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Chapitre 0 : Pris au piège [bonus]

[Vu la longueur du texte je préfère préciser que la lecture de ce chapitre n'est pas obligatoire puisqu'il n'a pas de lien direct avec le reste de l'intrigue, mais il aide à présenter les personnages. Donc vous pouvez passer au chapitre suivant si vous n'avez pas la motivation pour le lire 🙏🏻]

*Attention : si je parle de majorité dans ce chapitre, il s'agit de la majorité royale : le roi n'est pas majeur à vingt-cinq ans comme le reste de ses sujets, mais à treize ans, et ne peut être sacré  et exercer ses fonctions qu'à partir de ce moment-là. Je préfère préciser ici pour que vous compreniez un peu mieux la situation.

-- Duc d'Anjou est le titre provisoire de Charles]


9 février 1651, Palais-Royal


Cela avait commencé avec une bousculade.

Une simple bousculade, qui avait été rendue, et qui avait dégénéré.

D'abord, une gifle, puis une autre, et cela devint une bagarre.

Charles n'était pas concerné, et voulait même y mettre un terme. Seulement, comment un garçon de douze ans, seul, qui plus est, pouvait-il y mettre fin ?

Le garçon ne pouvait plus distinguer ses deux frères, ils semblaient s'être transformés en une masse informe. Une sorte de cyclone qui tantôt se cognait aux meubles de la chambre, tantôt émettait des grognements.

Il ne supportait plus de les voir se battre comme cela, et d'être planté là, à la recherche d'une solution pour qu'ils cessent enfin.

Au bout d'un moment, voyant qu'il ne réussissait pas à attirer leur attention, et étant à court de patiente, il décida d'y mettre fin lui-même.

Prenant son courage à deux mains, le prince entra dans l'œil du cyclone. Cependant, il regretta sa décision, puisqu'il fut accueilli par un beau coup dans la mâchoire. Néanmoins cela fut momentané, et tenta tant bien que mal de mettre un terme à tout ça.

Malheureusement, il n'avait pas assez de force pour séparer Louis et Philippe suffisamment longtemps. Et ne parlons pas de ses tentatives de leur faire entendre raison !

Charles se désespérait, subissant de plus en difficilement les bousculades répétées et les quelques tirages de cheveux de la part des deux camps respectifs. Il ne pouvait s'empêcher de se demander s'il y aurait bien un noble ou un domestique assez courageux pour l'aider.

C'était à des moments comme celui-ci que la présence de Mazarin se faisait le plus désirer. S'il était là, le garçon était persuadé que cette maudite bagarre n'aurait pas duré si longtemps. Mais à la place, il restait là, seul, à tenter de trouver une solution.

L'agacement commençait à se faire sentir. Pourquoi donc fallait-il que ses frères trouvent toujours un moyen de se chamailler, voire de se battre comme c'était le cas en ce moment-même ?

Exaspéré et fatigué, le prince poussa son jumeau de toutes ses forces - du moins, celles qui lui restaient -, pensant que cela le calmerait.

Grave erreur, ce geste ne fit qu'aiguiser la colère du jeune roi, qui cette fois, au lieu de ne s'en prendre qu'à son benjamin, se jeta sur ses deux frères.

Alors qu'il se débattait comme il pouvait, deux mains agrippèrent les épaules de Charles, le tirant brusquement en arrière.

Celui-ci, brutalement revenu à la réalité, ne comprit ce qui se passait que lorsqu'il vit Gaston, son premier valet de chambre, aider celui de Louis à séparer les deux frères.

Bien que ces derniers étaient habitués à faire cela, ils leur fallait une sacrée force dans les bras pour les retenir. Car si Philippe se calma assez rapidement, ce ne fut pas le cas du jeune roi, qui était encore furieux.

Fatigué, notamment par l'heure tardive, à observer son frère se débattre comme un diable, le garçon avait, tel un revenant, l'impression d'être extérieur à la scène. Mais bien vite, l'attitude belliqueuse de son aîné s'estompa, ses gestes manquant de plus en plus d'ardeur et devenant flous.

— Sire, vous êtes en train de vous épuiser pour des bagatelles, tenta de le raisonner Bontemps. Ne voulez-vous pas garder votre énergie pour lire la lettre de la princesse de Condé ?

Une fois que Louis eut assimilé les paroles de son valet, il abandonna peu à peu toute résistance, et redevint enfin le garçon poli que tout le monde louait.

  — Une lettre de Clémence ?

