Chapitre XI : Affaire d'Etat
Les deux frères marchaient dans le silence, seuls leurs talons claquaient sur le sol.
A cet instant précis, Charles ne se préoccupait pas de la beauté qui l'entourait. Il se contentait de marcher d'un pas rapide.
Il en était presque déshumanisé.
On aurait pu le comparer à un automate, qui se contente de marcher jusqu'à ce qu'il rencontre un mur.
En réalité, le duc tentait de faire taire son esprit qui ne se demandait qu'une seule chose : Galdric avait-il quelque chose à voir avec l'embuscade dont Philippe et lui avaient été victimes ?
Il espérait avoir une réponse, mais plus il y pensait et plus il se posait des questions. Il priait pour que l'entrevue avec le chef de la police apaise ses tourments une bonne fois pour toutes.
Les jumeaux empruntèrent des escaliers en marbre blanc qui les menèrent au premier étage. Ils traversèrent quelques couloirs encore en travaux avant de pénétrer dans l'antichambre des appartements de Louis.
Le lieu avait énormément changé depuis la dernière fois que Charles l'avait vu, il ne pouvait passer à côté de tant de beauté.
La partie inférieure des murs blancs était recouverte de dorures tandis que la partie supérieure était ensevelie sous d'innombrables losanges de faïence blanche, eux aussi agrémentés d'or. Des nymphes de la même matière semblaient danser avec grâce sur le rebord en ébène qui séparait les dorures des faïences.
Face au prince, se trouvaient de nombreuses alcôves tout aussi richement décorées qui abritaient d'immenses fenêtres, devant lesquelles étaient disposés des tabourets de velours rouge dont la structure était en or. Chaque alcôve était séparée par de gigantesques miroirs. En se tournant un peu, Charles pouvait admirer une cheminée de marbre foncé, où était posé sur le rebord le buste de son frère et, sur le manteau, se trouvait un autre miroir, aussi grand que les alcôves. Quatre lustres en cristal étaient accrochés le long de la pièce par de longues chaînes en or. Les seuls endroits libres des murs étaient comblés par des tableaux ou des portraits royaux.
De la Reynie se tenait dans un coin de la pièce, les bras croisés et le regard dans le vague. Il n'avait sûrement pas osé s'asseoir sur l'un des nombreux tabourets. Il semblait minuscule face à tant de grandeur, véritable allégorie de celle du roi.
Ce fut que lorsque celui-ci referma la porte que le prince redescendit sur terre.
— Bien, soupira l'aîné tout en rejoignant les deux hommes, alors dites-moi, que savez-vous ?
Le chef de la police lui tendit un papier.
— J'ai pensé que vous préféreriez avoir la traduction sous les yeux.
— Je vous remercie, lui répondit Louis en prenant la réplique du billet entre ses doigts.
Le monarque fit un geste à son frère pour que celui-ci vienne lire avec lui.
Charles s'approcha de son jumeau. Il était intrigué, mais ressentait également une forme d'appréhension. Il craignait le contenu de ce papier noirci par l'écriture du traducteur, mais aussi que celui-ci révèle quelque chose de plus grave encore que ce que les frères savaient déjà. Il tenta de faire abstraction de ses inquiétudes et commença à lire.
Perpignan, ce dix de septembre mil six cent soixante-et-onze
Mon Cher Ami,
Je te remercie de tous les efforts que tu fournis, et tiens à t'assurer une nouvelle fois que tu as fait le bon choix. Aucun de nous ne mérite de vivre ainsi alors que les nobles s'engraissent sur notre dos et que le roi pousse le peuple vers l'appauvrissement. Je pourrais continuer encore longtemps, mais le but de ce billet n'est pas de me plaindre. J'ai le plaisir de t'annoncer par ailleurs que de plus en plus de personnes de tout le royaume cherchent à se rallier à notre cause ! Certains nobles puissants ont manifesté leur souhait de participer activement à notre projet. Je ne peux malheureusement pas tout te dire en détail. Mais ce que je peux te révéler, par contre, est que l'un d'eux est originaire de l'ouest du royaume et qu'il est puissant.
