Chapitre 4 (4/5)
***NOTE DE L'AUTRICE : cette partie comporte des scènes de violence conjugale***
Un hurlement arracha Nathanaël au sommeil. Une voix de femme. Il se redressa en sursaut et bondit hors de son lit, paniqué. Aussitôt, les émanations maléfiques d'une anomalie le firent frissonner. L'adolescent se précipita hors de sa chambre en direction de celle de Philippine. L'infirmière apparut à sa porte à ce moment-là, sur le pied de guerre.
Visiblement, le cri ne provenait pas d'elle. Nathanaël retint un soupir soulagé.
— Qu'est-ce qui se passe ? s'étonna-t-elle. Il vient d'où, ce bruit ?
Pour toute réponse, une nouvelle plainte leur parvint. Elle fut suivie d'un beuglement, masculin. Le lycéen comprit avec horreur que le mauvais esprit se trouvait dans la même direction.
— Les Voiron... grommela Philippine en courant vers l'entrée.
— Attends !
L'avertissement du lycéen l'arrêta net. Elle le dévisagea un quart de seconde avant de comprendre.
— Attrape ton matériel, je m'occupe des voisins, ordonna-t-elle.
Sans attendre sa réponse, elle reprit son chemin et marqua un bref arrêt dans la salle de bain pour récupérer la trousse de premiers secours.
De retour dans sa chambre, Nathanaël ouvrit la Técanos et enveloppa son contenu de son aura. Comme il l'espérait, le mauvais esprit se trouvait dans son champ de détection, son matériel y réagit donc.
L'adolescent saisit une bougie, du sel, de la sauge, du romarin, une améthyste, un bâton d'encens et son briquet de secours avant de rejoindre Philippine sur le palier. Elle n'y était plus seule : quelques voisins l'avaient rejointe, tout aussi étonnés et affolés qu'elle.
— Madame Voiron ! Monsieur Voiron ! appela l'infirmière en frappant violemment à la porte. Vous m'entendez ? C'est Philippine, ouvrez !
De nouveaux cris éclatèrent à l'intérieur, certains affolés, d'autres enragés. Des bruits de vaisselle brisée se mêlèrent au chaos.
— Il frappe sa femme ou quoi ? s'étrangla un homme.
Nathanaël reconnut l'occupant de l'appartement au-dessus du leur. Seuls son pyjama, ses cheveux en bataille et la marque d'oreiller sur sa joue témoignaient de l'heure tardive. Comme tous les autres intervenants, il était parfaitement éveillé et alerte.
— J'appelle la police ! annonça une femme que l'adolescent n'avait jamais vue.
— Ils arriveront trop tard, il faut enfoncer la porte ! rétorqua un autre résident.
Il poussa gentiment, mais fermement Philippine avant de se jeter contre le battant, en vain. Un autre homme se joignit à ses efforts, suivi d'un autre.
Tandis que les tentatives d'ouverture se poursuivaient, encouragées par les hurlements de plus en plus sonores et violents qui émanaient de l'appartement, l'infirmière s'approcha de Nathanaël et lui glissa à l'oreille :
— Tu n'aurais pas une herbe magique dans ta Técanos pour déverrouiller cette porte, par hasard ?
— Je suis médium, pas magicien... grommela l'adolescent, sur le même ton.
Il fallut encore cinq bonnes minutes de lutte et l'aide d'un pied de biche pour venir enfin à bout du battant. Tout au long de l'opération, la tension de l'adolescent crut exponentiellement : la menace spirituelle gagnait en force de minute en minute. Du niveau trois, elle avait atteint le quatre, puis le cinq. Et elle ne semblait pas prête de s'arrêter.
Lorsqu'il fut enfin possible d'accéder à l'appartement, monsieur Voiron, yeux exorbités par la folie, tenait une chaise ensanglantée à bout de bras. À ses pieds, sa femme tentait de s'éloigner de lui, le visage tuméfié.
Les voisins se précipitèrent sur l'agresseur pour le neutraliser pendant que Philippine se jetait aux côtés de la victime, à qui elle prodigua aussitôt les premiers soins.
Nathanaël se fraya discrètement un chemin à travers le champ de bataille qu'était devenu le salon, entre les meubles cassés, les bris de verre et les livres éparpillés sur le parquet. Il n'avait plus besoin de son sixième sens pour se diriger vers l'anomalie spirituelle : les tentacules vaporeux étaient désormais clairement visibles, émanant d'une porte entrouverte. L'adolescent déglutit, ravalant difficilement sa salive comme son appréhension.
