Publié le 11/08/2021

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Un léger bruit se fit entendre contre le bois de la porte – une série de petits coups secs, qui ne m'auraient sans doute pas réveillée si Flavien les avais ignorés.

Mais je sentis son bras quitter ma taille en protestant faiblement. Nous avions dormi l'un contre l'autre, et je regrettai immédiatement sa chaleur rassurante contre mon dos : au lieu de rester au chaud sous les couverture, Flavien venait de s'extirper du lit.

« Je reviens dans un instant. » promit-il, amusé par ma réaction.

Il ne fit qu'entrouvrir la porte pour sortir, mais j'avais reconnu Émira dans l'entrebâillement. Elle était habillée de pied en cap, malgré l'heure matinale, et ses yeux semblaient tirés – de toute évidence, elle n'avait pas dormi de la nuit. Je me demandai indistinctement ce qui se passait, quand la porte se referma sur les deux loups.

Flavien ne voulait sans doute pas me réveiller totalement, mais c'était raté. Même si j'avais enfoui mon visage dans les oreillers, la curiosité me taraudait trop pour que je pense à dormir : à la place, je tendais l'oreille en direction de la porte.

La voix d'Émira semblait fatiguée, et elle parlait très doucement. Ce n'est que grâce au silence matinal de la maison que je parvins à distinguer ses paroles.

« C'était qui, avec toi ? Mariposa ?

– Oui, mais je suppose que ce n'est pas pour ça que tu m'as réveillé. »

Une légère pointe d'inquiétude me traversa en entendant mon nom. C'était étrange d'entendre l'alpha annoncer sur ce ton détaché qu'il avait passé la nuit avec moi.

Mais apparemment, ce n'était pas une information particulièrement scandaleuse, et Émira n'émit même pas un commentaire sur la situation. On aurait dit qu'elle constatait un dénouement attendu de longue date.

« La prêtresse vient d'arriver. On sait pourquoi elle a mis plus de temps que prévu : elle s'est fait attaquer en chemin.

– Attaquer ?! Mais par qui ? Pas par les guerriers du Pin d'Airain, quand même ?

– Non, non au contraire, ils lui ont offert deux des leurs pour l'escorter. Mais ça n'a pas été suffisant, et ils ont été lourdement blessé dans l'attaque. Ils ne s'attendaient pas à devoir affronter dix assaillants d'un coup.

– Est-ce qu'ils ont reconnu de qui il s'agissait ?

– D'après eux, c'étaient des loups solitaires, fit Émira d'un air las.

– Ce n'est pas possible, ils ne s'en prennent jamais aux prêtres.

– C'est ce que je pensais aussi, mais la prêtresse est formelle. Elle a reconnu leur odeur dés qu'ils se sont manifestés, et elle n'a pas l'ombre d'un doute. »

Je clignai lentement des yeux, surprise parce que je venais d'entendre. Il était de notoriété que les seules personnes que les loups solitaires respectaient, c'étaient les prêtres de la Lune : ils leur offraient toujours l'hospitalité au sein de leurs temples et sanctuaires. Beaucoup de solitaires ont été sauvés de la faim, de la maladie ou de leurs blessures par les prêtres. Ça n'avait aucun sens de les attaquer alors que c'étaient les seuls soutiens que ces loups connaissaient. Sans compter qu'ils s'étaient à nouveau mis à plusieurs dans leur attaque, ce qui était hautement inhabituel chez ces créatures solitaires.

« Tu sais où l'attaque a eu lieu ? interrogea Flavien.

– Dans les forêts non revendiquées aux abords de nos frontières. Ça ressemble à une embuscade bien préparée.

– En effet, fit sombrement l'alpha. Est-ce que la prêtresse va bien ?

– C'est la seule qui s'en est sortie indemne, et c'est même elle qui a mis fin à l'attaque avec sa magie. Elle est un peu fatiguée d'avoir lancé un sort incendiaire, mais elle tient quand même à te rencontrer immédiatement. »

C'était donc pour ça qu'Émira était venu frapper chez Flavien au lever du soleil : on ne faisait jamais attendre un prêtre.

« Très bien, laisse-moi cinq minutes pour m'habiller, et je descends la voir. Les loups de son escorte ont déjà été pris en charge par la doctoresse, j'imagine ? »

Émira répondit par l'affirmative, avant de produire un formidable bâillement.

