Scène IV
La sensation des favoris contre sa peau était toujours étrange, Valjean rêvait de les arracher. Javert se tut, rendant le baiser avec la même violence.
« Viens ce soir, chez moi, murmura Valjean.
- Tu es fou ?, répondit Javert dans le même ton.
- Nous pouvons avoir un simple dîner puis un jeu d'échecs. C'est ce qui se fait entre amis ou collègues. »
Valjean se voulait pressant, serrant la femme dans ses bras, exigeant par ses baisers langoureux. Il sut qu'il avait vaincu les réticences de l'inspecteur lorsque Javert souffla :
« Et ta logeuse ?
- Aux petits soins de Cosette ! Elle sera heureuse de me savoir avec un ami ! Je suis un homme si seul.
- Est-ce raisonnable ?, reprit Javert, l'humeur assombrie. Il n'y a pas longtemps on se disputait, j'ai encore beaucoup de colère contre toi !
- Nous nous voyons pour faire la paix.
- Dîner, échecs, discussion... As-tu autre chose en tête Jean Valjean ? »
Entendre son nom dans la bouche de Javert lui faisait toujours de l'effet. Peur, désir, surprise... Difficile à démêler ! Il sourit sans répondre.
« Très bien, accepta Javert. Ce soir je vais venir chez toi !
- J'ai hâte ! »
Puis l'inspecteur reprit son rapport, ignorant la main tenant la sienne et la bouche glissant dans sa nuque.
Ensuite, Javert disparut de la mairie pour retourner à son poste.
Monsieur le maire géra le sien avec célérité. Il avait été absent sans prévenir alors il compensait. Enfin, lorsqu'il bâilla de fatigue, son secrétaire le renvoya chez lui sans ménagement.
Toute la ville avait été si inquiète pour son maire, il ne fallait pas qu'il s'épuise à la tâche. Mais cela arrangea Valjean. Le maire courut chez lui, il y trouva Cosette en compagnie de sa logeuse. La petite fille avait passé la journée à l'école et revenait de l'hôpital, où elle avait eu le droit de dîner avec sa mère.
En fait, elle attendait M. Madeleine pour lui souhaiter une bonne nuit et l'écouter lui raconter une histoire.
Cela arrangeait aussi Valjean, avec une petite pointe de culpabilité. La petite fille devait aller se coucher. L'enfant eut son baiser du soir, son histoire, puis elle se coucha, le sourire aux lèvres. Les terreurs nocturnes dues aux Thénardier étaient moins régulières. La petite Cosette était heureuse.
Demain, se promit M. Madeleine, il emmènerait lui-même Cosette à l'école !
Enfin seuls, M. Madeleine apprit à sa logeuse, Mme Delacour, la venue de l'inspecteur Javert pour le dîner. La pauvre femme gronda le maire de faire cela dans la précipitation. Si elle avait su avant, elle aurait cuisiné un coq au vin ou un lapin au cidre, là il allait falloir se contenter d'un peu de poulet avec quelques légumes.
M. Madeleine rassura la vieille femme. Cela suffirait avec une bouteille de vin.
Les deux hommes avaient à parler !
La logeuse se tut, songeant à la rumeur évoquant Arras, Javert avouant s'être trompé et une promesse de démissionner lancée avec conviction par le policier.
On frappa à la porte.
La logeuse s'y rendit et bientôt elle fit entrer Javert. L'inspecteur était toujours dans son uniforme, fatigué après une journée de travail. M. Madeleine se tourna vers la vieille femme et la congédia avec le sourire :
« Merci, madame Delacour, vous pouvez disposer de votre soirée !
- Merci, monsieur le maire, mais vous ne voulez pas que je vous serve ?
- Non merci, madame. Nous avons à parler l'inspecteur et moi-même.
- Bien, » conclut simplement la vieille femme.
Javert n'avait rien dit, il était resté droit et raide, au garde-à-vous, dans son uniforme impeccablement sanglé.
Dès que le bruit de la porte d'entrée retentit, il se permit un sourire, amusé, plein d'ironie.
« Nous avons à parler ?
- Oui, inspecteur.
- De quoi voulez-vous parler, monsieur le maire ?
- De toi... »
Un baiser. Monsieur le maire s'était rapproché de son chef de la police pour l'embrasser profondément. Les mains de Javert retrouvèrent naturellement leur place sur la nuque de Valjean. Incroyable comme ce geste devenait, en effet, naturel.
« De moi..., » poursuivit la voix déjà essoufflée de monsieur Madeleine.
Un autre baiser. Cette fois les hanches de Valjean s'avancèrent à la rencontre de celles de Javert, les rapprochant au plus près.
« De nous...
- Qu'y a-t-il à en dire ?, souffla le policier, moqueur.
- Il y a tout à en dire. »
Elle rit.
Car ce n'était plus lui, c'était elle !
Puis elle se mordit la lèvre lorsque la bouche de Valjean se perdit dans son cou, glissant sur l'oreille.
« Mais d'abord dînons ! »
Elle frémit, un peu perdue lorsqu'il la lâcha. Il avait toujours ce sourire suffisant, tellement masculin. Elle eut envie de le gifler tandis qu'il l'entraînait vers la table déjà prête. Valjean la servit, attentionné, lui faisant lever les yeux au ciel.
