I.
« J'ai cueilli la fleur des champs
Je l'effeuille dans le vent,
Une pétale pour mon papa
Qui me soulève dans ses bras [...]. »
- Anonyme.
21h30.
- Alors, qu'est-ce que t'as envie qu'on lise ce soir ?
Shin sortit un livre de sous ses draps et le tendit à son père.
- Oh, « Le voyage de la princesse An » ? Très bon choix.
MinHo attrapa le livre et s'installa prêt de son fils. Il l'aida à se glisser sous les couvertures et passa un bras autour de ses petites épaules pour l'attirer plus près de lui.
- « Il était une fois une princesse qui se prénommait An. Elle vivait seule dans un immense palais fait de diamants et de pierres précieuses... »
*
Lorsque MinHo referma le livre, Shin dormait déjà à poings fermés. Ses yeux étaient clos et sa respiration régulière ; il était recroquevillé en boule contre le torse de son père. Alors, le plus délicatement possible, MinHo s'extirpa du lit en retenant sa respiration, priant intérieurement pour qu'il ne se réveil pas.
Le jeune homme déposa le livre à même le sol et quitta la chambre sur la pointe des pieds. Il hésita quelques secondes à fermer la porte mais se ravisa finalement, se rappelant à quel point Shin pouvait être effrayé lorsqu'il se réveillait enfermé dans sa chambre en plein milieu de la nuit.
Il descendit les escaliers et regagna le salon au rez-de-chaussée. La maison était plongée dans l'obscurité et le silence. Aucunes lumières n'étaient allumées. Le son de la télévision n'emplissait pas les pièces. Pas de discussion, pas de rire, ni même de disputes. Il n'y avait pas non plus de bonnes odeurs qui s'échappaient de la cuisine, et pas d'entêtantes mélodies qui sortait du vieux tourne-disque qu'il y avait dans la buanderie.
L'ambiance était froide et morose, comme tous les autres jours.
***
- Yah Shin, pourquoi tu m'as pas réveillé ! S'exclama MinHo en courant dans tous les sens.
Le petit garçon était là, debout au milieu du couloir. Il était déjà habillé, son cartable sur le dos, et attendait patiemment son père depuis presque une heure.
- Fait chier, la mère Park va nous tuer !
Shin écarquilla les yeux.
- Je... J'ai rien dit, ok ? Surtout t'as rien entendu !
Le petit brun esquissa un sourire en plissant les yeux.
- Bon aller, on se dépêche !
MinHo enfila sa veste, prit ses clés de voiture et attrapa la main de son fils pour l'entraîner hors de la maison. Il traversa leur jardin, gelé, et déverrouilla son véhicule avant d'installer son fils à l'arrière. Il vérifia deux fois qu'il était bien attaché et s'installa derrière le volant pour démarrer la voiture. En jetant un coup d'œil dans le rétroviseur, il sentit son cœur faire un bon dans sa poitrine. Dehors, sur le palier, il aurait juré la voir leur dire au revoir, emmitouflée dans sa robe de chambre violette, sa Hye.
*
- Je suis vraiment, vraiment, désolé ! C'est de ma faute si Shin est en retard ce matin, dit MinHo en s'inclinant pour la troisième fois.
Lorsqu'ils étaient arrivés à l'école il était huit heures trente passées, la classe avait déjà commencé et les grilles étaient fermées.
MinHo et Shin s'étaient présentés complètement essoufflés devant la porte de mademoiselle Han.
La jeune institutrice avait les lèvres pincées et les bras croisés sur sa poitrine, les regardant tous les deux sévèrement.
- Bon très bien, va t'installer Shin.
Le petit garçon acquiesça. Il salua son père d'un signe de la main et partit s'installer à sa place habituelle, au dernier rang près de la fenêtre.
- Monsieur Lee, attendez.
L'institutrice le rattrapa par le bras alors qu'il s'apprêtait à partir.
- Il y a un problème ? Demanda-t-il en haussant un sourcil.
- J'ai besoin de vous voir, dans un entretien : c'est important.
MinHo soupira en fermant les yeux.
- Je... Je vais essayer de me libérer plus tôt ce soir, répondit finalement le jeune homme.
- Je vous attendrez.
***
- Hé Lee, ça va ?
MinHo releva la tête en clignant des yeux.
- Huh ?
- T'en fais une de ces têtes depuis que t'es arrivé, reprit l'homme en rapprochant sa chaise.
- C'est...
MinHo sembla hésiter.
- C'est quoi ? L'encouragea son collègue.
- Je... J'ai quelques problèmes de ponctualité en ce moment, avec Shin.
- Oh.
Ce fut tout ce que Jung JaeHyun répondit.
MinHo et lui enseignaient depuis trois ans dans la même université.
- C'est compliqué depuis que Hye...
Le jeune homme laissa sa phrase en suspend quelques instants.
- Depuis qu'elle est partit.
Les choses semblaient un peu moins douloureuses dites comme ça.
- Avant c'était elle qui gérait tout avec Shin et maintenant... Maintenant je me retrouve pris là-dedans et c'est vraiment la merde, putain ! Termina MinHo en laissant retomber sa tête entre ses bras.
Heureusement ils étaient seuls dans ce bureau administratif.
- Lee, soupira JaeHyun en posant une main sur son épaule. T'as déjà pensé à confier Shin à quelqu'un ?
