Chapitre 28 🎭
« People talking without speaking,
People hearing without listening,
People writing songs that voices never share,
No one dared disturb the sound of silence.
"Fools", said I, "you do not know"
Silence like a cancer grows. »
The sound of silence - Simon & Garfunkel
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"Est-ce que je peux rester dormir ici ce soir ?"
Mes doigts, auparavant en train de triturer mon pantalon, se figent. Je fronce les sourcils.
Taehyung attend une réponse. Puis il détourne le regard.
"Ouais non, je suis désolé de te demander un truc pareil. Je vais trouver autre chose."
Je me lève du lit, et me tiens face à lui, pour signifier que la discussion n'est pas close.
"Je n'ai pas refusé." je commence. "Ça ne me dérange pas. Mais... je peux savoir pourquoi ? C'est absurde, pourquoi tu ne pourrais pas rentrer chez toi ?"
Si lui m'a demandé des explications tout à l'heure face à mon silence, je me sens plus légitime de lui poser la question. Et j'ai envie de comprendre. En fait, ça fait longtemps que je veux savoir. J'ai saisi que quelque chose clochait chez lui, avec son frère plus particulièrement. Je veux savoir pourquoi. Parce que je veux le connaître, mais pas seulement en surface. Je veux apercevoir tout ce qui se cache au plus profond, dans cet endroit étroit qu'on scelle en nous même.
Taehyung soupire, de manière à peine perceptible, mais toute mon attention se focalise sur les détails.
"Mon père rentre ce soir. Il revient de temps en temps, pour un repas ou quelques nuits. En général, je m'éclipse. J'ai l'habitude d'aller chez Jimin quand ça arrive mais il revient de Busan que demain..." expire t-il d'une traite. "Je n'ai vraiment pas envie de le voir."
"Pourquoi ?"
Il balaie la question d'un revers de la main. Il tente de la rendre brumeuse et insignifiante, pourtant je vois bien que ça cogne, dans sa tête. J'entendrais presque les boum sonores que cela créer.
"À cause d'une vieille dispute, rien de très important."
"Tu mens. C'est important." j'affirme. Parce que je l'ai compris, et qu'il le sait aussi. Bien que je n'ai pas le contexte, cette situation l'affecte profondément.
"Oui, c'est important..." finit-il par avouer. "Mais je n'aime pas en parler. On continue de travailler la pièce ?"
"Je vais d'abord prévenir mes parents que tu restes."
Mon coeur se serre. Mais je tente de ne montrer aucun trouble. Taehyung avait raison, depuis le début. Le monde est un théâtre, duquel nous sommes tous les acteurs. Aucun de nous ne montre réellement qui il est. Nous enfermons tous nos blessures sous clef.
Il n'y a pas que moi. Tout le monde a le même système, celui de se cacher pour pleurer, celui de ranger au fond de soi les pensées néfastes, de retenir la colère, de suspendre la frustration, de remettre à plus tard la tristesse.
La procrastination de l'affliction.
Je laisse Taehyung seul dans ma chambre, et descends les escaliers. Je tente de ne pas réfléchir. De toute ma vie, je n'ai jamais fait ça, inviter quelqu'un à dormir ici. Taehyung brave tous les interdits de mon âme, il les pousse à leur limite, c'est dur mais également... c'est exaltant, excitant. Pourquoi ça l'est autant ? C'est comme cracher à la gueule des habitudes. C'est à la fois révoltant et enivrant. Ça donne la conviction d'aller toujours plus loin, de me faire entendre. Pour une fois.
En bas des escaliers, je n'ose pas m'aventurer plus loin que sur la dernière marche. D'ici, j'ai une vue sur l'étendue du salon. Je tousse pour signifier ma présence. L'attention de mes parents se focalise sur moi.
La page blanche dans ma gorge tente de revenir. Mais je me concentre, essaie d'imaginer le grand tableau noir de Taehyung et les mots qui s'affichent dans tous les sens.
