11. Jun (2/3)
*
Le chef de la police de Kyoto n'était pas ce qu'on pouvait appeler un enfant de chœur. Le bougre avait plus d'expérience sur le terrain que tous les hauts gradés réunis n'en auraient jamais. Et plus de cheveux blancs aussi, mais ça, c'était accessoire. La chose que Jun avait retenue en premier lieu lorsqu'il n'était encore qu'un bleu, c'était que Fushiguro Itachi n'était pas un homme patient.
Là, dans son bureau aux murs de verre, Jun lorgnait sur les chaises qui faisaient face à leur chef. Son café froid trônait sur une pile de dossiers à côté de son ordinateur. Le clic incessant de sa souris qui parcourait l'écran le rendait nerveux.
« Alors ? tonna sa voix de fumeur invétéré. Au rapport, messieurs. »
Il ne quittait pas l'écran des yeux. Derrière ses lunettes rectangulaires, ses paupières se plissaient pour tenter d'y voir plus clair, mais il avait toujours du mal à se faire à la nouvelle technologie. Jun lança un regard ennuyé à Kitashi. Sérieusement, n'auraient-ils pas pu échanger au téléphone ? Pour lui montrer qu'il s'en lavait les mains, il enfonça ces dernières dans les poches arrière de son pantalon à pinces. Son coéquipier soupira silencieusement, seules ses épaules se soulevèrent.
« Parlez, Minobe, ou je vous arrache les vers du nez. Bon sang, mais comment ouvre-t-on ce maudit document ?
— Deux des trois corps retrouvés dans la grotte d'Ōeyama, Fushigui Tadashi et Hamanaki Yuriko, ont été mutilés jusqu'à la mort. Le dernier, Kushiyoko Hinori, est mort de cause naturelle, bien que mystérieuse. Sa déshydratation a été trop rapide selon le labo, mais le coup que le survivant de l'équipe lui a infligé, le professeur Ashigaka, n'a pas été fatal. Quant à ce dernier, il souffre de démence et est actuellement entre les mains de l'hôpital psychiatrique de Kyoto. »
Le commissaire Fushiguro cessa de marteler sa souris. Ses yeux gris transpercèrent ceux de Jun, qui rentra imperceptiblement la tête dans les épaules, et ceux de Kitashi, qui resta impassible.
« Je sais que le labo a terminé ses analyses, Minobe. Les bouts de chair retrouvés entre les dents du jeune homme appartiennent aux deux autres victimes. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi cette affaire n'est pas bouclée. »
Kitashi s'apprêtait à répondre, mais leur supérieur l'en empêcha.
« Je veux un rapport sur mon bureau dès ce soir. De votre part à tous les deux.
— Mais l'enquête n'est pas terminée... m'sieur, ajouta Jun, dont la voix se tarit quand il se fit fusiller du regard.
— Je lis vos rapports, messieurs. Il ne faut pas croire que le protocole vous en demande régulièrement pour le plaisir de vous faire perdre du temps. Vous devriez le savoir, depuis le temps. Le jeune homme a perdu les pédales par jalousie envers son professeur et, dans un excès de rage ou par souci de discrétion, il a trucidé ses deux camarades. Sauf que, voilà, son professeur ne s'est pas laissé faire. Il s'est défendu avec ce qu'il avait sous la main et a réussi à s'enfuir. Fin de l'histoire.
— On n'a pas encore d'éléments qui expliquent la mort du meurtrier ni la démence d'Ashigaka », déclara calmement Kitashi.
Fushiguro balaya vaguement l'air d'un revers de main.
« Le pauvre bougre souffre de stress post-traumatique et le coupable, et bien, je n'en sais rien, mais ça n'a pas d'importance. J'ai besoin que vous boucliez cette enquête.
— Mais pourquoi se presser ? explosa Jun, au bord de la colère.
— Parce que j'ai trois familles endeuillées qui ont besoin d'avoir des réponses que nous ne leur transmettons pas parce que vous n'êtes pas foutus de bouger vos fesses ! »
Ses mains avaient claqué sur la table, faisant dangereusement tanguer la tasse de café. Il se racla la gorge, se recoiffa et dit :
« Écoutez, pendant que vous vous baladez, les disparitions en série continuent dans la région. C'est du sérieux. Des personnes importantes s'envolent. Saito et Watanabe sont sur le coup, mais j'ai bien peur de devoir dévoiler des éléments à la presse dans peu de temps.