MinHo lui lança un regard interrogateur en fronçant les sourcils.
- Tu sais, peut-être ses grands-parents ?
- Je... T'es en train de me dire que je m'en sortirai mieux si j'abandonnai mon fils ?
JaeHyun leva les yeux au ciel.
- Personne à parlé d'abandon.
- Tu viens de le faire, à l'instant.
- Je t'ai simplement-
- Ok tu sais quoi, laisse tomber, le coupa MinHo en se levant.
- Le prends pas comme ça, Lee.
- Et comment tu veux que je le prenne ?! Mon fils c'est... C'est tout ce qu'il me reste.
- Je sais que c'est-
- Non tu ne sais pas, Jae. Tu ne sais rien.
***
Mademoiselle Han consulta une nouvelle fois sa montre en soupirant : MinHo était en retard, encore.
Elle rejoignit Shin, qui était occupé à lire au fond de la classe, et s'agenouilla près de lui. Il était calme et silencieux, comme à son habitude.
D'un geste tendre, elle écarta une mèche de cheveux de devant ses yeux. Shin était le parfait mélange entre ses deux parents. Il avait les yeux bruns clairs de sa mère qui contrastaient avec sa chevelure ébène, et le même petit nez fin en trompette que son père.
- Je suis là ! S'écria MinHo en entrant en trombe dans la salle de classe. Je... Je suis désolé.
Il était essoufflé.
- C'est pas comme si on avait pas l'habitude, attaqua l'institutrice en se redressant.
Elle retira ses lunettes en soupirant et les déposa sur son bureau.
- Je suis vraiment désolé, YuJin.
- Je te crois, MinHo.
Ils se regardèrent un instant en silence.
YuJin Han et MinHo se connaissaient bien. Ils avaient fait leur étude ensemble et étaient de très proches amis. C'était l'arrivée de Hye dans la vie de MinHo qui les avaient séparés.
- Alors, est-ce qu'il y a un problème avec Shin ? Demanda le jeune homme.
YuJin secoua la tête et lui dit :
- C'est toi et ton organisation le problème. Madame Park va finir par vraiment perdre patience.
- Et qu'est-ce que je suis censé faire, hein ? Me couper en deux ? Rétorqua MinHo sur la défensive.
- Je sais pas. Aménages tes horaires, trouves-toi une baby-sitter, fais ce que tu veux mais Shin n'a pas à-
- Ne me dis pas ce que je dois faire avec mon fils, YuJin.
La jeune femme détourna le regard.
- Vous êtes tous là à me donner des leçons... Tu crois que je le sais pas ? Tu crois que ça me fait plaisir de voir mon fils comme ça, dans cet état ?
- C'est pas ce que j'ai voulu dire, MinHo !
- C'est jamais ce que vous vouliez dire ! Cria-t-il hors de lui. Je... J'ai perdu ma femme, YuJin. Elle est morte et notre fils... Notre fils n'a plus prononcé un mot depuis un an. Alors comment tu crois que je me sens, hein ?
***
MinHo s'enferma dans la salle de bain et ouvrit le robinet pour remplir son lavabo d'eau. En relevant la tête vers le miroir il croisa son reflet et ce qu'il vit lui arracha un soupir d'effroi. Sa peau était si blanche, presque translucide, ses joues creusées comme si il s'était affamé des mois durant et ses yeux étaient cernés, rendant son regard encore plus noir que d'habitude. Il n'était que plus que l'ombre de lui-même.
D'un geste lent il retira son t-shirt et le laissa tomber sur le sol avant de plonger sa tête dans le lavabo remplit à ras bord. Les yeux clos, le visage immergé, il ne pensait plus à rien et oublia même pendant quelques instants sa vie chaotique. Le décès de sa femme, le mutisme de son fils, les soit disant conseils de ses amis.
A cours d'oxygène, il sortit brusquement sa tête de l'eau et reprit sa respiration en toussant. Il attrapa la serviette qui traînait sur le rebord du lavabo et enfouit son visage dedans.
Il resta plusieurs longues minutes comme ça, complètement immobile. Il se mit à inspirer et expirer lentement, comme pour repousser ces sanglots mais cette fois il ne réussit pas à les contenir. Ses épaules se mirent à trembler et bientôt il se mit à pleurer à chaudes larmes. La serviette peinait à étouffer les bruits de ses pleurs.
*
Shin sortit de sa chambre, sa peluche entre les bras, et traversa le long couloir sur la pointe des pieds. Debout devant la porte close de la salle de bain, il resserra sa prise sur son petit lapin blanc lorsqu'il entendit son père pleurer.
Alors, tout doucement, il toqua contre la porte.
- Je... J'arrive Shin, bredouilla MinHo en reniflant.
Le cliquetis de la serrure se fit entendre et le jeune homme poussa la porte avant de s'accroupir devant son fils.
- Qu'est-ce qui se passe mon grand, t'as fait un cauchemar ?
« Sois pas triste, papa. »
Mais lorsque Shin ouvrit la bouche, aucuns sons n'en sortis.
- Ça va aller, je suis là, lui murmura MinHo en l'attirant dans ses bras.
Le petit garçon laissa tomber sa peluche qui heurta le sol et enserra son père de toutes ses forces.
« Pleures pas papa, s'il te plaît... »
- Je serais toujours là Shin, je te le promets.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro