CHAPITRE 5
Elle avançait d’un pas hésitant vers l’immense building de béton, recouvert de verres noirs qui scintillaient agréablement sous les premières lueurs de cette belle journée. Son sac fermente tenue contre sa poitrine comme pour protéger son contenue, la jeune femme continua son chemin, dépassant alors devant le garde poster à l’entrée.
En pénétrant dans l’immense hall d’accueils, elle ne put s’empêcher de faire un petit sifflement admiratif en levant les yeux pour regarder du sol parfaitement lustré, jusqu’au très haut plafond de verre. Elle n’avait pas sa place dans un tel endroit c’est certain. Mais pourquoi avait-elle accepté de venir remettre les dossiers, elle aurait pu dire non, prétexter une journée chargée, même si elle en était loin. Et au lieu de ça, la voilà dans ce monument de la richesse, tel un ange en enfer. Tout ceci était très loin de sa zone de confort. D’un pas toujours vacillant, elle alla se tenir sous le nez de la réceptionniste qui était occupé au téléphone. Cette dernière, au vu de l’accoutrement qu’elle voyait, lança sur la jeune femme en face d’elle un regard condescendant, et méprisant avant de raccrocher pour lui parler sans la regarder, son oreillette à l’oreille.
- Que puis-je faire pour vous ?
- Bonjour, murmura la belle blonde aux joues pleines. Je…je suis venue remettre des documents à Monsieur Grimaldi, continua-t-elle sur sa lancée d’une voix si basse que la réceptionniste du tendre l’oreille pour entendre la fin de sa phrase.
- Laissez-les-moi, et je les ferai monter.
- Non ! s’exclama-t-elle de sa douce petite voix qui n’arrivait que très rarement à monter dans les aigus. Je dois les remettre en mains propres, ou au moins à l’assistante personnel de Monsieur Grimaldi. C’est l’ordre qui m’a été donné.
- D’accord, répondit doucement la réceptionniste en regardant la jeune femme comme si elle était une perturber. Mais tous les livreurs ne le sont-ils pas ? Se demanda-t-elle en appelant un agent de la sécurité pour la conduire à l’étage souhaité.
Emmailloté dans sa longue jupe paysanne, et recouverte par un grand pull, même s’il faisait plus de vingt-six degrés dehors, la jeune femme suivit le garde jusqu’au sortir de l’ascenseur du dernier étage. Ici, tout était encore plus luxueux qu’à l’accueille. Le regard craintif, timide et perdue, elle marcha sous l’attention presque moqueuse de tout ce qui la regardaient. Son style vestimentaire n’avait rien en commun avec les chemisiers Channel, pantalons et petites jupes crayons en soie de Yves Saint Laurent, ou les chaussures Prada que toutes les femmes arboraient avec grâce, ni les costumes sur mesure de chez Hermès que les hommes portaient fièrement. Elle baissa les yeux comme d’habitude pour se cacher de tous ceux à quoi elle n’appartenait pas, et dépassa la porte de verre pour se diriger vers le bureau qui trônait luxueusement derrière.
- Bonjour Madame, je suis envoyée par…
- Ah, c’est vous l’intérimaire ? l’interrompit prestement la brune aux cheveux coupés court qui se tenait derrière un bureau qui disait appartenir à l’assistante personnel de Monsieur Grimaldi.
Sans comprendre où elle voulait en venir, la jeune blonde fronça les yeux avant de répondre.
- Oui, répondit-t-elle de sa belle voix basse. Mais…
- Je suis ravie. Ça fait des heures que j’ai demandé à l’agence de m’envoyer quelqu’un. Je ne m’attendais pas à quelqu’un comme vous, fit toutefois la brune en baissant un regard accusateur sur l’accoutrement de la blonde, et cette dernière en fit de même, avant de regarder le tailleur haute couture rose clair, que son interlocuteur portait. - Mais bon, on fera avec le temps nécessaire. Vous serez payez mille cinq cent net chaque jour passé ici, ce qui vous fait un total de sept milles cinq cent par semaine, et trente milles par mois.
Elle faillit s’étouffer.
- En dollars ? demanda la jeune femme en écarquillant les yeux.
- Oui dollars, car si je me souviens bien c’est encore la devise nationale de ce pays. Mais avant que vous ne commenciez à rêver, si le salaire est aussi bon c’est parce que le patron ne l’est pas, il y’a de très grandes chances donc que vous démissionniez, ou que vous soyez viré avant la fin de la journée, ou au maximum avant la fin de la semaine, autrement dit demain. Mais je partirai pour la fin de cette matinée, vu la nature de cette journée.
La blonde fronça les yeux comme pour faire comprendre qu’elle voulait plus d’éclaircissement.
- Aujourd’hui c’est la réunion des directions de toutes les sociétés contrôlées par monsieur Grimaldi, et en cette sombre journée, beaucoup se feront renvoyer, tout comme certains seront promu à de poste supérieur. Mais vous vous en rendrez compte bien assez tôt. Notez-moi vos coordonnées ici, et je vous ferai parvenir plus tard votre contrat de travail. Et au fait, je m’appelle Lise Peterson, je suis au Ressources Humaines. Maintenant reprenez votre poste, et accrochez-vous ma chère, déclara Lise en quittant le bureau avec le post-it jaune contenant les coordonnées qu’elles avaient machinalement notées.
Le temps était de l’argent, et ici, personne ne s’encombrait des bonnes manières. Constata l’intérimaire en regardant Lise partir sans toutes autres formes d’explication.
Le regard dans le vide, et toujours perdue, la nouvelle intérimaire regarda partout autour d’elle sans comprendre. Elle était censée venir remettre des documents confidentiels à Monsieur Grimaldi, pas devenir son assistante. Plantée devant l’immense bureau en verre et marbre blanc, tacheté de zébrure noirs, elle attendait que Lise vienne lui dire qu’il y’avait eu erreur sur la personne, mais rien, puis le téléphone se mit à sonner, et elle attendit encore.
Au bout de la cinquième sonnerie, elle fit maladroitement le tour de l’immense bureau, et d’une main tremblante, elle décrocha le combiné pour la placer à l’oreille, et d’une voix toute aussi flageolante elle fit entendre sa voix.
- Allô… désolée, euh… bureau de Monsieur Grimaldi ? fit-elle dans un murmure en ayant la nette impression de ne pas être à sa place.
Debout en face du combiné, elle se débrouilla tant bien que mal, raccrocha certaines fois par mégarde ce qui provoquait l’hilarité de ceux qui passaient. Elle avait l’air empotée, perdue, submergée, même si ça ne faisait que moins de trente minutes qu’elle était là. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner, l’ordinateur n’arrêtait pas de signaler l’arrivé de nouveaux mails, jamais elle n’avait fait l’intérim dans une structure aussi grande, et encore moins pour un PDG, son premier travail en tant qu’intérimaire avait commencé il y’a seulement quelques semaines.
- Bien je vais voir ce que Monsieur Grimaldi en pense, et je vous reviens pour confirmation, murmura-t-elle en raccrochant à son cinquantième interlocuteur de ce début de journée. A peine une heure…
Fatiguée, elle se laissa appeler par le doux confort de la chaise derrière elle, mais à peine qu’elle eut déposé son fessier, que la ligne personnelle de son patron se fit entendre.
Elle sursauta.
- Dans mon bureau, se contenta de dire froidement la voix sans toute autre forme de politesse.
Antonio se tenait devant la baie vitrée de son bureau, dos à la porte. Son humeur était aussi sombre que massacrante. En l’espace de deux semaines, il avait renvoyé deux assistantes, et les quatre autres avaient finis par démissionner, et c’était tant mieux, se disait-il. Il ne voulait pas être entouré de personnes incapables de le supporter, la vie était trop courte pour s’encombrer de pareil personnes, et encore plus dans son cas. Les mains croisées dans son dos, il observait le vaste ciel de New York, et irrémédiablement, ses souvenirs se portaient vers cette magnifique paire d’yeux bleu clairs qu’il avait vu il y’a trois semaines de cela.
Ces yeux n’avaient cessé de le hanter, de le suivre à chaque fois que le ciel devenait un peu plus clairs, et à chaque fois, il s’efforçait de faire taire la voix qui lui demandait de chercher à la revoir. Ce n’était pas son genre, il n’était pas de ceux qui se perdait en belle parole, ou qui avait la patience de supporter une seule femme, pas assez de temps, et trop de femmes à voir, alors il avait mis cette envie parmi les choses à proscrire depuis qu’il avait obtenu cette seconde chance, et jusqu’à présent cette décision fonctionnait.
