Chapitre 39
‹ Magnus ›
Avec un certain soulagement, je constate qu'il n'est pas si tard lorsque j'ouvre les yeux. Alexander se réveille en me sentant bouger, il devait s'inquiéter de mon état d'hier. Lorsque nous aurons du temps, il faudra que je lise entièrement le livre de Qhara pour comprendre comment ils parvenaient à maîtriser leur magie avec autant de facilité sans se retrouver sur les rotules ensuite.
Avant que je parte pour rejoindre ma chambre, mon prince me raconte sa rencontre avec la Reine Noire. Il éclate de rire en me voyant rougir comme une pivoine. Embarrassé au possible, je m'enfuis presque de ses appartements. Je ne m'attendais pas à ce qu'il aille aussi loin, même si nous avions déjà décidé de jouer sur le fait qu'elle pense que mon prince abuse de son pouvoir sur moi. Si cela venait aux oreilles des parents d'Alexander, ce serait une catastrophe. Et Jace... Le pauvre, il en ferait sûrement une syncope.
Je me prépare au plus vite, laissant de côté ma magie, et enfile les vêtements usés de ma piteuse garde-robe. Je cache la tenue que m'a offerte Naexi, je la ressortirai plus tard. Pour le moment, nous devons cacher ce que nous avons appris sur mon identité.
Ce matin, Alexander doit aller prévenir sa famille que nous sommes rentrés, il m'a demandé de ne pas l'accompagner pour que sa mère ne me hurle pas dessus en découvrant les merveilleux dessins sur sa peau. Nul doute qu'elle m'en tiendra responsable. Ainsi, je me retrouve avec rien à faire, et je ne m'y suis toujours pas habitué. Il me semble que c'était plus facile à Hyolean, auprès de personnes qui ne me voient pas comme un serviteur et qui ne me regardent pas de travers parce que je ne fais aucune des tâches qui me sont normalement assignées. J'ai encore du mal à me dire que ça n'arrivera plus, mais Alexander ne permettra pas que l'on me donne encore des ordres, après tout, nous sommes mariés.
Je m'éclipse dans la bibliothèque durant près d'une heure et profite du fait qu'elle soit vide pour somnoler dans un fauteuil. Je crois que je n'ai pas encore complètement récupéré, ou bien c'est seulement l'ennui qui m'endort. Dans tous les cas, c'est une présence près de moi qui me réveille et je sursaute en découvrant une silhouette massive près de moi. Il porte l'uniforme de la garde de Valmore, mais je me rappelle de l'avertissement des deux mercenaires, il y a de forte chance que cet homme devant moi en soit un, également.
— J'ai un message pour toi, de la part de Sa Majesté, la reine Camille.
Il me tend un morceau de parchemin déchiré et, quand je le prends entre mes doigts, repart aussitôt. Étonné, je baisse les yeux sur le parchemin pour lire ce que m'écrit la reine. C'est un lieu et je comprends qu'elle désire que je m'y rende. Je l'avoue, aller la voir pour l'entendre me dire à quel point Alexander est mauvais ne m'enchante vraiment pas, mais je n'ai pas le choix.
Plutôt que de partir vers les jardins, comme me le demande la Reine Noire, je dois trouver mon prince pour le prévenir. Je l'imagine aisément dans le grand salon, c'est donc là que je vais. Arrivé devant la porte, j'entends sa voix de l'autre côté. Malheureusement, j'entends également celle de sa mère, m'empêchant d'entrer. Je pense à remonter dans ses appartements pour y laisser le papier, mais quand je fais demi-tour, je vois la princesse Clarissa qui arrive. Un sourire se glisse sur sa bouche quand elle me voit, ce qui me surprend un peu.
— Est-ce que tout va bien ? me demande-t-elle aussitôt.
— Oui. Oui, bien sûr, Votre Altesse. Je dois y aller...
Je m'incline légèrement devant elle, un peu par réflexe, et passe à côté d'elle. Elle me retient par le poignet.
