CHAPITRE 50
Il lui fallut cinq jours pour ne serait-ce que quitté sa voiture, deux de plus pour traverser la route, et trois autres jours pour finalement passer le seuil de l'église, et comme toujours Blue dormait a poing fermé. Et ce soir, assis à l'arrière dans le côté le plus sombre pour ne pas se faire voir, Antonio assista à la fin de la messe, et baissa la tête lorsque les fidèles quittaient le bâtiment en le dépensant sans faire attention à lui. Et il resta assis là, pendant deux heures de plus, luttant entre son désir d'avancer pour faire ce qu'on lui avait demandé dans un rêve, ou bien rentrer chez lui. Et a bien y repenser tout ceci était grotesque, ce n'était qu'un rêve, un simple rêve ne cessait de lui répéter la partie raisonnable de son esprit, pourtant il était là, espérant que peut-être que ça soit beaucoup plus que ça. Mais et s'il se trompait ? se demanda-t-il dans un battement douloureux de son cœur au moment où Andrews Peters apparaissait de derrière une porte, pour se mettre comme Antonio avait souvent l'habitude de le voir : en face du Tabernacle, et là, à genoux la tête baissée, il se perdit dans la prière, et lui, il resta assis.
Sous sa peau, Antonio sentait cette douce force, semblable à un murmure qui l'appelait à approcher, mais de l'autre côté, il percevait plus intensément de lourdes chaines qui le poussait à partir. Demain il essayerait. Délicatement, il remonta la couverture sur Blue, et souleva le landau, oui c'était la meilleure décision se dit-il en sentant le soulagement le submerger face à sa décision, même si en arrière-plan, il sentait le gout acre de la déception, mais une fois encore, il essayerait demain.
À pas feutré pour ne pas se faire entendre par le vieux prêtre en oraison, il longea l'allée tel un voleur, et dès qu'il fut près de la porte, Blue poussa un petit cri en faisant mine de se réveiller, et sa douce voix d'enfant se répercuta sur les hauts murs richement décorés, et le bruyant écho brisa le silence. Le cœur battant Antonio s'immobilisa, posa les yeux sur le nourrisson qui se rendormait, il attendit un instant, et n'entendant pas le bruit venant d'Andrews, il souleva le talon, bien pressé de partir cette fois-ci.
- Ainsi donc, ce soir encore tu vas partir sans même me dire bonsoir.
Et merde !
De nouveau il s'immobilisa en entendant maintenant la voix lointaine de l'homme qu'il venait voir depuis quelques jours, mais qu'il fuyait toujours à la dernière minute. Dans un soupire de capitulation, Antonio se retourna, mais Andrews ne le regardait pas, il était toujours à genoux. Maintenant débusqué, il traversa l'allée principale, avalant à contrecœur chacun des vingt-cinq mètres qui le séparaient d'Andrews, et lorsqu'il arriva aux premières rangées, il s'arrêta. Au bout d'une minute, Andrews traça le signe de croix sur sa personne et se releva pour le regarder et comme toujours Antonio se crut mis à nu face à ce regard perçant.
- Dix jours donc pour que cette rencontre ait lieu.
- Comment le savez-vous ?
- On ne peut pas dire que le gros véhicule au noir élégant que tu conduis passe inaperçu.
Silence.
- Comment va ta fille ?
Antonio posa immédiatement le regard sur le doux visage d'ange de Blue qui suçait maladroitement son poing, et il sourit fugacement.
- Elle est à un âge où être turbulente est son passe-temps favori, mais hormis cela, tout va bien.
Andrews sourit, et au lieu de descendre les marches, il s'assit sur l'une d'elles, en laissant le Tabernacle juste derrière lui.
- Et toi, comment vas-tu ?
La joie dans le regard d'Antonio disparut.
- Bien, fit-il laconiquement, et Andrews hocha tout aussi laconiquement de la tête.
- Bien, murmura le vieil homme comme s'il soupesait ce mot. Savais-tu que plus de soixante-dix pour cent de ceux qui donnent cette réponse lorsqu'on leur demande comment ils se portent sont entrain de mentir dans le fond ?
- Eh bien ce ne serait pas mon mensonge le plus grand.
Antonio ne comprit sa phrase que lorsque son esprit la lui répéta durant le silence qui suivit.
- Est-ce donc pour cela que tu n'as pas communié ce soir tout comme les trois autres soirs ?
Là il ne répondit pas. Andrews lui tendit la main.
- Aide-moi à me relever veux-tu ? Avec l'âge s'asseoir sur les marches devient bien vite une mauvaise idée lorsque vient le moment de se lever.
Antonio s'avança, et prit la main du vieil homme, doucement il le tira à lui, et dans un petit bruit de respiration, Andrews se mit debout.
- Viens, nous serons mieux ici pour discuter.
Derrière Andrews un peu à droite du tabernacle se trouvait une chaise sur laquelle il s'installa, laissant Antonio debout.
- Alors pourquoi es-tu là mon fils ?
La voix du vieil homme était affectueuse. Antonio regarda sa fille.
- Je ne le sais pas.
- Bien sûr que tu le sais.
- Et je suppose que vous le savez aussi.
- Ce n'est pas de moi qu'il s'agit.
Sans qu'il ne comprenne pourquoi, une soudaine colère l'envahit.
- Tout ça, c'était une mauvaise idée. Je vais vous laisser, gronda-t-il la voix basse en se retournant avec raideur pour s'en aller, mais la voix d'Andrews l'arrêta.