"Est-ce que Taehyung peut rester dormir ici ce soir ? On a assez à manger pour lui ?"
J'attends la réponse, sans oser m'avancer plus. C'est toujours effrayant, de me retrouver face à eux, si bien que je garde mes distances.
Une expérience affreuse a été faite au treizième siècle. Des nourrissons ont été enfermés dans une pièce, et on a demandé aux mères de ne pas leur donner d'amour, mais surtout, de ne pas leur donner d'attention. Pas un geste, pas un mot. Jamais un sourire, ni même un regard.
Les nourrissons, pourtant bien nourris et ayant reçus toutes ressources vitales nécessaires, sont morts.
Je fixe les pupilles indifférentes, éteintes, de mes parents. Mon père se tourne vers ma mère. La décision repose alors sur les épaules de celle-ci.
"Oui, on a assez. Il peut rester si tu veux."
C'est étrange, j'ai cru percevoir un brin d'angoisse dans sa voix. La même que la mienne. Celle d'un bruit trop intense. D'une présence supplémentaire. D'une habitude violée.
Je ne la quitte pas du regard, déstabilisé. Parce qu'au fond, nous sommes les mêmes. Il n'y a pas grand chose qui nous différencie, et nous sommes si loin. C'est douloureux. J'aurais aimé grandir avec une mère aimante, une mère qui n'est pas brisée, une mère qui n'a pas une page blanche dans le cerveau.
C'est peut-être de famille, ce genre de chose.
Elle ne me quitte pas du regard non plus. Et il me semble qu'elle transpire le regret. Une douleur infinie comparée à la mienne.
Je la déteste.
J'ai envie de la prendre dans mes bras.
"On mange dans dix minutes." annonce t-elle, avant que je ne parte.
Pourquoi m'en informe t-elle ? Je le sais déjà, puisque c'est la même heure tous les jours depuis ma venue sur terre. Alors pourquoi soudainement, prendre la parole pour le souligner ?
"D'accord." je réponds, avant de filer.
Je retrouve Taehyung dans ma chambre.
"C'est bon. Tu peux dormir et manger ici."
Ses épaules se relâchent.
"Merci."
Nous nous installons de nouveau sur le lit, et travaillons la pièce jusqu'à ce que ce soit l'heure de descendre. J'entraine Taehyung dans le salon, et je me demande à quoi va ressembler ce repas.
Ma soeur débarque, et pendant un instant, elle fixe l'intrus avec surprise, puis le masque se remet en place et plus une seule émotion ne transparaît.
Taehyung est mal à l'aise. Je le sens.
"Je peux aider à quelque chose ?" demande t-il.
Sans un mot, je lui remets entre les mains les assiettes et les couverts, et lui fais signe de les installer sur la table.
Le repas débute, et je picore. Taehyung est juste à côté de moi. Son siège est rapproché du mien au maximum, comme s'il s'accrochait à ma présence dans l'ambiance sinistre de ma famille.
Cela aurait pu très bien se passer, dans un silence absolu jusqu'à la dernière bouchée. Mais ce n'est pas le cas. Taehyung fait quelque chose auquel je ne m'attendais pas.
Il ne fait que parler.
Parler, parler, parler. Pour combler le vide.
"Qu'est-ce que vous faîtes, comme travail ?"
Faible réponse de mes parents ; informaticien et traductrice indépendante. Ils n'ont pas l'air réticents à Taehyung, seulement surpris.
"Ah c'est bien ça ! Ce plat est très bon d'ailleurs. La sauce se marie bien au reste. Vous avez utilisé du cumin ?"
Il obtient de temps en temps des hochements de tête, des retours monosyllabiques, ou de faibles signes d'écoute. Et plus il parle, plus il s'enfonce.