Je t'encourage, mon bon Galdric, à continuer de te rapprocher ainsi de Charles-Henri d'Orléans. Tente de voir jusqu'où va sa confiance en toi, peut-être acceptera-t-il de t'écouter. En revanche, rappelle-toi qui il est : le frère jumeau d'un tyran, et cela peut un jour se retourner contre toi. Veille toujours à avoir l'oreille attentive, mon bon ami. Qui sait ce qu'il peut lui échapper ou ce qu'il peut te confier. S'il se doute de quoique ce soit, informe nous-en le plus rapidement possible, tu sais que le courrier met du temps à arriver. Mais je te fais confiance, mon ami, et sais que tu nous demeureras fidèle.
J.
Une grande colère grondait en Charles, une colère qui menaçait d'exploser à tout moment. Depuis qu'il avait commencé à lire, il tenait fermement le pommeau d'ivoire de sa canne.
— Comment ce moins-que-rien a-t-il pu... grogna le duc, les idées désordonnées, avant de se tourner vers son aîné, un tyran ! Ils osent traiter leur roi, s'emporta-t-il, l'homme le plus proche de Dieu, de tyran !
— Calme-toi, mon frère, lui demanda calmement Louis en posant une main sur son dos, ces vauriens ne méritent pas ta colère, il se tourna ensuite vers de la Reynie, le traducteur est-il ici ?
— Il est à Paris, Sire.
Le monarque hocha doucement de la tête, semblant réfléchir, avant de lui répondre :
— Lorsque vous retournerez à Paris, dites lui que je souhaite qu'il reste à mon service, qu'il est libre de refuser mais que, dans le cas contraire, une pension lui sera versée pour le restant de ses jours, il marqua une pause, avant de reprendre. Dites lui aussi que mille cinq cents Louis d'or lui seront également versés pour le service rendu à son roi et que, par conséquent, j'attends de lui un silence complet sur ce qu'il a traduit.
— Vous avez ma parole, Sire, lui répondit le chef de la police en s'inclinant légèrement.
— Bien. Avez-vous réussi à obtenir des informations supplémentaires du prisonnier ?
— Malheureusement, non. Il s'est muré dans le silence. Mais je puis assurer à Votre Majesté que ce n'est qu'une question de temps.
— Je vois, souffla Louis, avez-vous d'autres choses à me dire ?
— Je crains que non, Sire.
— Alors je vous remercie. Vous pouvez disposer, et si vous savez quoique ce soit d'autre, trouvez un moyen de me transmettre l'information le plus rapidement possible. Vous semblez épuisé, constata le souverain en désignant les cernes de la Reynie, et les trajets à bride abattue n'arrangeront rien. Je préfère que vous me fassiez venir une missive la prochaine fois. Je vous veux en état d'accomplir votre devoir.
— Entendu, je remercie Votre Majesté de se soucier de moi.
Le lieutenant fit une révérence avant de sortir de l'antichambre.
Louis observait son frère qui semblait se noyer dans une réflexion aussi profonde que les enfers.
— Charles...
Le duc leva doucement les yeux vers son aîné, lui révélant son trouble.
— Comment ? murmura-t-il, perdu, comment a-t-il pu me duper ainsi ?
— Parce que c'est un traître. Mais ne t'en fais pas, mon frère, bientôt il répondra de ses actes, je te le jure, répondit Louis, la voix empreinte de rancœur.
— Oui, souffla le prince.
Le roi se plaça face à son cadet, plantant ses iris dans leurs doubles.
— Charles, que se passe-t-il ? Depuis l'attaque tu réagis différemment, cela m'inquiète.
En effet, le visage de l'aîné semblait façonné par l'inquiétude, son regard le montrait particulièrement.
— Je ne sais pas... Marguerite, Galdric, l'embuscade... j'ai l'impression que tout m'échappe, y compris moi.
Un élan de compassion envahit le roi tandis qu'il plaçait une main sur l'épaule de son jumeau. Jamais il n'avait vu son frère ainsi, et cela lui faisait mal. Il espérait que les festivités du soir et les suivantes l'aiderait à oublier ses tourments, il espérait pouvoir l'aider.