Encore quelques temps, et il allait l’oublier, comme toutes les autres avant elle, et celle d’après, pour preuve, il ne se souvenait même pas du nom encore moins du visage de la femme qu’il avait baisé il y’a deux jour, ni de celle de ce matin d’ailleurs, non, si, c’était Tonya, à moins que ça ne soit Tania ?
Après un soupire qui avait pour effet d’effacer cette envie de revoir son inconnue, il ferma les yeux comme pour ne plus revoir cette couleur dans le ciel, avant de les rouvrir au moment où il entendit un timide coup à sa porte.
La nouvelle…
- Entrez, déclara-t-il de sa voix forte sans pour autant se retourner.
On l’avait appelé pour l’informer de l’arrivée de la nouvelle assistante. C’est certain qu’elle allait faire comme toutes celle avant elle, soit démissionner, soit se faire virer. Toujours en face du ciel de New York, il ne se retournait pas, il sentait la présence derrière lui, mais elle ne parlait pas, chose qui était étonnant. Au bout de cinq minutes juste pour rendre nerveuse cette nouvelle, Antonio se retourna, et sans la regarder, il alla s’asseoir à sa place. La silhouette qu’il percevait dans sa vision périphérique ne bougeait pas.
Elle pouvait rester là si elle voulait.
Distraitement, il prit un des documents sur son bureau, l’ouvrit, et commença à le parcourir des yeux, en y annotant les corrections souhaitées.
- Le rendez-vous de dix-huit heures, faites-le avancer à dix-sept. Vous appellerez Mademoiselle Stanton pour lui signifier que son offre ne me ravit pas, et qu’elle a quarante-huit heures pour me faire une nouvelle proposition. La visio-conférence de vingt-heure trente, vérifiez si tout le monde sera présent, dans le cas contraire annulez ma présence, ensuite…
- Vous pouvez y aller plus lentement s’il vous plaît ? Murmura une petite voix qu’il lui semblait reconnaitre, mais il ne s’attarda pas plus que ça à cette impression, maintenant plus irrité. Quand il était dans pareil humeur, un rien suffisait pour le faire passer du nord au sud.
Le visage courroucé donc, d’avoir été interrompu de la sorte, il releva ses pupilles noirs sur la personne qui venait de faire monter d’un cran sa mauvaise humeur, cependant dès qu’il l’eut vu, il écarquilla sensiblement les yeux avant de détailler la masse de vêtements et de cheveux qui se trouvait à quelques mètres devant lui.
Occuper à noter sur un petit calepin tout ce qu’il avait dicté, la jeune femme ne relevait pas la tête. Sans la quitter des yeux, Antonio se leva, et avança doucement vers elle comme s’il était en proie à un rêve à la fois doux et amer. Elle était là, le sujet de ses fantasmes les plus fou, était juste là, sous ses yeux. Incrédule, il marcha jusqu’à elle, au point de se retrouver à quelques centimètres d’elle, mais elle ne le voyait toujours pas, et il avait besoin de voir ses yeux pour se convaincre qu’il était vraiment question d’elle. Alors à défaut de cela, il ferma les yeux, et huma discrètement les relents de parfum qui se dégageaient d’elle, et là son cœur rata un battement quand cette douce odeur familière réveilla en lui en besoin qu’aucune autre n’arrivait à soulever.
Il releva ses paupières, la regarda sous tous les angles, et comme il y’a trois semaines, il n’arrivait pas à détailler son corps sous ses vêtements des plus étranges, même son visage était dissimulé par ses longs et lourds cheveux d’un blond parfait. Les secondes passaient, emportant avec elles toute son irritation d’il y’a quelques instants, et lorsque la jeune femme souleva enfin ses yeux pour le regarder, elle recula d’un pas comme s’il elle avait été poussée par une quelconque force, avant de rosir délicieusement. Cette réaction qu’il trouvait candide lui fit plaisir à voir, et depuis trois semaines, un nouveau sourire vrai étira ses lèvres, en allumant dans son regard une lueur qui n’y avait pas sa place. Il inclina légèrement la tête sur le côté, pour la regarder curieusement.
- Comme on se retrouve, susurra-t-il au bout d’un moment d’un sourire amusé, et ravie.
Comme on se retrouve…
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