- 6 : Un chat qui passait par là -
Un petit chat noir se glissait silencieusement dans les couloirs. Ses pattes de velours effleuraient à peine le sol, et le bout de sa queue ondulait au rythme de ses pas. Comment s'était-il retrouvé là ? Ce n'était pas la question. Il y était, voilà tout.
Soudain, le matou se stoppa net. Il venait de percevoir des pas qui venaient dans sa direction. Rapidement, deux grandes créatures bipèdes surgirent au bout du couloir peu éclairé.
« Fous moi la paix, tête de cheval ! Et par pitié, arrête de me suivre !
- Mais c'est toi qui vas dans la même direction que moi ! Je vais quand même pas attendre que tu t'en ailles pour passer ! »
Mais dès qu'ils virent l'animal, les deux garçons arrêtèrent de se disputer.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Eren, surprit.
- Un chat, je pense que ça se devine assez facilement. Tu es stupide à ce point ?
- Je te demande pas ce que c'est, je te demande ce qu'il fait là !
- C'est pourtant pas l'impression que j'ai eue. Tu m'as dit textuellement...
- Jean, par pitié, cesse un peu d'être con, au moins une fois de temps en temps... » fit Eren en posant ses mains sur ses tempes, comme en proie à un terrible mal de tête.
Puis, reportant son attention sur le chat, il fit un pas en avant vers lui, prudemment, et celui-ci recula. Eren s'accroupit et tendit sa main en avant en appelant d'un ton qui se voulait rassurant : « Petit petit... Viens par ici, le chat... »
L'animal ne bougea pas d'un pouce, se contentant de le regarder d'un air méfiant.
« Ah ah, tu vois, même lui il a compris qu'il fallait pas t'approcher, s'exclama Jean.
- Appâte le toi-même, si t'es si malin ! riposta Eren.
- Chiche ! Je suis sûr qu'il va foncer dans mes bras ! Surveille-le, je reviens dans un instant ! »
Là-dessus, Jean s'esquiva à toute vitesse et Eren resta accroupi, les cuisses commençant à tirer douloureusement, tout en tentant encore de faire venir le chat qui ne lui prêtait plus aucune attention. Jean revint au bout de quelques minutes. Le chat ignorait toujours royalement Eren et avait entrepris de faire sa toilette, lustrant son poitrail d'un blanc éclatant.
« Ah, t'en as mis, du temps ! Je me suis demandé si tu n'étais pas parti pour de bon en me laissant poireauter là, juste par mesquinerie.
- J'avoue que j'y ai pensé, répondit Jean. Maintenant, pousse-toi et laisse faire l'expert. »
Eren se releva, les jambes un peu engourdies, et Jean prit sa place. Mais, au lieu de se contenter d'appeler le chat, il agita un morceau de viande séché dans sa main. Le chat interrompit sa toilette et leva son museau vers lui, curieux. Il eut l'air d'hésiter un peu, puis, prudemment, se rapprocha de Jean. Celui-ci déchira un morceau de viande et le posa par terre, puis recula de quelques pas. Le chat s'avança vers la viande, la renifla, et en commença à la mordiller avec gourmandise. Quand il eut fini le petit morceau, il releva son museau noir et flaira l'air. La gourmandise prenait le pas sur la méfiance. Jean agita ce qui restait de la viande, et le chat vint de nouveau vers lui, cette fois-ci pour manger directement dans sa main. Il conclut son repas en reniflant la main du jeune homme et en lui léchant le bout des doigts. Jean avait gagné la partie. Il passa la main sur la tête du chat et celui-ci se mit à ronronner. Le garçon jeta un regard triomphant à Eren.
« Quelle brave bête...
- C'est vrai, t'as gagné, bien joué, gronda sourdement Eren. Je peux le caresser ?
- Ca dépendra de lui, s'il se laisse faire. Mais ne le fais pas fuir, hein ? »
Eren se baissa et tendit sa main vers le chat. Une fois encore, celui-ci le renifla consciencieusement avant d'accepter de se laisser câliner.
« Trop mignon...
- Et si on le montrait aux autres ?
- Je ne sais pas s'il se laissera prendre.
- On n'a qu'à essayer, il n'a pas l'air très farouche. »
Jean souleva de terre le chat. Il miaula pour protester, mais ne se débattit pas et se laissa docilement porter. Ils se dirigèrent vers la pièce où les recrues avaient l'habitude de discuter. Armin et Mikasa s'y trouvaient. Ils se tournèrent vers eux d'un air intéressé quand ils entrèrent, et les yeux d'Armin s'illuminèrent quand il vit le petit chat.