"Hm... Vous savez que Jungkook est très doué au théâtre ? Ah euh, je ne l'ai pas précisé, je suis son professeur. Enfin, professeur est un grand mot, je suis élève aussi, en terminale, on a le même âge, mais je dirige l'option théâtre."
Là, il y a quelque chose qui change dans l'air, l'attention de ma famille prend une direction différente. Si ils n'avaient pas levé les yeux de leur assiette depuis le début, cette fois ci, c'est le cas.
Je jette un coup d'oeil à Taehyung. J'ai peur de ce qu'il peut dire. Mais il est inarrêtable, c'est comme si le silence était insuportable pour lui, qu'il était obligé de dire quelque chose pour ne pas le laisser l'emporter.
"Il se débrouille très bien. Il joue même un des rôles principaux, mais j'imagine qu'il vous l'a déjà dit."
Je masque un sourire. Étrangement, ce n'est pas si affreux. Je devrais angoisser, le faire taire, mais au contraire, ça m'amuse, et je mange avec plus d'engouement.
"Quel rôle joues-tu, Jungkook ?" demande ma mère soudainement.
Je ne l'ai pas vu venir. Taehyung se tourne vers moi. J'en conclus que c'est à moi de répondre.
"Roméo."
"Exactement. Et je joue Julian, la version masculine de Juliette. En fait, c'est une réadaptation." ajoute Taehyung, en apportant ses baguettes aux lèvres.
Je ne déchiffre aucune réticence chez mes parents. Ça me soulage.
J'apporte ma serviette à ma bouche, pour éviter les yeux de toute ma famille, et surtout ceux de Taehyung. Mais ce n'est pas désagréable. Ils me regardent, et c'est comme si mon corps avait soudain un poids. D'habitude, il flotte seulement, comme mort. Là, ça me donne l'impression d'exister.
Un léger silence se dépose, puis Taehyung reprend la parole. Encore et encore. Il parle de théâtre, du plat, de la décoration et même de la météo. Sa voix, dû à notre proximité, me parvient aussi claire que mélodieuse. Elle finit par rythmer mes mouvements, peut-être même les battements de mon coeur.
Nous débarassons, et lorsque je veux mettre une assiette dans le lave vaisselle, Taehyung passe derrière moi avec les dessous de plat, et laisse une main discrète effleurer ma hanche, qui me quitte la seconde suivante. Le geste m'a semblé naturel, spontané, et pourtant, mes joues s'enflamment.
Avant de quitter le salon, Taehyung s'incline.
"Merci pour votre hospitalité."
Et c'est ainsi qu'il arrive à décrocher un sourire, certes infime, mais bien présent, sur le visage de ma mère. Ça me retourne complètement.
Nous montons, et je rentre dans ma chambre le premier. J'entends Taehyung refermer la porte derrière lui. Je torture mon collier en me retournant. Je ne sais que faire de mon corps, planté au milieu de la pièce. Taehyung lui, est appuyé contre la porte, m'observe un instant dans un silence complet...
...et finis par s'avancer.
Quelle est cette ambiance ?
Je me remémore tous ses regards insistants, à table.
Il va se rapprocher, beaucoup, je le sens. Je peux lire en ses mouvements. Je peux presque déceler chacune de ses intentions, dans les traits de son visage, dans la profondeur de son regard, dans ses gestes maîtrisés et prudents. Bientôt, il n'est plus qu'à une faible distance de quelques centimètres.
L'intimité et la douce pénombre de la pièce ne me laissent que peu de doute. Surtout lorsqu'il me regarde avec ces yeux là.
Je veux m'y abandonner.
Une minute entière coule, avant qu'il ne me demande :
"Est-ce que tu te souviens de ce que tu m'as dit, lors de notre altercation dans la salle de classe ?"
Sa question me surprend.
"Oui."
Oui, je me souviens de chaque mot, et peut-être même de l'intonation de sa voix, au départ paniquée à l'idée que je le soupçonne coupable, et ensuite détendue après nos explications.