- Ploie genoux Antonio Grimaldi !
Il se figea puis pivota lentement pour regarder le vieux prêtre qui lui aussi le fixait avec intensité.
- Pardon ?
- Tu m'as très bien entendu. Alors qu'il parlait, Andrews fit sortir son Étole, embrassa avec respect le tissu violet, puis le posa sur ses épaules avant de lever les yeux vers Antonio qui attendait toujours. - À chaque fois que tu viens ici, tu as un regard de fou.
- Je ne suis pas fou !
- Si tu l'es, c'est folie que de venir en pareil lieu avec un cœur emplit d'orgueil, de vanité, de fierté, et toi tu coches toutes ses disgrâces et bien plus encore, si on doit ajouter le mensonge, la colère, la traitrise, l'hypocrisie, et pire : l'idolâtrie.
La colère d'Antonio monta de degré à chaque fois que les adjectifs que lui affublait Andrews claquaient dans le vide tel un fouet. Et ce fut le dernier qui lui laissa un gout des plus amers, plus dans l'âme que dans la bouche.
- Je ne vous permets pas, siffla-t-il les dents serrées. Je ne suis pas idolâtre.
- Bien sûr que tu l'es. Ne pas donner à Dieu la première place en son cœur c'est faire preuve d'idolâtrie, et toi, non content de priver Dieu de ce droit dans ta vie, tu as renverser son autel de ton cœur pour en bâtir un autre à cette chose à laquelle tu as prostitué ton âme, et qui en s'éloignant a laissé derrière elle la puanteur et les griffes de la mort. Et tu traines cela depuis tant d'années que tu ne t'en aperçois même plus. As-tu une idée du nombre de messes que Rainbow a demandé et continue de demander pour toi ?
Antonio blêmit, tituba, et pour ne pas faire courir de risque a son enfant, il déposa le landau sur le sol.
- Dès le jour où vos fiançailles ont été annoncées, et cela sur une période de trois années, elle a fait demander une messe par semaine pour toi. Elle a veillé dès cet instant à ce que chaque vendredi à quinze heures précise, un cierge soit allumé pour toi, et une fois par mois des biens sont envoyé à des orphelins quelque part dans le monde a ton nom, a ta place elle a cru pour toi. Pleurant, suppliant, ployant le genou que toi tu refuses de ployer, priant le Ciel pour qu'il t'absolve, mais toi, toi tu te comportes encore comme si tu avais raison, comme si tu ne regrettais rien, comme si tu étais juste. Drapé de ton orgueil, de ta vanité, de ta fierté, tu essaies de cacher ce qui ne peut se cacher : une vie de souffrance basée sur une décision qui te noie à petit feu.
Antonio sentit ses yeux le picoter, et sa gorge devenir douloureuse.
La voix d'Andrews devint plus basse, tel un appel à l'amour.
- Il est maintenant temps Antonio. Lâche prise mon fils, dépossède-toi de toutes ces choses qui t'alourdissent, prend la main qui t'es tendue et sort de là, car ce n'est point ta place que de vivre ainsi. Dis au monde ce que tu as fait Antonio, reconnait ton péché, car tu sais au fond de toi que cela est vrai. Tu sais que tu es le seul à avoir pris cette décision, tu sais que toutes les conséquences qui enflamment ta vie au point que tu passes plus pour mort que vivant, sont imputables à tes choix de vie, reconnait que tu n'en peux plus, et laisses-le t'aider, car tu ne pourras plus avancer d'un pas avec cette croix qui n'est pas celle que tu dois porter. Dans un moment de faiblesse tu as tourné le dos à la lumière, puis, trop honteux pour faire demi-tour tu t'es enfoncer plus profondément dans les ténèbres, préférant ne plus voir, ne plus entendre. Dis la vérité mon enfant. Au fond de toi tu sens ce nœud coulant autour de ton âme dont les gémissements emplissent tes nuits au point que le sommeil t'est difficile.
Le corps d'Antonio trembla. Et sur ses joues il sentit les larmes couler silencieusement, alors que chaque mot d'Andrews réveillait cette asphyxie qu'il savait gérer mais qui a cet instant devenait impossible à porter. Il sentait en lui la voix de la colère qui lui hurlait de partir, de ne plus jamais revenir, car après tout, c'était trop tard, il n'y avait plus rien à faire. Dans sa tête il entendait tout un tas de raisons qui avaient justifié la décision qu'il avait prise plus de onze années en arrière, mais s'il avait eu raison, pourquoi aujourd'hui il avait la vive sensation de se noyer à chaque inspiration manquée ? Pourquoi sentait-il qu'il sombrait tel un bateau qu'un marteau invisible perçait de toute part. s'il avait pris la bonne décision, pourquoi la douleur la plus extrême en était le prix ?
- Redonne lui sa place en renversant le siège que tu as donné à un autre.
Antonio ferma les yeux en sentant la culpabilité le faire chanceler.
- Je suis coupable ! c'est ce que vous voulez m'entendre dire ? cria-t-il presque, et Andrews ne s'en offusqua pas, bien au contraire, pareille a un médecin, il continua a le fixer, sans jugement.
- La colère n'est qu'un écran de fumée, regarde au-delà. Ne te cache pas, car de lui tu ne peux. Alors ploie genoux Antonio Grimaldi, plaida une fois encore Andrews le visage pâle, comme s'il luttait avec des forces invisibles pour qu'Antonio l'entende.
