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Chapitre 18 🎭

"Un garçon. Il dit que vous avez rendez vous."

À peine a t-il prononcé ces mots que mon père s'évapore déjà. J'entends ses pas au loin. Et moi, je reste un instant assis sur mon lit, la tête pleine, nébuleuse.

Comment ça ?

Prudent, je me lève et entame la descente des escaliers.

Ça doit être une erreur. Je n'ai rendez vous avec personne.

Je me torture l'esprit à chaque marche. Un pied après l'autre, une nouvelle question se fraye un chemin dans les limbes de mon cerveau. Je traverse le salon en ignorant la présence de mes parents. Dans le hall, la porte d'entrée est à demi fermée, si bien que je ne vois pas l'identité de la personne qui se cache derrière.

Je m'approche attentivement. Le salon étant face à l'entrée, mes parents ont une vue impeccable sur moi et cette porte, et ça me gêne. Ils regardent sans regarder, avec une discrétion peu satisfaisante. Comme toujours ici, on se contente d'observer, mais jamais d'agir.

Je saisis la poignée, exerce un pression dessus, entrouvre la porte, et mon sang ne fait qu'un tour.

"Bonjour, Jungkook."

Taehyung.

Il a un grand sourire sur le visage. Ses mèches bicolores sont, pour une fois, étonnement arrangées proprement. Il porte un simple t-shirt blanc et un jean noir sous un grand manteau qui le rend plus grand, plus impressionant encore que d'habitude. Et ces boucles d'oreille, fines, d'or, qui encadrent parfaitement sa peau hâlée, se marient plutôt bien au ciel gris et aux arbres hivernales qui commencent à laisser tomber leurs protections, juste le temps d'une pause.

Peut-être que je devrais faire comme les arbres.

Laisser tomber mes barrières.

Malheureusement, s'il y a bien une chose que je ne contrôle pas, c'est la panique. Et voir Taehyung ici, sur le pas de ma porte, m'envoie une décharge de peur si violente que je m'accroche un peu plus fort à la poignée. Non. Non, impossible. Il ne peut pas être là. Il n'a pas le droit d'être là.

Personne ne rentre jamais ici. C'est si ennuyant, si silencieux, si vide, si creux. Si peu.

Taehyung me dévisage longuement, les mains nonchalement enfoncées dans ses poches, comme s'il ne se tenait pas aux portes de l'enfer.

Taehyung, tu ne sais pas. Oh non, tu ne sais pas.

Tu ne sais pas comme les non-dits sont parfois plus douloureux que des hurlements, comme le silence peut être plus déchirant qu'un cri, comme l'affliction se multiplie lorsqu'il n'y a rien pour la combler. Seulement du vide, à l'infini. Droit devant moi, il n'y a que ça. Et derrière moi, bien plus encore. Et dans cette maison, d'avantage. C'est le néant. Le néant en personne.

Il ne me lâche pas des yeux, alors que je me bats avec moi même pour décider d'un prochain mouvement à suivre. D'une prochaine parole. Mais tout est vide. Si vide.

Son expression reste stoïque, comme s'il attendait quelque chose de ma part. Une salutation ? Une question ? Un accord ? Une réponse ?

La crainte a raison de mes mouvements.

Sans réfléchir...

... Je referme la porte.

Je n'ai le temps que de contempler la déception sur son visage avant que le claquement de la porte ne résonne dans mes oreilles. Je me sens coupable, un peu. Beaucoup.

Qu'est-ce que je viens de faire ?

Tremblant, je me retourne pour partir avant que je ne change d'avis. La panique court dans mes veines. Un poison lent et néfaste qui me fait perdre la tête.

Mais alors que je m'apprête à reprendre les escaliers, trois coups à la porte retentissent à nouveau. De petits coups, presque désespérés, mais qui ne manquent pas d'énergie, d'espoir. Je me sens étouffer sous le regard de mes parents, confus face à la situation. Ils font semblant de se désintéresser, mais ça ne marche pas.

Alors je m'apprête à ouvrir à nouveau.

Mais c'est un cauchemar.