Les deux princes rejoignirent leur aîné, aussi surpris que lui.

— Oui, un messager me l'a remis à l'instant, répondit à son tour Gaston.

Lui comme Bontemps étaient tout à fait conscients des risques qu'ils prenaient tous les deux à transmettre cette missive aux trois princes, puisqu'en faisant cela, ils désobéissaient directement aux ordres de la reine. Cependant, rien ne pouvait prouver qu'ils savaient de qui elle provenait, et d'un autre côté, ils rendaient souvent service à la reine, comme ce soir, où ils étaient allés calmer les princes pendant qu'elle examinait la situation avec les frondeurs. Certes, ils savaient tous les deux qu'ils risquaient d'être arrêtés pour trahison, mais ils savaient pertinemment que le roi et son frère jumeau se battraient bec et ongles contre cela, car ils tenaient à Bontemps et Gaston autant qu'au père qu'ils n'avaient que brièvement connu.

Les deux valets restaient là, debout, à regarder avec tendresse les enfants lire le contenu de cette lettre comme si leur vie en dépendait. Seulement, à peine avaient-ils commencé que la porte de la chambre s'ouvrit dans un vacarme retentissant. En voyant leur mère entrer dans la pièce avec un air sévère gravé sur le visage, les trois frères se serrèrent entre eux, tels de minuscules soldats, les yeux ronds. Louis, qui se tenait au milieu, gardait ses mains dans son dos afin de cacher le courrier de Clémence, le pressant comme il le pouvait contre lui, comme si ce simple geste suffisait à le dissimuler.

—  Je peux savoir ce qui vous a pris ? Une telle attitude est inadmissible, dit-elle d'un ton ferme alors qu'elle regardait ses trois fils avec un air sévère. On vous a entendu jusqu'à l'autre bout du couloir.

—  Louis refuse de me laisser danser avec lui à son prochain ballet, répondit Philippe sans oser lever les yeux du sol, penaud.

—  Est-ce une raison pour se chamailler d'une telle manière ? Vous faites jaser les courtisans, nous n'en avons pas besoin ces temps-ci.

— Mais... tenta à son tour le jeune roi.

—  Mais rien du tout, répliqua la reine, si ces messieurs n'avaient pas eu l'amabilité de venir vous calmer avant que je ne le puisse, vous auriez fait paniquer tout l'étage. Et puis avez-vous vu l'heure qu'il est ? Vous devriez tous dormir en ce moment, ce n'est pas du tout raisonnable. Surtout pour toi Louis, je te rappelle qu'il y a le Conseil du Roi, demain matin. D'ici quelques mois tu seras majeur, il serait temps que tu te conduises enfin en conséquence.

— Oui mère, vous avez raison, murmura le garçon qui se sentait honteux.

— Bien, soupira Anne avant de marquer une pause. Maintenant allez vous coucher, nous reparlerons de tout cela demain.

Alors que les trois princes commençaient à se disperser, Louis tenta de changer de posture, de sorte qu'il puisse continuer à cacher le billet de Clémence sans que sa mère ne le remarque. Cependant, il croisa son regard alors qu'il s'apprêtait à regagner sa chambre, et il comprit immédiatement qu'elle savait qu'il cachait quelque chose. Il accéléra le pas dans une dernière tentative de sauver ce qui était sans aucun doute la dernière lettre que leur amie ne pourrait jamais leur adresser, mais se fit interpeller avant de pouvoir atteindre la porte.

— Que tiens-tu dans tes mains ? lui demanda la reine.

Le jeune roi s'arrêta net, comme pétrifié par la peur, alors que ses deux frères, eux, firent demi-tour pour doucement aller le rejoindre. C'était là tout le paradoxe de leur relation, s'ils pouvaient se chamailler, voire se battre, à longueur de journée, ils étaient également extrêmement soudés, et ce depuis leur plus jeune âge. Ils savaient qu'au moment où leur mère saurait de qui provient ce pli, sa colère serait bien plus terrible qu'elle ne l'a été pour leur dispute.

Sans dire un mot, Louis lui tendit la lettre, le regard rivé au sol. Anne la saisit doucement, regardant son fils d'un air suspicieux, avant de la déplier pour commencer à lire son contenu tandis que pendant ce temps, les deux princes rejoignirent leur aîné. En arrivant près de celui-ci, Charles posa très brièvement sa main sur l'épaule de son jumeau pour lui signifier son soutien. Les deux frères avaient élaboré durant leur enfance tout un tas de codes afin de pouvoir communiquer entre eux, et celui-ci devait faire partie de l'un des plus anciens. L'aîné se contenta de lever les yeux vers lui, avant qu'un bruit bien particulier ne les alertent. En levant les yeux, ils virent la reine commencer à déchirer la missive, les lèvres plissées par la colère.