« Désolée, fit-elle, mais cette patrouille a duré bien plus longtemps que prévu. Je suis épuisée.

– Va te coucher, tu en as déjà fait beaucoup en accueillant les arrivants. »

Il marqua une pause, comme s'il réfléchissait à la marche à suivre, avant d'ajouter :

« Je pense qu'il va falloir réunir une assemblée extraordinaire. Un autre bêta se chargera de ça, mais dans l'idéal, il faudrait que tu participes. Ne dors pas non plus toute la journée.

– Aucun risque, promit Émira. On se revoit plus tard. »

Flavien m'adressa un sourire attendri en rentrant dans la chambre.

« Tu ne dors pas ?

– Soudaine insomnie. » mentis-je.

Inutile de préciser que le lit me semblait beaucoup moins confortable depuis qu'il en était sorti.

« J'ai une réunion d'urgence, fit-il, je ne dois pas traîner. Mais toi, tu devrais quand même essayer de dormir encore un peu – la journée promet d'être agitée pour tout le monde. »

Je hochai la tête, vaguement contrariée. J'avais naïvement espéré que Flavien me rejoigne dans le lit, au moins quelque minutes. Au lieu de ça, il enfila une chemise, avec l'air de commencer sa journée.

Il sembla se rendre compte de ma déception, parce qu'il se rapprocha avec une expression amusée.

« Ne fais pas cette tête, moi aussi je préférerais rester ici.

– Je ne vois pas de quoi tu parles. »

Une bouffée de chaleur envahit mon visage, et je détournai les yeux en voyant que Flavien se diriger vers le lit – je me sentais ridicule. Et pourtant, je n'avais qu'une seule idée en tête : essayer de retenir l'alpha et le serrer contre moi. C'était comme si toute distance entre nous était de trop.

« Tu boudes, Mariposa, fit joyeusement Flavien.

– C'est faux.

– Très bien, prouve-le moi. »

Je clignai des yeux, désarçonnée.

Puis, après une longue inspiration – destinée à me donner du courage – je me redressai pour l'embrasser. J'avais peut-être plaqué mes lèvres contre les siennes avec un peu trop d'énergie, mais ça ne sembla pas gêner Flavien, bien au contraire. Il m'attira contre lui et approfondit le baiser avec autant de passion.

Quand nos lèvres se séparèrent, je me sentais un petit peu moins contrariée.

« Convaincu ?

– Parfaitement convaincu. » fit Flavien avec un sourire éclatant.

Il dut pourtant se lever et finir de se préparer.

« Je ne devrais pas perdre plus de temps, dit-il à regret. Mais toi, tu peux rester dans ma chambre aussi longtemps que tu veux. On se voit rapidement – dés que j'ai un moment de libre. »

Et sur cette promesse, il sortit et referma la porte derrière lui.

Je plongeai le visage dans les oreillers, cherchant son odeur pour me réconforter. Étonnement, il ne me fallut que quelques minutes pour sombrer à nouveau dans le sommeil, et je ne me réveillai que deux heures plus tard.

Quand je rejoignis la salle à manger, il régnait une atmosphère inhabituelle – tendue, presque électrique. Aucun des bêtas n'était présent, mais tout le monde discutait à voix basse avec des accents inquiets.

« Une assemblée extraordinaire a été annoncée pour cet après-midi, m'annonça Lina en guise de salutations. Il paraît que la prêtresse qui vient d'arriver a de mauvaises nouvelles pour nous.

– Rien que que la façon dont elle est arrivée constitue une mauvaise nouvelle, non ? Une attaque de loups solitaire... »

Lina hocha la tête par dessus son café, avant de m'adresser un regard perplexe.

« Comment tu es au courant pour l'attaque ? Ça a eu lieu cette nuit. »

Elle avait l'air un peu déçue, comme si elle s'était réjoui à l'avance de me raconter cette histoire.

« J'ai entendu Émira en parler à Flavien, ce matin. Parce que j'étais, euh... »

Je me rendis compte que j'étais en train de me trahir toute seule, et je rougis jusqu'à la pointe de mes cheveux.

Lina ne sembla pas choquée le moins du monde, elle se contenta de rire de mon embarras.

« Parce que tu dormais avec Flavien ? finit-elle pour moi. Ce n'est pas la peine d'en faire un secret, tu sais comment ça se passe ici. Tout le monde est déjà au courant.

– Oh... et qu'est-ce qui se dit ? Demandai-je avec l'envie de disparaître au fond de ma tasse de café.

