi de deux autres personnes qui m'ont fait grimacer ; Mina et Jackson.

Nous étions seuls, dans ce bâtiment. Je m'attendais à subir, je m'apprêtais déjà à riposter, la mort dans l'âme. Mais étonnamment, Heechul n'a fait que me lancer un regard dédaigneux, sans même m'adresser la parole.

Depuis que j'ai osé lui répliquer sa vérité à la figure, il est plus distant. Ça me fait un bien fou, me donne l'impression d'avoir enfin un certain pouvoir sur ce stupide jeu. Mais pour combien de temps ? Je connais Heechul, et je sais qu'il n'est pas du genre à abandonner.

J'y pense et repense en boucle pendant toute la séance. Je tente de faire le vide lorsque je dois incarner Roméo et m'avancer au devant de la scène.

Taehyung est aussi efficace que d'habitude, et les figurants s'adaptent particulièrement vite. La pièce que nous montons s'affine au fur et à mesure des conseils, des changements, des dernières modifications. Je n'ai pas le temps de trop m'évader, et dois toujours rester pleinement concentré, si bien qu'à la fin du cours, je suis exténué.

Quand il ne reste plus que notre cercle restreint d'option théâtre, je laisse mes épaules retomber, mon souffle me lâcher. Les répétitions en grand groupe sont beaucoup plus de charge mentale que nos anciennes entrevues en petit comité.

Nous sommes tous rassemblés, et je me surprends à aimer l'ambiance, les discussions qui partent ça et là, sur les ressentis de cette séance, ou encore les inquiétudes pour le jour J qui arrive à grand pas.

"Il faudrait qu'on mette des affiches dans le lycée, on a pas encore prévu ça !"

Taehyung rassure Hoseok : "T'inquiète pas, tout est déjà prêt. On annoncera la date et le prix des tickets tout juste un mois avant la représentation. Et c'est là qu'on mettra des affiches. Elles sont déjà faites."

"Je sais pas comment tu fais pour être aussi bien organisé. Parfois, on dirait que t'as plusieurs cerveaux." s'amuse Namjoon.

"Est-ce qu'en général beaucoup de personnes viennent voir la pièce... ?" je demande.

"La première année, il y avait pas mal de places vides." répond Jimin. "Mais je crois qu'on s'est fait une petite réputation, parce que l'année dernière, c'était plein à craquer !"

Mon regard dévie sur le public, sur les assises au sol, puis sur les balcons, au fond et sur les côtés.

"Ça fait beaucoup de gens." je commente, d'une plus petite voix.

Soojin s'approche de moi pour passer une main autour de mes épaules. Ses longs cheveux rouges s'étalent contre mon bras gauche.

"Tu verras, le public est plongé dans le noir et on voit presque rien. C'est comme si tu jouais devant une assemblée vide. C'est ce qu'il faut se dire pour ne pas trop avoir le trac."

"Mais il faut quand même prendre en compte le public." ajoute Taehyung. "Ne pas l'ignorer complètement non plus. Le but, c'est aussi de le captiver, de l'inclure."

Je croule sous tous ces conseils. Je les écoute, tandis qu'ils parlent de la représentation finale avec excitation. Chaeyoung a l'air inquiète, elle aussi, puisque c'est également sa première fois.

La conversation finit par tarir, et alors on quitte tous la salle luxueuse pour rejoindre le couloir. Pour une fois, on marche vers la sortie du lycée ensemble. Arrivés au portail, il est temps de se saluer, puisque la plupart partent par différents chemins.

Taehyung passe une main dans ses cheveux. J'observe en coin ses mèches qui l'embêtent à cause du vent.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis certain qu'il va venir à moi ; depuis le début du cours, nous n'avons pas eu une seconde pour nous voir en tête à tête. Et c'est bien ce qu'il fait, alors qu'il s'avance dans ma direction. Un sourire en coin l'habille. Je souris également, attendri à l'idée qu'il me donne de son temps, rien que pour moi. Rien que pour me saluer comme il se doit.

Il n'hésite pas une seconde avant de saisir mon bras. Je regarde derrière lui, mais les autres ne semblent pas faire attention. Namjoon et Hoseok sont déjà partis. Soojin, Jimin, Seokjin et Chaeyoung sont en train de parler. Alors je me détends.

"Pas trop stressé par la représentation finale ?" me demande t-il.

Son pouce effectue de légères caresses sur mon avant bras. Je suis certain que mes poils se hérissent à cet endroit précis.

"Un peu." je souffle.

"Je suis certain que tu vas y arriver." réplique t-il. "Je ne t'ai pas choisi en Roméo pour rien. Tu es doué."

J'acquiesce, réellement rassuré par ses mots. Ils ont le don de m'apaiser. Je ne sais plus depuis quand j'y suis devenu aussi addict, aussi dépendant.

Je sursaute à la voix de Jimin.

"J'y vais, Taehyung ! À demain !"

Taehyung retire sa main de mon bras, alors que toute l'attention est maintenant centrée sur lui. Je fuis les regards, embarrassé. C'est que nous sommes vraiment proches l'un de l'autre.

"Ok, à demain !"

Jimin s'éloigne. Et alors que les autres reprennent leur conversation, Taehyung se focalise de nouveau sur mon visage.

"Moi aussi, je vais y aller." me dit-il.

Puis sa main plonge sur ma hanche, et ses lèvres viennent frôler mon oreille.

"On se voit ce week-end, bébé."

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive. Un long frisson parcourt mon dos et se loge dans mon ventre. Une chaleur incontrôlable s'évanouit au plus profond de moi. Ses mots laissent derrière eux une suggestion qui me retourne l'estomac.

C'était quoi, ça ?

Le contact de sa main à travers mon t-shirt s'évanouit. Je n'ai même pas le temps de répliquer, ni de rougir, qu'il s'éloigne déjà. Il me semble l'entendre rire, mais je n'en suis pas certain.

Il est dingue, je pense intérieurement.

"Ça va, Jungkook ?"

C'est Chaeyoung qui vient de me poser la question. Elle est la seule encore présente. Je devais fixer le vide depuis une bonne minute, les yeux rivés sur l'intersection d'où Taehyung s'est échappé.

Je réponds distraitement, et alors je me demande...

"Ah, euh- Oui oui."

Qu'a t-il bien pu prévoir pour ce cours particulier ?






**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*








JVAIS ME CACHER MDRRRR Taehyung aime trop tease Jungkook calmez le (il a pas fini...)

Comme d'habituuude, qu'en pensez vous ? Vous vous y attendiez, pour les révélations sur Somi ?

J'espère que ça vous plaît toujours autant, si vous avez n'importe quelle remarque à faire je suis preneuse !

Sinon, je vais bientôt partir deux semaines en vacances avec des amis, donc malheureusement je pense que je vais avoir moins de temps pour écrire. J'essaierai quand même d'update (Moi ? Ne pas écrire du tout pendant deux semaines ? Impossible)

À + ᥫ᭡

-Elise-

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro