Chapitre 50
Les ravages sur l'artillerie humaine furent considérables. Assez pour que nous puissions échapper à un maximum de dégâts. Le plus gênant étaient les archers qui avaient réussis à atteindre un endroit où notre magie était bloquée par le mur mais d'où ils pouvaient nous tirer dessus et, parfois, toucher leur cible. Les Faes de l'air faisaient de mieux pour dévier les flèches mais les humains en lançaient des centaines à chaque volée. Autant dire que même les meilleurs Faes ne pouvaient pas tout dévier. Certaines étaient destinées à toucher.
Je ne compris pas vraiment comment nous passâmes d'un combat éloigné à un affrontement frontal. À un moment, nous étions chacun chez nous. Au suivant, les armées s'affrontaient de plein fouet. Je jetai un coup d'œil vers Nahl.
- Comment... ?
- J'en sais fichtre rien !
Nous ne nous attardâmes pas. Roscoe me lança mon épée et, côte à côte, nous partîmes dans la mêlée.
Je fonctionnais bien avec Roscoe. J'avais l'habitude de me battre contre lui mais, quelque part, ça m'avait appris son fonctionnement. Et il connaissait mes techniques par cœur. Mieux que moi. Cela faisait de nous une équipe de choc. Il pouvait anticiper mes mouvements et je pouvais agir en fonction des siens. Je n'aurais pu rêver d'un meilleur partenaire lors d'une bataille de cette ampleur.
Mon sang se mit à bouillonner dans mes veines tandis que mon esprit se vidait. Je devins mon arme. Plus rien n'avait d'importance à part le fait que mes ennemis tombaient devant moi. Je marchais sur les cadavres encore chauds. Je frappais avec toute la force que je pouvais réunir. Je brûlais, j'étouffais, je noyais, je projetais.
Je détruisais.
J'étais couverte de poussière et de sang. Sans pitié, je tranchais dans des corps familiers. J'avais reconnu plusieurs gardes. Ils avaient hésité en me voyant ; je les avais achevés sans sourciller. Quelque part entre le moment où je m'étais levée de mon trône et celui où j'avais pris mon arme, toute émotion m'avait quittée pour ne laisser qu'une froide résolution. Nous allions gagner. Je ferais ce qu'il fallait pour ça.
Ce fut en arrivant au pied du mur que je compris ce qu'il s'était passé, comment les humains avaient réussi à descendre. Ils avaient jeté des bottes de foin et des cordes par-dessus le mur à quelques mètres du lieu direct d'affrontement. Dès lors, il leur avait suffi de descendre grâce aux cordes ou, pour les plus téméraires, sauter dès que la hauteur n'était plus mortelle.
Ils nous avaient envahis sans même que nous nous en rendions compte. S'ils avaient prévu quelque chose comme ça, cela ne pouvait signifier qu'une chose : ils avaient été prévenus. Par qui ? Je n'en avais pas la moindre idée. Nous avions tellement veillé au secret...
Je me retrouvai soudain isolée du reste des Faes. Autour de moi, une vingtaine d'humains, l'arme au poing, l'air meurtrier. Je resserrai ma prise sur mon épée et préparai ma magie.
- Tu ne peux pas vaincre autant de soldats seule, Sixtine. Sois lucide.
La voix me hérissa. Je levai les yeux vers Ryker qui se tenait en haut du mur. La première chose que je remarquais, ce fut la couronne dorée sur sa tête. Elle était loin d'être discrète. Massive, sertie de dizaines de rubis et d'émeraudes et de saphirs, elle allongeait sa tête de façon grotesque. On aurait dit un enfant jouant avec les affaires de ses parents. Il avait l'air proprement ridicule.
À côté de lui se tenait Lux. Je faillis ne pas la reconnaître. Je ne l'avais jamais vue hors de ses énormes robes hors de prix. La voir serrée dans une tenue d'équitation qui ne masquait rien était une expérience unique. Je l'aurais crue bien plus menue. Au lieu de ça, elle faisait bien deux fois la taille de son fils. À moins que la nourriture soit devenue son seul refuge après le retour de son fils.
- Tu pourrais être surpris, répliquai-je calmement. Tu ignores de quoi je suis capable.
Son sourire me donna envie de le frapper. Il était évident qu'il ne me croyait pas. Rien que pour le contredire, j'aurais bien fait brûler ses soldats. Heureusement, j'avais encore un peu de contrôle sur moi-même.
- Et si tu descendais de ton perchoir ? À moins que tu aies trop peur de me faire face.