— Non, mère ! cria Louis en se précipitant vers celle-ci, avant que Bontemps ne le retienne par le bras.

— Comment allons-nous pouvoir lui répondre, maintenant ? fit à son tour Philippe, stupéfait.

— Lui répondre ? Avez-vous imaginé un seul instant les conséquences qu'une telle chose pourrait avoir sur la guerre ? répliqua sèchement Anne.

— La guerre ? Mais enfin mère cela n'a rien à voir, Clémence est notre amie, vous ne pouvez pas nous empêcher de lui écrire ! s'exclama Charles, indigné par ce comportement qu'il trouvait terriblement injuste.

Cependant, le jeune prince n'eut même pas le temps de reprendre sa respiration qu'il sentit la main de sa mère s'abattre avec violence contre sa joue. Le souffle coupé par la douleur d'une telle gifle, l'intensité de celle-ci le fit reculer de quelques pas alors qu'un silence complet envahit la pièce. Charles était dans un tel état qu'il n'osa ni bouger, ni prononcer une seule parole, se contentant de garder sa main appuyée contre la zone douloureuse de son visage en échangeant des regards avec ses deux frères qui avaient l'air d'être aussi stupéfaits qu'il ne l'était lui-même.

— Ne t'avise plus jamais de me parler sur ce ton, jeune homme, rugit la reine, le regard brillant de colère. Dois-je vous rappeler que son père fait partie des principaux meneurs de cette rébellion, et l'un des plus puissants, tout comme ses oncles et sa mère ? Et l'on dit même que ses parents cherchent à la marier à un autre prince frondeur ! Chacune des paroles que pourriez lui adresser est susceptible d'être utilisée contre nous tous. Et est-ce que vous avez seulement pensé que cette lettre aurait très bien pu être écrite par l'un de ces traîtres ?

Les trois princes restèrent immobiles, les yeux rivés au sol. Ces paroles leur firent prendre conscience qu'ils avaient peut-être été trop aveuglés par la possibilité de pouvoir renouer contact avec Clémence. Mais qui pouvait leur en vouloir pour cela ? Dire qu'ils avaient grandi ensemble n'aurait pas été exagéré, puisqu'aucun des quatre enfants ne pouvait se rappeler à quand remonte leur première rencontre. Seulement, les frères n'avaient pas revu leur amie depuis l'arrestation du père et des oncles de celle-ci sur ordre de la reine, l'année précédente, ce qui leur semblait être une éternité. Ils n'avaient donc pas pensé une seule seconde au danger qu'aurait pu impliquer une lettre de leur part, et s'en voulaient tous les trois pour cela.

— C'est bien ce que je pensais, soupira Anne qui prenait leur silence respectif pour une réponse. Puis-je savoir comment cette missive vous est parvenue ?

— Un messager me l'a remis ce matin, admit Gaston, mais je jure à Votre Altesse que je ne savais pas que ce pli venait de la princesse de Condé, mentit le valet.

Anne soupira avant de répondre quelques instants plus tard :

— La seule chose qui me retient de vous faire arrêter pour trahison, monsieur de Laudois, c'est votre loyauté indéfectible envers notre famille et tous les services que vous nous rendez depuis toutes ces années. Cependant, sachez que je serai intransigeante à la prochaine faute que vous commettrez.

— Bien sûr Votre Altesse, je vous en suis très reconnaissant.

—  Maintenant, je veux que vous alliez tous les trois vous coucher, il est bien trop tard pour être encore debout.

— Oui, mère, répondirent doucement les trois garçons avant de se diriger en silence vers leurs chambres.



Des cris.

Voilà ce qui tira Charles de son sommeil.

Non pas des cris de terreur, mais de haine. 

Le jeune garçon soupira alors qu'il se redressait dans son lit en se frottant doucement les yeux. Cela était loin d'être la première fois que sa nuit était interrompue par ce genre de grabuge, et quelque part il était étonné de voir que cela le réveillait toujours. Mais c'était plus fort que lui, cela ranimait une certaine inquiétude à chaque fois.

— Que se passe-t-il ? demanda doucement le prince en voyant son valet regarder discrètement par la fenêtre à l'aide d'un chandelier.

