CHAPITRE 12
- Monsieur Grimaldi ? entendit Antonio appeler, mais il n’y répondit pas.
Allongé dos à la jeune femme, il garda les yeux fermé. Il se sentait lourd de trop de choses, et l’ignorer était la meilleur chose à faire dans l’immédiat.
- Monsieur Grimaldi ? insista-t-elle dans un souffle.
Il ne parla pas. Toujours couché sur le flanc, il sentit grâce au mouvement du lit, qu’elle aussi c’était mise sur le côté, et qu’ainsi allongée, elle avait une parfaite vu sur son dos.
Aujourd’hui, comme hier, il n’avait pas fait son sport quotidien. Depuis des années, il n’y coupait pas, mais voilà, deux jour avec elle, et ses habitudes changeait, et s’il n’y avait que cela il aurait été content. Mais non, il avait fallu que certaines choses viennent s’ajouter à sa vie ! et en un sens, il la détestait pour cela.
Pendant qu’il s’évertuait à nourrir sa colère contre une personne qui objectivement n’avait rien fait de mal, Rainbow qui pensait qu’il dormait toujours souleva sa main, et délicatement, elle passa le bout de ses phalanges sur le bas de son épaule, dans un geste à la douceur la plus pure. Il eut la chair de poule, et ouvrit de concert ses yeux pour fixer le vide devant lui. Pourquoi ? se demanda-t-il une fois encore avec colère, sauf que cette fois-ci, la colère n’était pas adressée à la jeune femme dans son dos, mais plutôt à lui.
— Monsieur Grimaldi, réveillez-vous, chuchota-t-elle.
— Je le suis, répondit-il au bout d’un court silence, sans pour autant lui faire face.
Très vite la main qu’elle avait posée sur son dos, elle la retira, et durant une seconde, il regretta de ne pas avoir continué à faire celui qui dormait.
Il y eut un autre silence durant lequel il comprit qu’elle s’était éloignée de lui dans le lit.
— Si jamais je me retournais, vous ne risquez pas que roulez hors du lit comme vous l’avez fait hier ?
Silence.
— Non. Cette fois-ci je le quitterai avec un peu plus de savoir-faire.
Il sourit, puis au bout d’une minute, il se retourna doucement pour la voir, allongé sur le dos, à l’autre bout du lit, laissant ainsi un immense vide entre eux.
— Bonjour… la salua-t-il.
Elle tourna la tête pour le voir, sans faire pivoter son corps pour autant.
— Bonjour, répondit Rainbow, avant de remettre son cou à l’endroit, fixant ainsi le plafond en béton renforcé.
La musique jouait toujours en fond sonore, et lui couché sur le flanc à la regarder elle, tandis qu’elle, elle était couchée sur le dos à fixer le vide, il se demandait comment il avait pu en arrivé là. Il l’avait d’abord rencontré dans un couloir, ou plutôt, elle l’avait arrosé d’un café chaud, puis elle avait déboulé dans son bureau pour devenir son assistante, et cela sans que ça ne soit dans le programme de l’un ou de l’autre, après cela, il aurait pu la virer, mais il l’avait embauchée, puis il l’avait aussi invité chez lui afin de travailler, et là, il venait de passer deux nuits en sa compagnie, et à cet instant, ils étaient encore couchés sous les mêmes draps, et le plus étrange dans tout cela, c’était qu’il ne l’avait pas toucher, et le pire, c’était qu’il trouvait cela normal !
— Il pleut toujours selon vous ? demanda calmement Rainbow sans le regarder.
— Je ne sais pas. Mais je crois que oui. Pas avec la même intensité qu’hier, mais oui. Pour en être sûr, il faudrait qu’on remonte.
Elle ne dit plus rien, comme s’il n’avait pas parlé.
— C’est si calme ici. Si paisible, parla-t-elle au bout d’une autre pause.
Cette fois-ci, ce fut à son tour de ne pas répondre. Cet endroit était calme, beaucoup trop même, et ça n’était pas le type de calme qu’il appréciait, car ce silence-là, il était propice à des choses qu’Antonio ne voulait surtout pas voir.
— Nous devons remonter.
Il avait besoin de la fuir, pas de partager des instants paisibles !
— On ne peut pas rester ?
— Non. Et il se leva de son côté du lit, fit le tour de l’immense meuble tandis qu’elle, elle se redressait, et une fois parvenu de son côté, il s’approcha d’elle, lui tendit la main lorsqu’elle posa les pieds nus sur le sol froid, mais comme la veille elle la refusa, et se leva.
— Je vous avais dit que je saurais quitter le lit avec un minimum de savoir-faire, lui rappela-t-elle sur un ton léger, mais il ne dérida pas son visage pour autant. Elle l’observa longuement. — Vous êtes sûr que vous allez bien ? s’enquît Rainbow au bout d’un temps.
— On ne peut mieux, trancha-t-il en se retourna pour quitter les lieux.
Avec elle sur les talons, il retourna dans la cuisine, et comme si cela était devenu une habitude, il ouvrit le réfrigérateur, à la recherche de quoi lui faire à manger. Sous son regard qu’il savait inquisiteur, il lui prépara un petit déjeuner conséquent, constitué de gaufres, d’œuf au plat, d’une salade de fruits, et d’un verre du jus de fruits qu’il lui avait servi la veille. Sans la regarder une seule fois, il déposa le tout sous son nez, y ajoutant du miel, avant de s’occuper de lui-même, autrement dit, une simple tasse de café. Aujourd’hui, en plus de son corps, il n’avait l’estomac trop lourd, et donc aucun appétit. De plus, il fallait qu’il se presse, il avait tout un tas de choses à régler, et avant toute chose de porter un vêtement plus chaud.