« Un chat ! Vous l'avez trouvé où ?
- Dans un couloir, on sait pas d'où il vient.
- Est-ce que je peux le caresser ?
- Oui, bien sûr ! »
Armin et Mikasa, sous l'effet de l'attraction que les chats ont presque immanquablement sur les humains, se mirent à leur tour à le tripatouiller, enfouissant leurs doigts dans le pelage brillant du petit chat. Celui-ci n'eut pas l'air d'apprécier beaucoup. Il plissa ses yeux bleus jusqu'à ce qu'ils soient réduits à deux fentes, puis, lorsqu'il en eut vraiment assez, il poussa un « Miaaarh ! » bruyant à l'intonation furieuse. Surpris, Jean le lâcha et il sauta lestement à terre, tournant sur lui-même pour envoyer des regards courroucés aux quatre recrues.
Au même moment, Sasha et Connie entrèrent. « Salut, tout le monde ! Qu'est-ce que vous... Oh, un chat ! »
Eren et Jean leur réexpliquèrent comment ils avaient trouvé ce chat, et même si les nouveaux venus ne purent approcher le chat qui avait sorti ses griffes d'un air menaçant, ils s'intéressèrent beaucoup à lui.
« Il faut lui donner un nom !
- Ah non ! Si on fait ça, on va s'y attacher et on voudra le garder.
- Et pourquoi on ne le garderait pas ?
- Vous rigolez ? On se ferait tuer ! Tu penses à tous les poils qu'il mettrait partout ? Le caporal ne supporterait jamais ça !
- On peut au moins réfléchir à un nom, même si on ne le garde pas... Ca nous coûte rien. »
Acceptant finalement l'idée, trop heureux de leur nouvelle distraction, chacun se mit ainsi à faire ses propositions et à commenter celles des autres.
« Titan Slayer ! suggéra Eren en premier, très fier de lui.
- C'est trop long ! contra Armin.
- C'est trop moche ! renchérit Jean.
- Alors, juste Slayer ?
- Ben... on va voir si quelqu'un d'autre a une idée ok ?
- Et pourquoi pas Jambon ? dit Sasha. C'est avec ça que tu l'as attiré, Jean, non ?
- Appelle-le Potato, tant que tu y es ! » s'exclama Connie, suscitant les rires de toutes les recrues. »
Sasha rougit et se retourna, faisant mine de voir si quelqu'un se trouvait derrière elle. « Mais de qui vous parlez ? Je ne vois absolument pas ce que vous voulez dire !
- Compte sur nous pour ne jamais te laisser oublier ce glorieux exploit, ricana Jean.
- Vous voulez savoir pourquoi les humains mangent des patates ? fit Connie avec une voix de fausset qui ne ressemblait pas vraiment à celle de Sasha.
- Bon, revenons à nos moutons, dit Armin. Le nom du chat ! A toi, Mikasa !
- Mistinoir.
- C'est pas original ! Suivant ! dit Connie, s'attirant un regard noir de la part de Jean et un autre de la part d'Eren.
- Et pourquoi pas Le Chataillon ? » proposa Armin.
Tout le monde le dévisagea comme s'ils ne le reconnaissaient pas.
« Le quoi ? fit Sasha d'une toute petite voix.
- Le Chataillon. Pour faire un jeu de mot entre... chat et bataillon... »
Le silence qui suivit fut probablement l'un des plus gênant de leur vie. Eren le rompit en posant ses mains sur les épaules de son ami d'un air résolu. « Ecoute, Armin. S'il te plaît, n'essaie plus jamais d'être drôle. Je suis désolé, mais...
- J'avoue que je ne pensais pas qu'on puisse trouver pire que Titan Slayer, convint Jean, mais honnêtement, tu viens de découvrir un nouveau stade dans la nullité.
- Armin, c'était atroce, dit Mikasa d'un ton attristé. Quand je dis atroce, je veux dire que je n'ai jamais entendu de pire jeu de mot de ma vie. »
Connie et Sasha approuvèrent gravement et Armin sentit sa nuque s'enflammer sous la gêne. Heureusement, Connie, qui n'avait toujours pas suggéré de nom, détourna l'attention en faisant remarquer : « Hey, je viens de m'en rendre compte, mais... Ce chat ressemble énormément au caporal-chef Livaï, non ? Regardez, il a le poil noir et soyeux comme les cheveux du caporal -hum, non, c'est pas ce que je voulais dire, je voulais simplement dire qu'il a un pelage bien entretenu, arrêtez de me regarder comme ça c'est gênant, oui je suis jaloux des cheveux du caporal et alors ?- la tache blanche sur son poitrail qui rappelle son foulard, les mêmes yeux gris-bleu...
