Chapitre XIV : Serment Rompu
— En arrivant ici, je n'imaginais pas trouver autant de monde à la Cour. Il n'y en a jamais eu autant à celle d'Heidelberg, s'étonna la Princesse Palatine en jetant un regard furtif par la fenêtre, où se dessinaient les silhouettes des courtisans, des domestiques chargés comme des esclaves, mais aussi des visiteurs occasionnels qui arrivaient pour assister aux festivités de Chantilly, fourmillant devant l'entrée du château.
— C'est vrai, acquiesça Louise. Il n'y en a pas autant habituellement, mais avec tout ce qui se passe en ce moment : votre mariage, et maintenant les festivités chez le prince de Condé, je m'étonne chaque jour du nombre de personnes qui la rejoignent depuis ces dernières semaines !
— Je suis du même avis, l'appuya à son tour Charles en hochant la tête, je n'ai pas vu une telle chose depuis des années.
Tout en parlant, le duc posa sa tasse de chocolat sur la petite table en acajou sculptée et décorée à la feuille d'or qui avait été placée au centre du cercle formé par les convives. Il n'aimait toujours pas cela, mais il n'avait pas voulu froisser sa belle-sœur, qui avait organisé aujourd'hui sa toute première réception, et qui, à en juger par l'éclat joyeux qui brillait dans son regard depuis l'arrivée de ses invités, en était ravie. Enfin, le mot « réception » était un peu fort pour décrire cette petite assemblée seulement constituée de la duchesse de La Vallière, Honoré de Chastel, avec qui elle avait sympathisé depuis quelques jours, et lui-même. Mais à vrai dire, le petit nombre d'invités était bien loin de le déranger. Au moins, il était uniquement entouré de personnes qu'il appréciait, et qui ne risquaient pas de déformer les moindres paroles qui risquaient de sortir d'entre ses lèvres. Pour être honnête, ce n'était même qu'en cet instant qu'il se rendit compte à quel point se retrouver uniquement entouré d'amis sincères lui avait manqué depuis son retour à la Cour.
— Cela ne m'étonne que très peu, déclara le marquis, on n'entend parler que de ces réjouissances dans les salons parisiens, on dit que c'est l'événement de l'année.
— Quoi de plus normal ? fit le prince en haussant les épaules. Ce n'est pas tous les jours que Louis accepte de se rendre chez un ancien frondeur, surtout quand il s'agit de l'un de ses meneurs. Dans tous les cas, je me demande ce que font certaines personnes ici alors qu'elles ne se privent pas de discuter ouvertement de la politique de mon frère quand elles sont à Paris...
— Vous parlez de Jules de Clermont ? lui demanda sa belle-sœur, incertaine, en fronçant quelque peu ses fins sourcils blonds. J'avais cru comprendre que vous ne le portiez pas dans votre cœur, grimaça-t-elle.
— Il est vrai que ce n'est pas quelqu'un que j'apprécie particulièrement, mais je songeais plutôt à ce philosophe auto-proclamé qui attire tant de monde durant ses parties de cartes... Ah, comment s'appelle-t-il déjà ? se demanda Charles en se grattant la tempe, le regard distrait alors qu'il se triturait la mémoire pour retrouver ce nom qui lui était totalement sorti de la tête.
En l'écoutant, Honoré fronça les sourcils. Alors que le duc réfléchissait, il posa son macaron dans la coupe qu'il tenait dans sa main gauche en avalant le morceau qu'il avait encore dans la bouche, avant de répondre :
— S'agirait-il de François de l'Orme ?
— Oui, c'est cela ! s'exclama vivement le prince en entendant ce nom. En avez-vous déjà entendu parler avant son arrivée à Fontainebleau ? Je me demande bien pourquoi il est présent alors qu'il critique tout ce qu'il se passe ici.
— J'ai eu l'occasion de le voir dans plusieurs réceptions parisiennes, il y est très apprécié, l'éclaira le jeune homme. C'est un intellectuel qui participe très souvent aux soirées mondaines et aux salons littéraires. Il y est même très reconnu pour ses débats et ses correspondances avec les plus grands hommes de Lettres de Paris. Avec l'influence dont jouit la marquise de Montespan auprès du roi, il n'est pas surprenant de le trouver ici pour une telle occasion. Il paraît qu'il suit la Cour à Chantilly pour leur décrire les festivités, et parce qu'il espère y rencontrer monsieur de La Fontaine.
— Je ne savais pas que c'était quelqu'un d'aussi important, mais je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose qu'une personne comme lui ait autant d'influence...
— Je suis d'accord, s'il continue comme cela, il risque de devenir problématique pour le roi, ajouta mademoiselle de La Vallière.
L'assemblée acquiesça, avant de parler de sujets moins sérieux. La pièce ne tarda pas à s'emplir d'une atmosphère joyeuse, résonnant de rires alors qu'on enchaînait les douceurs au même rythme que les plaisanteries, qui ne cessaient de fuser de toute part, ce qui était d'autant plus facile en présence de la Princesse Palatine, qui enchaînait les farces toutes plus hilarantes les unes que les autres à un rythme effrayant. Pour la première fois depuis longtemps, Charles se sentait à sa place, et avait l'impression de ne pas avoir ri comme cela depuis une éternité, de telle sorte que sa main restait plaquée sur ses côtes pour tenter de limiter la douleur qu'elles produisaient. Mais c'est malheureusement bien connu : toute bonne chose a une fin, si bien que la massive horloge d'or et d'ébène qui siégeait à l'autre bout de la pièce sonna trop rapidement pour eux l'heure de se préparer pour la chasse qui avait été prévue dans le domaine royal avant le départ de la Cour chez Condé. Les quatre amis se levèrent et, alors que les invités sortaient dans le couloir, le prince interpella le marquis de Chastel avant que celui-ci ne s'éloigne.
— Qu'y a-t-il ?
Il attendit que le jeune homme se rapproche pour lui répondre :
— Je suis navré de vous le dire que maintenant, je n'ai pas trouvé l'occasion de vous l'annoncer tout à l'heure, mais j'ai parlé de vous à mon frère. Il m'a chargé de vous dire qu'il vous a nommé conseiller au Conseil d'en haut, vous devriez bientôt recevoir une lettre de monsieur de Louvois avec tous les détails à l'intérieur.
Honoré ne répondit pas immédiatement, trop occupé qu'il était à essayer de digérer ce qu'il venait d'entendre alors qu'il restait bouche bée, les yeux arrondis par la surprise.
— Merci infiniment Votre Altesse, je ne sais quoi dire... finit-il par bégayer alors qu'un large sourire commençait à prendre forme sur ses lèvres. Cela dépasse de loin toutes mes espérances, je ne m'attendais pas à recevoir une telle charge ! Je vous suis redevable, Monsieur...
Avant même qu'il ne puisse terminer sa phrase, le duc l'arrêta gentiment en levant sa main droite, un sourire bienveillant étirant ses joues.
— Ne dîtes point de sottise, je l'ai fait de mon plein gré. Mais si vous tenez tant que cela à remercier quelqu'un, c'est au roi qu'il faut s'adresser.
— C'est tout de même grâce à vous si Sa Majesté me fait un tel honneur, et je vous en suis très reconnaissant.
— Eh bien, si vous le dîtes, répondit-il avec un rictus amusé avant qu'un léger blanc ne s'installe. Bien, veuillez m'excuser mais il faut que j'aille me changer, sinon mon frère ne m'attendra pas pour chasser, plaisanta le duc.
