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CHAPITRE 44















Sept mois plus tard…

La lumière n’était plus chose autorisée dans cette chambre, et l’espoir une notion qui n’existait plus, seule la souffrance hantait ses veines nuit et jour, et pour faire taire cette voix au fond de sa tête, seul l’abrutissement marchait, aussi, il buvait plus que de raison. Dans les trois premiers mois il l’avait cherché, mais jamais il n’avait pu retrouver la naissance de l’arc-en-ciel, c’était comme si elle n’avait jamais existé, rien nulle part. les autorités ne pouvaient faire quelque chose pour lui, elle était majeure, alors elle pouvait aller où bon la semblait, c’était là ce qu’on l’avait dit. Aussi, il avait fait jouer ses relations, il avait fait jouer l’argent, mais le dieu dollar n’avait pas pu faire mieux, il avait songé à nouveau au suicide, mais il était devenu trop lâche comme l’homme lui avait dit, ou peut-être espérait-il secrètement qu’elle passe les portes de la maison un jour. Ç’avait sans doute pour cela qu’il ne quittait jamais sa villa. Depuis tant de mois qu’il vivait reclus dans leur chambre, toujours vêtu du même pyjama qui sentait maintenant les poubelles. Toute sa chambre sentait la poubelle, mais en tant que déchet, ça ne le dérangeait pas.

Sept mois qu’elle était partie, et il ne pouvait se résoudre à dire qu’elle était morte. Il ne mangeait plus, se contentant de boire jusqu’à en frôler le coma éthylique. S’il ne pouvait pas se suicider d’une manière plus rapide, l’alcool le ferait pour lui. Kyle, son seul meilleur ami avait été repoussé, et enfermé en dehors des portes de sa vie. Ce dernier veillait à distance à toujours remplir son frigo de nourriture saine, et son bar d’alcool, tout en veillant à ne pas trop lui en donner. Il vivait, mais il était mort, et toute cette maison était une tombe grandeur nature. Comme tous les jours, ce fut dans un sursaut et en larme qu’Antonio ouvrit les yeux. Toute la chambre était plongée dans l’obscurité quand bien même qu’il serait douze heures passé dehors. Il se redressa du sol des toilettes où il c’était endormi deux heure plutôt, la tête lancinante, avec difficulté, il prit appuie sur la cuvette et poussa sur un corps qui ne savait plus à quoi pouvait ressembler une activité sportive.

Une barbe de plusieurs mois lui mangeant la moitié du visage, et de longs cheveux noirs lui couvrant la nuque jusqu’aux épaules, il prit en même temps sa bouteille de bourbon, et siffla le dernier quart qui restait avant de l’abandonner dans un bruit sourd. En titubant, il rejoignit la chambre à coucher, alluma l’une des lampes de chevet, afin de seulement avoir de quoi se guider jusqu’à la console de son oubli, et là, il prit une autre bouteille, du whisky cette fois-ci. Sans s’encombrer d’un verre, il l’ouvrit et porta le liquide à ses lèvres. C’était l’heure du petit déjeuner, ou peut-être le diner, qu’importe, c’était l’heure pour boire. Il ne devait pas être sobre, il ne devait pas voir la réalité, il ne devait pas voir ses fautes, il ne pouvait pas y faire face. C’était beaucoup trop douloureux, alors il fallait boire, boire jusqu’à oublier, boire jusqu’à se sentir plus bas que terre, boire pour se punir, boire pour rêver des bons jours, alors il but, il vomit, salissant sa barbe fournit, et l’avant de son pyjama. Maladroitement il essaya de se nettoyer puis abandonna, il avait mieux à faire, boire. La bouteille entamée jusqu’à la moitié, et adossée contre l’un des murs de la chambre, il pleura, c’était ainsi. Il buvait pour oublier, puis l’alcool en fidèle amie se débrouillait pour faire l’exact opposé, en lui rappelant combien il était minable. La bouteille sur sa gauche, les genoux repliés, et la main retenant une tête qui ne demandait qu’à mourir, il pleurait alors de tout son saoul, tel un enfant il sanglotait, tel un rejeté il maudit tout, surtout lui, et lorsque la douleur devenait insupportable, il finissait la bouteille et en prenait une autre, et recommençait jusqu’à ne plus sentir son propre visage, et là, il s’endormait. Tel était devenu l’emploi du temps du grand Antonio Grimaldi.