- Le même regard mauvais, compléta Mikasa.
- Après tout, eux deux, on ne les a jamais vu au même endroit au même moment, fit remarquer Sasha avec humour, ce qui suscita l'approbation amusée tout le groupe.
- Mais on ne peut quand même pas l'appeler Livaï, s'inquiéta Eren. Imaginez qu'il le découvre...
- Alors pourquoi pas Limiaou ? Comme ça, il n'y aurait que nous qui saurions à quoi cela fait référence... suggéra Jean.
- Adopté ! » proclamèrent les autres recrues. Et ils se mirent à faire un bruit de tous les diables pour célébrer l'adoption de ce nom qui scellait également celle du chat. Ils furent si bruyants que soudain, quelqu'un ouvrit violemment la porte.
« C'est pas bientôt fini, tout ce raffut ?! » s'exclama Livaï. L'excitation retomba aussitôt et les recrues se jetèrent des regards inquiets. Pile à ce moment, le nouvellement nommé Limiaou sortit du siège sous lequel il s'était réfugié et s'avança au milieu de la pièce en s'étirant. Trop tard pour le dissimuler, Livaï l'avait déjà repéré. Il l'attrapa par la peau du cou et le montra aux recrues en demandant d'un ton plus interrogatif qu'accusateur « Qu'est-ce que c'est que ça ?
- Ben... On l'a trouvé dans le couloir... Il a dû rentrer par quelque part... » dit Eren.
Cependant, le chat, qui n'acceptait pas d'être pris de la sorte, poussa un nouveau miaulement furieux, toutes griffes dehors. Autant dire que ce n'était pas ce qui allait impressionner Livaï. Celui-ci reporta son attention sur l'animal, et les yeux bleu-gris à l'air méfiant se rencontrèrent. Ils se toisèrent mutuellement quelques instants, et les recrues, bien que trop effrayées pour en faire la réflexion à voix haute, se rendirent une nouvelle fois compte à quel point ils se ressemblaient. Le chat eut encore un petit miaulement, cette fois-ci beaucoup moins agressif, et Livaï le coinça sous son bras, de manière que cela soit un peu plus confortable pour l'animal.
« Bon, et vous vouliez en faire quoi, d'ce chat ?
- Euh... si possible... le garder ? hasarda Eren. Il pourrait... chasser les souris ?
- Hm. J'en parlerai à Erwin. »
Sans rien ajouter, il sortit de la pièce, en emportant Limiaou avec lui. Eren n'était pas bien sûr de son fait, mais il lui avait sembler voir le caporal passer sa main distraitement sur la tête du chat. Non, c'était évidemment impossible, tenta-t-il de se raisonner. Personne ne pouvait imaginer le redoutable Livaï se prendre d'affection pour un quelconque chat.
***
Livaï, le chat toujours sous le bras, se dirigea vers le bureau d'Erwin. Si sur le coup il avait été assez réticent, après réflexion, l'idée des gamins n'était pas si mauvaise. L'animal risquait de mettre des poils partout, c'était vrai, mais il pourrait les débarrasser de toutes ces saloperies de rongeurs. Le petit inconvénient serait assez largement compensé par un tel bienfait. Et puis, à titre personnel... comment dire... c'était juste basé sur une impression, mais Livaï pensait qu'il pourrait assez facilement cohabiter avec ce chat. Il lui avait fait, autant qu'on puisse dire, bonne impression. Et puis les chats étaient de petites créatures propres et solitaires qui n'aimaient pas être dérangées, un peu comme lui, en fait. Avant, dans les bas-fonds, il ne les aimait pas trop, parce qu'ils étaient parfois vecteurs de maladies, mais celui-ci avait l'air en parfaite santé.
Il arriva devant le bureau d'Erwin et entra sans frapper, comme d'habitude. Le major n'eut même pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s'agissait. « Livaï, je t'ai dit mille fois de frapper avant d'entrer...
- Oh, désolé, j'oublie à chaque fois.
- De quoi voulais-tu me parler ?
- Les gamins veulent adopter un chat, répondit le brun en brandissant l'animal en question qui posait un regard circonspect sur tout ce qui l'entourait. T'es d'accord ?
- Hum... Pourquoi pas ? Mais il ne faut pas qu'il fasse de dég... ah... ah... ATCHOUM ! »
Livaï recula, surpris, et regarda le chat. Puis il se rapprocha d'Erwin et lui mit l'animal sous le nez. Le blond fut pris d'une salve d'éternuement.
