
Chapitre 1 : L'envol
Cela doit faire maintenant dix minutes...ou peut-être vingt...voire plus - je n'ai plus la notion du temps tellement je suis heureuse -, que je saute partout et crie comme une dégénérée dans mon appartement, m'arrêtant de temps en temps pour relire encore et encore cette lettre. Je n'y crois toujours pas.
Il n'y a même pas six ans, j'obtenais mon Bac. Aujourd'hui (il y a environ trois mois), après un travail acharné et de nombreuses siestes non désirées à baver comme une limace sur mes thèses, j'ai obtenu mon diplôme d'archéologue tant rêvé et tant attendu. Et maintenant, voilà que mon plus grand rêve se réalise enfin :
- JE PARS EN GRÈCE !!
Je pense que les voisins ne vont pas tarder à rappliquer pour me rappeler que je ne suis pas seule dans cette immeuble, et surtout qu'ils n'ont pas besoin de connaître toute ma vie - car oui, je l'avoue, lorsque je suis heureuse (et là c'est le cas, même si c'est un euphémisme), je crie et saute comme un kangourou qui a le feu aux fesses -.
Et, effectivement, la sonnette retentit dans l'appartement.
Elle est bientôt rejointe par la voix criarde et montant très haut dans les aiguë, de ma tendre et chère voisine, m'interrompant ainsi, dans ma danse pathétique de la joie :
- Mad'moiselle Kostas ! J'vous rappelle qu'vous n'êtes pas seule dans c't immeuble et qu'vous êtes donc priée d'bien vouloir vous la fermer et d'ne plus nous déranger avec vos sauts d'mammouths et vos cris d'rat qu'on égorge - ce qui pour ma part ne me dérangerait vraiment pas - l'entendais-je chuchoter pour elle-même, qui doivent s'entendre à deux kilomèt'es à la ronde ! Si j'entends encore une fois dans la journée l'rat agonisant, attendez-vous à voir débarquer les flics d'vant vot'e porte !
Et, sur ces douces paroles, la mégère grincheuse quitte mon palier en poussant quelques injures fort sympathiques et très imaginatives, et rejoint son appartement en veillant bien à claquer sa porte et donner une bonne dizaine de coups de balais sur la cloison séparant nos deux habitats. Je n'ose même pas imaginer dans quel état ce pauvre mur doit être, et cela ne m'étonnerais pas de voir un jour apparaître un trou, ou pire encore - mais fort probable quand il s'agit de ma voisine - le mur s'effondrer.
***
J'arrive en trombe devant l'aéroport et me dirige vers les premières portes qui se présentent à moi. Ne ralentissant pas ma course, je fonce vers celle-ci... Et m'écrase comme crêpe contre la vitre. Sonnée, je tombe gracieusement sur les fesses.
Soudain, une voix me ramène sur Terre et m'interrompt dans ma transe :
- Mademoiselle ? Vous allez bien ?
Je tourne la tête à la manière d'un hibou, puis dirige mon regard vers le propriétaire de cette voix.
Et là... Grande décomposition faciale et neuronale : se tient devant moi, le plus grand beau gosse de toute la Terre. Sa chemise blanche à petits carreaux et son pantalon noir moulant laissent facilement imaginer un corps sculpté et bien entretenu comme un mannequin. Ses yeux d'un bleu profond et parsemé de petites étoiles grises autour de ses pupilles, font ressortir ses cheveux courts et châtains foncés ainsi que sa peau matte et lisse. Son sourire, doux et délicat, fait sortir ses petites fossettes sur ses joues.
Je crois que je suis littéralement en train de baver devant lui - devant cette septième merveille, devant la plus belle créature que la Terre n'est jamais portée - et je m'en aperçois en sentant une petite goutte d'eau couler le long de mon menton. La honte ! Je me retourne de lui et m'essuie précipitamment la bouche.
Je l'entends rire derrière moi. Mon Dieu Seigneur ce rire ! Le plus merveilleux qui soit !