— Tu es encore en congé ?
— Oui.
— Tu voulais voir Son Altesse Alexander ?
Je rougis et elle pouffe de rire. Décidément, je suis un livre ouvert. Je suis néanmoins mal à l'aise par la décontraction de la princesse, même si nos échanges se sont adoucis, c'est étrange. Ou alors c'est sa marâtre qui me rend paranoïaque. Je me mords la lèvre et lève les yeux une seconde.
— Puis-je vous demander un service ?
— Bien sûr, Magnus. Qu'y a-t-il ?
— Pouvez-vous lui dire que je me rends aux jardins ? Mais personne d'autre ne doit le savoir.
Son sourire amusé me fait comprendre qu'elle croit à un rendez-vous romantique et je ne la détrompe pas. Dès qu'elle accepte, je file tout en l'entendant rire à nouveau. Je me dirige promptement dans les jardins et commence à les arpenter à la recherche de la reine. Mais l'endroit est grand et elle ne s'est pas montrée précise, j'imagine qu'elle espère me surprendre... Et l'idée même me dérange.
Je finis par aller m'asseoir à l'endroit où l'on s'est parlés la dernière fois, je m'assois sur le même banc et attends. J'ai déjà dit que je n'aimais pas rester à ne rien faire ? L'attente me fait taper nerveusement du pied sur le sol, mais je remercie le soleil d'avoir décidé d'être présent pour me réchauffer. Comme souvent, je suis sorti sans me couvrir, mais cette fois je n'ose pas utiliser ma magie.
— Oh, tu es déjà là.
Je me tourne instantanément vers la douce voix de la Reine Noire et la vois s'approcher. Elle s'arrête devant moi et je ne sais pas où regarder. Je n'ose pas regarder ses yeux, pour des raisons évidentes, sauf que si je regarde simplement devant moi, c'est sur sa poitrine que je tombe et ça me met très, très mal à l'aise. Malgré l'hiver encore présent, elle porte une robe et un manteau très échancrés. Alors je fixe mes pieds, jusqu'à ce qu'elle se décide à s'asseoir à côté de moi. Tout près.
— Je n'étais pas certaine que tu viendrais, m'avoue-t-elle à voix basse. Après ce qui s'est passé la dernière fois, j'ai cru que tu ne voudrais plus me voir...
— J'ai... mal réagi.
— Non, non ! C'est moi qui me suis montrée trop entreprenante... Je me suis rendue compte, ensuite, que c'est déjà ce que doit faire ton maître. C'était déplacé de ma part.
Je me mords l'intérieur de la bouche et essaie de rester le plus neutre possible. Bien sûr que son comportement était déplacé ! Et cela n'a rien à voir avec ce qu'Alexander se permet ou non de faire. Mais qu'a-t-elle dans la tête ?
— D'ailleurs, c'est pour ça que je voulais te voir. Où étiez-vous partis depuis deux jours ? Je croyais que le roi t'avait offert du repos pour te remercier d'avoir sauvé son héritier ?
Cette fois, je n'arrive pas à m'empêcher de la regarder dans les yeux. Je suis surpris qu'elle se permette d'évoquer l'enlèvement de mon prince, dans la mesure où elle en est l'instigatrice. Elle soutient mon regard et son sourire s'agrandit, mais elle attend que je réponde.
— Son Altesse Alexander m'a demandé de l'accompagner dans une ville, au Sud. Il est mon maître, je ne pouvais pas refuser.
— Oh... C'est malheureux qu'il ne tienne même pas compte de ton avis.
— I-il le fait, ne puis-je m'empêcher de rétorquer.
— J'imagine qu'il parvient à te le faire croire. Mais, tu sais, je vous ai croisé hier soir... Quand il t'a ramené dans sa chambre.
