Chapitre 7
Publié le 02/06/2021
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Je m'étais endormie au moment où le soleil se levait, et je me réveillai le lendemain alors qu'il se couchait. Entre temps, c'était le trou noir : j'avais dormi d'un sommeil de plomb.
Je m'extirpai des draps avec précaution, mais la douleur de mes blessures était déjà moins aiguë. Je remarquai que mes pansements avaient été changés, et je tentai de me rappeler de quand c'était arrivé. En me concentrant, je parvins à me remémorer la venue de Flavien et de la doctoresse, qui avaient tenu à contrôler l'évolution de mon état. J'étais restée dans le gaz durant toute leur visite, et j'avais replongé dans le sommeil juste après. J'imagine que mon corps était arrivé à bout de force la nuit dernière.
Je fis quelques pas dans la chambres en m'étirant, soulagée d'être seule pour le moment. Je n'aimais pas beaucoup me réveiller dans un lieu inconnu, et la perspective de croiser à nouveau les membres de la meute m'inquiétait. J'aurais bien aimé quitter cette chambre, mais je ne savais pas vraiment où aller, ni ce que je devrais faire ensuite. Je n'avais aucun repère ici, aucune routine à laquelle me raccrocher. Ma gorge se serrait toute seule tandis que je tournais en rond dans la pièce.
Tout à coup, la porte s'ouvrit, brisant la sérénité ambiante.
Une vague de panique me submergea immédiatement. Mon échine fut parcourue d'un frisson, et, avant même de m'en être rendue compte, je m'étais changée en louve.
La jeune femme qui était entrée dans la pièce, un plateau entre les mains, me regarda avec stupeur. Elle resta figée quelques secondes, avant de faire un pas en ma direction.
« Mariposa, c'est ça ? La doctoresse nous avait dit que tu devais bientôt te réveiller. »
Je reculai en grognant, terrifiée par cette nouvelle venue. Ses paroles laissaient bien entendre qu'elle ne me voulait pas de mal, mais je ne parvenais pas à me calmer pour autant.
Le cœur battant, je parcourus la pièce du regard, en quête d'une issue. La porte était derrière la femme, je ne pourrais pas fuir sans passer à côté d'elle. Le canapé était trop bas pour offrir une cachette, il ne restait que le lit derrière moi.
Je fondis derrière ce dernier, me cachant à la vue de l'intruse.
« Bon, très bien, reste derrière le lit, rit-elle. Je te dépose le plateau sur la table basse, tu peux te servir quand tu veux, c'est ton dîner. »
Les oreilles en arrière et le cœur battant, je restais à l'affût de chacun de ses gestes. Je n'avais aucun moyen de savoir si je pouvais lui faire confiance.
« Je m'appelle Karina, on se reverra. Soigne-toi bien, petite louve. »
Sur ses mots, la femme quitta la pièce.
Je restai un moment couchée derrière le lit, la respiration courte, à essayer de reprendre mes esprits. Une nouvelle fois, l'instinct avait tout écrasé, et je m'étais comportée comme un animal effrayé – ce que j'étais, à bien y réfléchir.
J'attendis jusqu'à être certaine que Karina ne reviendrait pas, puis je sortis de ma cachette. Un délicieux fumet s'était infiltré jusqu'à moi, faisant gronder mon estomac.
Sans même envisager de reprendre ma forme humaine, je me dirigeai vers le plateau. L'eau me monta à la bouche tandis que j'en examinait le contenu : l'assiette contenait un énorme morceau de viande, encore saignant, accompagné de petits légumes. Aucun loup ne pourrait résister à ce genre de met, et une louve affamée encore moins.
Je déchirai la viande de plusieurs coups de canine, avant d'en avaler de grands morceaux, presque goulûment. Elle était délicieuse, juteuse et tendre à la fois, ce qui ne faisait qu'encourager mon appétit, même si l'assaisonnement perturbait mes papilles de louve. Quand vous étiez sous forme animale, le parfum des herbes et du poivre pouvait paraître extrêmement incongru, sans être vraiment désagréable pour autant. Après la viande, j'engloutis la garniture en quelques lampées, toujours affamée.
J'étais restée sans manger pendant plus d'une journée, si l'on excepte quelques baies et champignons glanés pendant mon escapade dans la forêt, et ce n'était que maintenant que je me rendais compte d'avoir eu terriblement faim. Mais quand l'urgence qui tiraillait mon corps fut remplacé par l'apaisante chaleur de la digestion, je me sentis beaucoup mieux. J'envisageai même de regagner ma cachette derrière le lit pour faire une petite sieste.
Hélas, avant que je puisse mettre ce projet à exécution, le calme de la pièce se brisa à nouveau, et la porte s'ouvrit pour la seconde fois de la journée. Je me raidis aussitôt, oreilles en arrière et babines retroussées.
Cette fois, c'était l'alpha qui pénétrait dans la chambre. Il soupira en voyant que j'étais sous forme de louve et que je reculais en grognant.
« Tout va bien, Mariposa, dit-il d'une voix apaisante. Personne ne va te faire de mal. »
Je lui adressai un regard peu amène.
Et comment est-ce que je pouvais être sûre de ça ?
Je venais d'être blessée, ce n'était pas le moment de laisser des inconnus s'approcher de moi. Je me savais bien trop vulnérable pour le permettre.
