CHAPITRE 7
À cinq heures tapantes, Antonio quitta son lit, pour la première fois pressé de commencer la journée qui s’annonçait. Il continua dans sa salle de bain, et cinq minutes plus tard, il en ressortit débarbouillé, et vêtu d’un bas de jogging. Sur son tapis de course de sa salle de sport privé, il courut les dix kilomètres qu’il faisait tous les jours tout en regardant les informations boursières sur l’écran plat en face de lui. À sept heures trente, il avait fini de prendre sa douche, et buvait maintenant son café autour d’un bon petit déjeuné qu’il avait fait livrer, et vingt minutes plus tard, il était prêt. Il ne restait plus qu’elle, songea-t-il en regardant pour la deuxième fois sa montre.
L’une des choses dont il avait la sainte horreur c’était le retard. Il n’aimait pas les gens en retard, peut-être était-ce parce que lui ne pouvait se permettre d’être en retard dans sa vie. Il mima une grimace d’agacement, avant de regarder une fois encore son poignet sans vraiment voir sa montre. Elle n’était pas vraiment en retard, c’est lui qui était plutôt en avance, ce qui lui rappela qu’en plus du retard, ce qu’il abhorrait tout aussi plus était le fait d’attendre. Les mains croisées dans le dos, il regardait la grande porte comme s’il attendait le président en personne, et au bout du quatrième coup d’œil sur son poignet, où trônait une magnifique montre en platine incrustée de discrets diamants, il râla avant de soulever le pied en direction de son bureau. Elle avait tout juste trente secondes de retard s’irrita-t-il toutefois en ouvrant la porte. Mais il venait à peine d’y arriver quand la sonnerie de la porte d’entrée se fit entendre. Avec l’empressement d’un adolescent, il marcha à vive allure jusqu’à la porte, attendit qu’elle sonne une deuxième fois afin de ne pas paraitre plus impatient qu’il ne l’a été, et ouvrit, et sans vraiment penser à se retenir, il laissa alors un sourire vrai étirer ses lèvres.
— Mademoiselle Banks, fit-il sur un ton doux, tandis qu’un léger sourire charmeur flottait dorénavant sur son visage, quand il vit la rougeur se rependre sur les traits innocents de la jeune femme.
— Bon… bonjour Monsieur Grimaldi, murmura Rainbow en fuyant le regard d’Antonio qui continuait de se régaler de la mettre dans cet état.
— Ne restez pas sur le pas de la porte, entrez, fit-il en s’écartant pour laisser son assistante passer.
Il ne s’éloigna pas trop de la porte, pour ainsi profiter de son odeur quand elle passa devant lui. Le nez vers elle, il résista difficilement à l’envie de passer sa main dans la longue et lourde tignasse blonde de la jeune femme.
Toujours dans des vêtements trop grands, informes, il la regarda admirer la luxueuse maison dans laquelle il ne vivait qu’un weekend sur deux.
— Vous avez une magnifique maison.
— Je sais. Mais vous n’êtes pas là pour parler décoration, venez, lui dit-il sans aucune raison valable sur un ton dur en se retournant pour lui montrer le chemin de son bureau.
La jeune femme sur ses pas, Antonio se dirigea directement dans l’un de ses antres, il ne venait que très rarement ici, d’ailleurs il ne savait pas pourquoi il avait invité cette jeune inconnue à venir, car hormis elle, aucune femme n’était jamais venue ici. Même son meilleur ami n’y avait mis les pieds que deux ou trois fois à la rigueur.
Il ouvrit la porte sans la refermer, l’invitant ainsi en silence à entrer, et ne se retourna pas pour vérifier si la jeune femme le suivait toujours. Il entendit vaguement la porte se refermer dans son dos, pendant qu’il atteignait l’immense bureau en bois d’érable.
L’enveloppe de son notaire en main, il fit face à Rainbow dont le regard virevoltait sur la décoration des lieux. Et lui en profita pour la détailler de nouveau.
En la regardant, il avait l’impression d’être un chat, car il n’avait qu’une seule envie, lui retirer toute cette tonne de laine qu’elle portait sous forme de jupe et de gilet afin de voir ce qu’elle pouvait dissimuler. Il n’était pas du genre à être attiré par les filles que beaucoup qualifiaient de coincées, et cela avec juste raison, il n’avait pas le temps de leur faire la cour pour obtenir ce qu’il voulait. Au moins avec les femmes sophistiquées qu’il fréquentait, le contrat était clair, du sexe et rien que du sexe, en contrepartie il leur servait quant à lui de mot de passe pour un monde très fermé.