Son sourire disparaît et elle tourne la tête pour regarder devant elle, je devine néanmoins le dégoût sur son visage. Ses poings se serrent, son corps entier se tend, et cela me donne envie de m'écarter d'elle, de partir, de fuir avant de l'entendre déverser son fiel.
— Tu te souviens de quelque chose, hier soir ? demande-t-elle.
— Non, avoué-je. Je me suis endormi en chemin et, quand je me suis réveillé...
— Tu étais dans son lit, n'est-ce pas ? Il m'a avoué qu'il allait abuser de toi. Il ne s'en cache même pas. Quel homme immonde. Oser s'en prendre à plus faible que lui... C'est comme ça qu'il a eu ma ravissante fille, tu le sais, non ?
Comme elle me regarde à nouveau, c'est moi qui détourne la tête.
— Oui, tu le sais, continue-t-elle. Même si, pour le peuple, le mariage a été décidé d'un commun accord pour la paix, ce n'est pas le cas. Je déteste devoir mentir pour le préserver... Mais je dois protéger Clarissa et il a compromis sa vertu, lui et son frère.
Je ferme les yeux pour ne pas les lever au ciel. Se rend-elle compte que sa voix ne porte aucune émotion ? Bien sûr, elle déteste Alexander, mais elle ne me fera pas croire qu'elle s'inquiète une seule seconde pour la princesse.
Sa main glisse soudain sur ma cuisse alors qu'elle se colle un peu plus à moi. Quand elle parle à nouveau, sa voix tremble et je sens qu'elle ne feint pas.
— Imaginer qu'il te fait subir ça, à toi aussi... Une créature céleste... T'imposer ces choses contre-nature... Cela me donne envie de vomir.
Une créature céleste ? Mais comment... ?
‹ Alexander ›
J'ai quitté Magnus trop tôt, ce matin. Ces deux derniers jours m'ont fait comprendre à quel point je peux être dépendant de sa présence. C'est maintenant que je réalise que nous avions toujours une main enlacée, un baiser furtif ou tout simplement un regard amoureux. Ce qui me réconforte, c'est que je vais le retrouver dès que j'aurai terminé mon entretien avec mes parents qui se sont empressés de me quérir dès qu'ils ont eu connaissance de mon retour.
J'arrive au salon familial. J'y aperçois déjà le prince Maxwell qui court autour de mes parents comme s'il essayait de s'envoler. Du peu que j'ai découvert, ce petit frère est très imaginatif. Il se prend probablement pour l'un de ces phénix que le ciel nous apporte régulièrement. Trop emporté par son jeu, il ne me voit pas et finit sa course dans mes jambes. Pas dérouté pour autant, il mime l'oiseau au moment où il s'enflamme en atteignant le soleil. Ses petits bras imitent le feu, puis il se laisse tomber au sol. Il est si jeune encore, inconscient de toutes les charges princières qui lui pèseront un jour sur les épaules. Je ris de son état, lui qui est maintenant couché au sol. La mignonnerie lui a été attribuée dès sa naissance et je soupçonne Natë de lui avoir aussi offert un caractère fort afin que notre mère ait de quoi s'occuper pendant encore des années.
Incapable de résister à cette bouille adorable, je me penche au-dessus de lui pour lui chatouiller les côtes. Aussitôt, il rigole et tente de s'échapper de mes bras, mais je suis trop rapide pour lui. Après quelques secondes d'amusement, je finis par le prendre dans mes bras pour ensuite me diriger vers mes parents qui sont presque ravis de mon intervention tellement Maxwell semble actif. Je me penche pour embrasser la joue de ma mère puis j'hoche la tête en direction du roi qui est occupé à lire quelques missives. Il laisse ses papiers de côté et se lève pour venir à ma rencontre. Entre-temps, je sens mon petit frère essayer de prendre la marque que j'ai au cou.
— Quel est donc ce symbole qui traverse ton cou ? me demande aussitôt mon père.
— Ce sont des représentations elfiques. Je les ai fait inscrire lors de mon passage dans le village natal de Magnus.
