Chapitre 32
Publié le 05/09/2021
***
« Ce qu'il peut être con, parfois, votre alpha ! S'emporta Lina.
– C'est aussi ton alpha, je te rappelle, observa Émira.
– Ouais, et il a de la chance. Parce que sinon...
– Tu serais allée lui secouer les puces ? Honnêtement, je doute que ça changerait quoi que ce soit. Ce qui est fait est fait, n'est-ce pas ? »
Je ne les voyais pas, mais les deux louves semblaient avoir attiré l'attention de leur entourage. Il faut dire que jusque là les conversations manquaient clairement d'enthousiasme.
« Vous avez une façon de dire les chose, soupira Karl.
– Parce que t'es pas d'accord, peut-être ?
– Je serais moins virulent, on va dire. Mais c'est vrai que Flavien a fait une erreur en laissant le champ libre à ce Silvio. Il ne me vraiment dit rien qui vaille. »
Je retint involontairement ma respiration, en entendant le nom de mon âme-sœur. Même si c'était assez inélégant, je ne regrettais pas d'avoir posé l'oreille contre la porte avant d'entrer. Ce n'est pas comme si j'écoutais une réunion secrète, après tout : ce n'était que le petit-déjeuner. Mais avant d'entrer, plus par prudence qu'autre chose, j'avais voulu savoir ce qui occupait les conversations.
Je tenais à savoir si la moitié de la meute me considérait par exemple comme une allumeuse sans honneur. Après tout, entretenir une relation avec l'alpha tout en ayant déjà trouvé son âme-sœur, ça pouvait être très mal vu. Au Pin d'Airain, on ne m'aurait jamais pardonné un tel écart.
Mais ici, apparemment, le débat portait sur les choix de Flavien plutôt que sur ma personne. C'était encourageant et pourtant je ne me décidais pas à passer la porte.
« Moi, j'ai trouvé ça plutôt généreux comme réaction, fit Karim. Il a décidé de ne pas s'interposer pour respecter leur lien d'âme-sœur alors qu'il était très attaché à Mariposa, ça se voyait.
– C'est vrai qu'il était très protecteur avec elle.
– Je ne l'avais jamais vu comme ça avec personne. »
Par réflexe, je mordis ma lèvre inférieure pour empêcher les larmes de monter. Mais mes yeux restèrent parfaitement secs, cette fois. Depuis hier, je ne pleurais plus. C'était comme si je n'avais plus de larmes à verser, que la source s'était tarie.
J'avais fini la journée légèrement sonnée, mais dans un état qui dépassait la tristesse. Je venais de toucher le fond, et confusément, je sentais que je ne devais pas me laisser submerger par la peine plus longtemps. Je savais que si je n'allais pas de l'avant maintenant, il serait de plus en plus dur de me relever.
Alors, au lieu de m'isoler, j'ai passé ma soirée avec Héloïse, chez qui Milo et Karina m'attendaient aussi. Nous avions consacré quasiment toute la nuit à parler et boire du chocolat chaud, enroulés dans des plaids en laine. Étonnamment, cela m'avait fait du bien. La douleur n'avait pas totalement disparu, mais le fait d'être entourée m'aidait à avancer. Et je me sentais finalement capable de surmonter cette nouvelle épreuve.
J'avais même trouvé une résolution nouvelle, grâce à laquelle je m'étais décidée à regagner la maison de la meute. C'était là où je vivais après tout – et il n'était plus question de fuir.
« Flavien n'était pas comme ça, avec son âme-sœur ? Questionna Lina.
– C'était il y a longtemps, soupira Émira. Nous étions tous des personnes très différentes à l'époque.
– Flavien était plus dur avec tout le monde, dit Karl. J'ignore comment il se comportait dans l'intimité, mais nous ne l'avons jamais vu aussi prévenant avec qui que ce soit.
– D'un autre côté, je ne suis pas sûre que Chiara aurait apprécié. »
Il y eut un soupir, que j'attribuai à Lina, sans en être sûre.
« Quel gâchis... fit-elle, Flavien est en train de se sacrifier pour sauver une relation qui ne devrait même pas exister.
– Silvio est l'âme-sœur de Mariposa, non ? La déesse Lune doit bien avoir ses raisons pour les avoir lié l'un à l'autre. La mère Ymir pourrait sans doute expliquer ça mieux que moi. »
Cette conversation était étrange : je n'avais pas l'impression d'avoir assisté aux mêmes événements que les autres. Comment pouvaient-ils croire que Flavien s'était « sacrifié » ? Il m'avait rejetée en comprenant que j'étais retenue par cette relation tordue avec mon âme-sœur. Au moment où je l'avais supplié d'épargner Silvio, j'avais bien lu dans son regard que je le dégoûtais.
Ma main trembla sur la poignée, et je fus tentée de repartir. Inspirant un grand coup, je poussai malgré tout la porte pour pénétrer dans la salle à manger.
Je ne fus pas surprise de découvrir que la pièce était quasiment vide : les convives étaient tous réunis autour d'une seule table, sur laquelle trônait le petit déjeuner. Le buffet sur lequel on allait habituellement se servir était poussé dans un coin, recouvert d'un drap blanc, comme le reste des meubles.
Il faut dire qu'il n'y avait pas beaucoup de monde pour le petit-déjeuner. Il ne restait que les bêtas, ainsi que Lina et Milo, qui devait avoir préparé le repas de ce matin. La majorité des loups s'étaient repliés dans leur demeure familiale et n'en sortaient plus que s'ils y étaient obligés.
« Salut Mariposa ! Fit Lina en dégageant de la place à côté d'elle. Viens t'asseoir, il reste du café. »
Je la rejoignis en me composant une expression joyeuse, même si je soupçonnais que mon sourire ressemblait plus à une grimace qu'autre chose.
Sans y prêter attention, Lina me servit une généreuse tasse de café. Face à moi, Milo me tendit gentiment une corbeille de petits pains.
« Ils sont frais du matin, assura-t-il. Tu m'en diras des nouvelles.
– Merci.
– Tu as bien dormi ? La lune rouge approche, ça perturbe le sommeil de tout le monde. »
Je sentis une vague de reconnaissance m'envahir face à cet accueil chaleureux. Je fus impliquée dans toutes les conversations, qui avaient pris une tonalité bien plus légère depuis que j'étais arrivée – mais ça, les autres ne pouvaient pas savoir que je l'avais remarqué.
J'observais toutefois que ni Flavien, ni la prêtresse et son escorte n'étaient là. C'était plutôt rassurant pour le moment, mais ça ne me disait pas quand je devrais les croiser à nouveau.
« On n'attend personne d'autre pour le petit-déjeuner? Demandai-je finalement à Lina.
– Non, les autres ont mangé très tôt. La prêtresse a insisté pour reprendre les recherches avant le lever du soleil et l'alpha l'a accompagnée par mesure de précaution. »
Je remarquai qu'à côté de Milo, Émira fronçait les sourcils.
« Je ne suis pas sûre que ce soit une décision bien judicieuse, dit-elle, nous sommes en train de prendre de plus en plus de risques pour trouver le puits de mana.
– La prêtresse craint une attaque imminente, fit sombrement Karim. La lune rouge est pour ce soir, et elle pense que la sorcière y puisera un regain de pouvoir. »
Karl haussa les épaules avec l'air d'appuyer Émira.
« Si nous concentrions nos forces sur la protection des frontières, nous pourrions tout aussi bien contrer l'attaque de la sorcière. Et ça demanderait moins d'excursions dans des bois qui ne sont même plus sûrs. La prêtresse ne prend pas assez sa sécurité assez au sérieux.
– Tant qu'elle est accompagnée par l'alpha elle ne craint pas grand-chose, vous ne croyez pas ? Observa Milo.
– J'aimerais que ce soit vrai. » soupira Émira.
Comme pour appuyer ses propos, la porte fenêtre s'ouvrit avec fracas.
Tout d'un coup, le vent et la pluie s'engouffrèrent dans la pièce, soulevant les serviettes et les corbeilles. Mais personne n'y prêta attention. Parce que, dans l'ouverture, les mains crispées sur la fenêtre et les yeux agrandis par l'effroi, se tenait la prêtresse Ymir.
« La sorcière, prévint-elle d'une voix rauque. Elle est... »
Elle manqua de s'effondrer, et ne fut rattrapée qu'au dernier moment par Émira qui s'était élancée pour la retenir. La vieille femme semblait à bout de force.
« Prenez le temps de reprendre votre souffle, conseilla la bêta en lui offrant une chaise.
– Nous n'avons plus de temps... Il faut réunir les troupes... et repartir, tout de suite. »
La porte-fenêtre venait d'être refermée, et pourtant un frisson glacial me parcourut l'échine. Myriam s'avança auprès de la prêtresse, bousculant Milo qui voulait lui apporter à boire.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda-t-elle précipitamment. Pourquoi vous êtes rentrée seule ?
– La sorcière rouge, Mildred... Elle n'a pas attendu le soir, répondit la prêtresse d'une voix hachée. Elle a réussi à capturer les autres. Mon escorte. Votre Alpha. Ils sont entre ses mains. »
Il y eut des réactions diverses à cette révélation. Milo manqua de renverser le plateau qu'il tenait entre les mains. Lina lâcha un Juron. Karim et Karl s'étaient raidis, et Émira ferma les yeux en s'appuyant sur un dossier de chaise.
Quant à moi, je sentis que tout tournait autour de moi.
La sorcière a capturé l'alpha.
La femme qui tuait Flavin dans ma prémonition venait de mettre la main sur lui.
Et moi qui savais ce qu'il risquait, je n'avais rien fait. J'avais attendu que le pire se produise sans m'interposer.
« La sorcière a fait des prisonniers, répéta Myriam. Est-ce qu'elle compte les échanger comme otage ?
– C'est une sorcière rouge, rappelez vous, fit la prêtresse en secouant la tête. Elle ne les a épargné que pour utiliser leur sang dans un rituel.
– Mais pourquoi... »
La prêtresse passa une main sur son front, en murmurant pour elle-même. Elle semblait très affectée.
« Excusez-moi, dit-elle enfin. Je vous donne les informations dans le désordre. Voilà ce qui s'est passé : la sorcière a déployé ses armées dans tout le territoire, tôt ce matin, et elle nous a pris en embuscade alors qu'on était sur le point de trouver le puits de mana. À l'heure actuelle, elle a dû pénétrer dans la clairière et commencer les rites de captation pour absorber la source. Elle compte sacrifier ses prisonniers à ce moment-là. »
La prêtresse planta son regard dans les yeux de Myriam.
« Il n'y a pas de temps à perdre. Vous devez réunir vos hommes, tous, et je vous guiderai là-bas. Ce n'est plus qu'une question d'heures avant que cette femme maléfique n'obtienne le pouvoir suprême. Et à ce moment-là, qui sait quel sort elle nous réservera à tous. »
***
Les événements se précipitent, c'est à peine si Mariposa a le temps de reprendre son souffle ! Quels sont vos pronostics pour la suite ? Quel rôle vous imaginez pour notre héroïne dans la bataille qui arrive ?
Sans transition, vous aurez peut-être remarqué que l'histoire est montée assez haut dans le classement cette semaine : j'en suis évidemment ravie ! Je n'imaginais pas que ce roman pourrait arriver dans le top 10 des histoires de loup-garou, mais j'en suis terriblement fière ! Grâce à ça, de nouvelles personnes ont pu découvrir mon histoire, alors si vous en faites partie, je vous fais le couplet habituel : merci beaucoup pour votre lecture ! Si elle vous plaît, je vous conseille de l'enregistrer dans votre bibliothèque et de me suivre, c'est le meilleur moyen de ne rien manquer (et d'être informé.e de mes prochains projets)!
Que vous soyez un.e nouveau.elle venu.e ou pas, je vous remercie de votre soutien et je vous donne rendez-vous mercredi pour la suite ! D'ici là n'hésites pas à faire pleuvoir votes et commentaires sur ce chapitre, ça m'enchante toujours autant !
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