Le marquis acquiesça et, après avoir salué celui-ci, le prince se dirigea vers ses appartements. Cependant, ce dernier ne s'y attarda pas, prenant tout juste le temps d'enfiler ses bottes, une paire de gants et un chapeau garni de plumes blanches. En sortant de sa chambre, il ne put s'empêcher de remarquer que Henri et son frère étaient encore en train de jouer aux cartes, discutant de la pluie et du beau temps comme s'ils étaient seuls au monde alors que l'heure de quitter le château approchait à grand pas.
— Vous n'avez pas encore terminé ? Le départ est pourtant imminent, souhaitez-vous rester dans les chambres glacées de Fontainebleau pendant des jours ? plaisanta Charles.
Cependant, son sourire taquin s'évanouit rapidement en ne recevant comme réponse qu'une sorte de grognement distrait, tout juste humain, de la part de son amant. Prenant sur lui pour ne pas laisser transparaître l'agacement qui commençait à l'envahir, le prince quitta les lieux sans prononcer un seul mot de plus. La vérité, c'est qu'il souffrait bien plus de son attitude qu'il ne voulait bien le montrer. Depuis le geste douteux de Gabriel, quelques jours en arrière, le blond l'ignorait presque continuellement, lui répondant à peine, ou désagréablement alors qu'il passait ses journées en compagnie de son frère, et revenait parfois très tard le soir, totalement ivre.
Le brun prit une grande inspiration en accélérant le pas, alors qu'il faisait tout pour ignorer ce mélange de tristesse et d'énervement qui lui faisait autant serrer les poings que son cœur. À son grand désespoir, plus il réfléchissait, et moins il savait ce qu'il devait faire pour arranger les choses. Après tout, ce n'était pas lui qui avait fauté... Si ?
Il aurait voulu en parler avec lui, lui dire que ce n'était qu'une simple provocation de la part de Gabriel et que Henri était tombé dans son piège, mais plus les jours avançaient et plus ce dernier semblait le fuir, ce qui le faisait d'autant plus souffrir.
Charles avait la sensation d'être coincé dans une voie sans issue. Que pouvait-il faire pour remédier à cette situation si le comte refusait toute discussion avec lui ?
Tandis que ses pensées défilaient dans son esprit à une vitesse aussi étourdissante que la plus forte des eaux-de-vie, ce fut finalement le ressentiment qui prit progressivement possession de sa raison, prenant le pas sur le chagrin, compressant de plus en plus sa poitrine, impulsant à son corps une telle énergie qu'il se retrouva bientôt à arpenter les larges couloirs du rez-de-chaussée, slalomant entre les domestiques qui transportaient les lourds bagages des courtisans. Fort heureusement pour lui, cela n'eut cependant pas le temps de se transformer en colère, puisque la silhouette gracile de Clémence apparut dans son champ de vision. La voir ainsi, immobile au milieu de la foule agitée des nobles se dirigeant vers la sortie, mit un coup d'arrêt à ses tribulations. Ses épais sourcils quelque peu froncés, il ne parvint pas à détacher son regard du visage préoccupé de la princesse, qui gardait ses lèvres légèrement pincées alors que ses iris sombres se fixaient tantôt sur sa personne, tantôt sur ses mains, d'où dépassait ce qui semblait être une enveloppe, avant de finalement s'avancer doucement vers lui.
— Qu'y a-t-il, madame ? On dirait que vous venez m'annoncer la mort de quelqu'un, plaisanta le duc pour détendre son amie, alors qu'elle le rejoignait.
— Tout de même pas, répondit la jeune femme avec un léger rire. Je viens vous remettre ceci, de la part de mon cousin, ajouta-t-elle plus sérieusement en donnant le billet à son ami.
Ce dernier arqua un sourcil en saisissant le papier. A vrai dire, il trouvait étrange que cet homme lui écrive alors qu'il ne savait même pas à quoi celui-ci pouvait bien ressembler. Curieux de savoir ce que cet inconnu pouvait bien lui vouloir, il brisa le sceau de cire pourpre et commença à lire le contenu de la supposée lettre. Cependant, le prince, stupéfait, dut relire plusieurs fois celle-ci alors que ses yeux s'arrondissaient de stupeur, persuadé d'avoir manqué une information.