— Vous parlez de M. Kujo des affaires juridiques ? »
Le commissaire adressa une œillade suspicieuse à Kitashi.
« Ah oui, c'est vrai que c'est vous qui êtes arrivé le premier sur les lieux. Oui, il s'agit de lui, mais pas que, malheureusement. Le patron d'un concessionnaire renommé, un certain Nijō Shoijiro. Hier, c'était le sénateur Konoe Rintarō.
— Ben merde », lâcha Jun dans un souffle.
Il se tourna vers Kitashi, qui eut exactement le même réflexe. Ils avaient été sur les lieux de deux des trois disparitions. Et Itou, faisait-elle partie de ses disparitions en série ? Soudain, le souffle lui manqua et il devina, en voyant l'étincelle dans les yeux de Kitashi, que lui aussi n'attendait qu'une chose, sortir de ce bureau pour concerter avec son coéquipier.
Fushiguro, qui se méprit sur la béatitude de son enquêteur, acquiesça gravement.
« Oui, c'est pour ça que je vous ai dit que je serai bientôt forcé de rendre l'affaire publique. Nous avons besoin de tous les agents nécessaires sur le coup. Même si vous n'êtes pas aux portées-disparus...
— Je demande des congés, chef. »
Fushiguro s'en décrocha la mâchoire, mais il ne fut pas le seul, Jun aussi. Il recula si brusquement contre le mur en verre derrière lui qu'il manqua de s'y cogner l'arrière du crâne.
« Vous, Minobe ? demanda prudemment le commissaire. Vous voulez prendre des jours de congés ? »
Bon sang, il en avait presque la larme à l'œil. Jun se retint d'éclater d'un rire nerveux lorsque Kitashi croisa les bras sur son torse, l'air quelque peu irrité par la réaction de leur supérieur.
« Oui. C'était une affaire éprouvante et nous l'avons, apparemment, menée à bien. Et j'ai des jours à prendre, il me semble.
— Il vous semble ? Mon vieux, vous avez au moins huit semaines de congés mises bout à bout. Les ressources humaines me tapent sur les doigts tous les mois à cause de vous. Vous ne prenez jamais rien !
— Je peux donc avoir une semaine ?
— Euh... Oui, je suppose. Donnez-moi votre rapport et je transmettrai aux RH votre demande. Tiens, voilà Hominoko du service. Ouvrez la porte, Iwasaki. »
Ce dernier obéit et héla la demoiselle en jupe crayon. Il tua dans l'œuf le regard plein d'espoir qu'elle lui lança. Du pouce, il pointa le commissaire. La tête basse et les lèvres baissées, Hominoko trottina jusqu'au bureau, s'arrêtant à l'embrasure de la porte.
« Minobe Kitashi souhaite prendre sa semaine. Pouvez-vous le noter, je vous prie ? »
Les yeux de la demoiselle s'ouvrirent en grand. Elle avisa le grand gaillard à sa gauche. Jun sourit.
« M. Mi- Minobe souhaite prendre des congés ?
— Il y a un problème ? »
Le concerné en montra presque les dents d'impatience. La jeune femme sursauta.
« Pas le moindre ! Je le note tout de suite !
— Moi aussi, je vais prendre une semaine, déclara Jun. Marquez-le sur votre calepin, mademoiselle Hominoko. Ou vous voulez peut-être que le fasse pour vous ? Je vous mettrai mon numéro en cadeau. »
Il assortit sa réplique d'un clin d'œil. Il vit clairement Kitashi rouler des yeux, son agacement le ravit. La RH hocha la tête, un peu perdue.
« Pas de surprise vous concernant, Iwasaki, déclara platement le commissaire Fushiguro. Vous en reste-t-il, d'ailleurs ? Euh, mademoiselle Hominoko, vous pouvez disposer. »
Elle cligna des yeux et s'en alla sans demander son reste.
« Bon. Vous deux, dégagez de ma vue. Envoyez-moi vos rapports dans la soirée et profitez de vos vacances. Si j'ai vraiment besoin de vous, je vous appelle. Mais franchement, Minobe, j'espère ne pas avoir à gâcher les premiers congés que vous prenez de vous-même depuis que vous êtes en fonction. »
Nul besoin de le dire deux fois à Jun, qui roula contre la vitre pour atteindre la sortie. Lorsqu'ils furent assez éloignés du bureau, il asséna un coup de poing amical à Kitashi.