Mais pourquoi pensait-il à ça ? Il n’y aurait aucune relation avec cette jeune femme. Elle était, et avait tout ce qu’il ne voulait pas voir chez une femme, trop jeune, trop habillée, trop innocente, trop coincée, et pas assez maquillée.
— Asseyez-vous Mademoiselle Banks. Nous n’avons pas du temps à perdre. Si vous travaillez vite, vous finirez avant la fin de la journée, et chacun de nous pourra vaquer à ses occupations en ce samedi soir. Je vous ai aménagé un coin travail dans le petit salon là, fit Antonio en lui indiquant les grands canapés.
Il lui remit l’enveloppe du notaire et se retourna quand elle l’arrêta.
— Et qu’est-ce que je suis supposé faire ? demanda-t-elle timidement de sa petite voix.
Antonio se retourna pour la fixer à nouveau en se demandant une fois encore pourquoi elle était là au juste.
— Entre vos doigts, vous avez mon testament, et…
— Vous allez mourir ? murmura la jeune femme d’une voix dont la profondeur de la tristesse trouva un chemin jusqu’au cœur d’Antonio.
Il la fixa pendant un laps de temps, en essayant au mieux d’endiguer ce que cette question éveillait en lui. Il y’a plusieurs semaines c’était son notaire et vieil ami qui lui avait posé cette question sur un ton inquiet, mais il ne s’était pas senti aussi désarmé que lorsque cette petite chose le lui avait demandé. Il hésita. Il voulait lui dire en un sens une partie de la vérité, lui mentir, ou prendre un masque amusé pour éluder la question, mais de tous ses sentiments, celui qui prédominait, c’était l’envie de protection. Il avait envie de l’épargner des retombées de sa réponse. Les lèvres pincées, il se décida toutefois à se délier la langue. Il se retourna complètement, et fit un petit pas en sa direction.
— Allez-vous me pleurer si c’est le cas ? demanda -t-il alors sur un ton qu’il voulait plein de raillerie, mais va savoir pourquoi, il ne put. Et à bien y penser, qui remarquerait qu’il était parti ? Il y’avait plus de huit milliards de personnes sur cette terre, et en tant qu’italien, il savait la force et la fidélité que pouvait avoir un cœur de femme, alors lui, qui pleurerait son absence ? Qui en regardant un homme sourire ou se passer les doigts dans les cheveux penserait à lui, qui en voyant l’amour qui liait deux êtres songerait à l’amour qu’elle avait elle-même perdu ? Sa voix sérieuse exigeait en silence une réponse, ce qui rendait l’atmosphère entre eux lourde. Rainbow avait tout de la femme douce, aimante, à la regarder, et on voyait qu’elle était de celle-là à savoir apaiser la mer déchainée que pouvait quelque fois devenir un homme. Elle était de celle-là qui savait offrir le repos, il n’avait qu’a la regarder pour le savoir. Être à ses côtés était apaisant. Son trouble se prolongea quand il se rendit compte qu’il était réellement intéressé d’avoir la réponse à cette question.
Face son ton profond, et ses traits dont la neutralité murmurait qu’il y’avait quelque chose de tu, le visage de la jeune femme pâlit, puis ses yeux s’humidifièrent. Il y’avait une réelle tristesse sur ses pupilles à la clarté d’un magnifique ciel d’été, une tristesse sincère, mais ce qui étonna en plus Antonio, c’est le manque de pitié qui s’y reflétait.
Le silence perdura, et l’ambiance qui était dans un premier lieu lourd, revêtit en plus la cape du sinistre, devant lui, les yeux de Rainbow continuaient de contenir ses larmes, et il se sentit mal. La lèvre rose de la jeune femme enfermée entre ses dents pour en atténuer les tremblements le fixait avec un douloureux espoir qu’il ne put détruire.
— Ce n’est pas la nouvelle du siècle, mais sachez Mademoiselle Banks que tout le monde meurt un jour, mais rassurez-vous, ce n’est pas encore mon heure.
— Vous allez donc bien, vous n’allez pas mourir ?
Il lui sourit tristement en espérant qu’elle ne le voit pas.
— Si je vais mourir, mais pas maintenant. Donc, gardez vos larmes pour moi pour plus tard, lui dit-il sur un ton comportant quelques relents de suppliques.
