Chapitre 3
Chaudement couverte d'un superbe manteau blanc doublé de fourrure, Giselle se dirigea vers le perron de sa demeure citadine. Constance ouvrit l'imposante porte d'entrée en lui souhaitant bonne route. Clovius, le majordome de la famille Madalberth depuis trente ans, se tenait sur le seuil. Le dos raide, il portait un plateau en argent sur lequel reposait une magnifique boite en carton peinte, fermée par le nœud d'un ruban jaune-pastel.
Le cœur de Giselle accéléra :
— C'est parfait, Clovius ! Le boitier est splendide. Je reviendrai sans faute cet après-midi, ne m'attendez pas pour le déjeuner.
Le majordome hocha la tête et regarda sa jeune maîtresse quitter la maison. Cette dernière s'engouffra dans une luxueuse voiture qui patientait au bord du trottoir.
Giselle serra des dents, il faisait un froid mordant en ce début de morte-saison. Elle s'enveloppa les jambes d'une couverture en laine laissée sur les sièges. Deux gardes impériaux, chargés de l'escorter dans chacune de ses sorties, la saluèrent au travers de la fenêtre. Elle vit leurs joues rouges, éraflées par les températures hivernales et nota que l'un d'entre eux avait les lèvres gercées.
— À notre arrivée à l'Église, commença-t-elle en s'adressant au chauffeur, demandez à ce que ces deux hommes soient servis d'une boisson chaude. S'il se met à neiger, autorisez-les à monter dans la voiture.
La voix de Giselle était douce et ferme, habituée à être entendue et écoutée. Le chauffeur démarra la voiture en douceur.
Derrière elle, les sabots ferrés des chevaux de la garde impériale tapèrent le pavé.
Giselle posa les yeux sur la boite que lui avait donnée le majordome ; rectangulaire et mince, elle était élégante. Elle cachait, sur un coussin de soie pourpre, un magnifique mouchoir blanc brodé. L'ouvrage, réalisé par Giselle, était splendide. Elle avait mis de longues semaines à réfléchir à sa confection, à choisir les motifs et s'y était reprise à plusieurs fois avant de se lancer. C'était un cadeau intime, destiné à l'Impératrice Carolina, sa future belle-mère. Elle avait déjà offert deux mouchoirs semblables, un à sa mère, qu'elle voyait rarement, et l'autre à une de ses plus proches amies. Cependant, celui-ci était encore plus splendide.
Giselle était sûre de son talent. Maîtriser la broderie faisait partie des nombreux domaines qu'on lui avait enseignés dès son plus jeune âge. Elle avait mis dans son travail, tout son cœur et toute sa reconnaissance. Elle espérait que ses sentiments sincères se dévoileraient dans les plis de tissus et de dentelles.
Elle poussa un soupir et pensa à l'Impératrice, qui depuis toujours prenait soin d'elle. Ses rêveries se tournèrent ensuite vers Dusan et un frisson envahit son corps. Elle tira la couverture en laine à nouveau vers elle et respira l'air froid dans la cabine. Puis, elle tourna son regard vers les rues de la capitale et le souvenir des lettres et des nouvelles du jour lui revint. Elle réfléchit au travail qui l'attendait plus tard dans la journée et se plongea dans des réflexions administratives et financières.
La voiture circula lentement. Les passants regardèrent filer la magnifique berline accompagnée par deux fringants soldats de la garde impériale, montés à cheval. Chacun connaissait sa passagère, la célèbre Giselle le Tholy de Madalberth. Elle était fiancée depuis plusieurs années au troisième Prince de l'Empire, Dusan Fretnarch Tritis de Dalstein.
Les journaux ne présentaient plus Giselle depuis des années. Jeune femme accomplie et brillante, sa réputation la précédait jusqu'à l'étranger. Elle faisait partie des perles de l'Empire et incarnait toutes les valeurs de la noblesse, de l'intelligence et de la bienveillance.
Son éducation s'était faite par le biais des meilleurs professeurs particuliers. Peinture, musique, langues, mathématiques et sciences. Elle maîtrisait ces domaines sur le bout des doigts et avait une curiosité naturelle pour les études. Consciente de sa position, elle avait pris très tôt ses responsabilités et s'était évertuée à s'occuper de ses terres et des sujets de son père du mieux possible.
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