— Il y a un attroupement devant les portes du palais, lui répondit Gaston en tirant l'épais rideau vers lui, recouchez-vous Votre Altesse, je suis certain que les gardes vont appeler des renforts.

—  Est-ce encore l'oeuvre de mon oncle ?

— Il semblerait, je pense avoir reconnu la milice bourgeoise de monsieur de Gondi parmi la foule, il y a donc fort à parier qu'il soit sous ses ordres.

Charles prit une grande inspiration, les lèvres pincées de colère.

— Je ne comprendrais jamais pourquoi il a choisi de faire partie de ces traîtres, marmonna-t-il avec amertume.

Gaston soupira en posant le chandelier qu'il avait encore en main sur la commode d'acajou qui se trouvait face au lit du prince, avant de s'asseoir en silence sur le bord du matelas de celui-ci.

— Malheureusement, votre oncle fait partie de ces gens éternellement insatisfaits. Il a toujours été envieux de la position de votre père, puisque comme vous le savez, il a comploté à maintes reprises contre lui et le cardinal de Richelieu. Au fil du temps, Monsieur a fini par se persuader qu'il serait le prochain roi de France en voyant les difficultés qu'avaient vos parents à avoir un héritier, et votre naissance ainsi que celle de vos frères ont mis un terme à son ambition. Seulement, maintenant que votre père n'est plus de ce monde et que la Couronne a été déstabilisée par les rébellions du Parlement et maintenant par celle du prince de Condé, il doit sûrement penser qu'il peut tirer son épingle du jeu.

 — Mais hier mon précepteur m'a montré à quel point il est puissant, il l'est presque autant que Louis ! Pourquoi ne se contente-t-il pas de sa position ?

— Vous l'avez dit vous-même, il l'est presque autant, et cela ne lui suffit pas, tout comme la position du prince de Condé ne lui suffit pas, par exemple. Tout ce qui motive ces traîtres, ce n'est que l'ambition et la jalousie.

Alors que Charles s'apprêtait à répondre, le raffut, qui s'était brièvement calmé pendant leur discussion, reprit brusquement, ce qui fit sursauter le jeune prince. Sur ses gardes, il écouta pendant quelques instants ce qu'il se passait.

— On dirait que cette fois, le bruit vient de l'intérieur du palais, dit-il enfin à son valet en le fixant d'un regard apeuré.

Gaston ne répondit pas. En vérité, lui non plus n'était pas rassuré par la tournure que semblait prendre les événements, et le fut encore moins lorsqu'il entendit des bruits de pas résonner dans les couloirs et se rapprocher, tout comme les éclats de voix et les claquements successifs des portes. La première pensée qui lui vint à l'esprit est que la famille royale courait maintenant un danger bien réel. Cependant, il ne devait rien laisser paraître devant le garçon pour ne pas l'effrayer plus, même s'il savait pertinemment que malgré ses douze ans, celui-ci était bien assez intelligent pour le comprendre.

— J'en ai bien l'impression aussi, murmura le valet.

Seulement, avant qu'il ne puisse rassurer Charles, des coups se firent entendre à la porte de la chambre. Sur ses gardes, son regard, comme celui du prince, fixait celle-ci en espérant que la personne qui avait frappé ne passe rapidement son chemin. Cependant, une seconde série de coups résonna dans la pièce, cette fois plus pressants. Bien que réticent à l'option qui s'imposait à lui, il ne voyait pas d'autre perspective. Ainsi, il poussa un soupir en se retournant vers son petit maître avant de lui murmurer :

— Je vais aller voir de qui il s'agit...

—  Non ! le coupa brusquement le garçon, terrifié à cette idée. Non mon cher Gaston s'il vous plaît, ne faîtes pas ça !

— S'il s'agit de frondeurs, les ignorer conduirait à les énerver et donc à les rendre plus violents qu'ils ne doivent déjà l'être. Mais surtout, ne vous approchez pas de la porte et s'il se passe quelque chose, rejoignez immédiatement les appartements de votre mère par les couloirs des domestiques, c'est compris ? lui demanda-t-il sur un ton presque paternel.

N'obtenant comme réponse qu'un timide hochement de tête de la part du prince, le valet se leva et se dirigea le cœur battant vers la porte, avant d'ouvrir celle-ci avec la plus grande des prudences. Cependant, s'il s'attendait à se retrouver nez-à-nez avec des rebelles, un mélange de surprise et de soulagement l'envahit lorsqu'il vit devant lui Philippe, paniqué, ainsi que le valet de celui-ci. Mais avant qu'il ait eu le temps de dire quoique ce soit, le jeune duc de Valois se hâta de se réfugier dans la chambre de son frère.

