- 3 : Le sapin du bataillon -
Les bottes de Livaï crissaient dans la neige au même rythme que celles d'Erwin. Si ses joues rougissaient légèrement, ce n'était certainement pas dû à l'effort qu'il faisait de porter une lourde hache sur son épaule -puisque pour lui elle pesait trois fois rien- mais plutôt au froid. La neige qui était tombée aux alentours du QG avait vite fondu dans la cour, se transformant en une sorte de bouillie grisâtre, mais ici, elle reprenait ses droits et étendait toute sa beauté sur la forêt. Erwin avait préféré prélever un arbre de Noël directement à la source plutôt que d'en acheter un, et après tant de temps passé aux côtés du blond, à le voir économiser sur toutes les dépenses du bataillon pour consacrer le maximum aux expéditions, Livaï ne pouvait que l'approuver. Il aurait cependant préféré que les gamins et Hanji ne voient pas là une bonne occasion de sortir tous ensemble.
Voilà donc pourquoi le petit groupe, vêtu de manteaux épais, d'écharpes et de moufles, marchait dans la forêt en commentant chaque arbre, pour trouver le plus beau d'entre eux et le plus digne du bataillon. Dans tous les cas, ce serait à Erwin de trancher, en sa qualité de major.
« On s'arrête bientôt ? bailla Connie, qui commençait à regretter d'être venu.
- Quand on aura trouvé l'arbre qui convient le mieux ! répondit Eren.
- Mais y en a partout, des arbres ! On est dans une forêt ! Regarde, celui-là, ça ferait très bien l'affaire, non ? » Connie pointait son doigt en direction du sapin le plus dégarni, le plus chétif, le plus famélique qui soit. Personne ne se donna seulement la peine de lui répondre.
Un loup hurla au loin.
« Tiens, il y a des loups par ici ? fit Sasha. Bizarre qu'il hurle en plein jour, celui-là ! »
Les jeunes de la 104éme brigade engagèrent une conversation au sujet des loups, pendant qu'Hanji, Erwin et Livaï cherchaient du regard le meilleur arbre. Hanji pointait du doigt tous les sapins, du moment qu'ils avaient une difformité quelconque, dans leur écorce, les nœuds de leur bois... Erwin, lui, analysait les arbres les plus prometteurs comme s'il tentait de quantifier leur potentiel pour les comparer. Enfin, il s'arrêta devant un arbre particulièrement grand, et le reste de la troupe l'imita. Le sourire d'Erwin en disait long, c'était celui-là qu'il leur fallait.
Le sapin drapait ses branches vert sombre d'une couche de neige blanche et épaisse, et son tronc noir s'élançait avec noblesse vers le ciel. C'était indéniablement l'arbre le plus fier que l'on pût trouver, à tel point que Livaï se demanda comment ils lui feraient passer la porte.
« Celui-là, déclara Erwin. Il est parfait. Touffu, majestueux...
- Comme vos sourcils », murmura Connie en arrière-plan, ce qui fit s'esclaffer Sasha. Seulement, le jeune homme n'avait pas suffisamment baissé la voix et Livaï l'entendit. Connie crut sa dernière heure arrivée, quand le caporal-chef le toisa avec hauteur, sa hache en main, mais il se contenta finalement de lui envoyer un regard suffisamment effrayant pour prévenir toute tentative de récidive de moquerie avant de se retourner vers Erwin.
« Donc, on prend celui-là ?
- Oui.
- Très bien. »
Livaï s'approcha du tronc considérablement épais et donna un premier coup de hache d'une telle violence que tout l'arbre en fut ébranlé, et que des petits paquets de neige tombèrent des branches. Cependant, le tronc était beaucoup plus dur que prévu, et la lame n'avait attaqué que l'écorce, entamant à peine le bois. Livaï souffla avec humeur. La coupe risquait de prendre du temps. Cependant...
Il parcourut le groupe du regard. Oui, l'un des gamins avait eu l'intelligence de penser à prendre une hache en plus de la sienne.
« Ackerman, viens par-là. »
L'asiatique s'avança avec un peu de raideur vers lui, sa hache à la main. Si Livaï n'était pas enchanté à l'idée de lui « demander de l'aide », ils seraient malgré tout bien plus efficace à deux pour abattre cet arbre. Il fallait donc mettre leur cordiale inimitié de côté pour quelques temps.
« On se gèle, et il est hors de question qu'on reste ici jusqu'à ce que la nuit tombe. Donc tu t'y colles aussi – sauf si tu t'en sens pas capable, bien sûr.
- Pas capable ? » fulmina-t-elle en prenant son élan. Elle planta sa hache jusqu'à côté de la première entaille faite par Livaï, et le bois s'ouvrit presque aussi profondément que la première fois.
« Je pense que ça devrait aller, ajouta-t-elle d'un air supérieur en regardant sa propre coupe. Mais vous savez, caporal, ne vous sentez pas gêné de me demander de l'aide...
- Je crois que ton cher Eren va prendre froid si tu continue à jacasser comme ça. »
La petite phrase fit son effet, Mikasa jeta un regard inquiet en direction d'Eren, qui éternua pile à ce moment. Elle eut un dernier reniflement d'agacement et reprit sa hache pour s'attaquer à l'arbre, en même temps que Livaï. Les lames s'abattaient avec des bruits sourds, et le bois gémissait à chacune des attaques sans consentir à s'assouplir un tant soit peu. La bataille fut rude, mais les deux tueurs de titans, refusant d'être mis en échec par un vulgaire végétal, ne concédèrent pas une seule seconde de repos. Au bout de longs efforts et d'une importante dépense d'énergie, le sapin se mit enfin à vaciller, puis à pencher sur le côté.