- Ploie genoux.
Dès que ces deux mots sortirent, Antonio ne sut plus comment rester debout. Se couvrant le visage de honte, il abandonna en sentant la dureté du marbre lui meurtrir les rotules. Penché en avant il pleura.
- Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'ai-je fait père Andrews ? Qu'ai-je fait ? Oh mon Dieu, sanglota-t-il comme s'il venait enfin de saisir la portée des choses. Et la douleur qu'il perçut à cette seconde fut bien pire que celle du bus plus d'une décennie plus tôt. Il se sentait étouffer tant toute cette souffrance pareille a une mer manquait de l'engloutir maintenant qu'il y faisait face.
Assis, impassible avec Antonio à genoux a près d'un mètre à ses côtés le visage dirigé vers le Tabernacle, Andrews ne bougea pas, regardant avec tristesse et douleur les épaules d'Antonio être secouées par ses sanglots muets. Et lorsque ce dernier releva la tête, les yeux rougis de douleur, les traits crispés par la culpabilité, toute orgueil et vanité brisés, il se sentit perdu, pareil à un enfant, et comme tout enfant il cessa de mentir.
- Pardonnez-moi mon père, car j'ai péché. J'ai péché contre Dieu et contre mon prochain, contre Dieu et contre ma femme. Contre Dieu et contre mon enfant que j'ai privé de mère, contre Dieu et contre mon âme que j'ai livrée à la prostitution. J'ai péché contre l'Amour...
Doucement, il se laissa choir sur ses talons, toujours à genoux, les épaules voutées et le regard dans le vide.
- À quand remonte ta dernière confession ?
- Techniquement à quelques jours de mon mariage il y'a plus d'un an. Mais je ne pense pas qu'il était valide, car là aussi j'ai menti. Ce qu'il y'avait en moi je ne voulais pas que qui que ce soit le voie, j'avais trop honte et trop mal pour cela, alors j'ai délibérément tu la vérité. Je me disais que ça ne servait à rien d'en parler car il était trop tard, je me suis dit que de toutes les façons Dieu voyait et que s'il voulait faire quelque chose il le ferait sans que je n'aie à parler à voix haute. Et oui, vous aviez raison, confesser à voix haute ses fautes devant une personne prônant la sainteté de vie n'est pas une tâche pour les orgueilleux.
- Et avant ça, à quand remontait ta dernière confession ?
- Je ne m'en souviens plus. Dieu et moi nous n'avions plus rien à nous dire si vous voulez tout savoir. Ma vie quand j'étais plus jeune a été un enchevêtrement de douleur, je me suis alors dit que tout le monde mentait, ma mère, mon catéchiste, le curé de notre petite bourgade en Italie, et pour finir l'Église. Car si Dieu existait, jamais il ne laisserait l'enfant que j'étais souffrir autant. Alors j'ai décidé qu'il n'en était rien. Une simple fable raconter par des gens en quête de je ne sais quoi. À l'époque je me suis dit que je serais bien plus intelligent que toutes ces personnes spirituelles qui comblaient un manque avec une Idée fausse de la vie. J'ai arrêté la chorale vu que j'estimais qu'il n'y avait nul Être à louer plus haut, j'ai arrêté la messe, car pour moi on ne pouvait enseigner tant de bonté divine alors que moi j'avais l'impression d'être plus l'enfant maudit qu'autre chose, j'ai tourné dos aux sacrements, et pour finir j'ai rangé le petit chapelet de bois que ma mère m'avait offert le jour de ma première communion.
- Et que s'est-il passé ensuite ?
- Ensuite j'ai vécu ma vie comme je le voulais sans plus ressentir toute cette culpabilité à l'égard de choses qu'interdisaient l'Église. Et je ne vais pas vous mentir c'est plutôt agréable. Ne penser à personne si ce n'est à soi, ne se refuser aucun plaisir, quel qu'il soit juste pour jouir d'une autosatisfaction. À ce moment-là, je me suis dit que j'aurais dû m'y mettre plus tôt, vu que tout me réussissait depuis que j'avais tout abandonné. La vie me semblait plus belle sans toutes ses interdictions, tous mes projets marchaient comme sur des roulettes. Tout ceci à duré plus d'une dizaine d'années, puis...
La gorge d'Antonio se serra lorsque cette journée lui revint en mémoire. Le regard profond, il n'arrivait pas à trouver les mots, tout restait bloqué.
- Qu'as-tu fait par la suite ?
Antonio cligna des yeux en fixant dorénavant la petite lumière rouge constamment allumée qui se trouvait près du Tabernacle. Ce qu'il avait fait ? Rien de plus que de foncer tête baisser dans les problèmes. Incapable de poursuivre, il choisit un sujet douloureusement agréable. Rainbow...
- La première fois que j'ai rencontré Rainy, j'étais persuadé que c'était le plus beau jour de ma vie. Jamais je n'avais vu quelqu'un comme elle, et je ne parle pas de sa beauté, mais d'autre chose que je n'avais su qualifier. Elle m'a hanté pendant des semaines, puis chemin faisant, nos routes se sont à nouveau croisées, et de nouveau j'ai ressenti toutes ces choses que je ne savais pas exister. C'était la première fois que je m'intéressais à une femme plus que pour quelques heures, ou pour seulement une partie de sexe. Avec Rainy, c'était toujours spécial, chacune des secondes. Et le jour où nous nous sommes mariés, je me suis dit, là encore j'ai un autre souvenir sans pareil à chérir. Et lorsqu'à l'église le père Giovanni a posé sa main sur nos doigts entrelacés afin que nous récitions la prière du Livre de Tobit, là, pour la première fois depuis des décennies, j'ai osé vouloir qu'il y'ait un plus dans la vie, espéré que tout ce qu'on m'avait appris dans mon enfance soit vrai, et pendant une minute, j'ai fait une prière vraie sans fioritures.
- Tu es béni Dieu de nos pères et ton nom est béni pour toujours. Que te bénissent les cieux et toutes les créatures dans tous les siècles. C'est toi qui as dit : il n'est pas bon que l'homme soit seul, faisons-lui une aide semblable à lui. Et maintenant, ce n'est pas le plaisir que je cherche en prenant femme, mais je le fais d'un cœur sincère. Prend pitié d'elle et de moi et conduis nous ensemble jusqu'à la vieillesse, récita de mémoire Antonio d'une voix monocorde les yeux perdus dans ce passé joyeux.
- Cette prière des jeunes mariés dans le Livre de Tobit était en mon sens adapté à la situation, car oui, ce n'était pas pour le plaisir de la chair que je voulais de cette femme, et oui, mon cœur était sincère à chaque instant dans mes sentiments pour elle. Et pour finir, oui, de tout mon cœur je désirais finir ma vie avec elle, de tout mon cœur je voulais vieillir avec elle. Et quand nous avons fini de la réciter, mon rêve prit fin, car je me suis souvenu que je n'avais alors que quelques semaines à vivre, et que jamais je ne pourrais vieillir avec cette femme incroyable. Pire, que si Dieu existait, alors jamais ma prière ne saurait être exaucée, j'avais pris le mauvais chemin depuis trop longtemps pour qu'il daigne se pencher sur ma cause. Et tout ceci était de ma faute, mais je ne savais alors pas à quel point cela me couterait, car il m'avait trompé.
- Qui ? demanda Andrews, et Antonio ne sut répondre.
Silence
- Qui t'a trompé ?
Il ferma les yeux, baissa la tête alors que les larmes glissaient le long de ses joues.
- Cette chose, ce démon à qui j'ai grandement ouvert les portes de ma vie et qui depuis me le fait payer. Il m'avait dit qu'il prendrait ma vie, et à l'époque j'estimais que c'était du donné vu ce que je traversais. J'étais à l'hôpital après un accident de voiture, tétraplégique, et voué à la souffrance, alors mourir dans dix ans après avoir bien vécu était un contrat que j'ai vite signé. Et plus jamais je n'y pensais. Pas avant de rencontrer l'ange.
Antonio releva la tête pour ancrer ses yeux dans ceux d'Andrews.
- Le jour de mon mariage, vous me demandiez ce que j'avais fait ? La réponse elle est toute simple mon père : j'ai ouvert les portes de ma vie au Mal, prenant sous les conseils de la douleur, une décision que je croyais être en mesure de gérer. J'ai vendu ma vie, cédé la paix d'une âme, et à aucun moment je n'ai songé à Dieu et associés, seul comptait ma personne, seule importait mon confort et cela à tout prix. Quand cette chose m'a dit que je pourrais guérir, j'ai tout de suite dit oui, et quand elle m'a dit qu'elle viendra dans dix ans prendre ma vie, j'ai dit oui. Vous savez le poète Kalhil Gibran a dit : un jour tu me demanderas ce qui est le plus important, ta vie ou la mienne ; je te répondrai ma vie, et tu t'en iras sans même savoir que tu es ma vie. Ce poème à lui seul reflétait ma folie. Ma vie c'était Rainbow. Le jour où cette proposition m'a été faite, j'entendais au fond de moi cette étrange voix qui me suppliait de ne pas le faire, de fuir, mais je ne l'ai pas écouté, et depuis lors je ne l'avais plus entendu, jusqu'à ce que je rencontre Rainbow. Rainbow ma vie. Celle que j'ai juré devant l'autel de protéger, d'aimer, de chérir, sans même savoir que dix ans plus tôt je l'avais sacrifié. Sans même la connaitre, j'ai tué le cadeau que Dieu m'avait fait. Car une femme telle que ma Rainy ne pouvait venir que du Ciel. Je ne lui ai jamais rien dit, je lui avais écrit une lettre pour tout expliquer, mais elle ne l'a jamais lu. Et vous avez raison, car idolâtre je le suis pour avoir de la sorte folâtré avec le Mal en reniant le Bien, en fermant les yeux parce qu'ainsi c'est plus facile de persévérer dans le Mal. Faire disparaitre la notion de Bien, c'est élever le Mal à sa place. Folie n'est-ce pas ? Pourtant j'ai entretenu cela. Cela me semblait plus facile, et pour mieux me convaincre je me suis dit que si c'est si facile, c'est que ça doit être ce qui devait être fait. Car oui mon père, il m'a été plus facile de faire le mal que le bien, et je le reconnais.
Plus il parlait, moins il sentait cet étau autour de son cou, plus il ouvrait son cœur, moins il percevait ce poids invisible sur ses épaules, et bon sang qu'est-ce que c'était doux de pouvoir respirer sans avoir l'impression de s'asphyxier. Alors il continua.