« Allez le vacancier, on va chez toi. »
Ce dernier esquissa un mouvement de recul alors qu'ils entraient dans l'ascenseur.
« Quoi ? »
Du coin de l'œil, Jun avisa l'agent Watabane à son bureau. Ce dernier ne lui accorda pas un regard. Toute son attention était concentrée sur le coup de fil qu'il était en train de passer. Le bureau en face de lui, celui de sa coéquipière, Saito, était vide. Jun inspecta les environs d'un tour fluide sur lui-même. Elle n'était en pas vue. Avec agilité, sa main glissa sur la pochette cartonnée quand il passa près du bureau et la coinça, l'air de rien, sous son bras.
« Il nous faut bien un endroit pour discuter de la suite des opérations, dit-il d'un ton léger. Et je parie que ça fait des jours que tu n'as pas mis les pieds là-bas, je me trompe ? La propriétaire va finir par croire que tu t'es fait kidnapper, toi aussi. Ne fais pas ton rabat-joie !
— Par contre, déclara Kitashi avec une mine abattue alors que Jun s'affalait contre la paroi de l'ascenseur et que les portes se refermaient, il nous faudrait le dossier de Saito et Watabane. Sinon, on ira... pas bien loin. »
Avant qu'il n'ait pu finir sa phrase, il avisa la chemise sous le bras de Jun. Ce dernier sourit de son air mutin.
« Tu l'as volé ?
— Nan, juste emprunté. Ta conscience professionnelle peut rester sereine. Je descends au secrétariat pour en faire une photocopie et on se barre. »
Une fois la secrétaire charmée et les copies en sa possession, Jun laissa l'original sur le comptoir de l'accueil.
« Watabane l'a laissé tomber, le bougre. Rendez-le-lui quand il passera devant vous, tout paniqué. Merci ! »
Le quartier de Kita-ku, au nord de la ville, n'était pas le préféré de Jun, mais pas celui qu'il détestait le plus. Disons qu'il qualifiait volontiers la zone de cafardeuse. Les rues étaient étroites, souvent désertes. Les bas immeubles à la façade jaunie se serraient les uns contre les autres quand ils ne surplombaient pas les petites cahutes traditionnelles à la peinture délavée. C'était dans une de celles-ci que Kitashi passait de temps à autre ses nuits. Jun ne pouvait pas dire que son coéquipier vivait dans ce cagibi, ça n'aurait été qu'un mensonge. La plupart du temps, il passait ses nuits au commissariat, à bosser sur une affaire pendant que Jun lui, avait besoin de rattraper ses heures de sommeil. Pourtant, lui était un yōkai. Son métabolisme était plus résistant que celui d'un humain. À chaque fois qu'il surprenait Kitashi à bouffer des heures supplémentaires comme un boulimique, il se demandait s'il n'était pas lui-même un démon.
Que Kitashi soit autant chez lui que Jun assis à un bureau était l'une des principales raisons du malaise qui l'habitait lorsqu'il entra dans la genkan et retira ses chaussures cirées. Tout, dans cette maisonnette, était poussiéreux. Jun remua le nez, prêt à éternuer.
S'il avait pu, Jun aurait invité son collègue dans son appartement du centre-ville. Mais il était en ce moment même en rénovation et Jun devait dormir à l'hôtel depuis deux semaines consécutives.
Le plafond était bas, le sol recouvert de tatamis défraîchis. Même l'aspirateur qui trainait sous l'unique fenêtre était sale. Jun soupira. Il se fraya un chemin à travers les cartons placés dans l'entrée, à peine ouverts et vidés depuis son installation. Là, un parapluie sur un meuble bas, ici un escabeau et... Un chevalet et des toiles étaient timidement rangés derrière l'armoire de la pièce à vivre, derrière un tabouret, sur lequel trônaient des pots en verre avec des pinceaux propres.
« Ce n'était pas là avant, ça, déclara-t-il en pointant le matériel du doigt. Quand est-ce que tu as acheté tout ça ? »
Kitashi leva à peine les yeux vers le coin de la pièce. De son pied, il poussa contre le mur une pile de livres qui lui bloquait le passage. Jun, sur ces talons, lorgna sur les titres. Le premier ouvrage de la pile était une romance à l'eau de rose à la mode.
