CHAPITRE 11
A chaque heure qui passait, Antonio n’avait de cesse de supplier le ciel que les averse et les orages prennent fins afin qu’il puisse faire venir un hélicoptère pour la ramener chez elle, mais comme il y’a des années, cette prière était restée infructueuse. Et donc, au lieu d’aller de pis en meilleur, le ciel faisait l’exacte opposée. Et ce qui n’était qu’une simple pluie orageuse, avait de grande chances de se transformer en tornade si jamais les choses continuaient ainsi.
Après un énième soupire violent, Antonio ferma avec brusquerie son ordinateur, le jeta sur le lit, et se leva pour marcher dans la chambre comme un lion en cage. Il était vingt-trois heures cinquante. Depuis des heures qu’il avait quitté Rainbow dans la cuisine, et il n’y était pas retourné pour voir si elle allait bien ou pas. De toute façon, ça n’était pas ses affaires. Dans la vie, tout un chacun venait au monde avec son propre baluchon, et il était hors de question qu’il porte celui d’un autre. Le sien était suffisamment lourd ainsi, et celui de la jeune femme n’était rien en comparaison avec le sien.
Fort de ce constat, il passa les mains sur son visage, et se retourna pour aller se mettre au lit, quand la tablette de sa chambre se mit à sonner, lui signalant que l’un des stores avait été levé. Il récupéra l’appareil sur sa table de chevet, regardant l’image de sa maison s’y dessiner avant que l’intelligence artificielle de la villa ne lui montre la salle de séjour, ainsi que le store concerné, et il comprit. Tout comme l’ordinateur, la tablette atterrit tout aussi violemment sur le lit, avant que d’un pas vif, leur propriétaire ne prenne la direction de la sortit.
Très vite, il descendit les escaliers, et prit le chemin qui menait à la pièce concernée. Les lieux étaient faiblement éclairés, mais son regard trouva la silhouette féminine se découper dans l’obscurité grâce à la lumière de l’appareil qu’elle tenait. Il voulut lui crier dessus, lui rappeler que ce qu’elle faisait était risqué compte tenu du temps, mais aussi de sa nature phobique, mais il se retint, et préféra à la place essayer de comprendre ce qu’elle faisait.
Rainbow appuyait sur tous les boutons, allumant éteignant les ampoules, mettant en marche la cheminiée moderne, allumant et éteignant le chauffage ou l’air conditionné. Le bruit d’un deuxième store qui se levait le tira de sa contemplation. Il tourna la tête, et regarda le métal remontée, puis deux autres, ce qui permettait dorénavant aux oranges d’emplir la pièce. Les éclairés qui déchirait le ciel sombre entraient dans la salle de séjour, le bruit état assourdissant, mais Antonio ne s’en occupait pas, à la place, il ne faisait qu’observer Rainbow. Elle voulait faire face à sa plus grande peur, remarqua-t-il avec une certaine inquiétude, mais avec également une touche de fierté.
Son corps sursautait à chaque déchirement lumineux suivi d’une bruyante rafale de son. Elle s’efforçait de garder les yeux ouverts, les dents serrées afin de ne pas hurler sa peur. Vacillante telle une flamme sous l’effet du vent, Rainbow resta figé devant la baie vitrée. Il fallait qu’elle avance, qu’elle dépasse ce stade de sa vie, et pour cela, confronter un ciel qui lui avait tout pris était la seule chose à faire. Elle n’était là que depuis moins d’une minute, mais elle avait l’impression que cela faisait des heures.
Le vent se déchaînait, les arbres offraient leurs plus belles danses, et le ciel hurlait au travers du tonnerre qui ne se lassait de la faire peur, mais elle tint bon. Ce n’était que de l’eau et un peu de vent, ce n’était que du bruit et un peu de lumière, ne s’évertuait-elle pas de se répéter, toutefois, ce raisonnement vola en éclat lorsque le plus lumineux des éclairs accompagnés du plus fort des tonnerres ne se fasse entendre, alors, les mâchoires qu’elle s’efforçait à garder imbriquées l’une dans l’autre se séparèrent.
La tablette qu’elle tenait tomba alors sur son pied avant d’atterrir sur le sol, mais elle n’en sut rien, sa peur avait repris le dessus. Les yeux hagards, le souffle rapide, la poitrine douloureuse du fait d’un cœur qui y battait beaucoup plus vite que la normale, Rainbow se mit à paniquer. Elle haletait, mais elle avait l’impression que l’air ne parvenait plus à ses poumons, son visage fut recouvert de sueurs et de larmes, ses vêtements lui collaient à la peau, ses tremblements devenaient de plus en plus incontrôlés. Sa peur était si grande, qu’elle ne parvenait même pas à crier.