Recroquevillé sur lui comme un enfant des bas-fonds, des dizaines de bouteilles vides autour de lui, Antonio dormaient, ou plutôt il cauchemardait. Son lourd ronflement emplissait la pièce lorsque soudainement le bruit sec d’un téléphone se fit entendre, c’était le fixe. Dans un grognement il ouvrit les yeux en marmonnant des non-sens avant de rabaisser les paupières. L’appareil insista, sonna encore et encore, l’empêchant de se rendormir, mais il ne décrocherait pas, il attendrait que Kyle laisse un message comme il le faisait tous les jours à 14H30. C’était d’ailleurs lui qui avait insisté pour mettre le répondeur là. Au bout de la énième sonnerie, le répondeur prit pour son plus grand bonheur le relais.

— Bonsoir Mr Grimaldi. Ici l’hôpital Ste Ann, annonça une voix féminine qu’il ne reconnut pas, aussi il n’y prêta pas attention. D’autres personnes qui voulait sans doute de son argent, mais la personne qui gérait cela c’était sa Rainbow, pas lui, et sa Rainbow était partie, elle ne reviendrait plus, et il était responsable. Dans un sanglot pénible, il se replia plus encore sur lui-même, en laissant ses chaudes larmes maculer le sol poussiéreux et crasseux.

— Nous avons admis il y’a quelque temps une jeune femme répondant au nom de Rainbow Grimaldi…

Dès que ce nom fut prononcé à voix haute, son cœur eut une embardée. Très vite il redressa la tête et écouta les yeux tournés vers le téléphone.

— Elle avait votre carte sur elle, et seule votre adresse se trouvait en sa possession. Vous êtes donc prié de bien nous recontacter au 555…

Antonio bondit du sol, glissa sur une flaque de cognac ou de vomis, mais se rattrapa, et très vite, il courut et souleva le combiné avant que l’appel ne se meure.

— Qu’est-ce que, qu’est-ce qu’elle a ? Elle va bien ? Ma Rainbow, sanglota-t-il au téléphone en se laissant tomber sur ses genoux.

— Monsieur Grimaldi ?

— Oui, c’est moi.

En silence et hébété, il écouta toutes les consignes, et sans prendre le soin de raccrocher, il jeta le combiné au sol, et courut en dehors de la chambre. Aussi vite que pouvait le permettre un corps léthargique, il descendit les marches, et sur les deux premières il glissa et chuta. Dans un bruit sourd de gémissements et de coups, il roula au bas des escaliers, et difficilement il se mit debout. Il s’acharna à la porte d’entrée, et lorsqu’il parvint à enfin ouvrir la porte, il dut fermer les yeux, tant le soleil semblait bien trop fort pour ses pupilles dorénavant sous-exposées. La paume dissimulant partiellement ses yeux, il sortit, et en manquant de se cogner dans certains pots de fleurs, il atteignit le garage. Au niveau du panneau à porteclés se trouvait une seule clé, toute celle de ses voitures les plus rapides avait été confisquée par Kyle qui ne lui avait laissé que celle déverrouillant le gros 4X4 noir. Sans attendre une minute, il monta à bord, farfouilla dans la boite à gant pour en ressortir une paire de lunette de soleil au noir opaque. À l’intérieur se trouvait également les papiers de la voiture ainsi que son permis de conduire, un travail de Kyle, probablement en cas d’accident, mais ce ne serait pas pour aujourd’hui, non aujourd’hui, l’espoir venait de renaitre, il la reverrait, son petit arc-en-ciel. L’ombre d’un sourire flotta sur ses lèvres gercées.

Toujours ivre et parfumé à l’alcool comme très peu savent le faire, Antonio déboula à l’hôpital, et sur son chemin tous le laissaient passer, inquiets de voir un clochard aussi empressé et louche. Avec vivacité, il retira ses lunettes et présentant ses yeux rouges à l’accueil.

