Prologue : Les Héritiers
5 septembre 1638, Château neuf de Saint-Germain-En Laye
Des bruits de talons se faisaient entendre, accompagnés de râles. D'où pouvaient-ils provenir ? Il était impossible de le définir, l'écho des corridors en masquait la provenance, comme si les murs étaient complices de cette chose qui avançait encore et encore. Puis, une ombre attira l'attention du jeune homme. Bientôt, il put voir la cause de tout cela, qui était bien plus inquiétante : une femme monstrueuse apparut, en habit de deuil, une immense fraise lui entourant le cou. Elle était affreusement grosse et portait un nombre inimaginable de bijoux dans sa main droite, tandis que sa main gauche était tendue vers lui. Au bout de ses doigts trônaient d'horribles griffes noires incroyablement longues. Ses sourcils étaient froncés et son visage se tordait, se déformait au fur et à mesure qu'elle avançait. Soudain, une voix masculine se fit entendre
« Votre Majesté »
Il ne s'en préoccupait pas, ce monstre approchait dangereusement de lui.
« Votre Majesté »
Il essayait de ne pas lui porter attention, cette mégère voulait sa couronne !
« Votre Majesté »
Tout s'arrêta. Il ouvrit lentement les yeux et vit face à lui son premier valet de chambre.
Il soupira. Il avait encore rêvé de sa mère.
— Bontemps... murmura-t-il en baillant, pourquoi me réveillez-vous à cette heure ?
— Sa Majesté la reine est en train d'accoucher.
Louis poussa les couvertures et se leva promptement, mais dut rester quelques secondes appuyé au mur. Quand il fut remit, il fit le tour de son imposant lit et rejoignit ses domestiques qui, lorsqu'il fut vêtu de sa chemise de jour, l'aidèrent à enfiler un pourpoint noir brodé d'or, ainsi qu'un pantalon marron. L'un d'eux lui mit ses bottes à crics, tandis qu'encore un autre lui posait son manteau noir sur son épaule gauche. Pendant que Bontemps ajusta son col sur le tout, deux autres domestiques coiffèrent ses cheveux de jais et arrangèrent sa moustache brune. Bontemps lui tendit son chapeau que le roi mit sous le bras et sortit de la chambre en compagnie de son valet en direction de la chambre de la reine.
Plus il avançait et plus l'angoisse envahissait son corps. Et si la reine mourait pendant l'accouchement ? Le souverain essaya de faire le vide dans sa tête alors qu'il traversait les longs couloirs du palais.
La porte de la chambre de son épouse entra dans son champ de vision, elle était de plus en plus proche. Les courtisans qui n'étaient pas autorisés à entrer firent presque en même temps une révérence au roi qui passait devant eux. Il s'arrêta pile devant la chambre. Il pouvait entendre les cris de douleur d'Anne. Il soupira en fermant les yeux pour évacuer toute peur et fit signe au jeune valet d'ouvrir la porte. Quand il entra, l'homme apeuré disparut aussi vite qu'il était apparu. Il était Louis XIII et se devait de se comporter en tant que tel devant la Cour et plus particulièrement dans des événements de pareille envergure.
Tous les courtisans présents firent une révérence et l'un d'eux installa un fauteuil face au lit pour le roi. En donnant son chapeau à Bontemps, il remarqua que son frère Gaston était là, accompagné de son épouse Marguerite de Lorraine. Ce qui ne l'apaisa pas, il savait que Gaston avait pour habitude de propager des rumeurs quant à l'absence d'héritier. Quelque chose d'autre clochait. Il chuchota discrètement à l'oreille de son valet :
— Où est le Cardinal ?
— Il a été un peu souffrant cette nuit, Sire. Il arrivera un peu plus tard.
— Entendu.
Il s'assit sur le fauteuil et observa attentivement ce qui se passait en face de lui, priant pour que tout se déroule pour le mieux. Soudain, des pleurs résonnèrent dans la pièce. Louis se leva brusquement, observant encore un peu pour s'assurer que le nouveau-né aille bien.
— Quel est le sexe de l'enfant ? demanda-t-il doucement, impatient.
— C'est un garçon, Sire, chuchota la sage-femme à l'oreille du souverain.
Un sourire naissait sur le visage du roi. Ça y est, il avait enfin un héritier !
Quand les premiers soins furent apportés au bébé, Louis put prendre dans ses bras ce petit être si fragile enveloppé dans un linge blanc.
— Après vingt-trois années d'attente, le royaume de France peut être fier d'avoir un héritier, annonça Louis.
Quand l'assistance eut terminé d'applaudir l'heureuse nouvelle, le duc d'Orléans prit la parole.