- J'ai péché de toutes les pires manières qui soient, par orgueil, j'ai péché. J'ai péché en pensée dès lors que j'ai conçu le Mal en mon esprit, j'ai péché en parole dès lors que j'ai dit oui au Mal, ratifiant mes pensées mauvaises. J'ai péché par action en acceptant cette ignominie, j'ai péché par omission, et plusieurs fois car étant conscient que c'était mal. Et oui, vous avez encore raison, car hypocrite je le suis aussi. Comme je vous l'ai dit, je ne suis pas courageux lorsqu'il est question de faire le bien. En état de disgrâce profonde, j'ai pris la communion, tout en sachant au fond de moi que je ne le devais pas, mais par orgueil et par peur je ne voulais pas dire la vérité, souillant, piétinant le Sacrifice parfait fait pour moi.
- Quand l'assistante sociale m'a amené Blue pour la première fois quelques heures après l'enterrement de Rainy, j'ai encore voulu la vendre elle pour récupérer ma femme. Quel démon je suis n'est-ce pas ! Tout ce qui est mal je l'ai fait, j'ai menti, j'ai triché, j'ai volé, j'ai trahi Dieu, ma femme, ma fille et mon âme, j'ai tué la mère de mon enfant, et maintenant je suis là. Comme tant d'autres avant moi, et même pour que cet instant ait lieu il a fallu qu'on me tienne par le cou pour me pousser à contempler ma vie qui est plus ruine que joie.
Antonio cligna des yeux, et les leva vers Andrews qui le fixait avec douceur, mais une certaine fermeté qui chez lui était probablement naturelle.
- Vous savez, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des films d'horreur le Mal gagne toujours qu'importe ce que les hommes de bien tentent de faire, mais voyez-vous père Andrews, moi je suis fatigué, épuisé, et je ne pourrais continuer si jamais dans le film de ma vie à moi, le Mal continu de gagner. J'ai besoin que le Bien l'emporte, j'ai besoin de la lumière qui repousse le brouillard et purifie l'air, j'ai besoin de cette brise d'air qui chasse l'odeur fétide de la mort, j'ai besoin de cette eau-là, qui ramène l'âme à la vie. J'ai l'impression depuis le jour où Rainy a disparu, d'être constamment debout sur le rebord d'une falaise, faisant de mon mieux pour ne pas tomber. Tous mes muscles sont raidis par l'effort constant, et à chaque seconde je sens que le sol sous mes pieds vacille, alors je raidis plus encore les muscles, aussi immobile que jamais, mais...
Antonio se tut un instant, prit une profonde inspiration pleine de lassitude.
- Tu ne tiendras plus longtemps, termina Andrews a sa place.
Il ferma les yeux.
- Non en effet, je ne tiendrai plus longtemps. Le mal je le connais, le mal je l'ai vu dans les yeux de cette chose puis dans les miens à chaque fois je me regardais dans une glace, le mal je l'ai côtoyé, et aujourd'hui, le mal m'empêche de vivre, il étreint ma gorge à tel point que quelques fois je suffoque rien qu'en songeant à ma faute. Il empêche mon cœur de battre avec régularité, et dans mes veines se trouve un acide qui me brule de l'intérieur une fois la nuit tombée. Et je suis si las...
Andrews se leva, et d'un pas lent, il vint a lui.
- Alors tu es au bon endroit. Ce que tu as fait est très grave, jamais tu n'aurais dû convier cette chose dans ta vie. Les amitiés avec le démon sont bonnes dans la bouche, mais une fois que vient le moment d'avaler ce qu'on a en bouche, on se rend compte que ce qu'on avait pris à tort pour du miel est en fait de l'acide qui nous ronge de l'intérieur et nous empêche de vivre. Quand il est question d'amour le moi disparait, et seul existe le prochain, et son bien-être. Ça tu l'as compris en perdant l'amour de ta vie, car une vie sans amour est seulement une perte de temps, et ça, cette chose le sait mieux que tous les hommes de cette terre. L'amour, cette part de Dieu en chaque homme, cette part de l'Esprit même de Dieu en chaque cœur, cette part de pureté en chaque âme, et qui est convoité plus que vous ne pouvez l'imaginer. L'amour est la source de vie, le feu dévorant, l'énergie colossale qui permet à ton souffle d'avoir du gout, qui permet à ton cœur de battre en paix, et lorsqu'il est absent, tout devient fade, corrompu, désordonné... mort. Voilà pourquoi tu souffres tant, toutes les plus grandes décisions de ta vie dont les conséquences t'empêchent de dormir, te meurtrisse, ont été prises sans l'Amour.
- Tu as embrassé le Mal de tout ton cœur de toutes tes forces et de tout ton esprit, volant là, Dieu, le chassant tel un malpropre pour installer à sa place ténèbres et fournaises dévorantes. Expulsant l'Amour qui a tout de même cherché à te revenir, et cela au travers de Rainbow. Dès lors, avec elle dans ta vie, tu pouvais enfin tel un nouveau-né inspirer l'air salvateur qui te permettait de vivre. Puis tu as sacrifié cette même femme, la chaire de ta chaire, celle avec qui tu ne formes qu'un, celle qui était là pour t'aider, pour t'aimer, et aujourd'hui tu suffoques tel un poisson hors de l'eau. Ensuite tu as accepté ta fille, et de son innocence, de son amour tu te nourris tel un affamé, être loin d'elle et tu souffres tel un damné, car c'est l'amour que ce nourrisson te porte, qui te permet de moins sentir la morsure dans ton âme assoiffée. Mais voilà, ta faim et ta soif sont plus grandes, beaucoup trop grandes pour que cet enfant puisse arriver à te donner la force que tu veux, voilà pourquoi même avec elle tu souffres toujours. Il te faut une autre source, bien plus grande bien plus pure, bien plus profonde, intarissable, et tu as beaucoup de chance mon enfant car Celui que je sers a un trou béant sur le côté et d'où il ne s'écoule que de l'amour en permanence, et ce depuis toute éternité, même s'il n'a permis aux hommes d'y faire un trou que depuis un peu plus de deux mille ans. Regrettes-tu tout ce que tu as fait ?