— Antonio Grimaldi, vous m’avez appelé il y’a une vingtaine de minutes pour ma Rainbow, où elle est ? Elle va bien ? On a refusé de me dire quoi que ce soit au téléphone, lança-t-il en bloc.

La femme d’âge mure aux cheveux grisonnants par endroit recula pour se protéger de l’odeur des liqueurs fortes, en le regardant pas du tout convainque par ce qu’il disait. Et pour cause, sous ses yeux se trouvait un vieux magasine portant en couverture le visage d’Antonio Grimaldi, et ce dernier n’avaient rien avoir avec l’homme qui se tenait sous ses yeux. Sur le magazine financier, Antonio Grimaldi avait des cheveux taillés, pas le buisson qu’il avait en ce moment, sur le magazine, Antonio n’avait pas de barbe, tandis que l’homme de maintenant avait une barbe qui lui bouffait la moitié du visage, sur le magazine, Antonio avait les yeux d’un noir intense sur du fond blanc, mais lui, il les avait rouge, sur le magazine, Antonio avait un sourire séduisant, et lui, on ne savait même pas où se trouvait sa bouche tant sa barbe était la seule chose que l’on voyait, et le plus important, sur le magazine, Antonio portait un costume noir, près du corps, fait sur mesure d’une valeur dépassant facilement les huit mille dollars, et il y était dit qu’il était multimilliardaire, mais lui, il ressemblait plus à la doublure de Frank Gallagher dans la série Shameless qu’à un multimilliardaire. Il avait même l’odeur qui allait avec. Voyant là où se situait le problème, Antonio déposa sous les yeux de celle qui portait le nom de Paige, son permis de conduire, et elle s’en saisit. Durant de longues secondes, elle tenta d’établir une ressemblance entre la photo du séduisant homme, et la loque humaine aux pieds nus et ongles sales en face, sans y parvenir.

— Vous n’avez jamais vu un milliardaire qui a pété les plombs ? lâcha-t-il froidement. — Maintenant, je veux voir ma femme, Rainbow Grimaldi !

Page lui remit son permis de conduire.

— Attendez là un instant, un médecin va venir vous voir.

Antonio récupéra sa pièce d’identité, et regarda la femme proche de lui, une infirmière qui se retourna pour le dévisager avec un flagrant dégout. Cette dernière déposa les documents qu’elle tenait, et s’en alla.

De longues minutes passèrent, sans qu’on ne vienne s’occuper de lui, patients comme accompagnateurs et médecins le contournaient, non sans lui adresser un regard empli de pitié. À plusieurs reprises il approcha Paige pour des informations, mais il n’y avait rien qu’elle puisse dire, puis au bout de trente-sept minutes d’attente, un médecin vint enfin à lui.

— Monsieur Grimaldi ? demanda-t-il incertain.

Antonio releva vivent la tête, et marcha avec vivacité vers l’homme dont la blouse indiquait qu’il s’agissait du Dr Sheffield.

— Où est Rainbow, ma femme ? Que lui est-il arrivé ? s’empressa-t-il de répondre à la place.

— Suivez-moi s’il vous plait.

Antonio ne se fit pas prier, il allait bientôt la revoir, peu importe ce qui s’était passé, peu importe les pieds qu’il devait baiser pour cela, on lui avait rendu son souffle de vie. Très vite il songea à son apparence, Rainbow ne serait pas contente de le voir si négligé, allait-elle le reconnaitre avec toute cette barbe ? Peut-être aurait-il dû prendre une douche ? se demanda-t-il en suivant le médecin dans l’ascenseur. Le regard rendu vivant par la flamme de l’espoir qui y brillait, Antonio se frotta les doigts de nervosité en attendant l’instant où il la reverrait enfin. Plus de sept mois de tristesse, que lui était-il arrivé, où était-elle depuis tout ce temps ? Toutes ces questions n’étaient pas primordiales. Il allait bientôt la revoir… un sourire étira sa barbe pendant qu’il se passait les mains dans ses cheveux gras et sales.
Son cœur se mit à battre à une vitesse folle, à chaque mètre qui le rapprochait de Rainbow, puis soudainement, une étrange sensation s’empara de lui lorsqu’il comprit que l’ascenseur ne montait pas, il descendait, mais il la repoussa au coin de sa tête, et attendit. Les portes s’ouvrir, et l’austérité des murs qui l’accueillir le fit frémir. Sans raison particulière, ses yeux s’embuèrent de larmes. Du revers de la main, il les essuya, et comme pour se protéger de ce qui se profilait à l’horizon, Antonio baissa les yeux sur le sol froid de l’hôpital, foulé par ses pieds nus. Il ne portait pas de chaussure, où les avait-il laissés, s’interrogea-t-il, érigeant encore plus une barrière émotionnelle.

