XXIV.
« La mémoire peut toujours nous abandonner pourvu que le jugement ne nous manque pas dans l'occasion. »
- Johann Wolfgang Von Goethe.
- Pa... Papa ? Réussit-elle à articuler le souffle court.
L'homme en face d'elle fronça les sourcils, la mâchoire serrée.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ? Aboya-t-il en s'approchant d'un air menaçant.
Yuri recula d'un pas, entraînant Shin avec elle. Instinctivement, elle se mit devant lui comme pour le protéger.
- Rien, je suis désolée ! S'empressa-t-elle de répondre.
- D'où tu sors ? Comment tu t'appelles ?
Une masse de personne commençait à s'agglutiner autour d'eux.
- Gong... Gong Yuri, monsieur.
- Yuri, j'ai peur..., murmura Shin en s'agrippant à elle.
L'homme se mit à rire. Un rire grave et gras.
- Je le savais. Je le savais que je te reverrais un jour. Le monde est petit, trop petit.
La jeune femme tremblait de tous ses membres.
- Je savais que tu tournerai mal. T'as quel âge, dix-neuf, vingt ans ? Et ton môme il en a combien ?
- Yuri, est-ce que tout va bien ?
Intrigué par le regroupement humain qui s'était formé près des caisses, MinHo c'était discrètement approché avant de se précipiter en reconnaissant la silhouette de son fils.
Il prit Shin dans ses bras en toisant sévèrement l'homme du regard.
Il était petit, rondelet et dégarni.
- T'as même un mec, railla le quinquagénaire. Il est de lui l'gosse ?
- Je vous demande pardon ?! Intervint MinHo agressivement. Vous vous prenez pour qui ?!
Il essayait de se contenir, pour Shin.
- Pour qui je me prends ?
L'homme désigna Yuri d'un petit signe de tête, un mauvais rictus aux lèvres et reprit :
- Pour le père de cette salope.
Des chuchotements et exclamations s'élevèrent autour d'eux.
- Répètes un peu pour voir ?!
- MinHo, non !
Yuri s'agrippa de ses forces à lui, les yeux humides de larmes et les joues rouges.
- S'il te plaît, partons.
Le quinquagénaire se tenait toujours devant eux, le torse bombé, visiblement fier de ses paroles.
- T'as entendu ce qu'elle vient de te dire ?
- Ne me dis pas quoi faire ! Attaqua de nouveau MinHo en serrant les poings.
Il le fixa un instant, la mâchoire contractée ; si Shin n'avait pas été là il lui aurait déjà refait le portrait.
- MinHo...
- On y va. Aller, viens.
Le jeune homme prit Yuri par la main et il quittèrent le centre commercial, tous les trois, essayant de ne pas prêter attention aux commentaires qui fusaient autour d'eux.
*
- Le petit s'est endormit, informa la vieille femme en revenant dans la cuisine.
- Merci madame Gong.
- Pas de formalités avec moi MinHo, s'il te plaît. Comment tu te sens ma chérie ?
Yuri haussa les épaules, le regard perdu dans le vide. Elle était en état de choc.
Cet homme. Son père... Ici.
- Tu veux manger ou boire quelque chose ? Proposa MinHo en posant une main consolatrice sur son épaule.
- J'ai pas faim. Je... Je vais aller me rafraîchir, excusez-moi.
La jeune femme quitta sa chaise et disparue à l'étage sans un mot de plus.
- Cet imbécile, grogna la vieille femme en s'asseyant près du brun. Ce crétin... Ce salopard !
- C'est... Euh, vous parlez de votre fils, madame Gong.
- Malheureusement.
- Yuri... Yuri ne parle pas beaucoup d'elle ou de sa famille mais... Mais elle ne mérite pas d'être traité comme ça. Pas elle !
- Mon fils s'est noyé dans le chagrin, lâcha la femme à voix basse après un moment.