S'il le regrettait ? Sa vie entière était un amas de regret. S'il n'avait pas dit oui, sa Rainy serait en vie, et peut-être ne l'aurait-il jamais rencontré, que jamais il n'aurait été père d'une petite fille si parfaite. Mais si retourner en arrière pour dire non avait été possible, il aurait bien volontiers sacrifié ce qu'il avait partagé avec Rainbow et Blue pour juste que sa femme soit vivante, même si elle était mariée à un autre et que Blue aurait eu une autre personne pour père. Tout ce qu'il voulait c'était que Rainbow soit vivante, c'était là son seul désir, la seule prière qu'il craignait de faire.
Son cœur se serra, et honteusement il baissa la tête.
- Oui, je le regrette.
- Récite l'acte de contrition.
D'une voix lourd Antonio s'y appliqua en réalisant que même s'il ne l'avait pas dit depuis des années, chacune des phrases ressortait avec une belle constance, et que mieux, il pensait chacun de ses mots. Il regrettait profondément son acte, et recommencer pareille folie n'était plus à l'ordre du jour, mais il avait besoin d'aide pour y arriver.
- Te souviens-tu des vœux de ton baptême ?
Antonio hocha doucement de la tête.
- Bien tu vas les renouveler. Rappeler ton appartenance de par ton alliance à celui qui est au-dessus de toute chose et que tu as offensé.
Il se tut un instant alors que dans sa tête jouaient les images de son passé, il se souvint de toute l'énergie que sa mère avait fournie pour lui faire apprendre les vœux de son baptême. Il se rappelait la joie qu'elle avait ressentie en le voyant le Jour-J à sa première communion tout récité sans se tromper. Oui, ce jour-là avait été joyeux. Alors il ouvrit la bouche.
- Moi, Antonio Grimaldi, je renouvelle les vœux de mon baptême, et je renonce à Satan, à ses pompes, à ses œuvres, à ses illusions, à ses mensonges et à ses agents et je m'attache à Jésus-Christ comme mon Seigneur, mon Dieu et mon Sauveur et je souscris aux enseignements de l'Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Seigneur Jésus-Christ, je te demande de renouveler en moi la grâce du Saint-Esprit ; qu'elle me fortifie, m'éclaire et me conduise sur le chemin de mon combat spirituel. Amen.
- Déclare à présent ton retrait et la récupération de ta volonté. De même tu as dit oui, ainsi tu te couperas pour de bon du Mal. Attire Blue à toi et pose la main sur elle pour continuer.
Antonio tendit la main, et attira le landau vers lui, elle dormait toujours. Il regarda son visage angélique en tout point assimilable à celui de Rainbow, et il sentit les larmes lui monter aux yeux. Dans son cœur il perçut le frémissement qu'il ressentit le jour où la chose c'était approché de son enfant, elle pleurait tellement, et lui, tel un lâche il avait voulu la vendre à son tour. Quel démon il pouvait bien être ! Les larmes lui montèrent et il sentit la flamme qui s'allumait en lui vaciller, trembler, il avait envie de fuir, d'aller se cacher. Il avait peur d'approcher la lumière lui qui était si sale.
- Ne te laisse pas déconcentrer à cet instant Antonio. Ignore les voix qui te poussent au désespoir la seule chose qu'elles te veulent c'est du mal rien d'autre. Ce qui est bien, même quand c'est difficile, honteux aux yeux de ceux qui ne te comprennent pas, et douloureux, tu dois le faire. N'écoute pas les voix, écoute-moi, et laisse mes mots t'atteindre mon enfant. Il y'a des combats qui ne peuvent être menés à ta place, mais n'ai pas peur. Récupère ta volonté avec vérité.
Il ferma les yeux les traits déformés par un mélange d'émotions qu'il ne comprenait pas alors que son cœur battait dorénavant vite, si vite qu'il eut légèrement mal. Dans un reniflement silencieux, Antonio posa finalement la main sur sa fille sans trop appuyer.
- Répète après moi et avec foi la prière qui suit.
- Sous la protection du Nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, je retire et récupère ma volonté que j'ai livrée par moi-même - en connaissance de cause ou par ignorance - pour toutes pratiques d'idolâtrie, avec ou sans sacrifice, de toute superstition et de toute autorité spirituelle exercée d'une manière non conforme au dessein salvifique de Jésus-Christ.
- Je déclare toutes ces œuvres nulles et non avenues, et je me transfère de tout mon cœur du domaine de l'occulte à celui de la Providence du Père Céleste. Je pardonne à ceux qui m'ont fait du mal, je demande à Notre Seigneur Jésus-Christ de verser sur moi, sur mon enfant, sur ma famille, son Sang Précieux ; qu'il nous lave, nous purifie, nous protège et rompe tout lien entre moi et ces pratiques ainsi qu'avec leurs conséquences sur ma vie spirituelle, psychologique, psychique, physique, affective, familiale, sociale, professionnelle, dans le passé, le présent et toute réitération dans le futur, par l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, de Saint Michel Archange, des anges et des saints.