La tête baissée, il suivait les talons du médecin, il observa avec attention ses baskets, elles étaient blanches, et les semelles étaient encore propres, sans doute des chaussures neuves. Inconsciemment il surchargeait son esprit de pensées futiles, mais plus il avançait, et moins il se sentait bien. L’atmosphère était particulièrement lourde dans cette partie de l’hôpital. Ils passèrent une porte, puis une deuxième, et Antonio veillait à ne lire aucune inscription, il n’entendait d’ailleurs pas que depuis le début le médecin le parlait, il n’avait même pas remarqué que depuis cinq minutes déjà ils s’étaient arrêtés, il n’avait pas senti la main consolatrice que l’homme de science avait déposée sur son épaule. Puis une dernière porte s’ouvrit, un charriot en sortie, et l’odeur des produits chimiques agressèrent les narines d’Antonio.

— Monsieur Grimaldi ? entendit-il d’une voix lointaine. Par réflexe, Antonio leva les yeux, et le regard du docteur était dorénavant empli d’excuse et de compassion.

— Qu’est-ce qu’elle à ma Rainbow ?

— Monsieur Grimaldi…

— Ce n’est pas grave au moins, vous allez guérir mon arc-en-ciel, insista Antonio d’un air désespéré.

Le docteur Sheffield le regarda un instant perdu, avant de comprendre que durant les dix dernières minutes, Antonio n’avait rien écouté, ni les conditions dans lesquelles on avait retrouvé la jeune femme, ni les raisons de son admission à l’hôpital, et pire encore, il avait été sourd à la douloureuse réalité. Le médecin ouvrit la bouche, mais en voyant le regard de ce dernier, Antonio l’empêcha d’en placer une, ne pas le dire à voix haute, voulait dire que ça n’était pas arrivé, ne pas faire attention à la table sur laquelle une masse était recouverte par un drap bleu, voulait simplement dire qu’il n’y avait personne là, ne pas écouter son cœur qui se brisait, voulait dire qu’il battait, ne pas entendre la voix de la raison voulait dire que cette voix était celle de la folie, ne pas sentir ses larmes dévaler silencieusement ses joues, voulait dire qu’il ne pleurait pas. Le regard fou, Antonio fixa le médecin. Trente années d’expérience, et Dean Sheffield pouvait reconnaitre cette folie qui naissait dans le regard de celui qui devrait porter seul la douleur, trente années, et il n’y avait pas le meilleur moyen d’annoncer pareille nouvelle.

— Monsieur Grimaldi, votre femme est morte il y’a deux heures.

Deux lourdes larmes à l’effroyable chaleur roulèrent sur ses pommettes avant de disparaitre dans sa barbe. Ce verbe excita à la fois sa folie mais plus encore sa lucidité.

— Et nous sommes à la morgue, parla doucement Antonio d’une voix étranglée.

La voix grave du médecin confirma l’évidence.

— Je ne pourrais donc pas la ramener à la maison.

— Non, Monsieur Grimaldi, ou du moins, pas de la manière dont vous souhaitez. Toutes mes condoléances.

Toutes mes condoléances, combien de fois avait-il entendu ces trois mots ? avaient-ils toujours sonné aussi creux pour celui qui écoutait ? Ou était-ce lui qui au contraire était sourd ? Avec une raideur du corps entier, Antonio pivota sur sa droite, en laissant le docteur Sheffield parler dans le vide. Les yeux larmoyants, il marcha vers la table en métal sur laquelle était allongé un corps, et lorsqu’il fut à moins d’un mètre, le deuxième homme en blouse verte présent dans la pièce souleva le drap d’un bleu qui lui rappelait la couleur d’un regard qu’il ne verrait plus jamais. Il ferma les yeux en posant le poing contre sa bouche, et lorsqu’il souleva le rideau de ses yeux, elle était là, allongée, belle, calme, endormie… morte. On n’eut pas besoin de lui poser la fatidique question, que déjà la réponse il la donna. C’était elle, son arc en ciel.