— Alors voilà donc où se trouvait mon fils, s'amuse mon père. Tu nous as laissés avec très peu de détails sur ta destination. Par contre, je m'attendais à ce que tu restes plus longtemps là-bas puisque ton valet a congé pour quelques jours encore.
— Très cher, s'indigne ma mère, vous ne pouvez pas conforter notre fils dans cette idée idiote de disparaître avec le domestique. Bien que nous soyons certain que le mariage d'Isabelle pourra facilement remplacer celui d'Alexander, notre fils deviendra roi, il se doit au moins d'épouser un homme noble. Que penseraient les autres royaumes s'il se mariait à un être maudit ; pauvre qui plus est ?
Il semble que maman a encore réussi à briser l'ambiance décontractée que nous avions. Elle n'a pas son pareil pour me mettre à bout. Tout ce qu'elle pense de mon mari est horrible. Il n'est pas un être démoniaque, bien au contraire, il a été béni par Natë lui-même. Si je ne tenais pas à faire mon effet de surprise en dévoilant le secret de la Reine Noire, je lui dirais immédiatement que Magnus a déjà pris la place à mes côtés.
Au lieu de cela, je me crispe, ce qui dérange Maxwell qui se tortille pour sortir de mes bras. Le petit glisse jusqu'au sol et recommence sa course effrénée autour du salon. Ma mère se rapproche de moi et inspecte mes marques avec attention.
— Je suis désespérée de tes folies spontanées. Un roi avec une tache au cou, cela ne fait pas digne de ton rang.
— Mais ai-je déjà été assez digne pour vous, mère ?
— Ne dis pas de sottises, c'est ce moins que rien qui te fait faire des absurdités. C'est lui qui n'est pas digne de toi.
— Magnus, parce que c'est son nom, est bien plus digne de recevoir mon amour que n'importe quel être sur ce continent. Un jour, je vous ferai mentir. En fait, non, c'est Magnus qui vous fera mentir. Et ce jour, quand il arrivera, vous en serez sans voix. Vous vous agenouillerez devant lui.
Ma mère étouffe un rire presque agressif. Évidemment, elle ne peut pas comprendre et je bous de tout lui raconter. Elle retourne à sa place précédente, peu impressionnée par ma tirade. Je sens que je vais tout lui dévoiler, mon amour mérite cette place à mes côtés. Le trône est à lui bien plus qu'il ne sera jamais à moi. Cette acceptation de mon époux, qu'elle rejette sans cesse, est difficile à avaler.
Je l'aime.
Je l'adore.
Je le vénère.
À force de penser à lui, mon cou se met à démanger. Au début, ce n'est que quelques picotements, mais plus je me l'imagine sur le trône, produisant sa magie bienfaitrice, plus ma marque s'active. Instinctivement, je gratte mon cou, me rappelant qu'il est quelque part dans ce château et loin de moi alors que je tente, pour je ne sais quelle raison, de faire changer ma mère d'idée. C'est puéril. De toute manière, elle n'y pourra rien. Nous sommes bel et bien mariés, qu'elle le veuille ou non.
Mon père est resté auprès de moi. Un regard compatissant suit une petite tape qu'il me donne sur l'épaule opposée à ma marque. Au moins, il y en a un des deux que je n'ai pas besoin de convaincre. Je viens pour le remercier de son soutien quand une tête rousse apparaît à l'entrée du salon.
— Bonjour Vos Majestés, commence Clarissa tout en faisant une petite révérence.
— Votre Altesse, répond mon père en me délaissant pour s'approcher de ma « fiancée ». Voyez qui nous retrouvons enfin. N'est-ce pas une belle journée, s'exclame-t-il joyeusement.
— En effet, la matinée est magnifique. Je venais proposer une balade dans les jardins à Son Altesse Alexander. Me permettez-vous de vous l'emprunter pour une heure ou deux ?