Taehyung n'est pas censé être là, ni nulle part en ce qui concerne cette maison. Il ne doit pas voir ça. Il n'a pas le droit de s'inviter, pas sans que je ne lui ai donné mon accord.

Il va me détester s'il rentre là dedans. Parce qu'ici je suis incapable de parler, réellement incapable. Les murs sont trop fins, l'habitude est trop forte. Alors qu'est-ce qu'il pensera de moi ? Peut-être qu'il se rendra compte qu'il n'y a rien à faire pour ma misérable personne, et alors il abandonnera tout.

Lorsque je réouvre, je ne suis même plus capable de le regarder dans les yeux.

"Excuse moi... Bonjour." je murmure presque, honteux. "P-pourquoi tu es là ?"

À aucun moment mon comportement ne le déstabilise. Il reste sur le paillasson, droit, grand.

"Tu ne te souviens pas ?" fait-il, les sourcils haussés. "Tu as un rôle à pratiquer, et des cours particuliers à suivre. Et un professeur à ta disposition."

Il sort une main de sa poche, et se désigne du doigt avec un sourire en coin.

Le froid qui s'invite par la porte d'entrée me fait frissonner. L'air est à la fois glacial et lourd, un mélange d'hiver et d'orage, de blanc et de noir. Une colorimétrie qui me va bien, finalement.

"Pas maintenant." je tranche, en m'avançant pour me mettre à sa hauteur, sur le perron. Derrière moi, d'une main maladroite, je ferme assez la porte pour que mes parents arrêtent de nous observer, et pour lui faire comprendre qu'il ne rentrera pas. Pas aujourd'hui.

Je déteste vraiment l'idée qu'il soit ici, mais j'ai du mal à mettre des mots dessus, ni à comprendre l'origine de cette peur.

"Comment ça, pas maintenant ?" réplique t-il, déçu. "J'ai tout prévu, et c'est le moment parfait pour faire ce premier cours. Et c'est en extérieur. Alors mets tes chaussures et on y va. Tu n'as rien besoin d'amener de plus en dehors de ta présence."

"En extérieur...?" je demande, et mes épaules s'affaisent légèrement. Ses yeux suivent le mouvement. C'est là que je me rends compte que Jimin avait raison ; Taehyung analyse sans arrêt. Et il voit bien plus qu'il n'en laisse paraître.

"Oui, en extérieur. Tu viens ?"

Son ton est joueur, sans appel. Une lueur amusée balaie ses pupilles, les faisant à la fois danser et entamer un combat avec les miennes. Je ne comprends pas comment il peut être à la fois si doux et si rude.

"Où est-ce qu'on v-"

Ma parole est coupée, et je retiens mon souffle en laissant échapper un son de surprise. Taehyung vient de poser un doigt sur mes lèvres. Ébahi, je l'observe se parer d'amusement et se rapprocher d'un pas. Puis d'un autre, tout petit.

"Pas de questions."

Son index ne quitte pas mes lèvres, et ma question se perd. Puisque soudain, je n'en ai plus aucune. Pour la simple et bonne raison que j'ai du mal à rester concentrer sur quelque chose. Le contact de son doigt sur ma bouche envahit toutes mes sensations, comme si cet endroit précis de mon corps devenait plus sensible, vulnérable. Tous mes sens se concentrent en un point si petit que ça me fait trembler.

Il retire son doigt avec lenteur, le faisant glisser sur mes lèvres, abaisser ma lèvre inférieure et entrouvrir très légèrement ma bouche dans la manoeuvre. Je cherche ses yeux, le souffle coupé.

Sa main plonge à nouveau dans sa poche, mais il ne s'éloigne pas.

"Sois patient." fait-il, un peu plus bas.

Je frissonne. Et je n'arrive pas à savoir si c'est le froid ou non. Ni si ce qui vient de se passer n'est pas le fruit de mon imagination. Et je le vois à nouveau, son analyse. La manière dont il observe chacune de mes réactions avec une attention particulière, la manière dont il semble intégrer chacun de mes mouvements, chacune de mes paroles, enregistrer chacun de mes frissons, ou mes mains qui deviennent soudainement moites.