"Tu te souviens de ce que tu m'as dit, à la fin ?"
Il n'y a aucun contact entre nous. Et pourtant je sens sa chaleur, et mes cellules sont en alerte de la moindre sensation.
"Oui." je répète, ma voix se perdant dans un faible chuchotement alors que je crois comprendre ce dont il parle.
Il parle de la fois où il m'a avoué avoir aimé m'embrasser, et où je lui ai répondu que moi aussi, et que je l'imaginais souvent recommencer. Mon corps est parcouru d'un frisson à cette pensée, que Taehyung intercepte en posant une main sur mon épaule.
"Ça me hante depuis ce jour..." murmure t-il. "Comment est-ce que tu m'imagines... ?"
Je ne sais comment réagir face à sa question. C'est personnel... et tellement intime. Mais je veux lui répondre, honnêtement je veux dire. Il est de plus en plus proche, ce qui m'amène à reculer légèrement. Mais il suit mes minuscules pas, me faisant reculer toujours plus loin. Je prends une lourde inspiration, avant de céder.
De céder à tout.
À lui.
"T-tu es au dessus de moi. Et il y a... tes lèvres, tes mains... sur mon corps..."
J'ai peur d'avoir dit une connerie, d'avoir été trop franc, trop excessif, mais Taehyung me fixe plus intensément. Je vais fondre, ou me dérober sur moi même, c'est inévitable. Et c'est ce qui arrive, lorsque, finalement, mes pas rencontrent le rebord de mon lit et que je bascule malgré moi en arrière. Je laisse échapper une exclamation. Celle-ci s'étouffe rapidement, lorsque Taehyung se penche à son tour et me surplombe. Ma tête s'enfonce dans le matelas alors qu'il grimpe au dessus de mon corps allongé.
Je pose mes mains sur ses épaules, tandis que les siennes se perdent de part et d'autre de mon visage. Il est proche, vraiment proche. Je lorgne ses lèvres. Nous nous touchons à peine, mais le contact ne veut plus rien dire, puisque même s'il se trouvait à plusieurs mètres, je sentirais quand même l'effet de son regard insistant sur mon corps tout entier.
J'appuie un peu plus fort sur ses épaules, pour l'abaisser vers moi, plus proche de moi. Je suis perdu dans un monde trop grand pour moi, dans l'étoile de l'être face à moi.
Putain, il brille.
Taehyung est éclatant.
Sa beauté et les traits acérés de son visage se révèlent sous un nouvel angle à ma vision.
Taehyung affiche un sourire en coin en surprenant ma contemplation. Mes joues prennent feu, s'embrasent autant que le reste de mon organisme. Il suffirait d'un mouvement, d'une seule caresse pour que je m'égare complètement.
Mais pour l'instant, le temps semble en suspension.
Pour l'instant.
"Sur ton corps...?" répète t-il.
J'acquiesce vivement.
Et soudain, il s'abaisse.
"Comme ça...?"
"Ah..."
Ses mains, adroites, se glissent sous mon haut, alors que ses lèvres fondent sur le côté de ma mâchoire. Le contact est inattendu, et ses doigts sur ma peau nue me font me cambrer, par le contraste entre leur fraîcheur et la chaleur qu'ils créent. Ils parcourent d'abord mon ventre, et ça fait comme de légères chatouilles. Puis ils remontent sur mon torse. Le bord de ma mâchoire, toujours choyée par la douceur de ses lèvres, devient humide à force de baisers.
Je ne cesse de soupirer.
Mes propres mains passent sous son t-shirt à lui, et je découvre le plaisir de caresser son dos, ses omoplates et ses côtes que je serre inconsciemment sous toutes les émotions qui m'assaillent. Sa peau est douce, chaude.
Sa bouche quitte ma mâchoire, et je contemple ses mains graciles saisir le bas de mon haut.
