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le pas de côté


« Moussa ? C'est toi ?»

Accroupie à côté du lit de fortune de l'enfant, Marie respire fort, douloureusement. Son débit est haché. Trop d'émotions pour ses poumons. Trop de colère à contenir. Elle déborde. Elle craint de l'effaroucher. Elle a peur qu'il s'enfuie. Mais non, Moussa s'est simplement assis, son sac de couchage crasseux entortillé autour des hanches. Il les regarde, tour à tour, son frère et elle. Il attend.

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Cela faisait des jours qu'ils le cherchaient. Après l'incendie, Guillaume avait eu besoin de parler. Il s'était ouvert de son trouble à la seule personne dont il savait qu'elle le comprendrait, qu'elle ne moquerait pas son intérêt absurde pour cette histoire qui ne le concernait pas. En s'épanchant auprès de sa sœur, il avait évoqué, bien sûr, la proximité du lieu de la tragédie avec le collège où elle enseignait – le collège où les petits squatteurs auraient pu aller à l'école.

« Mais ils allaient à l'école ! », s'était exclamé Marie. L'un d'entre eux au moins, puisqu'il était dans sa classe. Elle n'avait aucun moyen d'en être sûre, mais ça faisait sens. Moussa. Le gamin au regard si grand, si hanté, dont personne ne semblait rien savoir, dont il se murmurait que l'inscription au collège n'était peut-être pas si régulière. Il n'avait pas mis les pieds au bahut depuis un moment – depuis l'incendie, en fait. Est-ce qu'il avait été embarqué avec les autres ? Guillaume avait téléphoné à Bertrand, qui avait fini par consentir – de mauvaise grâce – à consulter de nouveau le dossier : non, apparemment, il n'y avait pas de Moussa dans la liste des survivants dont il disposait. Quand aux morts, on n'était pas sûrs de leur identité, mais leur profil ne correspondait pas.

Le frère et la sœur avaient décidé de le retrouver. Ils s'étaient imaginés en héros de série américaine, frappant aux portes, découvrant des indices, remontant la piste du disparu. Au lieu de cela, ils avaient passé des soirées à errer, autour du collège, du squat incendié, le long du canal, n'importe où. A montrer une pauvre photo de classe sur laquelle on apercevait Moussa, au troisième rang, à des bandes de jeunes qui leur riaient au nez et à des SDF avinés et peu coopératifs. En réalité, ils n'avaient aucune idée d'où chercher, de comment chercher – ni de pourquoi ils le cherchaient, d'ailleurs. Leurs rondes pathétiques ne menaient nulle part. Les exigences du travail de Guillaume les interrompaient presque à chaque fois. Le conseiller ministériel devait repartir en urgence au bureau, souvent. Marie rentrait alors chez elle, frustrée et impuissante. Elle se jetait sur son portable et scrutait les réseaux sociaux. Comme si elle avait pu y trouver des traces de Moussa... Au lieu de cela, elle y captait d'étranges rumeurs au sujet de travaux, sur un ilot battu par la Tramontane de l'ancien camp de Rivesaltes. A quelques encablures du Mémorial enterré. Des baraques, des barbelés, de plus gros bâtiments aussi. Des militants de gauche et des humanitaires s'inquiétaient. D'autant que l'opération coïncidait avec l'apparition d'une nouvelle expression qui avait germé dans la bouche du ministre de l'Intérieur, sans que l'on sache très bien ce qu'elle signifiait : « mise à l'abri renforcée des mineurs ». Marie rageait. Ça la bouffait. Trop. Elle était à deux doigts de laisser tomber.

Et puis il y avait eu le coup de fil, miraculeux, du directeur de cabinet du préfet. A la grande surprise de Guillaume, Bertrand l'avait appelé sur son téléphone personnel – numéro inconnu. Il avait été bref. Des mineurs avaient été repérés, dans une usine désaffectée sur le canal de l'Ourq, à Bobigny. D'après ses renseignements, s'il y avait une chance de retrouver des disparus du Groslay, c'était là. Une opération était prévue dans la nuit pour les ramasser. « Mise à l'abri renforcée », cela s'appelait désormais – direction Perpignan.

— Merci de m'avoir prévenu, avait marmonné Guillaume.

— Je ne t'ai pas prévenu. Je ne t'ai pas appelé. Je ne suis au courant de rien et toi non plus. On se comprend tête d'œuf ?

Guillaume avait compris. Et tout laissé en plan. Sa note inachevée au ministre, ses mails en souffrance et sa veste de costard, sur le dossier de sa chaise. Il avait envoyé un texto à Marie. Une adresse. Et deux mots : « Moussa. Maintenant ».

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Sous le regard du gamin, Marie ne trouve rien à dire. Sous son crâne, ni mot ni tempête, mais un fleuve. Elle se voit, happée par son courant, inexorablement entraînée vers la mer. Devant elle, derrière elle, les autres – tous les autres, son frère, ses amis, ses collègues, et tous les inconnus qui peuplent son existence – dérivent aussi. Ils s'apprêtent à suivre l'un ou l'autre des bras du delta. Ils croient qu'ils choisissent, qu'ils contrôlent. Ils croient qu'en protestant contre ceci, ou en manifestant contre cela, ils feront une différence. Ils croient qu'en ne faisant rien, ils seront à l'abri. Ils croient qu'en participant, ils feront leur devoir. Ils croient qu'en restant à leur place, ils éviteront le pire. Ils se trompent. Les méandres qu'ils empruntent mènent tous à la même catastrophe. Tous, ils vont se jeter dans les mêmes flots où ils seront engloutis. Où il se noieront, submergés par la peur et la haine.

Remonter ce courant qui emporte tout est impossible. C'est trop dur, il est trop tard, le vol noir des corbeaux est déjà sur la plaine. Marie ne peut que nager de toutes ses forces vers la berge, traverser, ressortir sur l'autre rive. Traverser de part en part. Comme une flèche. C'est le seul sens dans lequel peut couler sa vie, désormais.

A son frère, elle dit : « Tu te souviens de la baraque à moitié abandonnée, sur le Causse Méjean ? ». Lui acquiesce du menton. Il sort son portable, trouve le numéro du Ministre et écrit « Je démissionne. Je ne reviens pas. Je suis désolé. ».

A l'enfant, elle dit : « Moussa ? Viens, dépêche toi. On s'en va. On part. ».

FIN

Merci beaucoup d'avoir lu cette petite nouvelle, n'hésitez pas à poster un commentaire constructif ! 

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