Cette fois, ce n'est pas le roi qui réplique, mais bien ma mère.
— Faites donc ce que bon vous semble. Peut-être trouverez-vous le moyen de lui redonner la raison. Pourriez-vous lui faire comprendre que son statut est bien plus important que ses sentiments ?
— Évidemment, affirme la princesse, je vais m'y employer avec le plus grand soin. Nous serons de retour pour le déjeuner.
La rousse me regarde de ses yeux brillants de malices. Je la trouve changée. Ce sourire qui orne son visage est lumineux, presque éblouissant. Cela est étrange de la voir aussi enjouée. Que cache-t-elle derrière ce minois resplendissant ? Sans rien dire de plus, elle faufile son bras sous le mien et me tire vers la sortie, ne me laissant d'autre choix que de la suivre.
— Alors Alexander, avez-vous eu quelques rapprochements avec votre valet ? me demande-t-elle candidement au moment où nous nous retrouvons assez loin pour ne pas être entendus par mes parents.
— Je ne crois pas que c'est ce que mère vous a demandé, m'amusé-je de cette question si directe. Ne devez-vous pas tenter de me faire comprendre que vous êtes le meilleur parti pour moi ?
— Nous savons tous les deux que, grâce à mon frère, nous serons bientôt délivrés de nos fiançailles. Aucun de nous deux ne désire cette union et maintenant que ma belle-mère a ce qu'elle veut avec Isabelle et Simon, elle nous laissera vivre en paix. Jusqu'à ce qu'elle trouve un moyen de me faire épouser bien pire que vous.
Pire que moi serait difficile. Depuis que nous sommes fiancés, je lui fais la vie dure. Bien sûr, nous nous sommes rapprochés dernièrement, mais pas au point d'être encore de grands amis. Mais une petite idée germe dans mon esprit qui, je l'espère, l'aidera peut-être à trouver l'amour, un vrai amour où les sentiments ne sont pas que des rêves inatteignables. Jace m'a si bien fait comprendre que je devrais me réjouir de l'avoir comme épouse, qu'il se serait dévoué à ce fardeau sans une once de regret. Il est temps de les attirer l'un vers l'autre.
— Vous savez, Clarissa, je suis quand même capable de déceler une beauté quand j'en vois une, même s'il s'agit d'une femme. Vous êtes magnifique et croyez-moi, vous faites tourner la tête à bien des gens. Regardez autour de vous, l'amour est toujours prêt à vous accueillir. Restez attentive à tous les gestes que les hommes posent envers vous. Vous pourriez découvrir une âme complètement éperdue de vous.
— Vous êtes gentil, mais la seule personne pour laquelle j'ai des sentiments ne semble pas se rendre compte de ma présence.
— Oh ! Alors votre coeur est déjà pris ? Pourriez-vous m'en dire plus ?
Elle hésite à tout me dévoiler. Évidemment, c'est compréhensible, surtout si l'homme en question ne la remarque même pas. Son air triste me tiraille le cœur. Pauvre petite, elle n'est décidément pas gâtée par la vie.
— Jamais je ne vous forcerais à m'avouer qui est l'objet de cette mélancolie, mais je vous avouerais que cela est bienfaiteur. Lorsque vous m'avez surpris avec Magnus, j'ai eu peur de votre réaction, mais après coup, cela nous a un peu rapprochés. Peut-être que vous libérer de ce fardeau vous serait bénéfique. Je vous promets que j'emporterai votre secret jusque dans ma tombe, s'il le faut.
— Je ne vous en demanderai pas autant, s'amuse-t-elle de ma dernière phrase. C'est très délicat car cela risque de vous rendre furieux.
— Ne me dites pas que vous êtes tombée amoureuse de Magnus ? m'exclamé-je dans un fou rire.