Rainbow l’observa avec plus d’attention, cherchant un signe avant-coureur d’une quelconque maladie pouvant conduire à une quelconque mort soudaine sur les traits parfaits de cet Adonis, mais rien. Ses pupilles d’un noir intense semblaient vifs, sa peau naturellement bronzée qu’elle devinait douce et dénuée de toute tare ne souffrait d’aucun problème visible à l’œil nu, son nez fin et droit, ni son menton volontaire, ou son magnifique corps emprisonné dans son costume bleu nuit de haute couture ne ressemblaient au corps ou aux traits d’un malade. Il se tenait droit, la dominant de plus d’une tête, et la force qui émanait de lui n’avait pas faibli depuis la dernière fois où elle l’avait vu. Cet homme était tout simplement en parfaite santé, il semblait aller bien, alors pourquoi parlait-il sur un ton qui lui donnait la chair de poule, et surtout pourquoi, elle, elle était attristée au point de vouloir pleurer comme si sa mort pouvait avoir une quelconque incidence sur sa vie ?
— Assez, parlez mort pour aujourd’hui, lui dit-il sur un ton neutre, et Rainbow acquiesça de la tête sans savoir pourquoi elle éprouvait ce soulagement qui n’avait pas sa place. — Je vous disais que vous aviez là mon testament. Je l’ai fait établir pour des raisons professionnelles et pour rassurer mes avocats. Je veux que vous l’étudiiez pour voir si ce qui a été établi correspond à la virgule près à mes exigences. Il y’a là aussi une liste de fondations à qui je voudrais faire don de ma fortune, vous les étudierez pour en choisir une dizaine qui aurait vraiment besoin de mon argent.
Rainbow récupéra la grosse enveloppe A4 en papier kraft.
— C’est tout ? dit-elle surprise.
Antonio arqua un sourcil amusé qu’elle voit la tâche plus facile qu’elle n’en avait l’air.
— Oui c’est tout, et pour le premier volet de votre travail vous allez avoir besoin de cela.
Lui, alla prendre un document de près de mille cinq cents pages qu’il lui tendit.
— Qu’est-ce que s’est ?
— La liste de tous mes biens, leurs valeurs approximatives en ce jour, plus d’autres informations. Ça va des immeubles que je possède, jusqu’à la plus petite aiguille, et cela en passant par tous mes brevets.
Rainbow écarquilla les yeux, en prenant à deux mains le lourd document. Et dire que la liste de ses biens à elle pourraient facilement tenir sur la moitié d’un post-it…
— Vous verrez sur la table basse de votre espace travail, qu’il y’a un autre document, ce dernier comporte la liste des activités des associations qui ont passé la première sélection. Aidez-vous-en, pour faire votre propre liste de dix noms, avec les motivations qui vous ont poussé vers leur choix. Vous avez également un ordinateur pour vous aider dans vos recherches complémentaires. Et si vous avez la moindre question, n’hésitez pas.
— Bien Monsieur Grimaldi, murmura Rainbow en se rendant compte à quel point le travail serait fastidieux.
Les papiers serrés contre elle, elle alla se mettre sur le canapé en évitant de fermer les yeux face à la douceur du meuble. Le bonheur qu’elle ressentait en se laissant aller sur cette surface moelleuse n’équivalait en rien au plaisir qu’elle tirait en dormant dans son propre lit. Elle déposa sa charge sur la table basse, alluma l’ordinateur sous le regard curieux d’Antonio qui la fixait depuis sa place derrière son bureau.
Fasciné, il regardait la belle blonde à la peau de porcelaine faire sortir une broche de son sac, soulever sa lourde chevelure couleur de blé, avant de l’enrouler autour de sa broche pour la faire tenir au-dessus de sa tête. Après cette tâche, elle fit sortir une paire de lunette à monture rectangulaire noire, qu’elle posa négligemment sur le bout de son nez, avant d’ouvrir l’enveloppe contenant son testament. Et lui que faisait-il ? Et bien, il n’arrivait tout simplement pas à retirer ses yeux émerveillés de ces mèches rebelles qui volaient autour de son visage, ni de sa nuque mise à nue, ni de ses belles lèvres au rose naturelles qu’elle mordillait en parcourant les lignes du testament. Les yeux froncés, il constata qu’elle était concentrée dans son travail, l’oubliant complètement, mais lui, n’arrivait pas à en faire autant.
Ses documents ouverts sous ses yeux, mais son attention redirigée vers la jeune femme sur sa droite, Antonio ne fit rien pendant une heure entière. Les jambes croisées, il la détaillait minutieusement, comme s’il était face à une énigme à elle seule. Il regardait ses fins doigts pianoter sur les touches de l’ordinateur, revenir vers ses documents, noter, barrer, il la regardait froncer des sourcils à chaque fois qu’elle était bloquée, changer de position sur le canapé, retirer ses lunettes pour les fixer dans ses cheveux au-dessus de sa tête. Ses gestes étaient sensuels, lents, féminins, avec une certaine innocence qui ne cessait de le faire saliver. Plus les minutes passaient, et plus il avait une seule envie : la baiser !
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