— Vous êtes certain que tout va vraiment bien ?
Il releva enfin les yeux sur elle, en la fixant sans comprendre pourquoi elle n’arrêtait pas de lui poser la question depuis. Il n’était pas vraiment différent, un peu distant, mais c’était normal, c’était ce qui devait être fait.
— Mais vous avez l’air malade, insista-t-elle.
— Sachez que je ne suis jamais malade, Mademoiselle Banks.
— Jusqu’à maintenant. Parce que laissez-moi vous dire Monsieur Grimaldi, que vous avez tout de la tête de quelqu’un de malade.
— Et à quoi ressemble quelqu’un qui est malade ?
— À vous, fit-elle simplement avec sérieux.
— Vous ne vous en apercevez même pas n’est-ce pas ?
Elle fronça les sourcils.
— De quoi ?
Il soupira en retenant un sourire, tout en secouant doucement la tête d’incrédulité. Puis, avant même qu’il ne la voie venir, elle avait quitté le tabouret afin de faire le tour de l’ilot, pour poser la main sur son front.
— Mais qu’est-ce que vous faites ?
— Vous faites de la température, et vous êtes pâle, chose qui est vraiment alarmante chez quelqu’un comme vous.
— Comment ça quelqu’un comme moi ?
— Vous avez le teint constamment mâte, comme quelqu’un qui revient de voyage dans un pays ensoleillé, et vous voir pâlir, ne doit pas être chose aisée, à moins que vous ne soyez malade. En plus vous avez le front légèrement moite, conclut-elle en retirant sa paume de son front, avant de faire un pas en arrière.
— Comment cela le front moite ?
Antonio posa la main sur son front, là même où était la main de la jeune femme il y’a une seconde, et constata qu’elle avait effectivement raison. Mais en ce qui concernait sa pâleur, il ne la croyait pas. Aussi, il la contourna, et prit la direction de sa chambre, puis celle de la salle de bain, pour se voir dans un miroir, et force était de voir qu’elle avait raison. Son teint naturellement mâte du fait de ses origines italiennes, avait perdu quelques teintes. C’était presque imperceptible, mais il était bel et bien pâle.
Juste un coup de fatigue se dit-il, en quittant son reflet dans la glace, pour se déshabiller. Une fois son bas de pyjama abaissé, il continua dans la cabine de douche. Il était fatigué, il le sentait. Toute la nuit il avait veillé sur elle. Il avait fallu plus de deux longues heures pour apaiser la jeune femme, et une heure de plus pour qu’elle s’endorme, et lui, il lui en avait fallu deux pour se décider à l’allonger normalement dans le lit, quarante-cinq bonnes minutes à la regarder, et finalement, il lui avait tourné dos pour chercher le sommeil. Mais compte tenu de ses cauchemars maintenant récurant depuis que sa date d’expiration approchait, il avait à peine dormi trois bonnes heures. Et en ouvrant les yeux, il s’était aperçu qu’il avait roulé jusqu’à elle, le visage à quelques centimètres de celui de la jeune femme, et il avait même eu le toupet de passer son bras par-dessus sa taille, comme si elle et lui avaient été intimes. Et ce rapprochement physique, Antonio ne l’avait pas fui en premier lieu, il avait à la place détaillée le visage de Rainbow en ayant l’impression de ne pas s’en lasser. Couché sur le ventre, immobile, la respiration régulière, seule son regard intense avait trahi le sérieux de ce qu’il faisait : la regarder. Ce ne fut que lorsqu’elle avait remué, qu’il s’était à nouveau retourné pour ne pas se faire surprendre en flagrant délit de voyeurisme.
Et donc, si on ajoutait à cette fatigue, le fait qu’il n’avait pas mangé depuis hier matin, son faible état était parfaitement justifiable. D’un geste lent, Antonio arrêta l’arrivée d’eau, sortit, en ne manquant pas de prendre un peignoir qu’il noua paresseusement, en rejoignant sa chambre. Une fois parvenu dans cette pièce, il alla s’asseoir lourdement sur son lit. Il était si exténué, et pas que physiquement. Son téléphone, déchargé, était éteint, il ne chercha même pas à le brancher, préférant le jeter sur sa table de chevet.
Pourquoi faisait-il tout ceci ? Il allait mourir dans à peine quatre mois, alors pour quoi continuer ? Pourquoi ne pas juste se laisser porter ? Ne rien faire, ou au contraire tout essayer. Pourquoi tout ce sérieux si la fin était là ? Se demanda-t-il en s’allongeant normalement sur son immense lit.
La tête bloquée par le nombreux oreiller, les jambes croisées au niveau des chevilles, et les bras reposant le long de son corps. Il pourrait bien rester ainsi, en peignoir, ne plus jamais s’habiller, ne plus jamais faire aucune activité physique, essayer toutes les drogues possibles, escalader une montagne, manger du tout, boire tout ce qui lui passait sous le nez, au point de ne plus jamais être sobre, et pourquoi ne pas finir en beauté en sautant du haut d’un immeuble le dernier jour de sa vie, non, un immeuble ça n’était pas assez sensationnel, un avion. Oui, sauter du haut d’un avion, la chute le tuerait sur le coup, mais il aurait vécu les meilleures dernières minutes de sa putain de vie !
Un sombre sourire étira ses lèvres lorsqu’il y pensa, tout juste avant de s’endormir.
Voilà là, un excellent plan de fin de vie.
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