« Ecarte-toi », ordonna Livaï à Mikasa. Celle-ci s'exécuta, et il donna enfin un violent coup de hache qui se répercuta dans chacun de ses muscles, pour achever de vaincre le conifère. Celui-ci trembla de la cime au pied, vacilla dangereusement sur le côté alors qu'un coup de vent inopiné le faisait pencher en direction de Livaï et Mikasa, qui s'écartèrent juste à temps pour ne pas être écrasé. La neige ne suffit pas à amortir la chute de l'arbre, qui en s'abattant produisit un vacarme à alerter tous les animaux de la forêt.
« Beau boulot, Ackerman, dit Livaï.
- Merci, caporal », dit Mikasa d'un ton plat mais poli.
« Livaï ! s'écria Erwin en s'approchant, suivi d'Armin. Vous avez fini ?
- Ouais, c'est fait. Par contre, va falloir dire aux gamins de se ramener, il est trop grand pour qu'on puisse le porter à deux. »
Seulement, quand les quatre explorateurs regardèrent autour d'eux, ils ne virent aucune des recrue. Seule Hanji, un peu plus loin, frottait ses mains pour les réchauffer en regardant les arbres.
Quand elle vit qu'ils regardaient dans sa direction, elle leur fit un grand signe de la main et se dirigea vers eux. Mais elle déchanta vite en voyant l'expression furieuse de Livaï.
« Où sont les mioches ?
- Euh, bah... Ils sont partis pendant que vous coupiez le bois, parce qu'ils s'ennuyaient. Ils voulaient faire une chasse au loup, je crois.
- Et tu ne les en as pas empêchés, foutue binoclarde ?! Comment tu-veux qu'on les retrouve, maintenant ?
- A vrai dire... »
Mais elle n'eut pas le temps de finir, car Mikasa s'écria : « Ca peut être dangereux ! Eren !»
« Hanji, tu as vu par où ils sont partis ? Avec la neige, s'ils ne se sont pas aventurés trop loin, on devrait les retrouver assez vite », dit Erwin.
Hanji les conduisit donc à travers les arbres, et, très vite, ils retrouvèrent les nombreuses traces du groupe. Ils se mirent en route, Livaï tenant toujours sa hache d'un air menaçant en grommelant « Quand j'aurais mis la main sur ses gamins, ils vont le sentir passer ! »
Ils marchèrent au moins une demi-heure, et le jour tendait à décliner, quand des éclats de voix leur parvinrent enfin.
Un peu en contrebas de là où ils étaient se dessinaient les silhouettes d'Eren, Sasha, Connie et Jean. Ils tenaient des bâtons et tenaient ce qui semblait être un loup en respect.
Livaï en tête, ils descendirent le talus et foncèrent droit sur les quatre recrues. A peine furent-ils arrivés, que le loup grogna férocement, montra les dents et se prépara à sauter. Eren leva instinctivement son bâton, mais Mikasa se précipita devant lui, hache en avant, pour le protéger. Livaï leva la sienne, prêt à réagir si le loup passait à l'attaque. Les autres recrues reculèrent, goûtant peu l'idée de faire face aux crocs étincelants sans armes. Alors que la tension était à son comble, Sasha s'écria : « Non, attendez ! »
Tout le monde fut déconcerté, même le loup qui tourna ses yeux jaunes vers elle. « Regardez, poursuivit-elle en pointant du doigt quelque chose derrière l'animal. C'est une maman ! »
En effet, deux petits louveteaux duveteux se terraient sous un buisson derrière le loup -la louve, en réalité. Tous les regards se tournèrent vers eux. Les petits louveteaux posaient leurs yeux encore bleus sur toute la scène d'un air effrayé.
Livaï, tout en surveillant toujours la louve du coin de l'œil, baissa sa hache et s'adressa aux jeunes.
« Venez, les gamins. On y va. »
Et, prudemment, ils s'éloignèrent de l'animal pour revenir sur leurs pas. Sur le chemin, ils regardèrent leurs pieds d'un air coupable en attendant la tempête, qui ne vint finalement pas. Enfin, sauf pour Eren, puisque Mikasa marchait à côté de lui en le sermonnant à mi-voix -même si, dans le silence du groupe, tout le monde pouvait en profiter, ce qui mit très mal à l'aise aussi bien le brun que ses comparses. Seul Jean avait l'air de réprimer un fou-rire.
Ils retrouvèrent le sapin, allongé où ils l'avaient laissé. Livaï ordonna sèchement que chacun participe pour soulever l'arbre, et personne ne s'avisa de tirer au flanc. L'impeccable major Erwin se mit en tête, vers la cime, à côté d'Armin, et ils poursuivirent la conversation qu'ils avaient commencé pendant que Livaï et Mikasa s'occupaient de couper l'arbre. Hanji, juste derrière, tentait de s'incruster dans leur discussion. Mikasa se tenait au même niveau qu'Eren, et soulevait tout le poids de l'arbre pour éviter l'effort à son cher ami. Jean râlait dans sa barbe en les regardant. Connie et Sasha soulevaient chacun à une main leur portion du tronc, et la jeune brune racontait à son camarade des épisodes de chasse endiablés où elle s'était retrouvé prise au piège par des meutes de loups affamés. Livaï fermait la marche, supportant le pied de l'arbre, ayant vue sur le reste de la petite équipe.
Aucun n'y fit vraiment attention, trop occupé à discuter ou à penser à autre chose, mais ce gigantesque sapin, quand il était porté par eux neuf, ne pesait presque plus rien sur leurs épaules.
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