Antonio en se décida à enfin faire un pas vers elle
— Rainbow ? appela-t-il calmement en avançant dans son dos.
Le vent devint plus fort, puis à la suite d’un violent éclair, les lumières grésillèrent, puis s’éteignirent de concert, mais très vite, le groupe électrogène de la villa reprit le relais.
Sous le regard triste et inquiet d’Antonio, la jeune femme ne devint que peur la plus brute. Un pot de fleurs en terre, délocalisé du jardin où il était, élit violemment domicile sur le verre renforcé en produisant un bruit sourd, et suite à ce bruit qui attira l’attention de tous, Rainbow se mit enfin à hurler en se tenait la tête.
— Je suis désolée, tellement. C’est de ma faute ! cria-t-elle en tombant, mais Antonio qui l’avait vu défaillir se hâta de la rattraper une fois encore.
— Rainbow, regardez-moi.
— C’est de ma faute, je suis responsable.
Elle pleurait abondamment, les pupilles dilatées à leur maximum du fait de sa panique, elle criait, réclamant une culpabilité qu’Antonio ne devinait pas. Ces mots ne lui étaient pas adressés, comprit-il. Fixant droit devant elle comme si elle voyait un être qu’elle était la seule à apercevoir, Rainbow continua à s’excuser. Elle était en nage, tremblante, la respiration de plus en plus âpre, et comme si le ciel se nourrissait de la souffrance de la jeune femme, les éclairs accompagnés de son meilleur ami devinrent plus intenses, et à chaque tumulte, elle hurlait de plus en plus fort, s’excusant, et comme si cela ne suffisait pas, un autre bruit vint se mêler à ceux que faisait la jeune femme. L’alarme de la maison se mit en marche, et le bruit de la sirène couplé à celui du vent des tonnerres et des pleurs de Rainbow créait une cacophonie impossible à supporter.
- Alerte tornade.
Alerte tornade.
Alerte tornade.
Alerte tornade.
Ne se lassait de répéter la voix féminine de l’intelligence artificielle, et très vite, les stores qui avaient été relevés par Rainbow se remirent à reprendre leur place d’origine, protégeant le verre renforcé avec un automatisme et une rapidité effrayante.
— Non, non, non, non… murmura Rainbow en comprenant très bien ce que pareille chose voulait dire, et son esprit, surchargé par la peur que créait une pareille conscience de la réalité, n’y tint plus, et donc, elle perdit connaissance.
Sans attendre une minute, Antonio prit la jeune femme dans ses bras, et la tenant tout contre lui il se mit à marcher d’une façon soutenue vers le sous-sol de la maison pendant que le visage de Rainbow figé par la panique persistait à être maculé de larme.
Le sous-sol possédait tout ce qu’un abri de ce genre pouvait avoir, et plus encore. Tout était en béton renforcé. Avec Rainbow sur les bras, il composa hâtivement le mot de passe, et la lourde porte s’ouvrit pour les laisser passer, avant de se refermer aussitôt. Les murs étaient peints en gris, mais la décoration pouvait été qualifiée de tout, sauf d’être spartiate, mais il n’y fit pas attention. Il dépassa la première pièce qui faisait office de salon, puis poussa la deuxième porte qui donnait sur une chambre à coucher, et avec elle toujours blotties contre lui, Antonio retira sans ménagement le fin tissu en plastique qui recouvrait l’immense lit, puis il y allongea la jeune femme, avant de se redresser pour la regarder.
Il n’avait jamais eu une raison pour descendre ici, et s’il avait été seul, il n’y serait pas venu, mais elle, elle avait besoin d’un endroit comme ça pour sa tranquillité d’esprit, alors ils étaient là. Ce n’était pas vraiment une tornade si importante que ça, mais Rainbow ne le comprendrait pas. Ici, il n’y avait pas de bruit, pas de tonnerre, rien, si ce n’est la musique du silence. Le souffle rapide, et l’œil toujours inquiet, Antonio se mit à marche de long en large sans s’éloigner d’elle, lorsqu’il vit dans sa vision périphérique Rainbow sursauter avant de geindre, et très vite, ses paupières se soulevèrent.
— Oh mon Dieu mais qu’ai-je fait ? pleura-t-elle dans un gémissement.