« Je les avais déjà depuis mon collège. J'ai voulu m'y remettre la semaine dernière. Je me suis dit qu'Eiji aimerait peut-être que je lui apprenne à peindre.
— Ben alors, pourquoi cette toile est toujours blanche ? »
Le dos de Kitashi vibra de son soupir sous sa chemise, puis il se dirigea vers sa chambre, qui n'était que l'extension de la minuscule pièce à vivre.
« Je n'ai pas réussi à prendre un seul pinceau dans les mains. »
Jun hésita à creuser plus le sujet, mais sa curiosité naturelle eut raison de son tact.
« Tu as des tableaux ici ?
— Non, répondit-il un peu trop vite. Ils sont tous chez mes parents. Je n'ai pas peint depuis le lycée.
— Dommage. Je suis sûr que tu es doué.
— Pas tant que ça. »
Son ton froid indiqua à Jun qu'il était temps de passer à autre chose. Il rejoignit Kitashi dans la chambre, où ce dernier avait plié et poussé le futon pour sauvegarder un maximum de place. Les papiers de l'enquête que Jun jeta par terre sonnèrent le début de leur réunion clandestine. Kitashi s'assit contre le mur du fond, un genou relevé pour y déposer son avant-bras et Jun se contenta de poser ses fesses au milieu de la pièce, plantes des pieds jointes.
« J'ai réfléchi, pendant le trajet, commença Kitashi. Je crois que l'affaire des enlèvements et la nôtre sont liées.
— Je le crois aussi, Conan. »
Kitashi, qui n'eut pas la référence au célèbre détective du manga éponyme, lui lança un regard décontenancé. Jun balaya l'air de sa main avant de continuer.
« C'est le talisman d'Itou qui nous a amené chez le concessionnaire automobile qui s'est fait capturer. »
Il étala les feuilles tatouées d'encre pour trouver celle qui concernait M. Nijō. Sa photo en noir et blanc représentait un bel homme d'une quarantaine d'années au casier entaché par un vol à l'étalage avant sa majorité. Un type sans histoire.
« Il avait monté sa propre affaire après la mort de ses deux parents dans un accident de voiture. C'est pas un peu tordu d'ouvrir un magasin de bagnoles ? »
Kitashi se leva et s'empara du profil.
« Et les autres ? »
Jun chercha dans le tas la fiche du directeur de cabinet Kujo et celle du sénateur Konoe.
« Ah ! Je me disais bien que j'avais entendu des bruits de couloir au QG. Notre cher politicien a le fisc aux fesses. Comme c'est étonnant ! »
Les deux feuilles lui furent également subtilisées par son collègue. Kitashi les examina longuement sous le regard agacé de Jun. Il était de mauvaise humeur. Peut-être à cause de cette histoire de peinture ?
« Arrête de regarder ces profils comme si le meurtrier d'Ōeyama allait en surgir soudainement. Ces types n'ont rien en commun. Sans parler d'Itou, si on la rajoute à l'équation.
— Eux, ils n'ont rien en commun, à première vue, mais les témoignages, si. Tu te souviens du technicien de surface du concessionnaire ? dit-il en fouillant frénétiquement dans son calepin qu'il sortit de sa poche arrière. Il a entendu des craquements étranges et l'un des deux fumait. »
Jun claqua des doigts. Ses lèvres pincées ne formèrent plus qu'une ligne mince.
« Et le gars que tu avais interrogé au cabinet avait aussi senti une odeur de fumée. C'est un bon début, mais c'est courant que des types fument, même au Japon. Sauf si... Sauf si on prend en compte que le talisman d'Itou avait repéré la présence d'un yōkai chez le concessionnaire. On a donc affaire à un démon ? »
Il grimaça. Il en avait par-dessus la tête de filtrer de trop près avec un monde qu'il voulait désormais oublier. Son regard s'attarda sur Kitashi. Il surprit le sourire excité qui fleurit sur ses lèvres. Un courant électrique le parcourut, si bien que les poils de ses bras se dressèrent. Son coéquipier se tourna vers lui. Ses mains froissaient le papier et ses yeux brillaient.
« Allons, Iwasaki. Le profil de notre kidnappeur ne te fait penser à personne ? »
Les pupilles de Jun rétrécirent alors qu'il mettait bout à bout les pièces du puzzle.
