Chapitre 8 (3/4)
Ils arrivèrent rapidement devant la porte du laboratoire, encore fermée. De l'autre côté, des claquements, craquements et frottements semblaient indiquer qu'il s’y déroulait un grand déménagement.
Baptiste leva un doigt et frappa deux coups à la porte. Aussitôt, le vacarme s'arrêta. Des chuchotements le remlacèrent, puis des bruits de pas. Enfin, le battant s'ouvrit sur le collègue de Lucile, tout sourire, cheveux plaqués en arrière par une bonne dose de gel dont l'odeur vint piquer le nez de Nathanaël. Le jeune homme s'écarta pour inviter l'adolescent et son guide à entrer.
Contrairement à ce que s'imaginait le lycéen, l'intérieur était propre et rangé. Il eut un instant l'impression de se retrouver dans une salle de chimie de son lycée pendant les journées portes ouvertes : des solutions de diverses couleurs frémissaient dans des béchers, un distillateur récupérait un liquide rose bonbon...
À l'autre bout de la salle, Lucile auscultait une pierre bleue à la loupe, une main sous le menton. Aux gouttes de sueur qui perlaient sur son front et à son souffle court, Nathanaël comprit cependant qu'elle prenait simplement la pose. Sans doute après une course effrenée… ou un rangement express du laboratoire.
À la suite de l'adolescent, Baptiste pénétra dans la pièce. Il laissa échapper un sifflement impressionné avant de confirmer le pressentiment du lycéen.
— Vous avez réussi à ranger votre bordel en dix minutes ? Chapeau...
— Bordel ? Quel bordel ? s'offusqua Lucile.
Derrière elle, la porte d'une armoire en plastique céda soudain et le bric à brac rangé pêle-mêle dedans se répandit bruyamment sur le sol. Le chercheur s'avança vers le tas informe sans laisser apparaître la moindre gêne et entreprit de glisser le bazar derrière une paillasse à coups de pieds.
Lucile laissa faire son collègue et s'approcha de Nathanaël en sautillant.
— Bienvenue au département de recherche et développement ! Je suis Lucile Martin, c'est moi la cheffe, ici !
— Ça, c'est juste parce que tu ferais exploser le bâtiment si on me donnait ta place... marmonna son collègue.
— Même pas vrai !
La chercheuse fusilla l'homme du regard avant de se tourner une nouvelle fois vers Nathanaël.
— Tu as l'air déjà entraîné ! Dans quelle ville tu as été formé ?
Pris au dépourvu, l'adolescent ne répondit pas immédiatement. Baptiste en profita pour faire les présentations :
— Lucile, voici Nathanaël Jackowski.
La femme le toisa avec intérêt.
— Ah oui... Le fils de Manuel... J'ai entendu parler de toi. Si tu savais comme je rêvais d'étudier ton père ! Il a toujours refusé, je ne comprends vraiment pas pourquoi... C'est dommage, ce qui lui est arrivé, il était tellement unique... Ah, je digresse ! Viens, je vais te faire visiter !
Nathanaël ne sut pas très bien s'il devait s'offusquer ou se sentir honoré de l'étrange intérêt que la chercheuse portait à son père. Il n'eut le temps ni de décider ni de se poser davantage de questions que Lucile l'attrapait déjà par le bras et le traînait vers l'une des paillasses.
— Dans ce coin-là, on essaye de synthétiser des sorts prêts à l'emploi. On est tout proche de réussir...
— Pour l'instant, on en est encore au stade de bombe fumigène puante, la corrigea son collègue.
— Tout proche, insista Lucile en le fusillant du regard. Passons ! De ce côté-là, on étudie les associations exotiques de plantes et de pierres...
Elle le conduisit à une autre paillasse où des appareils mesuraient la réaction d'une herbe en forme de ressort et d'un minéral gris que Nathanaël n'avait jamais vus.
— Ici, on développe de nouveaux sorts de détection. Ceux que nous avons actuellement sont pas mal efficaces, mais avec la recrudescence des phénomènes, ils risquent de saturer...
L'adolescent se pencha avec intérêt sur le tableau blanc couvert de chiffres et de diagrammes.
— Est-ce que vous avez essayé de combiner verveine, jasmin, bois de santal et feuilles de chêne ? s'enquit-il.
Lucile leva un sourcil circonspect.
— Des feuilles de chêne ? D'où tu sors ça ? Et le bois de santal n'a pas vraiment les propriétés désirées...
Nathanaël hésita un peu à poursuivre. Il ne voulait pas être vu comme un prétentieux alors que son sort était le fruit du pur hasard, un jour qu'il faisait des expériences dans un parc. Sans compter qu'il aurait bien du mal à expliquer ce qu'il cherchait véritablement à accomplir alors.
Devant le regard douteux de Lucile, il finit par laisser sa fierté prendre le dessus et répondit :
— Je trouve que ça fonctionne plutôt bien pour la détection... Le seul souci, c'est que ce sort voit un peu trop de choses, ça donne la migraine...
La main de la chercheuse plongea sur un crayon rouge et elle inscrivit en majuscules les quatre ingrédients sans se soucier des autres notes. Cela fait, elle tourna un regard grandement satisfait vers l'adolescent.
— Je vais essayer ! Victor ! Va me chercher des feuilles de chêne !
— Mais où tu veux que je te trouve...
Il fut promptement interrompu par l'indifférence totale de Lucile, qui passa un bras autour des épaules de Nathanaël et l'entraîna vers une autre paillasse pour continuer la visite.
— Toi, je t'aime bien ! déclara-t-elle ce faisant. Si tu finis estropié après une mission ou si tu en as marre de bosser avec ces espèces de brutes épaisses, je t'embauche ! On a toujours besoin de cerveaux innovants comme le tien.
— Lucile, ne lui fais pas peur avec tes bêtises... protesta Baptiste.
L'adolescent laissa échapper un petit rire nerveux et évita de croiser le regard du dénommé Victor qui passait la tête par la fenêtre à la recherche du chêne le plus proche.
La visite se poursuivit pendant encore une bonne heure, un exploit étant donné la taille de la pièce. Le retour de Victor, accompagné de feuilles crénelées marron et rabougries, mit un terme au long monologue passionné de Lucile. Son attention se focalisa alors entièrement sur sa nouvelle expérience et elle sembla oublier complètement ses visiteurs. Baptiste en profita donc pour la saluer et entraîna Nathanaël dans le couloir avec un soupir de soulagement.
— Désolé... Quand elle commence, on ne l'arrête plus...
— Ce n'est rien, le rassura l'adolescent.
S'il avait fini par trouver le temps long, lui aussi, bon nombre d'expériences avait attiré son intérêt dans le laboratoire, réveillant en lui les idées dangereuses qu'il pensait avoir enfouies. Les hypothèses se bousculaient dans son esprit, des associations de pierres et de plantes qu’il n’avait pas testées… Il se remémora une dernière fois que son père était parti pour de bon. Il ne le retrouverait jamais.
L’adolescent secoua la tête pour se concentrer une nouvelle fois sur le présent avant de suivre Baptiste jusqu'aux escaliers.
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