— Rani, qu’ai-je fait, mon petit arc-en-ciel, qu’ai-je fait ? Ma chérie…

Antonio ne put terminer sa phrase, tant le poids de sa culpabilité et celle de sa douleur se faisait la guerre pour savoir quoi prédominerait. Dévasté, et complètement sonné, sa gorge ne trouva plus la force pour s’ouvrir afin de laisser échapper un seul son, même ses pleurs étaient silencieux. Avec une douloureuse accalmie que seule pouvait imposer la mort, les deux hommes en blouse d’hôpitaux quittèrent la pièce en le laissant seul. Médusé, Antonio vint plus près du corps inerte de la jeune femme. De ses lèvres entrouvertes était visible l’ouverture d’un tuyau qu’il reconnut comme étant un intubateur.

Avec respect, il se saisit de l’objet, et avec une délicatesse que Rainbow ne pouvait plus apprécier, il fit glisser l’appareil en dehors de la gorge, et le laissa tomber sur le sol, puis d’une main tremblante, il effleura son front, étalant sur sa peau le liquide salé de ses amères larmes. Elle n’était pas encore froide, mais elle le serait, il eut envie de repousser cet état de fait. Le regard ivre de larmes, Antonio chercha de quoi la couvrir, mis il n’y avait rien, et la pièce était froide, beaucoup trop froide. En pleine phase de déni, il quitta les lieux, et dans le couloir, dans un des angles situés près de l’une des portes, il vit un fauteuil roulant qu’il prit. Lentement, il passa une main sous la nuque aux long et lourd cheveux bond, et l’autre sous les cuisses, puis la souleva pour la mettre sur la chaise. Sa tête glissa légèrement sur le côté, et à la voir ainsi, on croirait qu’elle dormait vraiment.

Tendrement, Antonio remonta le drap sur elle, et d’un pas calme, les yeux rouges de chagrin, il la poussa en dehors de cet endroit froid, et mort, là où pour lui, elle n’avait pas sa place. Ses pieds nus sur le sol froid de la morgue, il partit avec celle qu’il appelait sa Rainy, son épouse, et étrangement personne ne le retint, personne ne lui accorda de l’attention, un coup du destin, ou une intervention divine, mais une fois encore, qu’importe. Il l’allongea à l’arrière de sa voiture, poussa distraitement le fauteuil vide, et prit place derrière le volant. En partant il entendit crier son nom, mais il était trop apathique pour faire quoique ce soit. Roulant à vitesse raisonnable, les larmes ruisselant encore et encore, la gorge de plus en plus nouée, il évitait de regarder sur son rétroviseur, car à l’arrière se trouvait sa faute, à l’arrière se trouvait un passé qui détruisait son présent, en faisant doucement disparaitre son futur. 

Le feu rouge passa au vert, alors il tourna à gauche, était-ce la route pour rentrer chez lui ? Peut-être. Au bout d’une trentaine de kilomètres, il croisa une bâtisse à l’architecture fort reconnaissable, et soudaine prise d’une rage folle, il se gara avec colère, et descendit. Le soleil chantait haut dans le ciel, et il était si beau avec ce bleu incomparable, cependant c’était le bleu d’un autre ciel qu’il voulait voir, mais qu’il ne reverra plus. Les dents serrées d’une colère de plus en plus vive, Antonio ouvrit la portière arrière, et en sorti le corps de la jeune femme, et d’un pas rageux, il se dirigea vers l’entrée de l’église, il se foutait de savoir s’il elle était catholique, protestante ou orthodoxe, ce n’était pas le nom qui comptait, mais celui qu’on disait l’habiter. Avec grand fracas, il poussa les portes.

— Où est-il ? hurla Antonio avec véhémence. Un couple de vieilles dames se retournèrent sur lui, le regardant comme un fou.

Portant sa femme dans les bras, le drap bleu couvrant sa tenue d’hôpital, son bras gauche pendant dans le vide, sa tête en arrière, et ses longs cheveux blonds flottants, Antonio mena l’ange vers l’avant.

— Où est-il ? cria-t-il une fois plus forte. Pourquoi m’a-t-il fait ça ? Je suis l’unique responsable de tout ce qui s’est produit, il n’avait pas le droit de me la prendre.

Une fois en face du retable de l’église, il monta difficilement les marches, et là, il se jeta aux pieds de l’autel, Rainbow toujours serrée contre lui. L’immense Croix au-dessus de sa tête avec le Crucifié le plus connu de tous les temps.

Des petits chuchotements se levaient et doucement, les rares personnes qui se trouvait en ce lieu quittèrent l’endroit dont le clame si caractéristique était perturbé par cet homme à l’allure de fou. Très vite, un homme de grande taille vêtu d’une longue robe noire sortit d’une porte dérobée, et approcha Antonio qui avait la tête baissée, inondant la poitrine de Rainbow de ses larmes.

— Mon fils que se passe-t-il ?

Il releva la tête, et au fond de ses yeux il n’y avait rien, et telle une offrande, il montra le corps dans ses bras.

— Il me l’a pris, sanglota-t-il. Il me l’a pris, il me l’a pris, mon ange, il me l’a pris, répéta Antonio en pleurant de plus belle.

L’homme d’église, sans un mot, vint plus près, pour encaisser avec amour la colère d’Antonio.

— Je n’avais rien, elle était tout ce que je possédais, mais il me l’a pris, sans se soucier de ce que je pouvais penser, il me l’a pris, sans prendre en compte toute ma douleur, il me l’a pris. Il dit que rien ne se passe sans qu’il ne soit d’accord, alors pourquoi il a permis que mon ange meure, et que le démon que je suis vive ? Pourquoi !

Cette question résonna dans toute l’église, mais il n’y eut pas de réponse. L’homme de foi ne lui dit pas la phrase du genre, ses voies sont impénétrables, ou il faut accepter les choses comme elles sont, non, il se contenta d’être là, le consolant de sa douce présence, et Antonio pleura. Au bout d’une dizaine de minutes, il se pencha vers Antonio qui était complètement dévasté, et l’aida à se lever, et toujours en silence, ils refirent le chemin inverse.

— C’est votre voiture ? demanda-t-il d’une voix qui ne trahissait aucun jugement.

Antonio ne répondit pas.

Comprenant de par la manière anarchique dont le véhicule était stationné, l’urgence de celui qui le conduisait, le prêtre déduisit que oui, tenant Antonio par le bras pour le pousser à avancer, il le guida vers l’arrière, et ne tenta pas de lui reprendre la jeune femme qu’il tenait fermement contre sa poitrine, au contraire, il l’aida à se mettre sur le siège passager, et lui-même prit place côté conducteur. Il se retourna pour demander son adresse, mais sur le planché de la boite à gant ouverte, se trouvait le permis de conduire, il le ramassa, lut l’adresse, et démarra.
Trente minutes plus tard, il arriva devant la grille en fer forgée qui était grandement ouverte, de même que la porte de l’entrée principale qu’Antonio avait oublié de refermer en sortant. Le prêtre descendit, et guida Antonio à l’intérieur, il ne pleurait plus, mais ne semblait pas pour autant vivant. Le prêtre alla l’asseoir sur l’une des chaises présentes dans le premier salon qu’il trouva, avant de maintenant faire sortir son téléphone, tout en partant à la recherche d’un bureau dans lequel il pourrait trouver un carnet d’adresses. Il n’était pas question de parler à Antonio, il n’entendait plus rien, il ne voyait plus rien, sa douleur l’engloutissait un petit peu plus.

Il y’eut soudainement du bruit autour de lui, et Antonio ne fit attention à tout cela que lorsque quelqu’un essaya de lui retirer Rainbow des bras. Il clignant des yeux, et fit d’abord face aux pattes d’oie portée par un visage de femme, qui était-elle ?