Andrews, debout à ses côtés alors qu'Antonio faisait face au Tabernacle poursuivit seul d'une voix claire, et sans détour.
- Quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les Cieux, mais celui qui m'aura renié devant les hommes à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les Cieux. Tels furent tes mots Seigneur, et nous savons que : vivante en effet est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme et de l'esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur. Aussi n'y a-t-il pas de créature qui reste invisible devant ta Parole, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte. Toi qui vois et juges, juge donc cet instant, juge donc les réponses de ton enfant et prends pitié.
Andrews qui avait levé les yeux vers le ciel les reposa sur Antonio alors que des larmes glissaient sur les joues ridées du vieil homme. Une larme échoua sur le sol à ses pieds, et durant un instant, le vieux prêtre resta ainsi, silencieux, les yeux fermés, les lèvres remuant imperceptiblement en une prière silencieuse de l'âme qui intercédait. Au bout d'une minute, il rouvrit les yeux.
- Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ?
La voix du vieil homme était ferme, tel un fouet. Et le cœur d'Antonio trembla.
- Je crois.
- Crois-tu en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né de la Vierge Marie, a souffert la passion, a été enseveli, est ressuscité d'entre les morts, et qui est assis à la droite du Père ?
Le souffle lui manqua, mais la réponse il la connaissait.
- Je crois.
- Crois-tu en l'Esprit Saint, à la Sainte Église Universelle, à la communion des Saints, au pardon des péchés, à la résurrection de la chair, et à la Vie éternelle ?
Il ferma les yeux et baissa la tête en signe de respect.
- Je crois.
- Récite avec moi le Pater Noster.
D'une voix unie, les mains ouvertes, paumes vers le ciel, dans le silence de la grande église, ils récitèrent la prière trois fois de suite avec plus d'insistance à chaque fois, et plus il avançait, moins Antonio avait honte, son souffle était plus calme, son esprit plus serein. Au même moment ils conclurent. C'est alors qu'Andrews vint plus près, et il lui imposa les mains, le visage en partie levé vers le ciel. Toujours à genoux sous la lumière dorée qui pointait vers eux, Antonio baissa la tête, et attendit. La voix du vieux prêtre s'éleva de nouveau.
- Que Dieu notre Père te montre sa miséricorde ; par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l'Esprit Saint pour la rémission des péchés. Par le ministère de l'Église qu'il a institué, qu'il te donne le pardon et la paix. Au soir de Pâques Seigneur, tu apparus à tes apôtres, et là, tu soufflas sur eux et leur dis cette parole : recevez l'Esprit saint. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. Et ta Parole est Vie et Vérité Seigneur mon Dieu, mon Roi et mon Tout. Aussi, moi, au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés Antonio Grimaldi. Amen.
Dès que cette phrase glissa avec douceur dans le silence des lieux, le cœur d'Antonio se tut une nanoseconde de plus, et lorsqu'il repartit, il prit un premier battement étrange, si bien que cela arracha à Antonio une profonde inspiration sifflante, puis un mutisme des plus total envahit tous ses sens. Tout devint aphone, dans sa tête il n'entendait plus les voix, dans son cœur il ne sentait plus les chaines qui l'enveloppaient et qui l'empêchaient si souvent de battre normalement, sur ses épaules il ne percevait plus ce poids qui l'alourdissait. Durant moins d'une seconde qui pourtant semblait durer une minute, toute son être et l'atmosphère autour de lui c'était comme tut. Comme si son corps pareil a un incubateur de douleur se voyait injecter un analgésique des plus puissant qui faisait tout disparaitre. Et cette indolence, cette douceur, ce relâchement de chaque fibre de sa personne, cette paix... la seule fois où il l'avait de la sorte ressenti cela c'était pendant son rêve étrange qu'il avait fait plusieurs jours plus tôt.
Doucement Andrews se dirigea vers l'Autel et Antonio leva la tête pour le voir. Il y'avait là le pain plat et rond ainsi qu'une coupe qu'il n'avait pas vue jusque-là, c'est alors qu'il fut convaincu que le père Andrews l'attendait.
À minuit passé, et cela pour seulement lui et sa fille le père Andrews reprit en entièreté la liturgie du Sacrifice.
Le vieux prêtre prépara les dons et pour la première fois, Antonio entendit enfin clairement certaines des paroles que les prêtres disaient à chaque fois qu'intervenait ce moment de la célébration.
Andrews prit le pain et parla.
- Tu es béni, Dieu de l'univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ; nous te le présentons ; il deviendra le pain de la vie. Béni soit Dieu, maintenant et toujours !
Puis il prit l'eau bénite qui se trouvait dans une minuscule carafe de verre transparent, et doucement il en versa dans le calice doré tout en parlant :
- Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. Tu es béni, Dieu de l'univers, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la vigne et du travail des hommes ; nous te le présentons, il deviendra le vin du royaume éternel. Béni soit Dieu, maintenant et toujours !
Dès qu'il finit cela, il leva enfin les yeux vers Antonio, qui, à genoux, à gauche de l'autel regardait en silence.
- Le seigneur soit avec toi, parla Andrews en le regardant droit dans les yeux.
- Et avec votre esprit.
- Élevons notre cœur.
- Nous le tournons vers le Seigneur.
- Rendons grâce au Seigneur notre Dieu.
- Cela est juste et bon.