Lorsqu'il fait un pas en arrière, je m'autorise enfin à lâcher un soupire discret, puis à reprendre une respiration régulière.

"A-attends moi." je bégaye, encore perturbé.

Pourquoi je sens encore son doigt me brûler les lèvres ? Et pourquoi j'ai autant de mal à le regarder dans les yeux ?

Rapidement, j'enfile mes chaussures et mon manteau. J'essaie de ne pas donner trop d'attention à mes parents. Les deux lisent sur le canapé, mais leurs pages ne se tournent pas. Je m'approche, et j'ai mal au coeur.

C'est une étape que je déteste. Devoir demander. Parce que ça consiste à avoir une conversation avec eux, aussi minime soit elle.

"Je peux... je peux sortir dehors avec un ami ?"

Seulement ma mère s'intéresse. J'ai du mal à la cerner. Au fond de ses yeux si bleus, si neutres, il y a un grain d'étonnement. Il y a de quoi. Je n'ai jamais vraiment eu d'autres amis que Yoongi. Et Yoongi, je ne l'ai jamais vu.

"Oui, tu peux." répond-elle.

Je dois tendre l'oreille pour l'entendre.

Et j'acquiesce, mal à l'aise, comme si elle était une inconnue, que je n'oserais approcher, ni déranger.

Je ne m'éternise pas, et fuis la pièce. Je rejoins Taehyung à l'extérieur, les yeux fuyants, et ferme la porte derrière nous avec des mains tremblantes.

Je crois que je suis... nerveux ? Très nerveux.

Alors que nous nous engageons sur le petit chemin pour sortir de la propriété, Taehyung reprend la parole.

"Je suis désolé. On avait pas fixé d'horaire. Alors je me suis dit qu'aujourd'hui c'était bien. Et le temps est parfait."

Je lève les yeux vers le ciel, et je me dis que le temps n'est pas vraiment parfait. D'épais nuages recouvrent entièrement la voûte céleste, et bien qu'il ne pleuve pas encore, une odeur de chien mouillé se démarque. Je hausse les épaules, me mordant la lèvre inférieure.

Un silence s'installe, avant qu'il ne le coupe à nouveau. De mon côté, je ne réfléchis pas quand je saisis mon collier entre mon pouce et mon index pour le faire tourner.

"Comment tu te sens ?"

"Hm... Nerveux. Un peu."

"Pourquoi ?"

Parce que tu es là, et tu es proche.

"Pour le cours. Surtout que- que je ne sais pas ce qu'on va faire en avance. C'est encore plus stressant..."

Nous marchons côte à côte et plus nous avançons, plus il me guide, plus je réalise qu'il prend la direction de l'arrêt de bus près de chez moi.

"Voit ça d'un autre oeil. Comme une surprise, par exemple. On va dire que c'est une surprise, t'es d'accord ? C'est plus positif."

J'acquiesce. Vieille habitude.

"Tu as raison."

Soudain, parmi mes questionnements sur notre destination, une pensée me fait froncer les sourcils.

"Au fait, comment tu connais mon adresse...?"

Nous nous arrêtons à l'arrêt de bus. Taehyung me fait face et je suis soudainement bien plus intimidé.

"Ah... J'espérais que tu ne le demanderais pas. Tu peux me promettre que tu ne diras rien ?"

Sa main droite passe dans ses cheveux. Je crois qu'il fait ça pour cacher son embarras.

"Évidemment." je réponds, la curiosité l'emportant.

"Puisque je fais les cours de théâtre pour l'option, on va dire que j'ai accès... aux fiches personnelles des élèves. Mais je suis pas censé m'en servir pour arriver à des fins personnelles. Mais enfin, c'est pas vraiment des fins personnelles puisque c'est pour te faire faire des cours particuliers. Mais je n'aurais quand même pas dû, et si quelqu'un l'apprend, alors je risque de perdre ma place. Alors s'il te plaît, vraiment, ne répète pas que j-"

Plus il avance dans son monologue, plus il s'embrouille. Et je me demande comment il peut à la fois être aussi confiant et maladroit. C'est une dualité que je n'avais jamais observé chez quelqu'un avant lui.