Ils avaient beau être en sécurité qu’elle, elle ne l’était pas pour autant dans sa tête.
— Calmez-vous. Il ne peut rien vous arriver ici.
— Vous ne comprenez pas, c’est de ma faute. Et le ciel ne fait que me le rappeler encore et encore ! je suis maudite, c’est de ma faute. Jamais cela n’aurait dû arriver, jamais… ne gémit-elle dans un sanglot déchirant.
Elle semblait perdue, et dans son magnifique regard d’un bleu ensorcelant, Antonio y vit deux émotions qui se faisaient la guerre : la culpabilité, et la peur. Et celle qui en pâtissait, c’était Rainbow. Antonio se tourna vers le mur derrière lui, activa le panneau de commande, et très vite, les douces notes d’un violon solitaire emplir leur nouvelle chambre, il augmenta jusqu’à un niveau qu’il jugea acceptable, avant de se retourner vers Rainbow qui était assise au milieu du lit, les mains sur ses oreilles. Il posa un genou sur le lit, se mit en face d’elle, assis sur les talons, puis, il passa une longue mèche d’un blond parfait derrière l’oreille de la jeune femme qui pleurait avec une abondance poignante. Il prit sa tête entre ses deux mains, et força le bleu de Rainbow à se poser sur ses pupilles noires. Elle avait besoin d’une encre pour revenir. Il prit une profonde inspiration, puis une deuxième, et parla d’une voix basse et ferme.
— Les volets sont fermés, les éclairs ont disparu, et la musique dompte le tonnerre, lui dit-il comme durant leur première nuit. Vous connaissez la chanson ma petite Rainbow, n’est-ce pas que vous la connaissez ? De chaudes larmes quittèrent ses yeux et roulèrent sur ses belles joues avant qu’elle n’acquiesce nerveusement. — Alors, faites comme moi, prenez une longue et profonde inspiration, et répétez après moi. Les volets ont été fermés, les éclairs ont disparu, et la musique dompte le tonnerre.
Tremblante, elle prit difficilement la profonde inspiration qu’il lui exigeait, et elle chuchota la phrase mantra qui avait réussi à la calmer la veille.
— Les volets sont fermés, les… les éclairs ont disparu, et la musique… la musique dompte le tonnerre, termina-t-elle difficilement.
— Regardez autour de vous, atour de nous, voyez-vous autre chose si ce n’est vous et moi, ou entendez-vous autre chose que la musique et ma voix ?
Elle fit non de la tête.
— Je ne vous mens donc pas ?
Rainbow hocha une fois encore un non.
— Dans ce cas, inspirez profondément, puis expirez, et répétez avec plus de conviction, car il n’est question que de vérités.
Elle acquiesça, et prit quelques secondes, et s’exécuta.
— Les volets ont été fermés, les éclairs ont disparu, et la musique dompte le tonnerre.
— C’est cela même ma toute belle. Encore une fois. Et elle le fit. Et pendant qu’elle murmurait son mantra, il la prit fermement dans ses bras, la serrant très fort, car il avait lu quelque part il y’a neuf ans, durant un de ses contrôles à l’hôpital, que les câlins étaient très bon pour le cœur en cas de stresse, car ils diminuent les pressions artérielles en plus de tout un tas d’autres choses qu’il avait oublié.
Aussi, tout ceci n’avait qu’une raison médicale, rien de plus. Tout comme c’était médical de la garder tout contre lui en s’allongeant, tout comme c’était médical lorsqu’il sentit les effets du câlin non seulement sur elle, mais sur lui, et mieux encore, lorsque dans un pur moment qu’il préféra juger sans valeur, elle lui dit dans un murmure les larmes aux yeux.
— Ne me laissez pas…
Ces quatre mots semblaient si vrais, ses quatre mots semblaient lui être dans leur entièreté destinée, et la paix que créait ses quatorze lettres trouvait la route jusqu’à lui, le vrai lui, pas celui qu’il présentait au monde pour cacher sa véritable personne. Son cœur rata une marche du fait de cette chaleur qui venait d’atteindre un endroit qu’il s’évertuait de garder loin de tous. Putain, pas ça… pensa-t-il avec une réelle souffrance qui faisant néanmoins danser son cœur de joie. Et en dépit de cette douleur, il lui répondit avec le même nombre de mots qu’elle avait utilisés :
— Je vous le promets…
Une fois encore, c’était purement médical…
Même si au fond de lui, il savait que ses mots étaient vrais…
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