— Je suis navré ma chère mais il semblerait que votre cousin m'ait confondu avec Philippe, conclut-il en lui tendant le pli, je n'ai pas le souvenir d'avoir joué avec lui, ni même de l'avoir déjà rencontré. Et quand bien même, c'est ridicule, je n'aurais jamais mis en jeu cinq cent Louis d'or et mille écus d'argent !
— Je pensais que vous étiez au courant... C'est le comte de Clermont-Tonnerre qui a joué avec lui hier soir, il a mis toutes ses dettes de jeux à votre nom, lui expliqua Clémence, encore plus gênée.
En entendant cela, le sang de Charles ne fit qu'un tour. C'était donc cela que faisait Henri pendant que son inquiétude le privait de sommeil ?
Les yeux assombris par une colère sourde, il réduisit le papier en boule avant de l'enfoncer dans la poche de son manteau, les lèvres pincées, avant de faire demi-tour sans donner la moindre explication à Clémence.
— Mais où allez-vous ? s'exclama-t-elle en essayant de le rattraper, ralentie par le poids de ses nombreux jupons. Les écuries sont de l'autre côté !
— Je sais. J'ai quelque chose à régler dans mes appartements, lança-t-il d'une voix aussi glaciale que la température qui régnait à l'extérieur, sans même se retourner vers elle, je ne serai pas long.
La jeune femme s'arrêta soudainement, comme freinée par le ton tranchant de son ami, si éberluée que ses lèvres demeuraient ouvertes sans même qu'elle ne s'en rende compte. Elle ne l'avait jamais entendu parler d'une telle manière, et cela la surprit véritablement, elle qui l'avait toujours vu comme quelqu'un d'aimable et doux. Elle se dirigea alors vers la sortie, remerciant le Seigneur de ne pas être la personne sur qui les foudres du duc s'abattraient.
Pendant ce temps, ce dernier montait quatre à quatre les marches de l'escalier en marbre blanc qui menait aux appartements de la famille royale, alors que la colère faisait battre son cœur aussi vite que s'il avait traversé l'entièreté du château en courant, de telle sorte que les visages intrigués des nobles qui le fixaient, voire se retournaient sur son passage sans comprendre pourquoi il pouvait bien faire demi-tour, ne le perturbèrent aucunement.
Il était furieux.
Tellement furieux que plus rien ne lui importait, ni la chasse, ni l'Etiquette, ni la Cour, ni même les gardes royaux qui le suivaient comme son ombre. Il n'arrivait pas à croire que Henri ait pu oser lui faire une chose pareille.
Comment avait-il pu ?
C'était la question qui revenait le plus souvent dans son esprit. Il comprenait qu'il ait pu se sentir blessé ou provoqué par Gabriel, mais sa réaction était démesurée et surtout, injuste envers lui.
Plus il pensait à cela, plus son souffle se faisait court, et plus son énervement grimpait tandis que des mauvais souvenirs datant d'avant sa maladie envahissaient peu à peu son esprit. Lorsque le duc arriva finalement à ses appartements, il ouvrit la porte avec une telle violence qu'elle claqua contre le mur, produisant un tel vacarme que Henri et son frère, qui étaient en train de mettre leurs bottes, sursautèrent. Cependant, le blond ne pipa mot, se contentant de fixer son compagnon d'un air aussi surpris qu'interrogateur.
Charles, qui sentait sa colère monter, braqua son regard sur Jules, qui, lui, le regardait avec un air hébété, plongé dans l'incompréhension la plus complète.
— Laissez-nous, grogna-t-il sans le quitter des yeux.
— Je vais rassembler mes affaires... commença l'aîné du comte en se levant.
— Non, le coupa le prince en serrant les poings. Sortez de mes appartements, immédiatement.