"Aide-moi à le retirer."
Dans ma tête, c'est nébuleux. Je n'ai jamais ressenti ça. Jamais je ne me suis senti aussi bien, en sécurité. Je m'éxecute, me surélève sur mes coudes afin de l'aider à faire passer mon pull et mon t-shirt par dessus ma tête. Un instant, je papillonne des yeux, effrayé à l'idée d'être aussi démuni devant lui, face à son oeil aiguisé. Étourdi d'en être arrivé là aussi rapidement.
Et puis, il se passe ça.
Et j'oublie toutes mes craintes.
Ses lèvres viennent s'échouer sur mon torse découvert. C'est différent des mains, plus troublant. Mon souffle se bloque dans ma gorge, avant de reprendre de manière plus effrénée encore.
Ma dextre trouve cette fois ci le chemin de ses cheveux. Et quand sa langue passe sur un de mes tétons, je tire un peu ses mèches sans le contrôler.
Je plaque ma main libre contre ma bouche, afin d'éviter de faire trop de bruit. Je n'oublie pas où je suis, ici, et à quel point les sonorités m'effraient dans cet environnement.
Taehyung ne s'arrête pas, et ses mains s'aventurent bientôt sur mes jambes en même temps, si bien que je sens mon corps entier se tendre, réagir à son toucher. Sa main remonte le long de ma cuisse, et frôle sûrement intentionnellement mon entrejambe.
"Hyung..." je murmure entre mes phalanges, exalté au possible.
Taehyung abandonne mon torse pour remonter vers mon visage. Il éloigne ma main auparavant plaquée sur mes lèvres pour la déposer à côté de mon corps et la serrer entre ses propres doigts.
Nos orbes s'accrochent. Et je suis magnétisé par sa personne entière. J'ai envie de le remercier, de lui dire tout ce que j'ai sur le coeur. À défaut d'avoir les mots, je tente de lui transmettre le chaos d'émotions en moi par notre échange visuel. Je ne sais pas si ça fait effet, mais Taehyung se tend un peu plus au dessus de moi.
"Est-ce que j'ai l'autorisation de t'embrasser, Jungkook ?"
Je vais devenir fou. Si ce n'est pas déjà le cas.
"Hm." j'acquiesce.
Il se penche, mais ses lèvres n'atteignent pas les miennes. À la place, elles dévient vers mon oreille. Je serre son haut, impatient.
"Je veux dire, vraiment t'embrasser." susurre t-il d'une voix à la tessiture plus suave. "Je veux que tu en perdes ton souffle."
Un son s'échappe d'entre mes lèvres entrouvertes. Je ne suis pas certain, mais je crois que c'était un gémissement. Je suis dérouté, emporté dans un monde où je n'ai plus honte. J'ai seulement besoin de sentir son corps, son âme contre la mienne.
Alors à la place de lui répondre, fiévreux, je saisis moi même son menton entre mes doigts et place son visage face au mien.
C'est moi qui me jette sur ses lèvres.
Aussitôt, Taehyung reprend le dessus et m'embrasse plus ardemment.
Il met en application ses paroles précédentes, alors que sa bouche contre la mienne ne me laisse qu'à peine le temps de reprendre mon souffle. Mais je m'en fiche. Mes mains se crispent dans ses cheveux, et lui, je peux l'entendre soupirer de temps en temps.
Le baiser dure longtemps. Peut-être cinq, dix minutes. La notion de temps ne m'est plus tant importante de toute façon. Et plus sa langue s'amuse avec la mienne, plus ma chaleur corporelle augmente, faisant picoter chaque parcelle de ma peau.
Taehyung se redresse pour mieux se placer au dessus de moi, et je reviens brutalement à la réalité lorsque son intimité s'entrechoque avec la mienne. Je réalise la dureté de celles-ci, et ce qui est concrètement en train de se passer.