Oh la vache ! Il faut absolument que je me reprenne ! Qu'est-ce qu'il me prend à baver comme un lama devant cet inconnu - soit dit en passant, un inconnu plutôt pas mal à mon goût... Léger euphémisme bien sûr - ?!
Remerciant brièvement le jeune homme - de quoi d'ailleurs ? Il ne m'a même pas aidé à me relever ! Peut-être de s'être montré et de m'avoir souligné une nouvelle fois que je suis une pauvre fille célibataire, qui bave devant le premier bel homme qu'elle croise... -, je me relève et entre dans le bâtiment, cette fois-ci en attendant que les portes s'ouvrent.
Et, c'est en attendant la voix de la gentille madame du micro, que je me rends compte que j'ai perdu énormément de temps, et que la porte d'embarquement pour mon vol, qui se situe bien sûr à l'autre bout de l'aéroport, ferme dans seulement un quart d'heure. Donc, piquant un sprint, je me dirige vers celle-ci, et arrive à bout de souffle et transpirant à grosses gouttes, juste avant que les hôtesses ne la ferme.
Huit minutes, trente-quatre secondes et vingt-six centièmes de seconde plus tard, me voilà enfin assise dans l'avion. J'ai de la chance car, premièrement, je suis à côté du hublot (heureusement d'ailleurs car sinon j'aurai passé le trajet entier à monopoliser les toilettes), et deuxièmement, je n'ai pas de voisin.
Cependant mon moment de répit et de soulagement se fait de courte durée car quelqu'un s'assoit à côté de moi. Pensant - et surtout rêvant - que ce soit l'homme de tout-à-l'heure, je me retourne et prépare ce que je vais dire...
- Comme on s'retro...
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, qu'on rot retenti devant mon nez. Horrifiée - et surtout dégoutée -, je détaille du regard mon voisin, et ce que je découvre est tout le contraire de ma septième merveille, et finit de m'achever : les muscles sont remplacés par un ventre bien rebondi, la chemise blanche à carreaux par un t-shirt ressemblant plus à un mouchoir usagé, le pantalon noir moulant par un bernuda kaki à poids rouges, les cheveux soyeux par des tiges blondes semblable à de la paille, et la cerise sur le gâteau (ce qui, ici, est le cas de le dire) des miettes de gâteau et autres restes non identifiables, s'accumulant dans sa barbe longue d'une dizaine de jours.
Je doit être maudite. Je dois avoir fait quelque chose de mal pour avoir mérité cela. Le destin doit s'acharner sur moi. Dites moi ce que j'ai fait de mal. J'ai crié trop fort dans mon appartement ? J'ai réveillé le chat du concierge ce matin ? J'ai tué plus de fourmis que je ne le dois ? J'aurai dû jeter les miettes de pain de ce midi par la fenêtre au lieu de les jeter à la poubelle ?
Dites moi ce que j'ai fait zut ! Et puis mince alors ! Même si j'avais fait tout cela, pourquoi me punir de cette manière ?!
Soudain, comme pour me rappeler où je suis, une main se pose sur mon épaule, me faisant sursauter et pousser un petit cri de surprise.
- Excusez-moi de vous avoir fait peur Mademoiselle. Je voulais vous demander si vous aviez une serviette en papier ou un mouchoir à me donner s'il-vous-plaît. C'est parce que j'ai fait tomb...
Je l'interrompt avant qu'il ne puisse continuer, et me raconter où, comment et qu'est-ce qu'il a fait tomber, et lui tends le mouchoir.
- Tenez.
Après lui avoir donné, je me tourne vers le hublot, dans le but d'oublier cet après-midi fort catastrophique, et penser à la mission tant rêvée qui m'attend à l'autre bout du continent européen.
Mes paupières sont de plus en plus lourdes, et malgré le bruit de mastication de mon cher voisin, je parviens à m'endormir.
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