Chapitre 3
Publié le 23 mai 2021
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Le territoire de la Vallée aux Esprits était immense, près de dix fois plus grand que celui de notre ancienne meute, et pour être honnête, il était magnifique. Nous avons tous eu le souffle coupé en découvrant son paysages, constitué d'une vallée profondément encaissée entre deux sommets vertigineux. Presque toute son étendue était couverte d'une forêt verdoyante, coupée par le ruban argenté d'une rivière.
Notre arrivée n'était pas passée inaperçue : à la seconde où nous avions franchi la frontière, des patrouilleurs étaient venus à notre rencontre. L'un d'entre eux nous avait même escorté jusqu'à la maison de la meute, où les bêtas devaient nous accueillir officiellement.
Le soleil, prêt à disparaître derrière les montagnes, colorait tout d'un éclat orangé, signe que cette épuisante journée était sur le point de finir. Mais si tout le monde était fourbu, la plupart des loups étaient moins impatients de se reposer que de découvrir la maison de la meute.
Comme dans toutes les communautés, la maison de l'alpha et de ses bêtas constituait le véritable cœur du territoire, le lieu où la meute se réunissait chaque jour pour une multitude d'activité, allant des repas en commun aux réunions avec les loups supérieurs, en passant par l'accueil des nouveaux venus. C'est ce qui expliquait que trois bêtas nous attendent à l'entrée du bâtiment.
Quelques sifflement d'admiration s'élevèrent à la vue du chalet, haut de cinq étages, et qui était d'apparence très moderne – on voyait rarement d'aussi beaux édifices chez les loups-garous. Mais notre attention s'en détourna rapidement quand le plus grand des bêtas prit la parole.
« Soyez les bienvenus, chers amis ! Fit-il chaleureusement. Je m'appelle Karim, et voici Émira et Paul. Notre alpha aurait voulu vous accueillir lui-même, mais il a été appelé avec les deux derniers bêtas aux confins de notre territoire. C'est un contretemps sans gravité, et il sera là dans la soirée, pour célébrer votre arrivée en bonne et due forme. En attendant, nous vous invitons chaleureusement à venir vous reposer de votre voyage. »
Il y eut quelques exclamations satisfaites, et je sentis mes épaules se détendre. J'avais hâte que l'on nous attribue un logement. Je mourrais d'envie de prendre une douche, de me reposer, mais aussi de m'isoler enfin un moment. Le voyage avait été éprouvant, même si personne ne m'avait malmenée. Le fait d'être constamment sur ses gardes était épuisant, surtout que ma façon de sursauter à chaque bruit suspect avait fini par provoquer l'hilarité de mes compagnons de route.
Certains avaient l'air de penser que je ne tournais pas rond, puisque je réagissais à des sons que j'étais la seule à entendre. Je suppose que ça ne donnait pas la meilleure image de moi, mais j'étais trop angoissée pour pouvoir me contenir, même quand la source du bruit était passablement éloignée. J'avais toujours le ventre noué par l'angoisse, profondément perturbée par ce soudain changement de décor. La nouveauté n'avait vraiment aucun attrait à mes yeux.
« Où est-ce que nous allons être logés ? Demanda Lina avec curiosité. J'ai vu que le village s'étendait le long de la rivière, est-ce qu'il contient encore des maisons libres ? »
Depuis les hauteurs, nous avions effectivement repéré un groupement de chalets. Ils étaient assez semblables à la maison de la meute, bien qu'un peu moins vastes. La majorité des loups habitait sans doute là-bas, en réunissant sous le même toit trois ou quatre générations d'une même famille. Il en était de même chez nous, où la plupart des loups adultes préféraient habiter avec leur famille élargie, côtoyant quotidiennement leurs cousins et leurs grands-parents. Ma dernière grand-mère était décédée il y a quelques années, mais je savais que mes parents auraient aimé vivre dans la même agitation, s'ils avaient pu avoir d'autres enfants. Malheureusement pour eux, j'étais restée fille unique.
« Notre village borde effectivement les berges, répondit joyeusement la bêta, il y a aussi une petite place sous les arbres, pour le marché et la plupart des commerces. Nous vous montrerons tout ça, après l'arrivée de l'alpha, parce qu'il tient à vous servir de guide pour votre visite de bienvenue. »
Elle étendit le bras vers la maison de la meute, dont la porte d'entrée était restée grande ouverte.
« En attendant, nous avons préparé vos chambres ici. Vous y trouverez tout le confort nécessaire.
– La-la maison de la meute ? Répéta Lina en s'étranglant. Pas possible ! »
Les bêtas éclatèrent de rire devant sa réaction, mais ils ne semblèrent pas s'en formaliser plus que ça. Il faut dire que nous étions tous assez surpris : habituellement, la maison de la meute n'hébergeait que les loups de rang supérieur.
« Vous étiez très attendus, fit Karim, c'est un honneur que l'alpha tenait à vous rendre. Il a assuré que vous seriez tous les bienvenus chez lui jusqu'à ce que vous souhaitiez déménager pour fonder une famille. »
Cette annonce fut accueillie avec enthousiasme, et les nouveaux venus pénétrèrent dans la maison sans se faire prier. La plupart des visages s'étaient même éclairés d'une lueur d'orgueil, mais pour ma part, je sentais surtout une sueur glacée me couler dans le dos.