Toute la tension qui comprimait la poitrine de Charles s'évapora en un instant lorsqu'il vit son cadet se précipiter vers lui. Soulagé, il ne put s'empêcher de laisser s'échapper un soupir avant de le prendre dans ses bras.

— Que fais-tu ici, mon frère ? lui demanda-t-il. Tu aurais été plus en sécurité dans tes appartements. 

—  La milice du cardinal de Gondi, le régiment Suisse du duc d'Orléans et les Parisiens ont investi le palais, leur expliqua Jacques, le valet de Philippe, sans cacher son inquiétude, nous voulions nous assurer que rien ne vous soit arrivé.

— Savez-vous s'ils veulent s'en prendre à notre frère ou à notre mère ? s'empressa de lui demander Charles, qui sentait la peur étreindre son cœur plus fort que les instants précédents.

—  Je n'en ai aucune idée Votre Altesse, mais je les ai vu emprunter l'escalier qui mène à leurs appartements.

—  Il faut qu'on aille voir s'ils vont bien, intervint finalement Philippe.

—  Je suis d'accord, approuva le prince.

—  De par le fait que vous soyez les premiers sur l'ordre de succession, ainsi que par votre ressemblance particulière avec Sa Majesté, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée... grimaça Gaston.

—  Si notre oncle et le cardinal de Retz prennent le commandement du palais, nous risquons tout autant en restant ici, souligna le garçon.

Après avoir hésité, le valet céda et, résigné, aida son petit maître à mettre sa robe de chambre pendant que celui-ci se chaussait. Sur ce point, Gaston savait qu'il avait raison : si la garde royale ne parvenait pas à repousser les troupes frondeuses, on fouillerait chaque pièce pour vérifier que tous les membres de la famille royale soient bien dans l'enceinte du Grand Palais.

C'est ainsi qu'ils sortirent prudemment dans le couloir. Si voir celui-ci désert aurait pu les rassurer quant à leur sécurité, cela ne fit que les angoisser encore plus, car cela voulait dire que l'opération visait en priorité Louis et la reine, hypothèse confirmée par le raffut assourdissant formé par les bruits de pas, claquements de porte et les éclats de voix qui émanaient de l'étage du dessus, qui n'était autre que celui des appartements de ces-derniers. 

— Ils doivent avoir atteint les appartements royaux... se figea Jacques en fixant le plafond d'un regard inquiet.

— Sans aucun doute, murmura le second valet. Je suis navré Vos Altesses, mais nous n'avons pas le choix, nous devons partir.

— Nous ne pouvons pas faire ça ! s'insurgea Charles tout en gardant un ton bas. Nous ne pouvons pas laisser Louis et notre mère à leur merci !

— Si je le pouvais je changerais les choses, nous le ferions tous... souffla Gaston en s'agenouillant devant lui pour se mettre à sa hauteur. Mais vous êtes l'héritier présomptif de la Couronne, mon garçon, si par malheur il arrivait quelque chose à votre frère, vous deviendrez alors roi. Dans cette éventualité, il faut à tout prix vous mettre en sécurité pour éviter le pire, vous comprenez ? lui demanda-t-il sur un ton paternel.

Le jeune homme hocha doucement la tête. L'idée d'abandonner son frère et sa mère le déchirait, mais s'il s'entêtait à vouloir les rejoindre là-haut et que ces traîtres leur faisaient du mal, alors ce serait comme s'il leur donnait la Couronne, et Dieu ne lui pardonnerait jamais, puisque c'est lui qui a choisi de ne pas faire de Gaston d'Orléans le roi de France.

Son valet se releva en posant sa main sur l'épaule de son petit maître en signe d'encouragement.

— Que faisons-nous, alors ? demanda timidement Philippe.

— Nous allons aux écuries prendre des montures, et nous irons rejoindre le cardinal Mazarin à Saint-Germain, annonça son valet.