— S'il n'était pas déjà pris, j'y aurais peut-être songé, continue-t-elle de son sourire espiègle, mais vous savez bien que je n'oserais jamais me mettre entre vous et lui. Vous semblez très amoureux tous les deux. D'ailleurs, il m'a demandé de vous dire qu'il allait aux jardins. J'imagine que vous n'avez plus besoin de ma compagnie, maintenant.
La petite rousse penche la tête, incapable de cacher son trouble. Je ne peux pas la laisser ici sans au moins lui avoir remonté le moral. D'ailleurs, elle me doit encore une réponse.
— Un petit tour dans les jardins vous plairait-il ? Nous pourrions continuer cette conversation qui semble très importante pour vous.
— Ce serait avec grand plaisir, répond-elle spontanément.
— Alors, continué-je après un long silence. Il est comment cet homme si merveilleux qui a conquis votre cœur ?
– Cela fait plus d'un an que je me suis entiché de lui, mais c'était une histoire impossible car il se battait contre nous.
— Oh ! Alors il est l'un de nos braves soldats ?
— En quelque sorte, me dit-elle, songeuse.
Elle laisse planer ses paroles, puis elle prend un grand respire pour se donner du courage.
— Il s'agit du prince Jace, finit-elle par m'avouer si faiblement que je dois me pencher pour entendre les derniers mots.
Je ris intérieurement, mon frère n'a jamais eu le chic pour étendre ses sentiments au grand jour. Bien sûr, il était si malheureux que ce soit moi qui épouse Clarissa que son humeur ne devait pas être des plus agréables. Je comprends ma "fiancée" d'avoir interprété les signaux de détresse de Jace comme de la froideur. Il voulait probablement s'éloigner d'elle pour ne pas souffrir davantage.
— Peut-être n'est-il pas si inaccessible que cela. Parfois, mon frère est une vraie huître. Les épanchements n'ont jamais été son style. Je vous suggère de ne pas perdre espoir. Vous seriez surprise de ce qui se cache en dessous.
— Dès que le mariage de Simon avec votre sœur sera célébré, nous repartirons vers Valmore. Je suis certaine qu'il m'oubliera très vite.
— Mais pas vous...
— Non, je ne crois pas, avoue-t-elle ouvertement. Mon cœur bat si vite en sa présence, je suffoque presque quand il baise ma main. Il ne m'a jamais laissée seule quand vous étiez si enragé contre moi. C'est lui qui m'a permis de ne pas trop vous détester. Sa présence a toujours été un baume à ce mariage de raison que je maudissais chaque jour.
— Hé bien ! Je crois effectivement que votre cœur est pris. Ce midi, je prendrai la place à votre droite. Vous aurez tout le loisir d'être auprès de lui.
— Vraiment ? Vous m'offrez la chance de discuter avec lui ? Vous n'êtes pas fâché que je sois amoureuse de votre frère ?
— Pourquoi le serais-je ? Vous avez bien accepté mon amour pour Magnus alors que nous allions nous marier...
— Peut-être, mais ce n'était pas du tout pareil. Votre amour est si profond que vous n'auriez jamais apprécié ma présence.
Pauvre princesse, j'ai été si horrible avec elle. Je ne pourrai jamais assez me faire pardonner. Je me promets de tout faire pour les pousser l'un vers l'autre.
— Merci d'avoir fait ce sacrifice, mais il n'est plus d'actualité, maintenant. Je compte bien demander à votre père de dissoudre nos fiançailles.
— Évidemment !
Nous marchons encore un moment jusqu'à la fontaine que mon amour a si facilement fait revivre. Les crissements de nos pas sur la neige sont apaisants. Enfin, je vois la vie avec beaucoup plus d'espoir qu'il y a quelques jours.
— N'est-ce pas Magnus qui est assis auprès de ma belle-mère ? demande Clarissa en me sortant de ma rêverie.
Cette femme infâme a la main qui glisse sur la cuisse de mon époux. Il est mal à l'aise et ne semble pas savoir comment se défaire de son emprise. Le rouge me monte aux joues, furieux qu'elle recommence son petit manège.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro