L'attente était vraiment très longue. Heureusement, mon frère et mon père s'occupaient sur tous les jeux d'arcade disponibles, donc ils me laissaient tranquille. Je dois admettre que j'étais quand même un peu déçu de ne pas participer, mais j'étais bien trop fatigué physiquement et mentalement pour faire un Lasergame avec eux. Je voulais vraiment juste retourner à l'hôtel et dormir, et retourner dans le jacuzzi demain pour une double dose de détente.

Après quelques minutes (ou plutôt, beaucoup de minutes), un employé entra dans la salle avec un carton jaune en main et annonça en espagnol, puis en anglais :

- Début de la partie jaune dans cinq minutes, veuillez me suivre pour le briefing !

Mon frère, mon père et Annie sortirent une carte jaune de leur poche, que je ne les avais même pas vu ranger. Alors qu'ils s'approchaient de l'employé, mon père me dit :

- Bon, tu veux de l'argent pour te prendre un truc à boire ou quelque chose ?

- Ça dépend, j'ai le droit de prendre de l'alcool ? Répondis-je avec un sourire en coin.

- Tant que je dois pas te ramener avec un treuil, tu peux.

Il me donna un billet de cinq-cents pesos, soit à peu près 20 euros pour me prendre quelque chose au bar. Je sais que je suis mineur et que je ne devrais pas avoir le droit de boire de l'alcool, mais mon père me fait confiance et tout le monde trouve que j'ai l'air d'être majeur, donc j'en profite. Je me rendis au bar et demandai un verre de rhum ambré, qui m'a quand même coûté un peu moins de quatre cents Pesos. Il arriva en moins d'une minute, et pour cause, il n'y avait personne d'autre à servir au bar. Je remerciai le serveur et pris le verre en main. La boisson avait un parfum doux et brillait très agréablement sous les lampes orangées, à tel point que je me croyais presque en pleine révolution industrielle dans le décor. Je bus une gorgée de la boisson. Son parfum et sa chaleur me rappelaient Nikki. Je ne lui avais pas parlé depuis la veille et elle me manquait, même si je savais qu'elle n'était plus vraiment la Nikki douce et tendre qui me plaisait tant.

Je décidai de lui envoyer un message, juste pour prendre de ses nouvelles. Je lui écris un simple "Salut, comment tu vas?" sans plus de détails, parce que je ne savais plus vraiment quoi faire de plus. Je rangeai mon portable et repris mon verre en main, regardant mon reflet dans la surface. J'avais l'air assez normal, mais je voyais dans mon propre regard un mélange de tristesse et d'incompréhension qui semblait hurler "au secours". C'était assez déconcertant de se voir dans un tel état qu'on a ni vu, ni ressenti auparavant. Un sentiment de mal-être m'envahissait petit à petit et commençait à se faire remarquer. Je savais que j'étais triste par rapport à ce qui s'était passé avec Nikki, mais cette tristesse semblait s'insinuer dans la moindre fente de mon corps comme du ciment froid.

Après quelques minutes passées à contempler mon verre, je sentis une vibration dans ma poche. Je sortis hâtivement et maladroitement mon portable, manquant de le faire tomber, et vis dans un mélange de bonheur, de tristesse et de peur une réponse de Nikki. 

"Aussi bien qu'une sorcière peut aller."

Je lui répondis un peu sarcastiquement :

"Je suis pas sûr de savoir si c'est bien ou pas"

"Tu sais exactement ce que ça veut dire."

Elle mettait des points à ses phrases. J'avais l'impression qu'elle ne ressentait rien, comme si elle était morte mais qu'elle pouvait encore parler.

"Ça te dérange si on se voit un de ces jours?"

"Ça a à voir avec ta quête à la con?"

Coup dur.

"En partie, oui"

"Alors pourquoi pas, mais t'as pas intérêt à faire comme si on était ensemble pour te donner du courage ou je sais pas quoi."

"C'était pas prévu, je suis pas stupide à ce point"

Tout ce que je voulais, c'était la revoir. Dans tout mon désespoir, je me plaisais à croire que j'allais lui arracher un sourire, un simple sourire bref et involontaire, mais chaleureux et agréable comme un pré ensoleillé.

"Tu veux qu'on se retrouve où et quand?"

"La piscine de l'hôtel est ouverte au public si tu veux"

"Non, clairement pas."

Au moins c'était sincère.

"Je propose devant la Plaza Grecas."

C'était à 10 minutes à pied de mon hôtel.

"Ça me va, demain aprem?"

"Ça marche."

"À demain!"

Elle ne répondit pas. Elle était très froide, même par message, et cela ne me faisait pas me sentir mieux.

Je levai mon verre pour reprendre une gorgée de rhum, mais remarquai avec surprise et un peu de déception que mon verre était déjà vide. J'avais fini mon verre plus vite que prévu, et sans m'en rendre compte. Je me sentais misérable, comme tous ces gens qui noient leur tristesse dans l'alcool. Je laissai mon verre sur le comptoir et retournai me coucher dans le canapé dans la salle de jeux.

Je me rendis compte que j'avais transpiré. Mon front était humide et brûlant et mon t-shirt collait à mon dos. Ma simple discussion avec Nikki m'avait fait stresser d'une manière assez inattendue. Je m'installai sur le canapé et, contre toute attente, m'endormis presque instantanément.

Je fis une sorte de rêve assez étrange. Le rêve en lui même était normal, je me baladais en ville avec ma famille, tout se passait bien. Cependant, je voyais assez régulièrement un homme me regarder de loin, debout, droit comme un lampadaire. Au début, il était trop loin pour le reconnaître, mais il semblait se rapprocher au fil du rêve. Je finis éventuellement par l'identifier grâce à ses cheveux mi-longs, bruns grisonnants ; c'était Damien Anquetil. Il me regardait fixement, sans sentiment particulier, ce qui était assez troublant. Il finit par s'approcher assez pour que je remarque qu'il semblait dire quelque chose en silence, et même qu'il répétait la même phrase en boucle. Après de longues minutes à déchiffrer les mouvements de ses lèvres, je compris ce qu'il essayait de dire.

"Appelle-moi."

Au moment où je compris ce qu'il disait, je me mis à entendre des dizaines, des centaines de voix me répéter cette même phrase.

"Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi."

J'avais l'impression d'être fou. Les voix se faisaient de plus en plus fortes.

"Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi."

Le bruit qu'elles faisaient étaient insupportable. Je me sentais comme projeté au milieu du dernier cercle de l'enfer.

"Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi. Appelle-moi."

C'est alors que je me réveillai. Je ne savais pas si j'étais plus terrifié, perturbé ou fatigué, ou les trois en même temps. Ce qui était certain était que j'avais comme une intuition qui me disait d'appeler Damien. Je regardai l'heure ; il était 18h33 ; j'avais dormi à peine vignt minutes, et ma famille devait déjà avoir commencé leur deuxième partie de Lasergame. Je décidai, contre toute attente, d'appeler Damien. Je sortis mon portable, et malgré le peu d'espoir qui me restait, je fus déçu de ne pas voir de message de Nikki. J'appelai donc Damien, qui répondit après quelques secondes d'attente.

- Bonjour Jonathan ! Comment tu vas?

- Bonjour Damien ! Bah écoutez, rien de spécial, même si les journées sont difficiles en ce moment. Est ce que je vous dérange?

- Absolument pas, j'étais en pleine pause café. Je crois bien que j'ai jamais goûté un café aussi bon que le café artisanal mexicain. Sors d'ici.

- Pardon?

- Comment ça?

- Vous avez dit quelque chose?

- Absolument pas, je ne parle à personne d'autre qu'à toi. Sors d'ici.

J'étais perturbé.

- J'ai l'impression de vous entendre dire quelque chose.

- Je ne vois pas de quoi tu parle. Sors d'ici.

J'avais surtout l'impression qu'il se moquait de moi.

- Attendez une minute, je suis dans un bâtiment. Je vais sortir.

- Prends ton temps.

Je posai mon portable et me redressai afin de me relever. Soudain, j'entendis la voix de Damien.

"Sors d'ici."

Mon cœur s'arrêta un instant. Je ne pouvais pas entendre la voix de Damien puisque j'avais posé mon portable ; la voix venait de ma tête. Je me levai hâtivement et attrapai mon portable, avant de sortir en courant. Une fois dehors, je repris mon portable et demandai à Damien :

- J'ai comme l'impression que vous avez quelque chose à me dire.

- Je vois pas du tout de quoi tu parles. Tu peux m'éclairer?

J'avais peur qu'il me prenne pour un fou, mais tant pis. J'étais sûr de moi.

- Je vous entends me donner des ordres dans ma tête.

- Oh, je vois. Je vais t'en donner un autre : regarde sur ta gauche.

Je jetai un coup d'œil sur ma droite.

- Mauvaise pioche, ça c'est la droite.

Je jetai un coup d'œil sur ma gauche. Damien était adossé contre le mur, à une vingtaine de mètres de moi et son portable à l'oreille. Il rangea son portable et me lança :

- Salut, je t'ai manqué ?

Je courus vers lui et arrivai devant lui, le cœur battant.

- Expliquez-moi.

- Quoi donc?

- Comment vous faites pour parler dans ma tête ?

- Réfléchis un peu, je sais que tu le sais.

Je réfléchis quelques instants. Je me rappelai de quelque chose.

- Ce dont Nikki m'a parlé ?

- T'es sur la bonne voie.

- Elle m'a dit que des gens avaient le pouvoir de mentalisme ou un truc comme ça. C'est ce que vous faites ?

- Alors pas exactement du mentalisme, mais on peut le résumer comme ça.

- Donc vous faites ce machin d'énergie?

- Certains appellent ça de l'exénergie ou de l'énergomancie, personne a vraiment donné un nom à ça. Dans l'histoire, on appelait ça "l'exaltation" et les utilisateurs les "exaltés", parce qu'ils étaient considérés comme les envoyés des dieux. C'est comme ça que j'appelle ça, en tout cas. On devrait pas parler de ça là, je t'emmène dans mon bureau si tu veux.

- Et ma famille ?

- Je leur ferai croire que t'es avec eux, t'inquiète pas.

- Comment ?

- Oh mais arrête d'être aussi pressé, tu le découvriras bien assez tôt. Allez, ramène toi, je t'emmène.

Je sais que c'est suspect quand quelqu'un vous emmène chez lui, mais j'étais confiant en ces capacités de combat que j'avais découvert au cours de la journée. Il n'est que capable de télékinésie, c'est pas en parlant dans ma tête qu'il me fera du mal. Et puis de toute façon, je faisais confiance à Damien, donc je le suivis jusqu'à sa voiture. C'était une sorte de vieille voiture, une Dodge Charger 2032, un modèle rare. J'entrai du côté passager, et il s'assit au volant et démarra. Nous sommes alors partis dans le doux bruit du moteur ancien. Le voyage dura de longues minutes, et se passa presque entièrement en silence. J'avais le sentiment que certaines réponses m'attendraient là-bas.

Nous arrivâmes enfin chez Damien, dans un coin reculé de Nuevo Casas Grandes. Nous sommes descendus de la voiture pour faire face à une petite maison à l'apparence assez moderne, mais dans un style montagnard et boisé très agréable. Il marcha jusqu'à la porte et posa sa main sur la poignée en plaçant son pouce sur la serrure ; la porte émit un faible claquement mécanique avant de s'ouvrir. Damien me fit signe d'entrer.

- Fais comme chez toi. Si tout se passe bien, tu devrais passer un peu de temps ici. Je te laisse explorer, retrouve moi dans mon bureau.

Autant cet ordre était étrange, autant j'étais curieux de voir sa maison. J'enlevai mes chaussures et ma veste et marchai dans les salles de la maison. Tout était en bois ciré, comme ce qu'on imaginerait d'une maison de détective. La maison était sur deux étages, avec au rez-de-chaussée une grande cuisine et le bureau, au premier étage la salle de bains, les toilettes et deux chambres et une sorte de balcon intérieur qui donnait sur un grand salon au plafond haut. J'avais vraiment l'impression de me retrouver dans un chalet.

Après quelques minutes de découverte, je me rendis dans le bureau où Damien m'attendait sur son ordinateur. Il leva les yeux et me lança :

- Ah, t'es là. On va commencer par les bases.

- Les bases de quoi ?

- Par les bases de l'exaltation. Est ce que Nikki t'a dit ce que c'était en détail?

- Elle m'a dit que c'était le détournement de l'énergie environnante et qu'il y en avait 6 types, et qu'elle est une Epsilon.

- C'est la base de la base. Le principe, c'est que certaines personnes sont capables de percevoir l'énergie qui les entoure et de l'utiliser, de la reformer et de la réutiliser autrement dès lors qu'ils touchent ce qu'ils veulent contrôler. Par exemple, moi, je suis un type Alpha. On peut résumer ça par de la télékinésie ou du mentalisme, mais c'est un peu plus complexe. Je suis capable d'analyser, de comprendre et de modifier les potentiels d'action de tes neurones de manière à lire dans tes pensées ou à te faire avoir des hallucinations, que ce soit visuelles, auditives, olfactives ou autres.

- Donc vous pouvez me faire sentir une fausse douleur aussi ?

- Oui, totalement. Je peux copier tout ce qui relève d'un sens, et les Alphas les plus talentueux peuvent même directement exercer un contrôle mental sur leur cible. Je te rassure, c'est pas mon cas.

Finalement, il aurait probablement pu me faire du mal si il le voulait. Je n'avais pas pensé à ça.

- Je vois, c'est pas exactement comme je l'imaginais.

- Je pense bien. Bon, on va continuer. On a le niveau Bêta, qui est capable d'exciter ou de désexciter les électrons en contact avec sa peau. Ça permet de créer de la chaleur ou du froid, mais l'exalté doit compenser en refroidissant ou en réchauffant sa main pour ne pas se brûler ou se geler. On a le niveau Gamma, qui est la capacité de contrôle biologique. Cette catégorie est assez spéciale parce que c'est la seule avec la classe Alpha qui n'a pas d'embranchements inter-catégorie, mais je reviendrai dessus plus tard. Donc la classe Gamma permet de catalyser ou d'inhiber l'énergie contenue dans les atomes qui composent la matière organique, et donc d'accélérer ou de ralentir la régénération cellulaire, la cicatrisation d'une plaie, mais aussi d'affaiblir ou de renforcer le système immunitaire pour rendre plus ou moins sensible aux maladies. On suppose même que Jésus aurait pu être lui-même un Gamma et que c'est de là que viennent les miracles.

- Je vois, c'est comme ça que Nikki a soigné ma jambe.

- Probablement, même si je suis pas allé voir ce qu'il s'est passé dans ta tête. Enfin bref, le niveau suivant est le Delta. Celui-ci permet de contrôler la matière, par exemple de créer des objets à partir de rien.

- Attendez, vous avez dit que pour utiliser l'exaltation, il fallait toucher l'objet qu'on veut contrôler, mais Nikki a créé une lance à partir de terre sans la toucher.

- C'est une technique très complexe qui consiste à créer une chaîne d'atomes ou de particules présentes dans l'air pour l'attacher à un autre objet. Ces chaînes sont invisibles et peuvent êtres très résistantes si l'utilisateur concentre de l'énergie dedans, au point de pouvoir même bouger des arbres ou des rochers. Ça veut dire que ton amie Nikki est très talentueuse, et probablement très dangereuse aussi.

- Je pense pas qu'elle soit dangereuse.

- On verra. Enfin bref, niveau suivant, le Epsilon. Celui là est pas compliqué parce que c'est juste un Delta qui a appris à légèrement détourner son utilisation de l'énergie pour l'utiliser comme un Gamma. Mais la dernière catégorie, la Oméga, celle là est très dangereuse. La plupart des héros antiques connus sont des Omégas, parce que oui, certains ont existé. Ils sont capables de contrôler et de convertir n'importe quelle énergie en n'importe quelle énergie, et ça les rend incroyablement puissants. Les Omégas sont considérés comme des demi-dieux. En Thaïlande, au troisième siècle, il y a eu une "chasse aux Omégas" par les soldats de l'armée commandés par le royaume, tous des non-exaltés ayant eu peur des Omégas. Les premier Omégas étaient assassinés, mais un petit groupe de mercenaires exaltés s'est formé avec les Omégas en première ligne. Ils étaient environ une vingtaine, et ont massacré des milliers de soldats d'élite du royaume. Leur puissance est surhumaine.

- Il faut donc qu'ils s'éteignent ?

- Non, il faut les former pour qu'ils fassent le bien.

- Mais comment vous savez tout ça ?

- Il y a des siècles, un groupe de treize exaltés qu'on appelle les Anciens a formé une sous-société. Leur but était de faire prospérer la maîtrise de l'exaltation au fil des siècles, et ils ont pour cela fait en sorte d'avoir chacun un maximum de descendants, et surtout au moins un de chaque type d'exaltation, au point que certains se retrouvaient avec des dizaines d'enfants. Ils décidèrent d'enseigner au premier Alpha de la famille tout ce qu'ils savaient sur l'exaltation, qui étaient alors chargés de former les autres exaltés qu'ils rencontraient, y compris ceux de leur famille. C'est beaucoup plus simple en tant qu'Alpha grâce à la possibilité de projeter des pensées dans les esprits des autres. Cela a pour but de transmettre la bonne voie de l'exaltation entre les générations pour construire une sous-société pacifique et donc d'avoir un avantage considérable lors d'une crise grave et d'assurer la protection de l'humanité dans un scénario de fin du monde. C'est pour ça qu'on ne parle pas de secte, vu que ça a une connotation négative. Je suis le premier Alpha de ma famille, je suis de la trente-sixième génération depuis les Anciens, et j'ai moi même douze frères et sœurs.