C'est ainsi que le petit groupe se remit discrètement en marche. Cependant, plus ils avançaient vers les escaliers qui devaient les mener au rez-de-chaussée, plus le cœur du prince se serrait sous le coup de l'angoisse qui engourdissait ses jambes. Les mauvais souvenirs de la Fronde précédente l'assaillaient de toute part, aussi violemment que des balles de mousquet le feraient. Il se revoyait, lui et sa famille, fuir Paris en pleine nuit comme l'auraient fait des traîtres, et aussi discrètement que des voleurs. Il se rappelait de la peur terrible qu'il avait eu cette nuit-là, cette peur qu'il pensait ne plus jamais ressentir et qui pourtant faisait trembler ses mains en ce moment-même. Et puis une idée jaillit dans son esprit : et si, comme cette fois-là, la reine était parvenue à fuir ?

C'est une évidence, pensa-t-il, mère ne se laisserait jamais faire contre notre oncle. Elle doit être en train de rejoindre le cardinal avec Louis, et dès que nous serons tous réunis, ils pourront préparer leur revanche !

Alors que de soulagement, ses lèvres revêtirent un sourire si discret que personne ne le remarqua, une silhouette fit irruption dans le couloir, à seulement quelques mètres d'eux.

Par réflexe, le prince attrapa immédiatement son frère par le bras pour le tirer derrière lui alors que leurs valets se placèrent tous deux devant les enfants.

— N'ayez crainte messieurs, je suis avec vous, s'empressa de les rassurer une voix féminine.

Charles fronça les sourcils lorsqu'il l'entendit. Il pensait savoir à qui elle appartenait et à cette pensée, il se hâta de se hisser sur la pointe des pieds afin de pouvoir voir le visage de cette femme entre les épaules des deux valets. Quand il la vit, un grand mélange de joie et de soulagement éclata en lui.

— Adèle !

En entendant sa voix, la jeune femme accourra vers lui, si bien que Jacques et Gaston durent s'écarter pour la laisser passer.

—  Dieu soit loué Votre Altesse, je suis tellement soulagée de vous voir sain et sauf ! dit-elle en le serrant contre elle.

— Et je le suis de vous voir, souffla-t-il.

Le garçon avait l'impression que toute sa peur s'était évaporée à l'instant où son ancienne gouvernante l'avait pris dans ses bras. Il avait l'impression d'être en sécurité, de redevenir l'enfant qu'elle rassurait après un cauchemar éprouvant. A vrai dire, si Adèle avait joué un rôle très important dans son éducation, puisque c'était elle qui l'avait élevé pendant les premières années de sa vie, ce n'était pas pour ça qu'il lui portait autant d'affection. Elle s'était toujours conduite comme une mère pour lui, il avait même eu parfois la sensation qu'elle le traitait plus comme son propre fils que comme un membre de la famille royale. Ce n'était pas que la reine le négligeait, non, elle a toujours pris son rôle au sérieux mais Adèle, elle, lui avait procuré toute l'affection et la tendresse qu'Anne n'avait pas le temps de lui donner. Lorsqu'elle a dû cesser de s'occuper de lui pour que Mazarin prenne en charge la suite de son éducation, ce fut un déchirement pour lui comme pour elle, qui dût quitter la Cour pour suivre son mari.

— Je pensais ne plus jamais vous revoir, murmura Charles.

— La vie nous réserve plein de bonnes surprises.

Adèle le libéra de son étreinte pour l'observer longuement, le couvrant du même regard maternel qu'autrefois.

— Comme vous avez grandi, lui sourit-elle tendrement en effleurant de sa main la joue du prince, un peu plus et je ne vous aurais pas reconnu.

— Que faîtes-vous hors de vos appartements, madame de Chastel ? lui demanda soudainement Gaston. Vous prenez bien des risques pour vous et votre enfant.

Contrariée que ses retrouvailles avec le petit prince aient été interrompues par de telles remontrances, la jeune femme se releva en soutenant son ventre arrondi.

— Quand on m'a mise au courant de la situation, j'ai voulu vérifier que Son Altesse aille bien, rétorqua-t-elle presque avec froideur. Et je ne serais pas sortie de mes appartements sans l'approbation de mon mari.

— La situation ? Que vous a-t-on dit ? s'empressa-t-il de l'interroger.

Adèle ne put s'empêcher de hausser les sourcils d'étonnement.

— Vous n'êtes pas au courant ? Une rumeur disant que la famille royale veut à nouveau fuir Paris pour rejoindre Mazarin court dans la ville, c'est pour cela que les troupes frondeuses sont ici. 

 Cependant, Gaston comme le reste du petit groupe eut à peine le temps de digérer l'information que des bruits de talons résonnèrent dans le couloir, coupant court à la conversation. En tournant la tête, ils virent six hommes se diriger en leur direction, dont quatre d'entre eux les tenaient en joue, mousquet sur l'épaule.