- Oui cela est juste et bon de te rendre gloire Seigneur. ... C'est pourquoi, avec les anges et tous les saints, nous proclamons ta gloire, en disant d'une seule voix. Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers ! Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux.
Avec respect, il leva les mains sur l'autel.
- Toi qui es vraiment saint, Toi qui es la source de toute sainteté, Seigneur, nous te prions : Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit, qu'elles deviennent pour nous le Corps et le Sang de Jésus Christ, notre Seigneur, termina-t-il en traçant le grand signe de la Croix sur les offrandes, puis il prit le pain.
- Au moment d'être livré et d'entrer librement dans sa passion, il prit le pain, il rendit grâce, il le rompit, et le donna à ses disciples en disant : prenez et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous.
Doucement il éleva l'offrande le visage levé vers le Ciel, et avec la même lenteur il la redéposa avant de se mettre à genoux.
Il prit alors la coupe qu'il éleva partiellement au-dessus de l'autel, la présentant à Antonio en parlant avec dévotion, amour, supplique le visage levé vers le Ciel.
- De même, à la fin du repas, il prit la coupe ; de nouveau il rendit grâce, et la donna à ses disciples en disant : prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi.
Ayant redéposé le calice pour se mettre une fois encore à genoux alors qu'Antonio baissait profondément la tête au point de se retrouver durant un instant le front effleurant le sol de l'église, le vieux prêtre se releva non sans difficulté.
- Qu'il est grand le mystère de la foi.
Antonio répondit.
- Nous annonçons ta mort Seigneur Jésus. Nous proclamons ta résurrection. Nous attendons ta venue dans la gloire.
- Faisant ici mémoire de la mort et de la résurrection de ton Fils, nous t'offrons, Seigneur, le pain de la Vie et la coupe du Salut, et nous te rendons grâce, car tu nous as choisis pour servir en ta présence. Humblement, nous te demandons qu'en ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l'Esprit Saint en un seul corps.
D'une voix basse et rendue fluide par l'habitude, Antonio écouta Andrews offrir le Sacrifice à Dieu pour l'Église répandue dans le monde ainsi que ses pasteurs, pour tous les défunts afin que par ce Sacrifice voulût par son Christ, le Père les prennent en pitié. Au bout d'une respiration, la voix d'Andrews reprit.
- Sur nous tous enfin, nous implorons ta bonté. Ta bonté, particulièrement en cette nuit pour Antonio. Permets qu'avec la Vierge Marie, la bienheureuse mère de Dieu, avec les Apôtres et les saints de tous les temps qui ont vécu dans ton amitié, nous ayons part à la vie éternelle, et que nous chantions tes louanges, par Jésus Christ, ton Fils bien-aimé.
Le prêtre prit alors le Corps et le Sang qu'il éleva au-dessus de l'autel, le présentant au Père Eternel. Et dans une autre supplique, il parla :
- Par Lui, avec Lui, et en Lui, à toi Dieu le Père Tout-Puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles.
- Amen.
- Comme nous l'avons appris du Sauveur et selon son commandement, nous osons dire : Notre Père, qui est aux Cieux que ton nom soit sanctifié... Car c'est à toi qu'appartiennent, le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles !
- Seigneur Jésus Christ, tu as dit à tes Apôtres : je vous laisse la paix, je vous donne ma paix : ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église ; pour que ta volonté s'accomplisse, donne-lui toujours cette paix, et conduis-la vers l'unité parfaite, toi qui règnes pour les siècles des siècles.
- Amen.
- Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous, continua Andrews.
- Et avec votre esprit.
- Dans la charité du Christ, donnez-vous la paix.
Antonio baissa le regard sur sa fille endormie, et prit délicatement sa petite main.
- La paix du Christ, murmura-t-il avec amour en sentant son cœur se dilater doucement, et comme si elle l'avait entendu, la fillette serra dans son petit poing le doigt de son père avant de le relâcher pour mieux se retourner dans son couffin.
Andrews prit l'Eucharistie, et le fractionna, et après avoir partagé l'hostie, il laissa tomber une très petite fraction d'hostie dans le calice et dit :
- Le Corps et le Sang du Jésus-Christ réuni dans cette coupe nourrissent en nous la vie éternelle.
Et dans un murmure Antonio, le regard fixé sur l'autel murmura :
- Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde, prend pitié de nous. Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde, prend pitié de nous. Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde, donne-nous la paix.
Lorsqu'il eut fini, Andrews éleva le Saint Sacrifice, le tournant vers Antonio, et parla :
- Voici l'Agneau de Dieu. Voici celui qui enlève les péchés du monde. Heureux les invités aux noces de l'Agneau.
La tête baissée, et le cœur hurlant d'humilité, Antonio répondit la main sur la poitrine :
- Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir ; mais dis seulement une parole, et je serai guéri.
Andrews portant l'Eucharistie a sa bouche, puis le Calice, et une fois cela fait, il l'emporta vers Antonio.
- Le Corps du Christ.
Avec adoration il leva le visage en ne sentant plus sur ses épaules les chaines de l'hypocrisie comme au jour de son mariage, et il ouvrit la bouche.
- Amen.
Andrews déposa l'hostie sur sa langue, et porta le calice à sa bouche.
Et alors qu'il buvait, le vieux prêtre se pencha sur Blue, et avec l'eau bénite il traça la Croix sur son petit front sans qu'elle ne s'en plaigne.
Plus tard, cette nuit-là, coucher dans son grand lit, un bras protecteur passé autour de sa fille, ils dormirent comme cela ne leur était jamais arrivé
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