Mais une fois encore, l'inspecteur ne mangea quasiment rien. Le sourire disparut et M. Madeleine fronça les sourcils.
« Vous devez manger, inspecteur !
- M'obliger à manger n'appartient pas à votre juridiction, monsieur le maire. Ou allez-vous me citer des articles de loi ? »
Une remarque pleine de venin et des yeux étincelants, Valjean recula, douché.
« Non, aucun article de loi. Seulement une inquiétude légitime ! Tu dois manger !
- Je ne mange pas beaucoup, tu le sais, fit Javert, conciliant.
- Le café, le pain..., cela me suffit.
- Je vais devoir t'inviter chaque jour pour te forcer à manger correctement.
- Jean..., » dit-elle en souriant.
Il ne put s'en empêcher, Valjean tendit la main et captura les doigts de Javert. Et l'inspecteur eut un regard amusé.
La femme devait commencer à découvrir l'étendue du pouvoir qu'elle possédait sur cet homme.
Lentement, elle récupéra ses doigts de la poigne de Valjean. Puis elle sortit une fiole de la poche intérieure de son uniforme et, utilisant son mouchoir, elle versa quelques gouttes d'un liquide incolore sur le tissu.
Elle s'en frotta les joues et, tirant doucement, elle retira les favoris. Son sourire toujours en place, elle les enveloppa dans le mouchoir soigneusement et les glissa dans sa poche. Enfin, elle défit sa queue de cheval si austère et sa chevelure cascada sur ses épaules.
Toujours le même sourire !
Valjean abandonna le repas pour se jeter à ses genoux et capturer ses lèvres. Ses mains caressaient la peau douce des joues, un peu irritée par les favoris. Le baiser s'approfondit puis Valjean se releva, les yeux brillants de désir. Il tendit la main et murmura simplement :
« Viens !
- Où m'emmènes-tu ? »
« Dans mon lit, voulait hurler Valjean, dans ma chambre, dans mes bras... », il répondit doucement :
« Un dernier verre avant de nous quitter ?
- Très bien, » rétorqua la femme.
Car elle était une femme ! Ses yeux, sa bouche, ses mains... Elle pouvait mentir sur sa taille, sur sa carrure, sur sa voix..
Mais plus à Jean Valjean !
L'illusion de l'inspecteur Javert venait de disparaître !
M. Madeleine entraîna la femme en uniforme jusque dans sa bibliothèque. Une petite pièce chaleureuse, avec un feu crépitant et une table d'échecs...et un canapé sur lequel ils se laissèrent tomber.
Les bouches se retrouvèrent, les mains partirent découvrir le corps de l'autre, les caresses se faisaient plus audacieuses. Valjean força Javert à s'étendre sous sa carrure. La femme lutta un peu avant de s'abandonner. Elle se mit à gémir lorsque les lèvres de l'homme trouvèrent son cou, son oreille, suçant et mordant le pouls, le lobe...
Elle murmura le prénom du forçat lorsqu'une main trouva un sein et le caressa à-travers le tissu épais de l'uniforme.
« Jean...
- Reste cette nuit, » murmura Valjean, pressant.
Un peu étourdie, Javert mit du temps pour répondre.
« Ne sois pas ridicule ! Un inspecteur de police quittant la demeure de son supérieur au lever du jour ?! De quoi cela aura l'air ?
- Je te veux..., gémit Valjean, angoissé.
- La décence te permet encore une heure sourit la femme. Je ne suis pas bon aux échecs.
- Moi non plus... »
Un sourire partagé et les lèvres se retrouvèrent encore, les bouches s'ouvrirent et les langues dansèrent. Ils apprenaient, de mieux en mieux.
Javert gémit fort lorsque les mains de Valjean défirent son col de cuir, ouvrant chaque bouton de son uniforme, puis de sa chemise, pressées de toucher la peau.
La femme se crispa alors qu'eut lieu la première touche.
« Doucement, murmura Valjean. Calme-toi !
- Je n'ai jamais... Je... Dieu ! »
Valjean fut impressionné par le rouge intense qui colora la peau de la femme.
« Tu ne risques rien avec moi !
- Menteur, siffla-t-elle.
- Rien de ce que tu ne souhaites. Veux-tu que je m'éloigne ?
- Tais-toi ! »
Elle reprit ses lèvres, le forçant à s'approcher au plus près avec une prise vicieuse. Elle trembla alors que la bouche du forçat quittait la sienne pour descendre dans son cou, puis dans sa gorge, puis sur sa poitrine. Frustré à cause du bandage qui emprisonnait les seins, Valjean remonta au niveau de son visage.
« Retire-moi ça ! S'il te plaît !
- Tu vas être déçu...
- Pourquoi ? Tu me plais... Je te désire... Je veux te voir... »
Elle ne répondit pas, elle le repoussa fermement. Il s'éloigna, les yeux égarés. Désappointé.
D'un geste souple, elle retira sa veste d'uniforme pour la laisser tomber à terre, puis la chemise suivit le même chemin, tandis que Valjean l'aidait à la faire passer sur ses épaules.
Enfin, elle hésita.
Elle le regarda intensément et baissa les yeux, gênée. Il se rapprocha et caressa son visage, doucement.
« Tu n'es pas obligée...
- Pourquoi crois-tu que je ne t'ai pas dénoncé ?
- Veux-tu que je me déshabille aussi ? »
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