— Je comprends, mon frère. Mais Philippe et moi sommes là pour toi... même le comte de Clermont-Tonnerre est là pour toi, ajouta-t-il d'une voix grinçante.
Un sourire discret apparut sur les lèvres du duc face à l'attitude de Louis. Les deux frères discutèrent un moment de multiples sujets, cela leur faisait du bien de se retrouver tous les deux, avec l'impression d'être seul. Mais surtout de parler librement, sans noble ou autre valet dans les environs. Malheureusement, ils durent bientôt retrouver leurs occupations, d'une part pour ne pas inquiéter la Cour, mais aussi parce que l'aîné devait retourner à ses devoirs de roi.
— Cette tenue te va à ravir, susurra Henri à son amant.
— Merci, lui sourit-il en nouant un jabot de dentelle à son cou.
Le comte tourna autour de lui, semblant inspecter le duc, scrutant toute imperfection possible.
— Qu'il y a-t-il ? rit Charles.
— Je trouve les couleurs un peu sombre.
Le prince se dirigea vers son miroir et inspecta à son tour son reflet.
Il portait un justaucorps d'un bleu sombre qui était toutefois relevé par des broderies au fil d'or. Tandis que sa rhingrave et ses hauts-de-chausses étaient de la même couleur, il avait revêtu un manteau vert également brodé d'or. Certes, les couleurs en elles-mêmes étaient assez sombres pour des festivités de ce genre, mais il trouvait que les broderies parvenaient à les illuminer suffisamment. Non, il ne voyait pas ce qui clochait.
— Nous nous apprêtons à célébrer les noces de ton frère, reprit le blond, il faut bien que tu sortes du lot, que la Cour comprenne que tu es un membre de la famille royale !
— Il me semble, mon cher, qu'avec un tel visage il serait difficile de ne pas le comprendre, rit-il à nouveau.
— Imaginons que tu n'aies pas le visage de ton frère...
— Quoi, tu penses qu'il n'y a pas assez d'or sur mes vêtements ? le coupa le brun, toujours sur le ton de la plaisanterie.
Sans répondre, Henri se dirigea vers un buffet en ébène sur lequel se trouvait un coffret richement orné de pierreries. Il ouvrit ledit coffret et, après avoir cherché un moment, en sortit un ruban en satin dont la couleur s'approchait de l'or qui avait servi à broder les vêtements du duc d'Orléans. Il retourna auprès de son amant et le noua consciencieusement autour de la dentelle de son jabot.
— Voilà, souffla le comte en retournant le prince devant le miroir, un peu de fantaisie et ça va déjà mieux.
Charles sourit à son amant et l'embrassa avant d'aller mettre un chapeau garni de plumes d'autruche teintes en vert.
— D'ailleurs, lança Henri quelque peu nonchalamment, où étiez-vous passés, toi et le roi, tout à l'heure ?
— Nous étions dans ses appartements.
Le blond arqua un sourcil.
— Que faisiez-vous si isolés ? J'ai vu de la Reynie parler à ton frère, aux tables de jeux...
— Il nous a présenté la traduction du billet qu'avait Galdric sur lui le jour où nous l'avions arrêté.
— Alors, que dit-il ? s'intéressa le comte.
Le duc passa une main sur son visage en soupirant. Il ne savait quoi répondre, Louis lui avait demandé de ne rien dire à personne, et surtout pas à son amant, dont tous connaissaient son incapacité à garder la plupart des secrets qu'on lui confiait. Néanmoins, le brun ne put se résoudre à lui mentir.
— Affaire d'Etat, souffla-t-il.
— Quoi ? Mais enfin, Charles, s'exclama le favori, tu sais que tu peux tout me dire !
— Oui, mais Louis n'est pas de cet avis.
Henri leva les yeux au ciel, exaspéré.
— Quand pourras-tu vivre ta vie sans que ton frère n'intervienne ? Tu as trente-trois ans parbleu ! s'emporta-t-il. T'as-t-il retiré la faculté de juger ? Faut-il qu'il te donne sa bénédiction avant qu'un mot sorte de ta bouche ? Vas-tu me revenir un jour enchaîné ?
Alors que le blond allait prononcer le mot de trop, la grande porte de la chambre du duc s'ouvrit sur un valet.
— Monsieur, le duc de Valois et la princesse Palatine sont arrivés, déclara timidement le domestique.
— Nous voilà en retard ! s'exclama le jumeau du roi, blessé par les propos du comte. Je vous remercie, nous arrivons.
Sans adresser un regard à son compagnon, le prince sortit de la pièce. Tandis qu'il tentait de refouler son amertume pour pouvoir accueillir correctement son frère et son épouse, son amant le retint par le bras avant qu'il ne sorte de l'antichambre.
— Charles...
— Quoi ? cracha le concerné.
— Je suis désolé, murmura-t-il, c'est que je ne supporte plus de voir ta vie contrôlée par ton frère.
— C'est le roi, Henri. Son rôle est de contrôler. Je suis navré de devoir te cacher certaines choses, mais il faut dire que ta réputation ne te rend pas service, répliqua le brun sans changer d'attitude.
Le comte prit la main du duc dans les siennes.
— Pardonne-moi, je t'en prie, l'implora son favori, j'ai laissé libre court à mes sentiments sans réfléchir aux conséquences.
Le prince resta silencieux pendant un certain laps de temps, pesant le pour et le contre.
Certes, ce n'était pas la première fois que son compagnon s'insurgeait contre le comportement de Louis, mais cela ne s'était pas produit depuis ce qu'il lui semblait être une éternité.
— Soit, soupira le jumeau du roi, mais ne recommence pas.
— Je te le promets, souffla le blond, immensément soulagé.
Henri enlaça son amant qui répondit à son étreinte avec quelques réticences.
Il avait cédé.
Encore.
Au bout d'un moment, il posa ses mains sur les épaules de son compagnon pour se reculer tandis qu'un léger sourire gêné étira brièvement ses lèvres.
— Je suis navré, mais nous devons vraiment y aller.
Le comte hocha la tête et les deux hommes quittèrent la pièce, se hâtant de prendre le chemin de la salle dans laquelle étaient prévues les festivités.
⚜ ⚜ ⚜
NDA :
Hello hello !
Comment allez-vous ? :)
Je voudrais juste m'excuser s'il y a plus de fautes (d'orthographe ou que sais-je d'autre) dans les chapitres que je publie en ce moment. Car si vous suivez régulièrement mon activité, vous savez que je me suis faite opérer. Certes, ça va faire trois semaines mercredi, mais j'ai énormément de mal à m'en remettre. Donc je suis beaucoup beaucoup plus fatiguée (et fatigable) que d'habitude, et pour une durée indéterminée. Alors oui je raconte ma vie, mais c'est juste pour vous prévenir que, même si je relis mes chapitres régulièrement, je risque de laisser des fautes que je ne verrais que plus tard :/
Ce qui explique pourquoi je prend tant de temps à écrire ces temps-ci !
D'ailleurs, pour ceux qui lisent également mes Histoires en Vrac, je m'excuse pour le retard que prend la rédaction du troisième article. Mais pour l'instant c'est juste trop fatiguant de faire des recherches (pour vous dire, juste pour LSDR je suis contente quand j'arrive à écrire...huit lignes de suite)
Ensuite !
J'ai découpé ce chapitre en deux, donc vous allez pas tarder à avoir la suite, vu que j'ai enlevé 1114 mots x)
Vous trouvez que ce chapitre aurait été long ? Dites vous que de base, le chapitre 10, 11 et 12 ne devaient former qu'un seul chapitre xDD
Les précisions historiques seront pour le prochain chapitre. MAIS, l'antichambre de Louis existe telle que je l'ai décrite :)
Mais dites-moi, que pensez-vous des révélations de la Reynie ? De la réaction d'Henri ? :)
Allez, je vous dis à très bientôt ! :D
(Cette NDA est beaucoup trop longue xD)
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