« Le gars du van ! Il fumait lui aussi, et le bruit de verre brisé qu'on entendait à chacun de ses mouvements, ça serait ça les craquements étranges que les témoins ont entendus sur les lieux des enlèvements ?
— Si on a raison, ça veut dire que la femme au bonnet rouge est aussi dans le coup. »
L'enthousiasme de Jun retomba aussitôt. Le soleil passa derrière les immeubles qui entouraient la maison, et la pénombre les enveloppa. Il déglutit péniblement.
« Si on émet cette hypothèse, alors il est très probable qu'Itou a bien était enlevée par ces types. »
La connaissant, il n'était pas impossible qu'elle ait continué à chercher des réponses de son côté. Et si elle en avait trop appris ? Jun releva vers Kitashi un visage déformé par l'inquiétude, mais ce dernier était trop concentré sur la joie que leur découverte lui procurait pour partager ses sentiments.
« Imagine ce qu'ils pourraient faire à Itou s'ils découvraient qu'elle en savait trop. Kitashi, tu m'écoutes ? Putain, Kitashi ! »
Il releva enfin les yeux du calepin sur lequel il prenait des notes. Son regard était encore empreint d'émerveillement, comme celui d'un gamin un matin de Noël. Jun se leva pour se planter devant lui.
« Il faut qu'on aille au commissariat pour prévenir Saito et Watanabe. Ça les aidera dans leur enquête.
— Tu plaisantes ? Qu'est-ce que tu veux leur dire, exactement ? Que des créatures surnaturelles sont les responsables des disparitions ?
— Bien sûr que non ! Je voulais parler d'Itou ! On a demandé à sa famille de ne pas prévenir la police, tu te souviens ? On leur a promis qu'on s'en chargerait. Il faut qu'on aille signaler sa disparition et qu'on informe Saito et Watanabe des circonstances du kidnapping.
— Surtout pas. Ces deux-là sont trop consciencieux dans leur travail. Au mieux, ils se heurteront à un mur quand le surnaturel surgira dans l'enquête. Au pire, ils découvriront que je suis la dernière personne à l'avoir vue.
— Sérieux ? Comment veux-tu qu'ils découvrent que tu étais là-bas ? s'agaça Jun, les bras levés au-dessus de lui.
— Les caméras de surveillance, ça existe. Tu devrais le savoir, pourtant. On en a attrapé des salauds à cause d'une virée en voiture pas assez discrète. »
Les bras de Jun retombèrent mollement le long de son corps. Les yeux ronds d'incrédulité, il fixa son coéquipier.
« Je crois que c'est la première fois que je te vois autant flipper. »
Kitashi se figea.
« Je ne flippe pas. J'assure mes arrières.
— Donc tu préfères préserver ta carrière plutôt que de donner une chance de survie à Itou ?
— On n'est pas certains qu'elle ait été enlevée par les mêmes ravisseurs.
— Non, mais on sait de choses que Saito et Watanabe ne pourront pas découvrir si on les garde sous silence. »
Dehors, la pluie avait recommencé à tomber. Des bourrasques fouettaient la vitre du salon et martelaient le toit. Kitashi passa une main sur son visage creusé de fatigue. Jun se releva pour se planter devant Kitashi. Il enfonça son doigt contre ses pectoraux.
« Tu veux vraiment la laisser tomber encore une fois ? Tu veux être responsable de sa mort ? Pire, de tout ce qui peut lui arriver avant ? »
Les yeux sombres de Kitashi se rétrécirent. Il saisit brusquement Jun par le col de sa chemise et le souleva. Ce dernier confronta son regard. Ce n'était pas la force brute qui l'impressionnait.
« Je t'interdis de me parler comme ça, rétorqua Kitashi d'une voix sourde qui, Jun devait bien l'avouer, fit trembler tout son corps. On a pris tous les deux la décision de la retirer de l'enquête. »
Malgré ses pieds qui touchaient à peine le sol rugueux des tatamis, Jun colla son front à celui de son coéquipier en signe de défi.
« Et c'était une mauvaise décision. On doit en prendre toutes les responsabilités. On l'a attirée dans ce merdier. C'est à cause de nous si la situation à dégénéré pour elle.
— Je ne peux pas prendre le risque d'être mêlé à une affaire de kidnapping, articula lentement Kitashi, les dents pincées. Je ne peux pas abandonner Eiji encore une fois. Je ne peux pas lui faire ça. »
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