"Je dirai rien." je me surprends à lui couper la parole. "T'en fais pas. Mais j'avoue que ça m'a contrarié. T-tu aurais pu me prévenir."

"J'aurais pu. Excuse moi."

"Excuses acceptées."

Il sourit, et son regard devient dur à supporter, si bien que je détourne le mien. Le bus arrive enfin, me sauvant, et nous nous asseyons au fond. Curieux, je m'apprête à poser une question sur ce cours particulier, mais je me souviens de son doigt se posant sur mes lèvres, alors je me tais.

Sois patient.

Le trajet est silencieux, mais pas désagréable. Je contemple le paysage par la fenêtre. J'essaie de trouver un indice, n'importe quoi. Je n'ai pas reconnu le numéro du bus, je ne sais ni où il va, ni pendant combien de temps. Mais nous nous éloignons du centre de Gwangju, et de plus en plus de verdure et de maisons esseulées s'offrent à ma vue.

Je suis vraiment curieux.

J'aimerais savoir.

Juste une question.

"Hyung..."

Taehyung semble sortir de ses pensées.

"Hm ?"

"Pourquoi on sort de la ville ?"

Je peux le voir sourire du coin de l'oeil, avec cet air amusé qu'il a sans cesse.

"J'ai dit quoi ? Pas de questions, tu verras."

Je me creuse la tête, mais je ne comprends pas le rapport entre un cours particulier et la campagne vallonnée de Gwangju. Les routes sont plus sinueuses, et c'est quand le bus s'engage pour monter autour d'un mont assez imposant que mes questions atteignent leur paroxysme.

Et si c'était un piège ? Franchement, qui emmène quelqu'un à un endroit pareil ?

J'ose jetter un coup d'oeil au prochain arrêt affiché sur le côté du bus, au dessus des portes. C'est le terminus.

"Mont Mudeungsan ?" je lis à voix haute.

"Hm. J'espère que tu n'es pas fatigué. Même si le bus nous emmène déjà assez haut, on a encore de la marche pour arriver en haut."

Je suis bouche bée, comprenant de moins en moins. Mais je suis Taehyung lorsqu'il descend du bus et qu'il nous entraîne sur un chemin caillouteux.

"Tu... tu n'es pas un tueur en série, hein ?" je demande, alors qu'il fait de plus en plus sombre dû aux énormes nuages de jais. Il va pleuvoir, je le sens.

Taehyung rit franchement, en dévoilant ce sourire rectangulaire que je regarde en coin. Le sentier est assez spacieux pour que nous marchions côte à côte.

"Bien sûr que si. Et j'exécute toutes mes victimes en les poussant du haut d'une montagne."

"Arrête ! C'est pas drôle." je réplique, ce qui le fait rire encore plus fort.

À ce moment là, je sens une toute petite goutte atterir sur le bout de mon nez. Une seule, le prémice d'un million d'autres. Un peu comme les larmes.

"T'es drôle." lâche Taehyung.

Je déglutis, ne sachant que répondre.

Le chemin sur lequel nous sommes est aussi vide que le bus que nous avons pris. Il n'y a pas une seule activité humaine. Il n'y a que nous, l'herbe sèche d'été qui commence à reprendre de la couleur, les cailloux sous nos pieds et l'odeur d'une pluie à venir.

Pourquoi m'emmener à un endroit pareil ?

Nous sommes enfin tout en haut du mont, et je suis essouflé.

Soudain, Taehyung s'arrête. Je m'arrête à mon tour. Il pivote de façon à être face à moi, et pointe du doigt quelque chose au loin, tout au bout du chemin sur la crête. Une construction en bois, qui s'avance droit dans le vide, avec des barrières tout autour. On dirait une sorte de plateforme d'observation.

Je suis stupéfait, et sans un mot, Taehyung reprend son chemin, habile. Je me lance à sa suite, en sentant l'air frais s'inviter sur mon visage et sous mes vêtements. Plus nous approchons, plus mon coeur se met à battre plus vite, et mes yeux à s'écarquiller.