- Je ne veux pas te tuer, Sixtine. Et nous savons tous les deux que tu ne pourras pas me tuer.
- J'ai empalé ton père sur mon épée. Tu crois vraiment que j'hésiterais à faire pareil avec toi ?
- Je ne suis pas mon père. Tu le sais sûrement mieux que tout le monde. Après tout, tu n'as pas été intime avec d'autres que moi.
Je n'eus pas à répondre. De nombreux soldats volèrent soudain et allèrent s'écraser contre le mur dans un éclat sanglant. Roscoe apparut à ma gauche, suivi par Nahl et son garde personnel. Mon frère se plaça à côté de moi.
- Mais c'est qu'il est devenu présomptueux, le petit humain, se moqua Nahl. C'est hilarant !
Je roulai des yeux, amuséemalgré moi.
Nahl tendit la main derrière lui et son garde lui passa un arc. Il enclencha une flèche et visa Ryker. Son bras était ferme et tendu. Il ne tremblait pas. Je savais que, avec son affinité avec l'air, il pouvait diriger sa flèche avec précision. Il transpercerait Ryker avant qu'il ait le temps de bouger.
- Je ne pense pas l'être, répliqua le nouveau roi du grand royaume. Et ta flèche ne m'atteindra jamais.
- Tu fais face à mon frère, idiot. Tu n'auras pas le temps de ciller que sa flèche t'aura transpercé de part en part.
- Tu me sous-estimes. Tu crois vraiment que je resterais ici si je doutais d'être protégé correctement ?
- Tu es assez idiot et arrogant pour ça. Je le sais. Après tout, je te connais.
Il me fusilla du regard. Je lui renvoyai un sourire narquois. Ses attaques verbales m'amusaient plus qu'autre chose. Je ne lui avais jamais connu une diatribe digne de ce nom. Il était plutôt pathétique, en y songeant. La seule explication de mon attirance passée pour lui était qu'il était le seul qui m'ait jamais courtisée. Ça ne pouvait être que ça.
- De nous trois, vous êtes les plus arrogants.
- Ce n'est pas de l'arrogance lorsque c'est la vérité. D'ici, en moins d'une seconde, Sixtine pourrait vous tuer, toi et ta chère maman. Personne n'aurait le temps de réagir. Elle a tout un menu de mort instantanée à distance.
Je luttai contre une grimace. D'accord, Nahl ne mentait pas mais de là à le présenter comme ça... Comme si j'étais un monstre... Je n'appréciais pas tellement. Je me gardai bien de le dire. Nous devions présenter un front uni contre les Madsen.
- J'aimerais tellement voir ça ! rit Ryker. Vous êtes des bâtards ! Et tout le monde sait que les bâtards ne sont bons à rien ! C'est mignon d'essayer mais ce n'est pas moi que vous convaincrez.
Je levai une main et serrai le poing. Avec mon sourire le plus sinistre, je fixai Ryker qui attendait. À côté de lui, sa mère commença à tousser et à agripper sa gorge. De l'eau lui passa par le nez. Elle vacilla et ce ne fut qu'un réflexe de son fils qui l'empêcha de tomber du haut du mur.
Je relâchai mon poing et Lux cessa de se noyer.
- Tu en veux encore ou ça va aller ? questionnai-je, feignant l'ennui.
Lux avait pris une étrange teinte verte et son fils semblait ébranlé tout en cherchant à le cacher.
- Et si nous nous affrontions comme des adultes ? poursuivis-je. C'est assez drôle de t'entendre sortir des âneries mais tu te rends bien compte que tu n'as aucune chance, pas vrai ? Alors descends de là et comporte-toi comme un roi digne de ce nom. Parce que là, tu as juste l'air d'avoir la frousse de nous faire face.
- Je n'ai pas peur ! tonna-t-il.
- Il a la trouille, confirma Nahl.
- Tu n'aides pas, murmurai-je.
Ryker fit signe à quelqu'un derrière lui de s'approcher. Il avait retrouvé un masque impassible et froid qui ne lui allait pas. Il n'avait juste pas l'air crédible. À moins que je ne le vois uniquement sous le filtre de ce gamin que j'avais sauvé plus qu'à mon tour. Quoi qu'il arrive, je doutais d'un jour être capable de le prendre au sérieux.
Toutefois, mon état d'esprit changea du tout au tout lorsqu'un soldat apparut sur le mur, tenant une lame sur la gorge de Naseok.
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NdlA : Et voilà l'avant-dernier chapitre ! Qu'est-ce que vous en pensez ?
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