— Au nom du duc d'Orléans et du cardinal de Retz, restez où vous êtes, leur ordonna l'un d'eux tout en avançant.

Le regard de Charles sautait d'homme en homme, d'arme en arme. Tout en eux semblait être une menace pour son frère et lui : leur doigt sur la gâchette de leur mousquet, leur allure, leur regard méprisant... tout. Mais alors que l'étau semblait se resserrer, ce qui le marqua le plus fut l'air satisfait et hautain de l'homme qui venait de parler, trop content de pouvoir donner un ordre à des personnes d'un rang bien plus supérieur que le sien. Sa haine pour la famille royale était évidente dans son regard, le rendant malsain.

— Sommes-nous en état d'arrestation, monsieur ? lança Gaston, d'un ton amer.

— Non, rétorqua le frondeur d'un air suffisant, nous devons nous assurer que le roi et sa famille ne quittent pas le palais.

Si jusqu'à présent, le jumeau royal était immobilisé par la crainte, ce fut bien la colère qui le poussa à sortir de son silence.

—  Vous ne pouvez pas dire au roi ce qu'il doit faire ! s'indigna-t-il

— Si le roi et sa mère n'étaient pas des lâches nous n'aurions pas à le faire.

—  Comment osez-vous ? grinça Jacques.

L'homme d'arme rit jaune en s'approchant du valet tout en le toisant. Alors que son regard devenait brûlant de colère, il fronça les sourcils en pointant un index sur son torse.

—  Non monsieur, comment osez-vous conduire Leurs Altesses chez ce chien d'Italien alors que le Parlement et le duc d'Orléans l'ont expressément interdit ? cracha-t-il.

— Pour nous emmener loin de vous ! ne put s'empêcher de lancer Philippe avec colère.

—  Philippe ! le réprimanda son frère en le tirant près de lui.

Le frondeur posa à peine son regard sur le garçon, indifférent aux élans de colère d'un enfant de dix ans, et sans doute habitué à avoir tout ce qu'il souhaite. Après tout, comment le prendre en sérieux quand deux hommes tiennent leur arme braquée sur eux et un gradé de la milice du cardinal de Gondi prêt à intervenir ?

— Monsieur d'Aldret et ses hommes garderont le duc de Valois cette nuit, tandis que je veillerai avec les miens sur le duc d'Anjou. Et si vous le souhaitez, madame, vous êtes libre de rejoindre vos appartements, ajouta-t-il en se tournant vers Adèle.

— Non, répondit-t-elle sans hésiter un instant en posant une main derrière l'épaule de Charles, je préfère rester avec Son Altesse.

L'homme du duc d'Orléans, qui ne voyait pas en quoi une femme qui semblait à quelques mois du terme de sa grossesse pourrait compromettre sa mission, accepta et leur ordonna de le guider aux appartements de Charles.

Celui-ci, par ailleurs, était envahi par la peur. Laisser Philippe avec ces hommes avait été très difficile pour lui qui, même s'il savait que son valet le protégerait à tout prix, avait tout de même l'impression de manquer à son devoir de frère. Et puis, qu'était-il arrivé à Louis et à leur mère ? Cette question lui brûlait les lèvres, mais il ne voulait pas se montrer fragile en la présence de tels traîtres. Le souffle irrégulier, il essayait de ne pas laisser les larmes le submerger. Mais il ne pouvait s'empêcher de penser à tout ce qui pourrait leur arriver si la reine avait réellement comme projet de les faire fuir encore une fois Paris. Louis perdrait-il sa couronne ? Seront-ils contraints à l'exil comme leur grand-mère le fut ? Ou peut-être pire ? En songeant à tout cela, son souffle se fit encore plus court. 

Et quand bien même, se dit-il, tout cela ne risque-t-il pas de nous arriver même si cette rumeur n'est que mensonge ? 

En remarquant à quel point le jeune prince était effrayé, son ancienne gouvernante prit sa main et la serra dans la sienne, alors que Gaston lui tapota l'épaule en essayant de l'encourager du regard.

— Bien, que faisons-nous, à présent ? demanda le valet lorsqu'ils furent tous entrés dans la chambre de duc d'Anjou.

— Rien de particulier, nous monterons simplement la garde dans la chambre jusqu'au lever du jour, répondit le frondeur.

—  Ne pouvez-vous pas faire cela à l'extérieur, et laisser son intimité à Son Altesse ? l'interrogea à son tour Adèle.