« T'es allergique aux chats ? s'étonna Livaï.
- On dirait... atchoum ! bien que oui... »
Livaï écarta aussitôt le chat et recula dans le coin de la pièce le plus éloigné d'Erwin, contre la fenêtre. « Merde ! Mais du coup... Qu'est-ce qu'on va faire de lui ? »
Erwin secoua la tête pour signifier qu'il l'ignorait, tout en prenant un mouchoir dans son bureau pour éternuer une nouvelle fois. Livaï, lui regardait le chat noir d'un air vaguement coupable. Il jeta un bref coup d'œil par la fenêtre, qui donnait sur la cour. A l'entrée, il aperçut deux petites silhouettes qui attendaient en piétinant, comme s'ils hésitaient à entrer. Ils avaient raison, en effet, c'était pas un endroit ouvert aux civils, même quand le bataillon gelait ses activités ! Mais Livaï plissa quand même les yeux pour les apercevoir un peu mieux et tenter de deviner ce qu'ils voulaient.
« Erwin, des gamins sont à l'entrée. J'vais voir ce qu'ils veulent, et éventuellement leur dire de se casser. »
Erwin voulut répondre, mais à peine eut-il ouvert la bouche qu'un nouvel éternuement en sortit.
Livaï descendit sans faire attention au chat qui commençait à s'animer, appréciant peu d'être trimballé de la sorte, comme un vulgaire paquet. En l'entendant descendre, les recrues, inquiètes pour leur chat, le suivirent. Il en profita pour se débrasser du matou en le leur jetant négligemment, et Eren s'empressa de le rattraper, en grimaçant à cause de la griffure qu'il reçut au passage.
Livaï sortit, et le groupe resta sur le pas de la porte, curieux de savoir ce qui se passait. Effectivement, c'était bien deux enfants, un garçon et une petite fille, qui piétinaient d'un air mal à l'aise devant le QG. « Qu'est-ce que vous faites là ? leur demanda Livaï d'un ton peu engageant. C'est pas un terrain de jeu pour gosse, ici. »
Les enfants eurent l'air prêt à prendre leur jambe à leur cou devant Livaï, mais la petite fille, plus téméraire, prit le dessus sur sa peur et commença d'une voix terriblement mal assurée : « On est venu pour... On cherche... » Mais elle ne put continuer, jetant des regards anxieux à droite et à gauche. « J'ai pas tout mon temps » riposta Livaï en croisant les bras d'un air impatient -d'autant plus qu'il commençait à avoir froid -.
« Eh bien, on... » Mais au même moment, elle fut interrompue par un petit cri de douleur peu viril. Limiaou venait de cruellement griffer le bras d'Eren pour s'en libérer, et il sauta à terre avec grâce. « Minette ! » s'écria la petite fille, son visage s'illuminant subitement comme celui de son frère. La queue toute droite, le chat se dirigea à petit trot vers les deux enfants et se frotta avec délice contre eux. Elle le prit dans ses bras, une expression d'intense soulagement sur le visage, et son chat se blottit contre elle en ronronnant. Puis elle se retourna vers les soldats qui la regardait, pour s'excuser : « On est vraiment désolé... Notre chatte s'était enfuie, on l'a vu entrer ici et on n'a pas osé la poursuivre... Je suis vraiment très très très désolée de vous avoir dérangé... » Le garçon inclina prudemment la tête en déclarant à son tour « Excusez-nous de vous avoir dérangé !
- Hmm, ça ira, » dit Livaï.
Puis il tourna le dos pour rentrer, et les petits, le chat dans leur bras, firent de même pour retourner chez eux. Mais Eren, sur le pas de la porte, les interpella. « Attendez ! » Les enfants se stoppèrent et le regardèrent. « Vous êtes en train de me dire que ce chat... était une femelle ?
- Bah oui, pourquoi ?
- Dire que si on l'avait su plus tôt, Armin n'aurait jamais produit le pire calembour de l'Histoire ! »
Tout le monde ricana devant Armin qui s'empourprait une deuxième fois, sauf les deux enfants et Livaï qui ne comprirent pas l'allusion. Puis les recrues regardèrent partir les enfants d'un air attendri, et, même s'ils ne l'auraient avoué pour rien au monde, avec un peu de déception. Au dernier moment, Eren cria encore une fois « Au revoir les gamins ! Au revoir Limiaou ! »
Livaï, qui était déjà rentré, l'entendit. « Ils l'avaient appelé Limiaou, ce chat ? Pauvre bête, quel drôle de nom. »
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