— Bien, Votre Altesse, répondit-il en faisant une révérence avant de partir comme le ferait un enfant surpris en plein bêtise.
Alors que son amant s'indignait de son comportement, le brun, qui ne prêtait aucune attention à ses reproches venimeux, sortit la boule de papier de son manteau avant de la déplier sommairement et de la glisser sur la table.
Henri s'arrêta net. En voyant la feuille, il comprit immédiatement la raison de ce changement soudain d'humeur. Toutefois, pour en avoir le cœur net, il la prit dans ses doigts, la lissa un peu plus et lut rapidement son contenu.
— C'est pour cela que tu jettes mon frère à la porte comme un vulgaire domestique ? lui demanda-t-il sèchement en lançant la dette sur le premier meuble qui lui tomba sous la main.
— Je croyais que ce genre de choses étaient terminées. Nous étions d'accord sur ce point, répondit le duc sur le même ton.
— Ce n'est pas la première fois que je joue avec ton argent, déclara le comte en feignant un air innocent.
— Cette somme est astronomique ! éclata Charles en frappant violemment la table avec son poing. C'est inacceptable, même Louis ose rarement jouer autant ! Tu es comte de Clermont-Tonnerre, tu as ta propre fortune. Alors pourquoi mettre tes dettes sur mon compte ?
Le blond ne répondit pas, laissant la pièce retomber dans un silence aussi pesant que la Faucheuse elle-même. Le temps semblait figé dans de la résine alors que les deux hommes se fixaient comme le feraient deux féroces prédateurs attendant de voir lequel attaquerait d'abord. Alors que le premier restait de marbre, le second, lui, gardait son poing serré sur la table de bois sombre, foudroyant son compagnon du regard alors qu'il sentait ses ongles s'enfoncer lentement dans la paume de sa main.
— Je vois... murmura Henri en s'approchant doucement. C'est ce Gabriel qui t'a empoisonné l'esprit, n'est-ce pas ? continua-t-il alors que sa voix devenait aussi tranchante que la lame d'une épée. Tu n'aurais jamais osé me parler ainsi...
En entendant de telles paroles, la colère du prince décupla si rapidement qu'un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Il se redressa alors que ses lèvres restaient pincées jusqu'en devenir blanches pour ne pas exploser une seconde fois. S'il ne voulait pas montrer que ce qu'il prenait pour de la provocation le touchait, son regard, en revanche, ne parvenait nullement à dissimuler la fureur qui se diffusait en lui comme le plus toxique des poisons, usant un peu plus ses nerfs déjà bien malmenés par les nuits d'inquiétudes qu'il venait de passer. Prenant une profonde inspiration, il dut se faire violence pour ne pas la laisser éclater, pour l'enchaîner du mieux qu'il pouvait dans un recoin de son être.
— Cesse donc d'être aussi jaloux, c'est tout bonnement ridicule, cela fait dix ans que notre liaison est terminée, grinça-t-il entre les dents, alors que ses ongles continuaient à s'enfoncer lentement dans sa chair. Tout comme cela n'a rien à voir avec le fait que tu aies rompu l'accord que nous avions. Tu m'avais juré que tu cesserais tes excès aux tables de jeux ! Tu accuses Gabriel de me faire perdre la raison, mais ne vois-tu pas que tes mauvaises habitudes sont toutes revenues depuis l'arrivée de Jules ?
En entendant de telles paroles, les sourcils du comte se haussèrent instantanément, alors qu'un rire âpre glissait d'entre ses lèvres.