—  Nous ne sommes pas dupes, le duc d'Orléans nous a prévenu de l'existence de passages dérobés dans les appartements. Il est donc impossible de prendre de si grands risques.

Les lèvres plissées de ressentiment, la jeune femme retira la robe de chambre de son ancien protégé tandis que Gaston plaçait deux chaises de chaque côté du lit. Après que le garçon ne monte fébrilement dans son lit, elle s'approcha de lui.

— Ne craignez rien Votre Altesse, lui murmura-t-elle en lui caressant doucement ses cheveux, nous veillerons sur vous jusqu'à votre réveil, ils ne pourront rien vous faire. Tout ce que vous avez à faire, c'est vous reposer, d'accord ?

Charles acquiesça en silence, et s'allongea. Apaisé par la présence de son valet et d'Adèle, il n'était pas moins rempli d'un étrange mélange de colère et peur. Il prit une profonde inspiration en fermant les yeux pour essayer de ne pas perdre à nouveau le contrôle de sa respiration, il ne voulait pas laisser transparaître ses sentiments devant de telles personnes. D'ailleurs, comment dormir en sachant que des traîtres armés jusqu'aux dents le surveilleraient jusqu'au lendemain ? Quelques larmes roulèrent sur ses joues encore rebondies en essayant d'étouffer les sanglots qui naissaient dans sa gorge. C'était un aperçu de ce à quoi ressemblait l'enfer, le prince en était certain. A l'extérieur, les frondeurs qui n'étaient pas entrés dans le palais s'amusaient à chanter ces affreuses chansons contre Mazarin.

Va rendre compte au Vatican

De tes meubles mis à l'encan

Du vol de nos tapisseries

De celui de nos pierreries

De tes deux cents robes de chambre

De tes excès de musc et d'ambre

Du beau Palais de tes chevaux

D'être cause que tout se perde

De tes caleçon de merde !


⚜                 ⚜                ⚜

NDA :

Salut salut !

Pour ceux qui viennent de débarquer, je vous rassure de suite, je n'écris d'habitude pas des chapitres aussi long ! C'est juste que WEntraide, l'année dernière, m'a montré que les lecteurs n'arrivent souvent pas à comprendre qui est qui, donc sur les conseils de l'une de ces personnes j'ai écris ce chapitre pour que, je l'espère, vous compreniez mieux quel lien partagent Louis, Charles, Philippe et même Clémence. Et puis c'est aussi l'occasion de vous montrer aussi ce qu'est la Fronde grosso-modo (il y en a eu plusieurs alors je ferais pas un chapitre par Fronde xD), mais surtout pourquoi ça a autant marqué les trois frères. C'est pour ça que j'ai voulu écrire sur cette nuit du 9 au 10 février 1651, qui a été traumatisante pour Louis XIV et Philippe et donc est en grande partie responsable de la méfiance de ceux-ci et, pour le coup Charles, envers les nobles en général et envers certains personnages que vous risquez de croiser plus tard au fil des chapitres

Donc, du point de vue historique, j'ai un peu brodé parce que j'ai pas pu trouver des renseignements précis sur cet événement, mais en tout cas, c'est à cause de cette rumeur que des troupes du duc d'Orléans (sympa tonton...), du cardinal de Gondi et des Parisiens investissent le Grand-Palais pour s'assurer que la famille royale ne fuit pas Paris comme elle l'a fait en 1649 lors de la Fronde parlementaire, surtout qu'à ce moment-là, si Mazarin est à Saint-Germain-en-Laye. C'est pour ça que pendant un moment, la famille royale va être prisonnière du duc d'Orléans à partir de cette nuit-là

Pour la Mazarinade, la chanson contre Mazarin que j'ai mise en fin de chapitre, je l'ai pas inventé, je l'ai trouvé dans le premier tome de la biographie de Louis XIV par Max Gallo. Et faîtes moi confiance, il y en avait des tas, de ces Mazarinades ! Même que Paul Scarron, le premier mari de madame de Maintenon, en a écrit une 

Après bien sûr, les personnages de Gaston, Jacques et Adèle sont fictifs !

Ah oui, j'ai l'habitude de mettre des gifs en fin de chapitre mais j'ai pas réussi à en trouver pour celui-là alors en attendant, v'là un tableau sur la Fronde x)

J'espère que ça vous a plu, à la prochaine !

PS : Promis, plus jamais j'attendrais un an et demi pour publier un chapitre, même si j'avais des raisons que j'ai pas très envie de partager ici :3

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