L'alpha eut alors une réaction surprenante. Au lieu d'essayer de s'approcher de moi, il resta sur place, à côté de la porte. Il se contenta de s'asseoir à même le sol.
« Je reste sous forme humaine, tu vois ? »
C'était assurément un bon point.
Je m'assis pour l'observer d'un air méfiant, mais il resta immobile plusieurs minutes, sans esquisser l'ombre d'un geste menaçant.
Karina non plus n'avait pas été agressive, après tout : peut-être que je pouvais lui faire confiance. Peut-être.
« Je t'ai apporté un dessert, dit-il finalement, Karina n'en avait pas prévu. Tu ne veux pas redevenir humaine pour y goûter ? »
Je suivis sa main du regard : il avait apporté un bol de mousse au chocolat. Malgré moi, je me sentis saliver. J'avais toujours adoré le chocolat, mais c'était impossible que l'alpha sache une telle chose.
Je fis un unique pas en avant.
Il y eut un moment de flottement, pendant lequel je fixais alternativement le dessert et Flavien. Puis, rassurée par son immobilité parfaite, je m'avançai prudemment vers le bol. Je lui administrai un bref coup de langue avant de revenir rapidement sur mes pas.
L'alpha me regardait sans intervenir, un sourire amusé sur les lèvres. Ce manège dura un moment, mais finalement, j'avais conclu qu'il n'y avait pas de menace immédiate, et j'entrepris d'avaler l'intégralité du dessert. Savourant la saveur du chocolat, j'oubliai peu à peu la présence de l'alpha – ou disons que je m'y habituais. J'attribuais son inexplicable patience à la culpabilité : il devait toujours s'en vouloir de m'avoir blessé. C'était étrange, mais au moins, je ne me sentais pas menacée par sa compagnie.
J'allais m'éloigner à nouveau, lorsque je sentis une main se plaquer sur ma nuque. J'émis un couinement inquiet, avant de me rendre compte de ce qu'il faisait.
L'alpha me caressait.
Au lieu de grogner et de me dégager, je restai parfaitement immobile, comme pour m'assurer que ce que je ressentais était bien réel. Rien de douloureux ne suivit, et la sensation se révéla même très agréable. Je me détendis peu à peu, laissant l'alpha passer les doigts à travers mes poils.
D'ordinaire, les loups aiment beaucoup le contact et les caresses, la plupart d'entre eux étaient même très tactiles, mais j'avais pris l'habitude de fuir toutes les interactions qui n'était pas nécessaire. Ces caresses me semblaient donc d'autant plus plaisantes qu'elles étaient exceptionnelles.
Je finis par me relâcher complètement, m'allongeant sur le sol, la tête sur les genoux de l'alpha. Ses gestes étaient très délicats, précautionneux même. Il évitait soigneusement mes blessures, concentrant ses caresses sur les zones qui m'arrachaient des petits soupirs de plaisir.
« Maintenant que tu es rassurée, tu pourrais reprendre forme humaine, tu ne crois pas ? Dit-il au bout d'un moment. Tu n'as aucune raison d'avoir peur. »
Je n'étais pas sûre d'en avoir envie, j'abordais plus facilement le stress sous ma forme de louve. Elle me donnait accès à des réactions instinctives, quoi qu'il arrive, et je n'étais jamais prise au dépourvu. Sous forme humaine, au contraire, je ressentais tout avec infiniment plus de violence, mais je peinais souvent à trouver une issue. Ou alors, les choses tournaient horriblement mal, comme avec Seth.
« S'il-te-plaît, Mariposa. Reprends forme humaine, je te promets que tout se passera bien. »
Flavien avait parlé avec une douceur étonnante, et je me sentis fléchir. La peur avait progressivement laissé place à une petite bulle de confiance, même si j'en étais moi-même surprise. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie apaisée en dehors de ma famille.
Je ne me rendis pas tout de suite compte de ce qui s'était passé.
En réalité, il fallut qu'un léger frisson parcoure ma peau pour que je prenne conscience de ma nudité. J'avais repris forme humaine sans m'en apercevoir, et j'étais toujours allongée sur le sol, la tête sur le genoux de l'alpha, qui me caressait toujours les cheveux.
Je bondis immédiatement loin de lui, gênée de ce qui venait de se passer, et je m'éloignai à grandes enjambées. Il rit, comme si la situation n'avait rien d'anormal, tandis que je sentais mes joues brûler.
« Il y a une salle de bain juste ici, dit Flavien en me montrant une porte. Tu auras sans doute envie de prendre une douche, j'y ai monté ton sac pour que tu puisses te changer. »
Je me précipitait vers la salle de bain, ravie de pouvoir cacher ma honte quelque part.
« Je t'attends ici, m'avertit l'alpha. Mais après, il faudra refaire tes bandages, et j'aimerais parler de certaines choses avec toi. »
J'acquiesçai d'un hochement de tête, et je refermai la porte derrière moi.
***
Je me rends compte que je ne peux pas m'empêcher de décrire la nourriture. C'est ma passion pour la bonne bouffe qui transparaît !
Ce détail mis à part, qu'est-ce que vous avez pensé du chapitre ? Les choses progressent, mais doucement ! ^^
Merci pour votre lecture, vos votes, vos commentaires et votre gentillesse ! On se retrouve dimanche pour le prochain chapitre !
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