Il n'avait jamais affronté de niveau cinq, pas même avec son père. Il connaissait la théorie, avait imaginé des stratégies face à une telle menace, mais la réalité l'assommait bien plus qu'il ne l'aurait cru possible.
Il se revit, cinq ans plus tôt, submergé par les vagues noires d'une telle force qu'il s'était retrouvé parfaitement impuissant. Elles avaient englouti son père sous ses yeux. S'il ne parvenait pas à exterminer l'anomalie, rien ne l'empêcherait d'atteindre ce même niveau... Qui lui prendrait-elle ? Philippine ? Se réveillerait-il seul le lendemain matin ? Ou pire : dans une famille d'accueil choisie par l'Institut ?
Nathanaël leva la main vers le collier passé autour de son cou et sortit son talisman de sous son pyjama. Lorsqu'il y eut versé un peu plus de son aura pour renforcer sa barrière, les images sombres qui polluaient ses pensées battirent en retraite. Il focalisa son regard sur les tentacules qui lui frôlaient les pieds. Ceux-ci se heurtaient désormais au champ de force invisible qui le protégeait.
Quelque peu rassuré, l'adolescent reprit son avancée et pénétra dans la pièce d'où provenaient les émanations malfaisantes.
À l'intérieur, seuls les éclairs jaunes que provoquaient les chocs du mauvais esprit contre sa barrière éclairaient l'obscurité absolue. Nathanaël ne chercha pas à s'approcher davantage de la source. Il s'entoura d'un cercle de sel, déposa la bougie et l'encens en son centre. Après deux tentatives, il parvint à allumer le briquet dont il fit rougeoyer la flamme contre la mèche de la chandelle et l'extrémité du bâton rugueux.
Une douce odeur familière commença à se répandre tout autour de lui et vint calmer son esprit paniqué. Il allait y arriver.
Le lycéen rassembla les différentes herbes et les fit brûler l'une après l'autre au-dessus de la petite lueur qui émanait de la bougie. Enfin, il serra l'améthyste au creux de sa paume pour y accumuler un maximum de son aura.
Lorsqu'il écarta les doigts, la pierre brillait d'une douce couleur violette. Les volutes d'encens et la fumée dégagée par les herbes tourbillonnèrent dans sa direction, comme aspirées par un syphon. Elles poursuivirent leur danse à l'intérieur de la roche, fins filaments sombres qui étouffèrent petit à petit la lueur mauve.
Au moment exact où la dernière étincelle s'éteignait, une intense fumée violette jaillit de l'améthyste. Elle explosa dans la pièce, répandant ses volutes dans les moindres recoins. Pas un instant Nathanaël ne cessa de nourrir la pierre de son aura. Il savait qu'il ne pouvait se relâcher à aucun moment, pas tant qu'il resterait une trace du mauvais esprit. Alors il ferma les yeux et maintint son effort. Encore. Et encore. Et encore. La présence de l'anomalie diminuait, s'étiolait, s'atrophiait... Mais elle ne disparaissait pas. Combien de temps encore devait-il tenir ? Combien de temps encore pouvait-il tenir ? Une goutte de sueur se forma sur son front, puis une deuxième. Une troisième. Ses membres s'engourdissaient. Il sentait le flux d'énergie qu'il envoyait à l'améthyste s'amenuiser.
Il n'était pas assez puissant. À mesure que son sort détruisait l'anomalie, celle-ci poursuivait son développement. Toujours plus présente. Toujours plus forte.
Au fin fond de son esprit, dans le dernier compartiment qui n'était pas totalement concentré sur sa tâche, une petite voix lui souffla la solution. Au diable que la technique soit interdite. Au diable qu'il risque gros en cédant à la tentation. Il devait éliminer la menace avant qu'elle ne gagne encore en puissance. Peut-être que cela ne suffirait pas. Mais il devait essayer.
Sa main gauche toujours focalisée sur sa tâche, il tâta son ventre de sa paume droite, à la recherche de sa poche...
Sa poche... Son manteau... Il l'avait laissé à l'appartement !
Un instant, l'adolescent céda à la panique et la lueur mauve de l'améthyste fluctua dangereusement. Il se reprit aussitôt, s'obligea à respirer profondément. Il n'avait pas d'autre choix. La lumière de la pierre s'assombrissait rapidement. Cette méthode était loin d'être sa préférée, mais il devrait s'en contenter.
Un fil suffirait. Après une dernière expiration, son appréhension reléguée dans les tréfonds de sa conscience, il porta l'extrémité de son index droit à ses dents.
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