Taehyung se dégage de mes lèvres, et semble lui même surpris, comme extirpé d'un rêve. Ses pupilles sont dilatées et humides de désir. Et son attention se faufile en direction de nos pantalons déformés. Je pose mes mains sur son torse, pour imposer une certaine distance, reprendre mon souffle et me calmer.
"Jungkook...?"
Je ne suis pas prêt. Pas maintenant. C'est tellement effrayant.
"Je... Je vais prendre ma douche."
Je le repousse doucement.
Je prends mes affaires, les empile entre mes bras pour aller me doucher, et pendant ce temps, Taehyung se redresse sur mon lit. Je n'ose même pas le regarder dans les yeux. Je sors un jogging et un t-shirt de mon placard, et pose le tout à côté de Taehyung, sur les draps.
"Tiens, tu... tu peux prendre ça puisque tu n'as pas de change. Je reviens dans un instant." je murmure, pour lui indiquer que je ne veux pas le repousser entièrement, ni l'abandonner. Je suis seulement... déstabilisé. Et j'ai peur. Je ne sais pas si je suis prêt pour ce genre de choses.
Et pourtant, lorsque l'eau chaude coule sur ma peau, je ne fais qu'y repenser. Ça prend chaque recoin de mon cerveau. Je suis incapable de me concentrer sur autre chose que Taehyung, son corps si proche du mien, ses mots déstabilisants, et sa façon bien trop profonde de me regarder.
Comme si je signifiais quelque chose.
Je me sèche rapidement, enfile un bas et un haut noir en guise de pyjama. Lorsque je débarque de nouveau dans la chambre, Taehyung est vêtu des vêtements que je lui ai prêté. Ça me fait quelque chose de le voir là dedans. Je porte souvent des choses beaucoup trop grandes pour moi, alors le t-shirt est ample sur son corps. Il relève les yeux de son téléphone.
Je ne sais pas quoi dire.
"Je dors ici ?" me demande t-il, montrant vaguement de la main mon lit double.
"Euh... oui. Je n'ai pas d'autre matelas, je suis désolé. Ça te dérange ?"
"Non."
Je m'approche du lit. Taehyung se dégage sur le côté pour me faire de la place.
Je ne sais pas quoi en penser. Du fait qu'il soit là, qu'il dorme dans ma chambre, dans mes draps, avec moi. Et puis, quel est ce sentiment... d'apaisement, à cette idée ? La ferveur de notre échange de tout à l'heure s'est dissipée, et il ne reste qu'une atmosphère douce et confortable. Mes cheveux humides retombent devant mes yeux et caressent mon front et ma nuque.
Je me sens propre, plus à l'aise, et la fraîcheur de ma couette ne peut que m'attirer. Je m'enfonce dedans, et Taehyung fait de même.
Ça me fait bizarre, de sentir une présence à côté de moi.
"J'éteins ?" je demande.
"Vas y."
J'appuie sur l'interrupteur prêt du lit. Le noir complet recouvre la pièce, et le silence vient avec. Il me faut un temps avant que mes pupilles ne s'agrandissent et que je ne perçoive les ombres et contours sombres des objets. Je peux voir la silhouette de Taehyung. Il est sur le dos, et il me semble que ses yeux sont ouverts, et fixent l'obscurité du plafond.
Il va parler.
Je le sens.
Je l'entends.
"Tu t'es déjà posé des questions sur ton orientation ?"
J'écarquille les yeux. Me pose t-il cette question par rapport à ce qui s'est passé tout à l'heure ? Non, j'ai l'impression que c'est bien plus profond que ça.
"Non." j'avoue dans le noir. "Je... ce n'est pas quelque chose auquel je réfléchis vraiment."
"Moi oui." déclare t-il.
J'attends la suite. Mon coeur bat si vite que je sens mes doigts trembler.
"On m'a dit que j'étais maudit." souffle t-il.
Je me fige.
Maudit ?
