La renommée de Pygmalion n'était plus à refaire, c'était pourquoi la clientèle, nombreuse, lui faisait confiance. Cet après-midi là au marché il acheta pour cent femmes des offrandes destinées à Galatée. À son retour, il s'était rapidement réfugié auprès de son amour pour la combler de ses présents. Il entoura son cou fin, de coquillages, recouvrit ses poignées  de bracelets serties de pierres précieuses, décora sa chevelure de couronnes de lys et enfin déposa à ses pieds des larmes tombées du tronc des Héliades.

Sous cette nouvelle perspective sa moitié lui parut davantage vivante. Il devinait facilement qu'elle le remerciait de son sourire resplendissant. Pygmalion était heureux. Il la comblait de cadeaux chers et rares, elle le comblait de sa présence. Ainsi chaque jour, Pygmalion revenait du marché avec des cadeaux sélectionnés par ses soins. Un jour même qui l'avait vêtue de soie et d'autres étoffes rares, les vêtements avaient glissés et l'homme en avait conclu que nu elle était encore plus magnifique. Son âme de sculpteur était inexorablement fascinée par les courbes.

Ils auraient pû continuer ainsi dans cet inlassable échange d'amour mais Pygmalion éperdument épris s'inquiéta de ne pas assez la combler. Ses sentiments devenaient ceux de Galatée, jusqu'à ses inquiétudes. Galatée s'inquiétait-elle de ne pas être assez aimée ou d'être oubliée au fond de l'atelier, bientôt remplacée par une nouvelle œuvre de l'artiste ? Pour lui prouver sa fidélité, il la fit coucher sur des tapis duveteux. Il dormit sur le sol dur et froid auprès d'elle sans se plaindre du mal de dos, causé par le déplacement de l'objet.

L'homme se réveilla au contact d'un souffle sur ses lèvres. Il ouvrit les yeux pour examiner la statue qui n'avait pas bougée. Elle était toujours allongée à sa gauche, son visage à un centimètre. Le cœur de Pygmalion s'emporta aussitôt et ses joues s'enflamèrent. Le cœur brûlant, il tendit prudemment sa main vers elle. Il voulut s'assurer de trouver dans ses yeux un signe de consentement.

Un second souffle glissa dans son cou. Quelqu'un d'autre aurait conclu que la fenêtre était mal fermée cependant Pygmalion vit le signe d'un désir mutuelle. Alors il embrassa Galatée. Seules des lèvres figées dans le marbre glacé le répondit.

Pygmalion s'attristait de cette réalité mais ne flanchait pas. L'amour était sa force.
— Je t'aime, murmura-t-il.

Bientôt, le sculpteur cessa son activité pour se consacrer corps et âme à l'amour de sa vie. Il n'avait plus de temps pour la sociabilité et encore moins pour sa passion. Jour et nuit, il pensait à Galatée, à son confort. Il s'improvisa couturier et  confectionna pour elle de sublimes toges issues de ses tenues de réception. Il lui préparait des repas somptueux quitte à dépenser sans compter, réagenca sa chambre au confort omniprésent pour l'y accueillir convenablement.

Sa folie, - comme souligneraient des citadins qui auraient découvert son secret -, était-elle qu'il organisa une cérémonie de mariage dans plus grande discrétion. Sans surprise Galatée lui répondit positivement. Le soir, il la fit allonger sur leur lit et dormit.

Le lendemain de bonne heure tandis que Galatée dormait toujours, il s'était remis à façonner la pierre. Un nez émergea et bientôt à sa suite une longue toge, des cheveux bouclés et des pieds nus. Pygmalion regarda la sculpture, d'un air ravie. Il cacha le nouvel arrivant sous un drap blanc et alla chercher sa femme. Une fois bien installée sur les tapis douillets, Pygmalion dévoila l'inconnu : Un joli bambin aux joues pleines.

La mari prit la main figée de sa femme et les deux comtemplèrent leur progéniture.
— Notre fils, Galatée. Il s'appellera Paphos. Bien sûr, il faut attendre qu'il soit fini.

Le regard intriguant de Paphos fit trembler d'excitation son père.
— Mais je dois vous présenter aux voisins ! s'exclama t-il. Que vont-ils dire si nous sortons en ville sans jamais avoir été présentés ? Je vais organiser cela Galatée, tu ne dois pas t'en faire. Je te promets que lorsque notre fils sera prêt, il y aura du monde ici.

Chose dit, chose faite, Pygmalion invita plusieurs de ses amis et quelques connaissances à festoyer la venue de son enfant. Enfant dont ils étaient curieux de connaître l'heureuse mère…