Les nuages noirs au dessus de nous offrent une profonde obscurité malgré le fait que nous soyons encore en plein jour. Face à moi se révèle alors un spectacle de lumières. Celles de la ville, en bas, qui ne cessent de briller. De monter jusqu'au ciel et de se refléter au plus profond de mes pupilles. Les quelques vallées qui précèdent la métropole rend la vue bien plus spectaculaire.

"C'est beau, n'est-ce pas ? Je viens souvent là, car il n'y a jamais personne. Et c'est ici que tu vas suivre ton tout premier cours particulier."

"Comment ça ?" je demande, sans être trop présent.

J'ai le nez plongé dans la beauté du paysage face à nous. Je m'approche de la rembarde, tout au bout du ponton en bois. C'est silencieux, et la vue est brillante. C'est parfait. C'est l'ombre qui observe la lumière. C'est l'obscurtité contre la clarté. C'est moi, contre tous.

J'ai l'impression de me sentir vivre, juste le temps d'un instant. De croire que c'est possible, qu'un jour je pourrais m'élever à ce point sans avoir peur. J'apprécie le vent qui s'incruste dans mes cheveux, et l'odeur humide et végétale qui s'infiltre dans mes narines. Taehyung me rejoint au bord. Les bras croisés sur la frontière entre nous et le vide, il fixe la vue avec la même intensité.

"On va crier." lâche t-il comme une bombe, les traits apaisés, la voix calme.

Je détourne mon attention de la ville éclairée. Je n'ose plus prononcer un mot, de peur de faire tout éclater.

"C'est la consigne d'aujourd'hui. Crier. Hurler. Brailler. Lâcher, surtout."

De fines gouttes commencent à s'abattre sur nous ainsi que sur la plateforme en bois. Cette dernière devient humide et glissante.

"Crier quoi ?" je questionne, une appréhension grandissante dans mes veines.

J'ai peur, j'ai tellement peur. Mais cet endroit me donne étrangement un courage que je n'ai jamais eu par moi même.

"N'importe quoi. Crier tout et n'importe quoi. L'important c'est de le faire, d'exercer sa voix, et de s'entraîner à s'affirmer avec la parole. Pour jouer Roméo, il va falloir que tu saches élever la voix. C'est un personnage à la fois confiant et sensible."

Le silence refait surface, et une boule se forme au creux de mon ventre. La crainte de ne pas y arriver, de tout gâcher.

Soudain, Taehyung prend une grande inspiration. Et sans prévenir, ses mains s'appuient à plat sur la rembarde, et il s'avance un peu, le haut du corps penché vers le vide. Dans un réflexe, je m'approche, avec la crainte qu'il bascule. Mais sa position est stable, et sa voix s'élève entre les gouttelettes de pluie et les larges vallées.

"J'ADORE LE THÉÂTRE !" crie t-il, ses mots portant loin et se répercutant aléatoirement dans le vide. "JE M'APPELLE KIM TAEHYUNG, ET J'AIMERAIS EN FAIRE MON MÉTIER ! MAIS J'AI PEUR DE NE JAMAIS Y ARRIVER, IL Y A SI PEU DE PERSONNES QUI EN VIVENT ! ET SI PEU QUI CROIENT EN MOI. MAIS JE N'ARRÊTERAI JAMAIS DE RÊVER ! J'AIME MES AMIS, J'AIME SORTIR EN VILLE AVEC EUX, J'AIME LA PLUIE, J'AIME CET ENDROIT !"

Je le fixe, sous le choc. Je suis attentif à son propre écho qui revient. Admiratif, je l'observe s'époumoner ensuite sur tout et n'importe quoi. Parfois, ses phrases n'ont même pas de sens. Il contemple la ville et ses lumières, et lui crie littéralement à la figure. Il lui balance tout ce qui lui passe par la tête, avec une assurance qui fait tourner la mienne. Sa voix est confiante, et l'expression sur son visage est pleine de hargne, comme s'il hurlait au monde entier qu'il existe. Qu'il est bien là, et qu'il ne partira pas.

Ça me captive. J'aimerais tant en faire de même.

Lorsqu'il a terminé, il se tourne vers moi en souriant. Une, deux, trois secondes s'écoulent avant qu'il ne se mette à nouveau face à la ville, et qu'il hurle de toutes ses forces.

"JEON JUNGKOOOOOOOK ! À TON TOUUR !"

De l'eau dégouline sur ses cheveux, son front, son nez, son cou, entre son sourire. Mais rien ne le perturbe. Je panique un peu, sert la barrière de bois dans mes mains, en baissant la tête.

"Je... je ne sais pas quoi dire."

La vue de mes chaussures me met soudain bien plus en sécurité que celle de la ville.

Du monde.

Ce monde, il me fait drôlement peur.

Je contemple les gouttes qui s'éclatent contre le sol. Sans relever la tête, je sens Taehyung s'approcher de moi. Puis deux doigts sur chacune de mes tempes relèvent mon visage face aux lumières. Il s'éloigne à nouveau.

"Commence déjà par regarder l'auditoire. Au fond, quand on est au théâtre, c'est toujours à lui qu'on s'adresse. Puis tu cries juste. Ça n'a pas besoin d'avoir de sens, tu sais. Ça peut être décousu. Ce n'est même pas obligé d'être des mots, si tu les crains tant." m'explique t-il patiemment. "TU FAIS JUSTE COMME ÇA !" hurle t-il à nouveau face au bord. "JE PEUX T'ASSURER QU'EN PLUS DE T'ENTRAÎNER, ÇA FAIT UN BIEN FOU ! DÉTENDS TOI ! LÂCHE TOI !"

Je souris discrètement. C'est complètement ridicule. Tellement ridicule. Et je déteste le fait d'avoir grandi dans un monde où le ridicule est effrayant. Quand on y pense, trouver quelque chose de ridicule est seulement une technique sociale un peu moins violente pour interdire ladite chose. Qui décide si une chose est classée ridicule ou non ?

J'ai toujours eu envie de hurler. Et au delà de hurler, de m'exprimer.

Mais comment se fait-il que rien ne sorte ? J'ai peur. J'ai tellement peur. Peur de quoi ?

Il m'observe. Il faut que je fasse quelque chose. Que je dise quelque chose. Que je crie quelque chose.

J'ai peur, j'ai peur, je n'ai que cette phrase à la bouche. Un amas de mots qui prennent toute la place, qui se répètent à l'infini, dans une boucle infernale.

Il faut que je fasse quelque chose. Il faut que je dise quelque chose. Que je crie quelque chose.

Que je crie.

J'ai peur, j'ai p-

"MAIS ÇA ME FAIT PEUR !" je hurle maladroitement, et ma propre voix me paraît étrangère. C'est une sensation affreusement dérangeante. "J'AI SANS CESSE PEUR, J'AI PEUR DE-"

Je me déteste à l'instant même où je cris ces mots, avec une impression de vomir ma détresse. De la rendre illégitime, pas belle à regarder. De la faire sortir et de la faire gésir au sol, à mes pieds, honteuse, dégoutante, dégoulinante. C'est elle qui crie.

Regardez moi. Regardez moi, comme je suis pitoyable et laide.

"...j'ai peur de crier." je termine, la voix tremblante, à un volume plus bas.

Taehyung ne me fait pas une seule remarque. Il se contente de me regarder, et ça me perturbe profondément. Qu'attend-il de moi ? Il n'a plus un sourire, ni un seul regard de pitié comme je les déteste. Il est seulement dans l'observation. Mais ce n'est pas l'observation d'un professeur qui évalue son élève, c'est celle de quelqu'un qui attend, patient.

Et je comprends.

Je comprends qu'il me laisse tout le temps que je souhaite.

Alors je respire, j'inspire, j'expire, j'inspire à nouveau. Je ramasse ma détresse, je la range à l'intérieur. Je peux le faire, je le sais. Il suffit seulement de crier, c'est pas bien compliqué, putain.

"JE M'APPELLE JEON JUNGKOOK !" je crie, toujours peu sûr de moi. Mais plus le temps avance, plus les orbes de Taehyung m'encouragent, et moins je me sens enfermé. "J'AI DIX SEPT ANS ! Et je-"

Je réfléchis, mais en fait, c'est exactement ce que je ne dois pas faire. Tant pis si ce que je dis n'a pas d'intérêt, il suffit juste de crier.