- Pourquoi... Comment on peut traiter son enfant comme ça ? Qu'est-ce-
- Il a perdu sa femme, le coupa-t-elle. La maman de Yuri.
MinHo se mit à déglutir avec difficulté ; il n'était pas sûr de vouloir s'immiscer dans la vie privée de la jeune étudiante comme ça.
- Elle est morte en lui donnant la vie. Une hémorragie prise en charge trop tard.
Le noiraud sentit une boule se former au fond de sa gorge.
- Je crois qu'il a préféré blâmer Yuri. C'était plus simple de la tenir pour responsable et l'abandonner plutôt que de tenir bon et l'assumer. C'est lui seul qui a détruit sa famille, il a choisit de se laisser submerger... Il n'a pas voulu se battre. Ou peut-être qu'il n'a pas eu la force, qui sait.
Se laisser choir, dépérir. Avoir envie de tout quitter, de tout abandonner. Ne plus vouloir vivre.
MinHo était passé par là lui aussi.
La mort brutale de Hye, la charge de son fils devenu muet.
Lui aussi il s'était laisser engloutir par le chagrin. Lui aussi il avait eu envie d'en finir, plus d'une fois.
Mais il y avait Shin. Son fils, leur fils. Le fruit de leur amour, leur fierté. Il était heureux tous les trois, ça oui. Heureux à en crever.
Comment est-ce qu'il avait survécu ? Il était incapable de répondre mais une chose était sûre : jamais il n'abandonnerai Shin.
- Elle a besoin de toi.
- Je-
- Vas, je vais veiller sur le petit.
Le jeune homme lui offrit un petit sourire et déposa un rapide baiser sur sa joue avant de grimper à l'étage.
*
- Yuri ? Appela MinHo en toquant contre la porte de sa chambre.
Pas de réponse.
- Yuri-
La porte s'ouvrît à la volée alors qu'il s'apprêtait à frapper une nouvelle fois.
- J'ai cru que tu ne viendrai jamais, chuchota la jeune femme en se jetant dans ses bras.
Elle l'étreignit de toute ses forces en sanglotant.
- Ne pars pas, s'il te plaît.
- Je ne vais nul part ma belle, assura MinHo en enroulant ses bras autour d'elle.
Il referma la porte avec son pied et l'entraîna doucement sur son lit.
- Promets-moi... Promets-moi que tu ne fera jamais vivre ça à Shin.
- Je te le promets, Yuri. Et je le promets aussi à Shin.
- Tu sera toujours là pour lui, pas vrai ?
- Oui. Je ferai n'importe quoi pour lui, pour qu'il soit heureux.
- Tu es un bon père, MinHo.
*
- Tu te sens un peu mieux ? Demanda l'enseignant après un moment.
Ils étaient tous les deux allongés sur le lit de Yuri. Ils étaient plongés dans le noir, silencieux, épuisés, se réconfortant l'un l'autre de par leur présence.
- Je crois, oui, répondit la jeune femme en se blottissant un peu plus contre lui. MinHo ?
- Hmm ?
- Je peux te demander quelque chose ?
- Je t'écoute.
- Je... Viens fêter Noël à la maison, avec grand-mère et moi. J'ai envie que vous soyez là, tous les deux.
- Ça te ferai plaisir, qu'on soit tous ensemble ?
- Oui, beaucoup.
- Je crois que Shin aimerai ça aussi. Il t'adore tu sais ?
- Moi aussi je l'adore. Dis ? Est-ce que... Est-ce que c'est mal de vouloir oublier mon père ?
- Je sais pas, Yuri. Je préférerai t'assurer que non mais la vérité c'est que j'en sais rien. Tu voudrai l'oublier ?
- Je voudrai le détester. La haie si fort que... Que je n'aurai aucun scrupule à le rayer de ma vie et l'oublier. Comme si il n'avait jamais existé.
- Qu'est-ce qui t'en empêches ?
- Moi. T'as déjà oublié, je m'appelle Gong Yuri.
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