- Et donc pourquoi vous êtes venu me chercher moi ?

- J'ai de fortes raisons de penser que tu es un exalté, et en tant que premier Alpha, je dois découvrir si tu as des capacités et te former si tu en as.

- Et comment on fait pour savoir si j'en ai ?

- Soit tu les as déjà développé et tu peux déjà les utiliser, soit je dois forcer ton cerveau à passer en mode repos et le surcharger pour débloquer tes capacités. Ça sera pas dangereux mais pas agréable non plus, mais j'imagine que tu n'as rien vécu de similaire à ce que je t'ai raconté, donc pour l'instant c'est le seul moyen.

- En effet, même si j'ai déjà vécu des trucs bizarres.

- Donc si tu es d'accord, je vais mettre ton cerveau au repos et le surcharger.

- Qu'est ce qui va se passer pendant qu'il sera en mode repos ?

- Ça sera un peu comme si tu dormais, sauf que tu ne feras pas de rêve. Tu te sentiras comme dans le néant, et d'un coup tous tes sens vont percevoir des centaines de stimulus extrêmement puissants en un seul coup. C'est moi qui serai en train de surcharger tes sens, et ça durera jusqu'à ce que j'aie une réaction.

- Quel genre de réaction on peut avoir ?

- Un non-exalté se réveillera tout simplement et aura mal à la tête. Après, la réaction dépend du type d'exalté, par exemple un Alpha peut me faire subir le même type d'attaque mentale en retour. C'est très varié en fonction de la catégorie, mais je peux le reconnaître assez facilement.

- Je vois.

Je n'étais pas spécialement rassuré, mais puisque ce n'était pas dangereux, autant faire le test.

- Tu veux le faire maintenant ?

- Pourquoi pas, oui.

- On va aller dans le salon pour que tu puisse te coucher sur le canapé.

Nous nous rendîmes donc au salon. Damien me fit signe de m'installer sur le long canapé gris, ce que je fis aussitôt.

- Mets ta tête près du bord.

Je m'allongeai, la tête sur l'accoudoir.

- Tu es prêt ?

- Ouais, prêt à en découdre, lui répondis-je en levant mon pouce.

- Prépare toi.

Il posa ses doigts de sur ma tête, de manière symétrique. D'un coup, je me sentis disparaître. Je ne voyais rien, pas même du noir, je n'entendais rien, pas même le silence, je ne sentais plus rien, pas même l'air. J'étais comme une particule solitaire au milieu d'un néant infini. Ceci dura quelques instants, qui me semblèrent être plusieurs minutes, même si je n'étais pas sûr que mes estimations du temps étaient correctes dans cet état. Puis soudain, des centaines d'images, de sons, d'odeurs, de sensations apparurent et me martelèrent. J'avais l'impression que chaque atome de mon corps était en train de grésiller. Tout se mélangeait, comme si tous mes sens m'envoyaient un bruit blanc en même temps. Douleur insoutenable, bonheur total, chaleur infernale, bien-être profond, froid glacial, nostalgie douce envahissaient mes entrailles et déchiraient mes organes. Ce calvaire semblait durer si longtemps que je pensais être sur le point de mourir.

Soudain, je me réveillai en sursaut. Je ne transpirai pas, mon cœur battait normalement, tout semblait normal. Il me paraissait ironique que le sommeil dans lequel j'étais tombé le plus étrangement soit aussi celui dont le réveil fut le plus normal. Je fus tiré de mes songes par un bruit fracassant derrière moi. Je me retournai et vis Damien, à moitié encastré dans une bibliothèque, des meubles et des décoration renversés tout autour de lui. Je me levai et lui dit hâtivement :

- Damien ! Vous allez bien?

Il leva la tête vers moi, l'air surpris et déconcerté. Il était décoiffé, son visage était couvert de fines traces de suie et il saignait du nez. Il me regarda droit dans les yeux, et après quelques instants, il me dit sur un ton mélangeant ironie, surprise et peur :

- Tu es un sorcier, Johnny.

- Très drôle, la référence.

- Et pas n'importe quel sorcier. T'es un putain d'Oméga.