Allez, Jungkook.

Mais quoi ?

On s'en fout de quoi. Ça n'a pas d'importance. Ça peut être la tirade la plus ridicule de ta vie, on s'en fiche.

Mais c'est effrayant.

Allez.

"JE N'AIME PAS PRENDRE LA PAROLE. JE N'AIME PAS LES GRATINS, NI LA POMME." je braille, en aillant conscience que je dis n'importe quoi. Ça me freine un peu, mais Taehyung regorge d'encouragement. Alors j'essaie de me motiver.

Allez, merde.

"JE N'AI AUCUNE IDÉE DE CE QUE JE VEUX FAIRE PLUS TARD ! J'AI L'IMPRESSION DE N'AVOIR MA PLACE NULLE PART, ET DE NE RIEN MÉRITER ! J'AIME LES JOURNÉES ENSOLEILLÉES, PARCE QU'ELLES MAQUILLENT LA TRISTESSE. J'AIME ÊTRE EN APPEL AVEC MON AMI YOONGI, ÇA ME FAIT OUBLIER LE VIDE AUTOUR DE MOI. ET CE QUE JE HAIS PAR DESSUS TOUT, C'EST- c'est... CE N'EST PAS MOI ! MAIS C'EST LA PERSONNE QUE JE CACHE À L'INTÉRIEUR, C'EST TOUT CE QUI ME CONSTITUE RÉELLEMENT MAIS QUE JE NE MONTRE À PERSONNE. CETTE PERSONNE, JE LA DÉTESTE PROFONDÉMENT, JE LA DÉTESTE, JE LA DÉTESTE ! ET POURTANT J'EN PEUX PLUS DE LA LAISSER ENFERMER, IL Y A TANT DE CHOSES QUE J'AIMERAIS DIRE ET- et tant...ET TANT DE CHOSES QUI SE PERDENT, ET JE... Je- je..."

Ma voix se brise et s'effondre éhonteusement dans le silence. Ma gorge me fait mal. Je ne me reconnais pas, et j'ai envie d'éclater en sanglot. L'effort me pèse douloureusement. J'ai du mal à croire que c'est moi qui vient de crier toutes ces abominations. Je m'en veux, je m'en veux terriblement, et à la fois je ressens quelque chose d'étrangement jouissif. Je me tourne vers Taehyung, la boule au ventre. Je cherche son regard, j'y lis la surprise, et un peu... un peu de fierté.

"C'est bien. Vraiment bien. Tu es fort... mais tu ne t'en rends même pas compte."

Durant ses éloges, je me sens rougir, alors que la fatigue s'empare de mon corps tout entier. L'effort est immense, et la charge mentale se répercute dans mes muscles.

Je me tiens à la barrière, les doigts crispés. La vue est toujours aussi belle. Il pleut d'avantage, mes vêtements sont trempés. En criant toutes ces choses, j'ai l'impression d'avoir perdu une partie de moi. Ou peut-être au contraire, d'en avoir découvert une nouvelle.

Taehyung s'avance dans ma direction, et passe derrière moi. Je respire l'odeur de la pluie sans me préoccuper de ce qu'il fait. Puis dans mon dos, je l'entends.

"Continue. Tu dois avoir tellement de choses à dire."

Sa voix s'approche un peu plus à chaque mot. La pluie dégouline sur mon corps, mes cheveux collent à mon front, et un courant d'air glacé parcourt chaque parcelle de ma peau exposée.

Il veut que je crie encore...?

Alors que je me prépare de nouveau à l'exercice, je peux deviner sa présence. Il est plus proche à chaque instant, et je crois que je vais perdre la tête. Je suis incapable de me concentrer sur autre chose que sur la chaleur qui émane de son corps. Je me demande ce qu'il fait.

Je baisse le regard, intimidé, et resserre mes doigts un peu plus fort sur le bois quand je vois deux mains se poser de chaque côté des miennes sur la rembarde. Elles ne se touchent pas. Il suffirait que je les décale d'un millimètre. Mais je n'en fais rien. Je suis retenu entre ses bras, et je suis subitement inapte à me focaliser sur autre chose que ce détail.

Avec la façon dont il m'encadre, ma respiration se bloque brusquement dans ma gorge.

"Vas-y." m'encourage t-il.

"Je- je n'y arrive plus." je murmure. "Je n'arrive p-plus à crier."

Je peux presque l'imaginer hausser un sourcil dans mon dos. Un frisson traverse mon corps, et celui ci, je ne l'imagine pas.

"Pourquoi ?"

Le fait-il exprès ?

"Tu es... tu es trop p-proche."

Je détourne le regard des bras qui m'entourent, et de ces mains fines, délicates, baguées. L'odeur de l'orage se mélange à celle de Taehyung. Une effluve que je n'ai jamais vraiment pu expérimenter jusqu'ici.

"Proche...?" susurre t-il.

Mon dieu.

Je peux presque sentir sa respiration sur mon cou. Ma peau accueille les gouttes de pluie d'une manière différente, comme plus réceptive. Et plus la chaleur de son souffle se répand sur ma nuque, plus j'ai du mal à respirer correctement.

"O-oui."

Mes lèvres restent entrouverte, alors que je perçois des mèches de cheveux douces et assez longues chatouiller mon cou à leur tour.

"Ça te perturbe ?"

Ses mots envoient une décharge dans mon corps. C'est surréaliste, soudain. Toute cette pluie, ce beau paysage, et ce satané souffle. Il n'y a plus de monde, et j'ai l'esprit embrumé.

"Ça m'empêche d-de respirer... correctement."

"Jungkook."

Inconsciemment, comme dans un autre monde, je lève la tête, la faisant reculer. Une distance infime mais qui permet à son souffle de s'écraser complètement contre la jointure entre mon cou et le début de mes cheveux.

"Hyung..."

Le torrent se fait plus fort, et l'eau qui glisse sur ma peau ne me refroidit pas. Je ne fais plus attention aux gouttes qui coulent dans mes yeux ou se frayent un chemin entre mes lèvres.

"Tu es fascinant." chuchote Taehyung.

Au moment où un frisson me traverse, un éclair déchire le ciel et s'imprime violemment sur ma rétine. Je sursaute, avant que le tonnerre assourdissant ne se fasse entendre. Dans la surprise, Taehyung a retiré ses bras, si bien que je reprends brusquement mes esprits. J'ai l'impression de sortir d'une sorte de transe, et de ne pas bien comprendre l'ampleur ni la teneur de ce qui vient de se passer.

"Je..." je commence, sentant maintenant mon t-shirt coller désagréablement à la peau de mon dos.

Taehyung se passe une main dans les cheveux, écartant quelques mèches dégoulinantes sur son front. Il ne me regarde plus dans les yeux. Moi non plus. Je ne fais que fixer le vide. Il est bien plus facile à affronter tout à coup.

"On devrait rentrer. Être tout en haut d'une montagne pendant un orage, c'est une très mauvaise idée."

Je ne fais qu'acquiescer. Sans un mot, nous nous engageons pour faire le trajet inverse. Je jette un dernier coup d'oeil à la ville et à ses lumières, aux vallées imposantes.

Puis discrètement, alors que Taehyung ne regarde pas, je passe une main sur ma nuque, perturbé.

Je repense aux mots de Chaeyoung.

Peut-être qu'il est attiré. Par toi.

Je n'ai pas envie de rentrer.

Je me sentais bien.


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Je suis trop intimidée de vous poster ce chapitre mdr 😭 (je me suis un peu cassée la tête en l'écrivant, j'espère que ça ne se voit pas trop)

Je crois bien que c'est le plus long que j'ai écrit depuis le tout début. (première fois que je dépasse les 5000 mots)

L'ambiguïté entre les deux tourtereaux devient de plus en plus présente... 🚶‍♂

Merci de lire, c'est tellement un kiff de lire vos commentaires je vous jure, ça me rend trop heureuse

Le mont Mudeungsan existe, on peut y voir une vue sur Gwangju, mais il n'y a ni bus qui y monte ni plateforme d'observation, mais oklm c'est une ff on invente

À bientôt :)

-Elise-

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