—Ridicule ? Dès lors que tu l'as revu dans les jardins de Versailles, je n'existais plus, et tu n'as pas réagis à son geste déplacé, comment devrais-je le prendre, d'après toi ? Tu n'es pas en position de parler de mon frère, ajouta-t-il alors que son ton montait d'un cran, as-tu vu l'influence qu'a le tiens sur toi ? Tu as passé plus d'un an à me répéter à quel point la vie à Saint-Cloud, loin de la Cour, te plaisait, à quel point tu ne voulais pas y retourner. Mais parce que Sa Majesté te le demande, tu délaisse tes propres aspirations pour lui obéir et le suivre à la trace comme le plus soumis des domestiques. C'est simple, tu ne vaut pas mieux que les chiens de chasse favoris du roi, qui lui obéissent au doigt et à l'œil sans poser la moindre question, et lui lèchent le visage en frétillant dès lors qu'il daigne leur porter un peu d'attention !
Dès que ces mots atteignirent ses oreilles, Charles put sentir en lui sa rage, amplifiée par son épuisement tant émotionnel que physique, exploser avec autant de violence que l'aurait fait un baril de poudre à canon auquel on aurait mis le feu par inadvertance, échappant à tout contrôle, ravageant absolument tout sur son passage, ne laissant pas même une seule parcelle de son être indemne. Ses joies, ses peines, ce qu'il aimait et n'aimait pas... tout disparaissait sous le coup de ce brassier aussi vorace que devait l'être celui qui régnait en enfer, engloutissant comme un mangeur invétéré tout ce qui faisait de lui un être humain, ne laissant en lui que cette colère aussi destructrice que le jugement dernier, qui faisait battre son cœur si fort qu'il avait la sensation qu'il était sur le point de traverser sa poitrine, tandis que son sang pulsait si violemment contre ses tempes que son esprit ne s'en retrouvait que plus enivré. Il en avait assez, plus qu'assez de voir Henri parvenir encore une fois à retourner la situation contre lui, alors que c'était lui qui avait rompu le serment qu'il lui avait fait un an auparavant, et qui avait épargné une véritable catastrophe à leur relation. Et cela uniquement pour une rivalité qui n'existait que dans son esprit.
Alors que les lèvres de son amant étaient sur le point de répandre un peu plus de ce poison si nocif, il s'avança à grandes enjambées vers lui, l'azur de ses iris aussi ténébreux qu'un ciel orageux planté dans les siens, les poings si serrés qu'une douleur naissante enflammait ses paumes alors que le blond se retrouvait coincé entre lui et le mur. Mais avant qu'il ne puisse prononcer le moindre mot, il fut coupé dans son élan :
— Charles, martela fermement une voix dans son dos, bien que son ton demeurait calme.
Surpris, le prince, qui en avait encore ses lèvres entrouvertes, se tourna vers l'entrée de ses appartements, où il découvrit son jumeau, l'échine aussi droite que lors de ses séances au Parlement et les bras croisés sur sa poitrine, qui maintenait son regard impassible dans le sien.
— Il est temps de partir, mon frère, ou nous serons en retard, reprit-il sans changer de ton.
Le duc, qui retrouvait peu à peu sa raison, hocha doucement la tête. Détournant les yeux vers son compagnon, il s'écarta silencieusement de lui et contourna son frère pour aller chercher la reconnaissance de dette qui avait été abandonnée sur une commode, objet de la discorde des deux amants que ceux-ci avaient oublié, tant le sujet de leur dispute commençait à digresser. Lissant quelque peu le papier alors qu'il se redirigeait vers Henri, toujours aussi muet que le plus rigoureux des moines bénédictins, il plaqua la feuille sur le torse de ce-dernier en crachant, sur un ton aussi corrosif que de la chaux vive :
—Il est hors de question que je débourse le moindre denier pour ceci, trouve-toi un autre créancier.