– La plupart des loups sont rassurés de voir que leur alpha s'intéresse de nouveau à quelqu'un, après ses années de veuvage. Ils ont l'air de penser que son célibat prolongé n'a pas fait du bien à son caractère.

– Et vis à vis de moi ? »

Une boule venait de se former dans ma gorge. Je n'étais pas sûre d'avoir envie que ma vie sentimentale soit à nouveau au centre des conversations. Surtout qu'il s'agissait d'un loup dont tout le monde savait qu'il n'était pas mon âme sœur.

Je me fis même la réflexion que j'aurais été incapable de mettre un mot sur notre relation. Flavien n'avait pas été vraiment clair sur mon nouveau statut, si l'on exceptait le fait qu'il ne nommerait pas de Luna. Allais-je quand même devenir sa compagne officielle ? C'était dur de m'y retrouver, et encore plus en sachant que nous n'avions pas vraiment pris le temps de parler sentiments.

Lina ne sembla pas remarquer mon embarras : elle se contenta de hausser les épaules.

« Je n'ai pas entendu grand-chose sur toi, fit-elle. Les loups d'ici se fichent vraiment de savoir si les unions suivent les règles ancestrales, tu as dû le remarquer à la longue. Le fait que tu ne sois pas son âme-sœur n'a pas l'air d'être un sujet.

– Tant mieux, fis-je simplement. »

Une pointe de soulagement vint tout de même remplacer l'angoisse.

« Et puis de toute façon, si quelqu'un avait voulu te critiquer, il ne l'aurait pas fait devant moi. Tout le monde sait très bien que je n'aurais pas toléré qu'on parle mal d'une de mes amies. »

Je releva les yeux vers Lina, touchée. Elle n'avait pas non plus l'air de se rendre compte du plaisir que me faisait sa dernière déclaration, prononcée sur le ton de la conversation. Elle se contentait de beurrer un morceau de pain avec une expression pensive.

« Les activités de la journée sont suspendue comme il y a une assemblée cet après-midi, dit-elle. On pourrait en profiter pour faire une course dans la forêt, plutôt que de rester ici à angoisser en imaginant quelles mauvaises nouvelles nous attendent.

– J'adorerais ça. »

La perspective de me dégourdir les jambes me réjouissait, et pourtant j'étais un peu surprise de la proposition de Lina.

« Tu ne veux pas attendre Karl ? La réunion des bêtas ne devrait plus trop tarder à finir.

– Il ne va pas avoir beaucoup de temps devant lui s'il doit organiser l'assemblée, fit-elle en haussant les épaules à nouveau. Et puis j'ai écouté les conseils de Karim, tu te souviens ? Karl a compris que j'avais besoin de passer aussi des moments sans lui, il ne m'en voudra pas. »

C'est vrai que j'avais remarqué que Lina était beaucoup moins souvent avec son âme-sœur quand il y avait du monde autour. Leur relation était même devenue assez discrète, ces derniers temps.

« Ça se passe comment avec Karl ? Demandai-je.

– Beaucoup mieux, fit-elle en buvant une gorgée de café. Ça a demandé beaucoup de discussion, mais nous nous comprenons de mieux en mieux. Il a même fini par accepter que nous n'aurons pas de louveteau dans l'année. En retour, j'ai accepté d'emménager avec lui, et nous sommes arrivés à un compromis viable. Il a fait pas mal de concessions sur le reste.

– Il n'insiste plus pour échanger la marque ? »

Lina m'adressa un sourire entendu.

« Je veux bien parler de Karl, sourit-elle, mais si on se met à discuter sentiments, tu vas bien être obligée de me raconter ce qui se passe avec l'alpha. Il n'y a pas de raison que je sois la seule à déballer mes histoire !

– Allons courir, d'abord, dis-je en me levant. On pourra finir cette conversation sur le chemin. »

Ma diversion n'impressionna pas Lina, mais elle me suivit sans protester.

Dans le fond, elle savait que j'allais lui tout lui raconter – ou du moins, ce qui était racontable.

***

Ça fait toujours plaisir, un peu de douceur dans ce monde de brutes, vous ne trouvez pas ? Ça change du drama, j'espère que ça vous aura plu.

En attendant, souhaitez-moi de bien profiter de mes vacances (je mange très très bien, laissez-moi vous le dire) et on se retrouve dimanche pour la suite !

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