"Tu ne l'es pas." je réponds, aussi bas que lui. "La personne qui t'a dit ça doit être trop coincée dans ses idées pour se rendre compte que tu es une étoile."
"Une étoile... ?"
Sa voix se fait plus faible.
J'acquiesce, alors même qu'il ne peut pas le voir.
"Oui."
"Cette personne là aussi m'a dit que j'étais une étoile." ajoute t-il, et ses paroles semblent lui coûter.
J'ai peur de dire quelque chose de travers. Mon coeur se comprime violemment. Je me demande de qui il parle.
Je ne sais pas quoi faire. Je n'ai plus de mots, et pourtant il en existe un millier que j'aimerais lui dédier, pour le rassurer comme il sait si bien le faire avec moi, le faire sortir de pensées qui semblent l'emprisonner. Sa silhouette est tendue, fatiguée. J'arrive à le contempler même à travers la pénombre. On dirait qu'il reste accroché à un mauvais rêve, duquel il n'arrive pas à s'échapper.
J'entrouvre la bouche, mais rien ne sort.
Non, pas maintenant.
Je ne peux pas être à court de mots maintenant.
Je me résigne, et soudain, ça me paraît clairement dans mon esprit. Il n'y a pas de phrases, mais il y a autre chose. Il y a le geste.
Alors maladroitement, je tente de me rapprocher. Je ne sais pas ce que je fais, et mon cerveau fume. Je ne l'écoute pas, je n'écoute pas sa terreur et me concentre sur mes mains. Celles ci sont tremblantes, comme souvent lorsque je tente de prendre des initiatives.
Taehyung se rend compte de ma proximité, et pivote vers moi. Ainsi, je peux apercevoir l'ombre de ses mèches désordonnées qui retombent entre son oreille, et défilent sur sa joue.
Je prends une inspiration discrète, et passe ma main sur ces mèches là, les dégage de son visage avec minutie, en les calant derrière son oreille. La pulpe de mes doigts brûle au contact. De là où je suis, je peux sentir son odeur. Une senteur à la fois douce et rude, de livre et de sucre. Sous mon toucher, je sens Taehyung se détendre, et fermer les yeux.
Ça me fait l'effet d'une bombe dans le coeur.
Le silence s'installe dans la pièce. Je veux retirer ma main de ses cheveux, mais il la saisit et la replace, sans ouvrir les paupières.
Alors je la laisse, et joue de temps en temps avec ses mèches. C'est lent, doux, hors du temps. Et ça fait battre frénétiquement mon coeur, alors même que mes membres et mes muscles, à l'inverse, ralentissent et s'alourdissent.
Ensuite, je ne sais plus trop.
Je l'ai entendu chuchoter, très doucement.
"Tu es bien plus que des mots, Jungkook. Tes gestes peuvent être mille fois plus éloquents."
Puis il me semble avoir perçu sa respiration devenir plus régulière, profonde.
Je crois que je me suis également endormi, ma main tout contre ses cheveux, et son odeur envahissant mon inconscient.
**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*
EH POURQUOI MES PERSO FONT DES TRUCS COMME ÇA QUE J'AI MÊME PAS PRÉVU ILS VONT FINIR PAR ME FAIRE FAIRE UN INFARCTUS JUNGKOOK TAEHYUNG EXPLIQUEZ VOUS C'EST QUOI ÇA 👹
(Elise aka la meuf qui contrôle pas son histoire mais c'est son histoire qui la contrôle)
C'était pas censé être aussi spicy il devait juste y avoir un bisou mais help c'est venu tout seul 😔
Que pensez vous de ce chapitre ? Du repas avec la famille ? De cette petite soirée entre le Taekook ? Des révélations sur Taehyung ?
J'aime toujours autant écrire cette ff c'est fou, c'est devenu une safe place pour moi.
Merci pour votre soutien, toujours <3
-Elise-
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