— Et comment se nomme-t-il, mon frère ?
—Louis Dieudonné, lui répondit le roi, fier comme la Providence.
Après avoir applaudi une nouvelle fois, les courtisans allèrent tous voir le Dauphin. Louis guettait la porte au cas où Richelieu arriverait.
— Sire, la reine ne va pas bien, chuchota Bontemps à l'oreille du roi.
Le cœur de Louis rata un battement. Il mit son fils dans les bras de son valet et alla au chevet d'Anne, elle transpirait abondamment et se tenait le ventre en soufflant bruyamment
— Que lui arrive-t-il ? murmura-t-il à la sage-femme qui fuyait son regard, hésitante.
Il réitéra sa question, au bout d'un certain temps, elle s'autorisa à lui chuchoter sa réponse.
— Les douleurs de Sa Majesté continuent.
— Que voulez-vous dire par là ? lui demanda le souverain sur le même ton, en fronçant les sourcils.
— Un autre enfant va naître, Sire. Il s'agit de jumeaux.
Louis s'arrêta net. Les jumeaux étaient un casse-tête pour la succession. Comment savoir lequel était l'aîné ? Celui qui naît en premier ou en dernier ? Le plus grand des problèmes était pour les enfants. Leur droit de succession pourrait à tout moment être remis en cause par n'importe qui.
— Dans combien de temps va-t-il naître ? lui demanda le roi, voyant que la sage-femme attendait une réaction.
— Il devrait arriver dans un quart d'heure mais on ne peut pas réellement prévoir à l'avance.
Il réfléchit quelques temps avant d'aller voir Bontemps.
— Un deuxième enfant va naître, restez devant la porte de la reine, dès que le Cardinal est là j'aimerais que vous le fassiez entrer pour qu'il attende mon retour. Je m'occupe de la Cour, mis à part Richelieu, personne ne doit rentrer dans cette chambre ni être au courant de cette naissance tant que nous ne saurons pas ce qu'il adviendra de lui. Suis-je clair ?
— Oui Sire, tout se passera comme vous le souhaitez.
Le roi hocha de la tête et attira l'attention de la Cour.
— Allons donc prier pour la santé du Dauphin !
De ce pas, il sortit de la chambre, rapidement suivi par les courtisans.
Durant toute la messe, Louis n'avait cessé de se poser des questions sans que l'inquiétude ne l'eut quitté.
C'était donc avec appréhension que le roi se dirigeait vers les appartements de son épouse, mais fut soulagé de voir que son valet avait prit l'initiative de placer des gardes devant la porte, ayant oublié de le préciser à Bontemps, il avait eu peur qu'il ne puisse retenir des courtisans un peu trop insistants.
Il entra dans la pièce et fut encore plus soulagé de voir que le Cardinal était présent.
— Le deuxième enfant est né, Votre Majesté, l'informa le valet.
— Bien.
Le souverain prit un fauteuil qu'il posa entre le lit de la reine et le siège du Cardinal et s'y installa.
— Comment allez-vous, Éminence ?
— Mieux, merci Sire.
Après avoir échangé quelques courtoisies, Louis ne put s'empêcher plus longtemps de poser la question qui lui brûlait les lèvres :
— Quel est son sexe ?
— C'est un garçon également, murmura la reine.
— Que faisons-nous ? demanda Louis à Richelieu.
— Nous pouvons le cacher de la Cour, l'élever à l'écart.
— Avons-nous une autre solution ?
— Nous pourrions prendre le risque de l'élever avec le Dauphin.
— Je ne veux pas que cet enfant vive comme un prisonnier parce qu'il a commis l'erreur d'être né au mauvais moment, déclara Anne.
— Vous avez raison, madame, confirma le souverain.
— Comment comptez-vous l'appeler ? demanda le cardinal.
— Charles, répondit la jeune mère.
— Charles-Henri, ajouta Louis, pour mon père.
— Qu'il en soit ainsi, conclut Richelieu en se levant, je me chargerai de l'annonce à la Cour.
⚜ ⚜ ⚜
NDA : Voilà mon premier roman qui ne soit pas une fanfiction ! :D
Dans ce prologue, je n'ai, jusqu'à preuve du contraire, rien inventé (sauf le cauchemar du Roi xD mais bon, vu comment sa mère se comportait avec lui...). Je me suis renseignée du mieux que j'ai pu mais j'ai rien trouvé sur les circonstances d'un accouchement royal. Du coup j'ai fait comme j'ai pu ;) Je me suis un peu (tout petit peu) inspiré de la théorie de Marcel Pagnol :)
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