J'étais restée en arrière, mon sac sur le dos, et les yeux rivés sur le seuil de la maison, quand la bêta Émira remarqua que je ne suivais pas le mouvement.
« Tout va bien, jeune louve ?
– Est-ce qu'il est possible de... euh, de loger ailleurs ? Je ne pense pas être à ma place ici. »
C'était un euphémisme, parce que j'étais littéralement terrifiée par cette perspective. Vivre au milieu de l'alpha et de ses bêtas ? Je m'imaginais déjà commettre un impair sans même m'en rendre compte, ce qui me vaudrait certainement un châtiment exemplaire – et mon cerveau me bombarda de scenario catastrophique tandis que je restais plantée devant l'entrée.
Peut-être que mes ennuis allaient commencer dés maintenant : la bêta avait froncé les sourcils d'un air contrarié.
« L'alpha prendrait mal que tu refuses son hospitalité, fit-elle froidement. Qu'est-ce qui te pose problème dans ce chalet ? »
Je fus prise d'un véritable élan de panique qui me coupa le souffle. Incapable de répondre, je me contentai de reculer respectueusement de quelques pas, quand Lina s'interposa entre la bêta et moi.
« Mariposa a toujours été très discrète, dit-elle d'une voix apaisante. Ce n'est que de l'humilité de sa part, mais ça va bien se passer. »
Le visage de la bêta sembla s'éclairer face à ces explications.
« Je comprends, rit-elle gentiment, cette maison impressionne toujours au début. Profitez de la soirée pour prendre vos marques, l'alpha ne rentrera pas avant le début de la nuit. »
J'avais le sentiment que quelques heures ne suffiraient pas à m'apaiser – il m'aurait au moins fallu plusieurs semaines, voire mois. Mais Lina ne me laissa pas l'occasion de répondre à Émira : elle la remercia vivement, et, se saisissant de mon bras, elle m'entraîna à l'intérieur.
« Calme-toi, Mariposa, souffla-t-elle à mon oreille. Tout va bien se passer. »
Je hochai la tête et la suivis docilement, tandis qu'elle me montrait la dernière chambre disponible.
« Tout le monde a déjà choisi sa chambre, fit-elle, donc je suppose que tu devras prendre celle-ci. Je suis à deux portes de là, sur ta droite, et Valentine est en face, avec Marin.
– D'accord, fis-je d'une voix pâteuse. Merci. »
J'entrai dans la pièce, qui était claire et spacieuse, pour déposer mon sac. Mon rythme cardiaque ralentissait lentement, mais j'étais encore loin de me sentir sereine.
« Je te laisse t'installer, fit Lina, mais tu sais...
– Oui ?
– Je crois vraiment que tu devrais profiter de tout ça. De cette deuxième chance, surtout, dit-elle brusquement. Changer de meute, c'est une opportunité qui n'arrive pas deux fois dans une vie, alors ne la gâche pas. »
Je restai interdite face à elle, sans savoir quoi répondre.
« Je... Excuse-moi, bredouillai-je, incapable de trouver une meilleure répartie.
– Tu n'as rien à te faire pardonner, dit-elle vivement. Fais juste un effort, même si c'est difficile pour toi. Ce serait dommage de reproduire ce qui s'est passé chez nous. »
Je fermai les yeux. Elle avait raison, d'une certaine façon : ici, personne ne connaissait encore mes tares. J'avais plus de chance de me faire accepter.
« Tu as raison, dis-je en forçant un sourire. Je me souviendrai de ton conseil.
– Super, dit-elle en faisant mine de partir. On se voit tout à l'heure, alors, pour le repas. »
J'acquiesçai, et elle sortit en fermant la porte derrière elle. Je n'étais pas sûre de ce que je pensais de Lina, en réalité. Elle était tellement directe que je la trouvais brusque, et pourtant elle gardait un certain air de bienveillance. Après tout, elle aurait aussi bien pu me laisser me débrouiller seule face à l'irritation de la bêta.
Tout en réfléchissant, j'entrepris de défaire mes bagages.
Profiter de cette deuxième chance, hein ?
Je regrettais déjà d'être venue.
***
Quelles sont vos impressions sur les premiers pas de Mariposa dans la Vallée aux Esprits ? Et sur sa nouvelle meute ? Bien sûr, vous n'avez pas encore vu grand chose, mais vous en saurez plus dés mercredi avec le chapitre 4.
À ce sujet, bonne nouvelle : la semaine prochaine, vous aurez droit à trois chapitres et non pas deux !
Et si vous restez impatient.es (on sait jamais, laissez moi rêver), vous pouvez me retrouver dans "Râleries quotidiennes", un recueil de courts textes sur mes humeurs et opinions du moment, un peu comme un blog à l'ancienne. En plus de ça, j'ai publié sur Wattpad une petite romance en 11 chapitres qui s'appelle "Piégée par la Nerd", et je suis aussi sur Instagram (Ophelie_de_chez_wattpad).
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