Sans même donner au comte la moindre possibilité de répliquer quoique ce soit à cela, Charles lui tourna aussitôt le dos pour rejoindre Louis, qui l'attendait toujours dans l'encadrement de la porte, aussi impassible que le buste qu'il avait commandé au Bernin quelques années auparavant. Ne prenant pas même la peine de saluer l'amant de son frère, le monarque suivit celui-ci dans les couloirs, les lèvres scellées comme dans de la cire. Après tout, qu'y avait-il à dire ? Il n'avait jamais apprécié de le voir dilapider la rente qu'il lui versait pour effacer les dettes d'un homme dont il ne supportait même pas de voir le portrait. Alors que le silence, aussi lourd que du plomb, encourageait son esprit à divaguer sur d'autres sujets, le souverain ne put empêcher sa tête de se retourner un peu plus vivement que ce qu'il l'aurait voulu lorsque la voix, presque inaudible tant elle était faible, de son cadet, parvint à se frayer un chemin jusque ses tympans.
— Comment as-tu su que je serais ici ?
—Clémence est venue m'avertir, elle était morte d'inquiétude en ne te voyant pas revenir.
⚜ ⚜ ⚜
NDA :
Salut à tous !
Oui je sais, niveau gif c'est la dèche complet x) vous inquiétez pas, je pense de plus en plus à faire quelques modifications au niveau de la mise en page 😉
Enfin bref, comment allez-vous ?
Je suis juste hyper contente de pouvoir enfin partager avec vous ce chapitre ! Dire que ça fait depuis septembre qu'il traine dans mes brouillons T.T je vous cache pas que sa rédaction a été un peu particulière comparée aux autres chapitres, vu que plus de la moitié a été écrite à un moment où j'allais très mal, résultat ça m'arrive jamais mais là Charles avait l'air d'être dépressif c'était pas possible. Du coup je l'ai réécrit un peu comme j'ai pu, j'espère que le rendu n'est pas trop bizarre, surtout que mon style a pas mal évolué entre temps :3
Au niveau des faits historiques présents dans ce chapitre, il n'y a pas grand chose en soit. J'ai longtemps manqué de renseignements, avant de lire il y a peu de temps que la Cour était partie de Versailles pour aller à Chantilly, du coup c'est un fail 😂. A part ça, la Princesse Palatine et Louise de La Vallière avaient l'air de bien s'entendre, ou du moins d'entretenir une relation de confiance, puisque quand Louise quitte la Cour, c'est à elle qu'elle confie l'éducation de son fils. Voilà voilà, je sais qu'il se passe pas grand chose au niveau de l'intrigue principale pour l'instant, mais j'avais besoin d'un petit temps pour introduire tous les personnages qui seraient utiles pour la suite, et de bousculer certaines choses. Pour le coup, cette période de transition est longue (c'est l'une des choses à modifier quand je passerai à l'étape de la réécriture), mais elle devrait prendre fin le prochain chapitre, voire celui d'après grand maximum
J'en profite pour m'excuser encore une fois pour le temps que j'ai pris pour reprendre la publication du Secret du Roi, je sais que je vous avais dit que je ne prendrais pas encore un an pour publier un chapitre, mais entre les problèmes perso qui n'ont pas manqué cette année, et la L3 qui a été juste surchargée, j'ai pas du tout eu le temps d'écrire. En tout cas, j'ai eu ma licence, ce qui veut dire que ma plume va surchauffer !
Dernière chose. Je voulais aussi vous annoncer le passage de l'histoire en catégorie "mature". Non pas que l'intrigue soit au niveau de GoT, par exemple, mais la vie au XVIIe siècle est loin d'être rose, et ça fait maintenant quatre ans que Le Secret du Roi est en cours de publication, alors je pense que vous me connaissez maintenant : l'un de mes buts premiers, c'est de rendre compte de la réalité de l'époque. Ok, je fais pas un travail de chercheur, ça reste de la fiction, mais j'ai juste pas envie de faire une vie toute belle et toute facile pour mes personnages (même s'ils font partie des plus hautes sphères de la société de l'époque) alors que leurs contemporains triment, que ce soit au niveau de la santé, des mœurs ou de la faim 😅
Cette NDA est beaucoup trop longue, je suis vraiment désolée T.T allez, je vous dis à très bientôt pour un nouveau chapitre !
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