— Bonjour, Monsieur Grimaldi, je suis la sœur Victoria, nous devons la préparer, expliqua la femme à qui il donnait au minimum cinquante ans. Face à ces mots, Antonio devint de plus en plus perdu, préparer qui ? Pourquoi ?

Au même moment, Kyle dont Antonio n’avait jusque-là, pas remarqué la présence s’approcha ; de même qu’Andrews Peters, le confesseur, père de cœur et témoin de mariage de Rainbow. Et le regarder accrue sa honte au point qu’il se crut devenir fou.

— Qu’avez-vous fait, Monsieur Grimaldi ?

En silence, les yeux brodés de larmes il fixa le vieil homme, le cœur serré, car il savait que s’il y’avait bien une personne dans cette pièce qui comprenait la situation, cela devait être Andrews Peters. Cet homme avait toujours eu quelque chose de mystérieux qui l’entourait, lui et Giovanni. Bon sang, Giovanni, un autre qui…

Attiré par un mouvement sur sa gauche, il tourna la tête et tomba sur le regard sombre du prêtre italien également présent, et là il se crut devenir fou. Les ambassadeurs du Christ étaient là, et lui il était le démon, le démon responsable de la mort de l’ange. Il sanglota et ses larmes échouèrent sur le front de Rainbow. Avec vivacité, comme s’il était impur pour la bête qu’il était de la souiller, il essuya très vite ses larmes de la peau plus froide de la jeune femme.

— Donne là au père Paul, il faut qu’on prépare Rainbow pour la cérémonie, parla-t-il de cette voix basse, triste et vide, propre au jour de deuil familiale. — Et toi aussi il faut que tu te prépares, sinon tu regretteras de lui avoir dit adieu ivre, et vêtu tel un clochard.

Face à cette brusque vérité, Antonio céda, et remit le corps de Rainbow au père Paul qui s’en alla suivit de la bonne sœur, et il ne les quitta pas du regard, jusqu’à ce que chacun entre dans une pièce différente de la villa en compagnie Andrews Peters et de Giovanni. Léthargique, Kyle lui fit prendre une douche froide pour le tirer de son engourdissement, l’obligea à se laver les dents, il choisit dans la penderie l’un des costumes qu’il n’avait pas portés depuis une éternité, et qui aujourd’hui était devenu légèrement plus grands. Et telle une machine, Antonio fit tout ce qu’on attendait de lui, debout, avec Kyle en face, il laissa son ami lui nouer sa cravate, lui peigner les cheveux, puis la barbe. La glace ne lui renvoyait pas une image flatteuse de lui, et ses yeux rouges n’arrangeaient pas les choses.

— Viens, l’appela doucement Kyle, il est l’heure.

Aujourd’hui était le pire jour de toute son existence, songea Antonio sans détacher son regard du cercueil ouvert, où reposait Rainbow, ses longs cheveux blonds éparpiller autour de sa tête, elle était si rayonnante dans cette belle robe blanche toute simple, avec cette couronne de violettes autour de la tête, étendue avec le masque de sérénité que seul donnait la mort. Le chapelet qui avait été enroulé autour de leurs mains le jour de leur mariage était à présent enroulé autour de la main de sa femme aujourd’hui encore, laissant le Crucifix reposer sur ses doigts. C’était l’un des cadeaux du père Andrews. Antonio fixa le bijou, regardant les bagues de mariage et de fiançailles ainsi que le crucifix sur lequel les rayons du soleil se reflétaient. Il y avait ajouté la lettre qu’il lui avait écrite il y’a maintenant une éternité de cela, cette lettre scellée qu’elle n’avait pu lire, cette lettre qui criait son amour et sa culpabilité. Bon sang. Ses larmes se remirent à couler. Assistaient à cette cérémonie, Kyle son meilleur ami accompagné de Paulina, Paul Kramer son notaire ainsi que son épouse, plus deux bonnes sœurs dont il connaissait que le prénom de l’une, un prêtre qu’il avait rencontré le jour même et deux autres qui jusqu’à présent ne lui avait pas encore dit un seul mot, à moins qu’il ne les ait pas entendus. Car lui, il n’était pas là, lui, il était couché dans ce cercueil que l’on refermait à présent après avoir aspergé d’eau bénite, lui, il venait de mourir.

