Théodore parcourt des yeux le tour du lac. Personne. Seul un groupe d'oiseaux vole encore dans le ciel orangé. La nuit commence à tomber sur la petite ville où il habite.

Il se retourne vers les habitations pour se repérer. Il sait où aller pour la trouver. Enfin, espérer la trouver. Quelles sont les chances qu'elle retourne chez elle ? Pas bien grandes, pourtant Théodore n'a pas vraiment le choix. Il sait où elle habite, l'année dernière, il avait dû lui apporter des devoirs, un jour où elle était absente.

"Qui veut s'occuper d'amener les devoirs à Alice ?"

La question était restée en suspens dans l'air quelques temps. Personne ne bronchait. Rachel, l'amie de classe d'Alice n'était pas là non plus et personne ne se désignait. Maria soupira, mais ne se désigna pas : elle avait déjà ceux de Rachel.

"Bon, j'aimerais que quelqu'un se désigne. Ce n'est pas grand-chose, montrez un peu de solidarité, s'il vous plaît !"

Théodore avait levé la main. Personne d'autre ne l'aurait fait, alors autant qu'il s'en charge.

"Elle habite 14 rue des pins. Merci beaucoup Théodore."

L'interpellé marmona une phrase inaudible en réponse à son professeur avant de sortir de la salle derrière le reste de sa classe.

14 rue des pins.

Théodore s'engage dans une rue, tourne dans une autre, file vers une troisième. Il connaît la ville comme sa poche. Il a toujours vécu ici, grandi entre les maisons, sillonné, à vélo ou à pied, les rues qu'il emprunte à présent.

Il avait juste déposé les devoirs, sans s'attarder de trop. Une ou deux phrase de politesse et il était déjà parti.

A chaque fois que ses pas frappent le bitume, une question surgit dans sa tête.

Si elle n'est pas chez elle, où ira-t-il ?

S'il est trop tard, que fera-t-il ?

S'il est encore temps, l'acceptera-t-elle ?

Que fera-t-il alors ?

Elle rêve de l'entendre dire : "Je t'aime." C'est si simple comme mots. C'est court, rapide, pourtant si lourd de conséquences...

Le coeur de Théodore bat pour une autre.

Il ne peut pas lui dire ces mots qui pourraient la sauver.

Il a des sentiments trop purs pour vouloir lui mentir.

Pourtant, ce sont les seuls mots qui peuvent donner à Alice l'envie de survivre.