Cette tombe avait été aménagée pour lui, plus de neuf mois plus tôt, mais c’était son corps à elle qui y serait enfermée. Le cœur d’Antonio se mit à battre de plus en plus vite à chaque fois que le mécanisme glissait le cercueil en bois de couleur acajou dans la tombe déjà apprêtée, et la réalité la rattrapa, tout était vraiment fini, elle était vraiment en train de partir, elle lui était arrachée, elle était morte pour que lui vive. Ses larmes ruisselèrent abondamment. Le corps fébrile, il se leva de la chaise qu’il n’avait pas quittée depuis le début de la cérémonie, et souleva le talon vers elle. Les mines sombres, tous le plaignaient, tous s’écartaient comme s’il portait la peste, et en un sens c’était le cas, il portait la marque que la mort qui venait de le visiter l’avait laissé. Le vent souffla sur cet endroit à l’abri du regard de sa propriété, et la tension aussi lourde que celui d’un cimetière soutenait sa douleur. Le cœur cognant si fort que sa poitrine lui faisait douloureusement mal, Antonio dépassa le petit comité vêtu de ce noir caractéristique du deuil, et la vérité que sa conscience refusait d’intégrer pour son bien, lui revint en pleine face avec la puissance d’un ouragan.

— Non, murmura-t-il dans un souffle tandis que le corps de son ange se glissait vers sa dernière demeure.
À quoi ressemblerait son avenir sans elle, tous ces mois il avait espéré qu’elle soit vivante, il avait espéré qu’elle l’ait quitté, que serait-il sans elle, comment affronterait-il ses journées sans elle ? Avec une appréhension et une peur indescriptible, il souleva ses jambes devenues lourdes afin d’arriver à la hauteur de la tombe. Son cœur se brisa pour de bon dans un grand battement.

— Non, non, non. Tu ne peux pas… souffla Antonio mais déjà c’était fini, la pierre en marbre blanc, venait de sceller pour de bon la tombe de l’ange.

— Je suis désolé, fit Kyle d’une voix cassée par le sanglot qu’il retenait.
Il déposa une main réconfortante sur l’épaule, d’Antonio, mais à cet instant, consumé par la colère et la douleur, il aurait mille fois préféré naître aveugle, pour ne plus voir ce qu’il avait sous les yeux, pour ne pas avoir à sentir son âme se déchirer en deux.

— Partez, dit-il à voix basse en resserrant ses doigts sur le rebord de la stèle qui ne portait pas encore de nom.

Mais personne ne l’avait entendu.

— Allez-vous-en ! Je ne veux plus vous voir ici. Partez ! hurla-t-il en déchirant l’étouffant manteau du silence.
L’âme en proie à une incommensurable douleur, il fixa avec intensité la stèle.

Plus jamais il ne l’entendrait, plus jamais il ne la verrait.

Elle était partie.

Elle ne reviendrait plus.

Elle ne lui répondrait plus jamais dans un rire les yeux brillant d’amour et d’espièglerie.

Cette constatation fit doucement son chemin jusqu’à son cerveau en panne, et c’est là qu’Antonio lâcha prise et chuta. Dans un cri déchirant, presque animal, de sa voix grave il hurla à en perdre la voix.

Il imprégnait chaque mur du silence de sa douleur.

Il venait de perdre une partie de lui.

À genoux, le front au sol, il pleura comme aucun homme n’aimerait le faire. Il essaya en vain d’extérioriser une douleur qu’aucune personne ne voudrait jamais avoir à connaître. Tel un enfant, il hoquetait en repensant à la situation dans laquelle il se trouvait. Ses poings frappaient durement le sol au point d’être en sang. Il venait de perdre la seule personne, la seule chose qui comptait sur cette terre. Sa douleur déferla dans ses veines et l’engloutit entièrement, emportant le peu de souffle qui lui restait. Une crise de panique s’invita, assaillit de toutes parts, il souffrait d’un mal que personne ne saurait guérir, son âme était brisée, et même le temps ne saurais l’aider, il en était convaincu.










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