Les trois hommes arpentaient des couloirs qui semblaient interminables et Ralph peinait à discerner où ils se rendaient exactement. De temps à autre, l'humain qui avait essayé de le frapper lui lançait des œillades, comme s'il avait peur que Ralph ne saute sur lui sans aucune raison. Lorsque leurs regards se croisaient, Ralph le soutenait sans ciller, jusqu'à ce qu'il reporte son attention devant lui.

     Ils finirent par arriver devant une porte et Ejderha se contenta de poser la paume de sa main sur un cadre noir à côté. La porte s'ouvrit dans la seconde qui suivit, et il se retourna enfin vers Ralph pour l'inciter à entrer avec un sourire sur son visage. L'autre homme ne lui adressa pas un regard et entra dans la pièce dans attendre.

     Le vampire entra avec précaution dans la pièce et regarda autour de lui. Une dizaine de personnes venaient d'interrompre toute activité pour se concentrer sur lui. Ejderha arriva à côté de lui.

« Mes amis, commença-t-il, n'ayez crainte, il ne nous veut pas de mal.

     Ralph fronça les sourcils, en dévisageant les humains qui se trouvaient devant lui. Visiblement, les paroles d'Ejderha prirent rapidement effet et il entendit des battements de cœur se calmer légèrement.

— Dit-moi où est Cléo, demanda l'humain qui avait tenté de frapper Ralph.

     Un jeune homme se redressa brusquement de la chaise de bureau dans laquelle il était assit et pianota sur son clavier. Ralph observa de loin une technologie qui lui était inconnue faire son travail.

— Toujours au même endroit. Mais elle est dans un mauvais état. Et elle n'a plus de machine pour rentrer. L'univers est en stand-by depuis que le Ralph est arrivé. Je pourrai t'y renvoyer rapidement, dès que j'aurai eu le feu vert d'Ej.

     L'homme souffla du nez avant de fusiller Ralph du regard. De toute évidence, il lui en voulait énormément d'avoir laissé une femme qu'il ne connaissait pas derrière lui. Il se tourna brusquement lorsqu'il sentit une main se refermer sur son bras.

— Suit-moi, il faut que l'on t'explique beaucoup de choses, indiqua Ejderha. »

     Ralph le suivit jusqu'à ce qu'ils arrivent devant un bureau occupé par une jeune femme qui avait l'air de plus en plus inquiète au fur et à mesure que Ralph se rapprochait.

« Détend-toi, il ne te veux pas de mal.

     La jeune femme eut un sourire qui ressemblait plus à une grimace qu'autre chose.

— Ah, ouais, désolé Ej, c'est juste que ça fait bizarre de voir Ralph devant moi sans qu'il ait envie de tuer tout le monde dans la pièce, répondit-elle avec un rire nerveux.

     Ejderha se contenta de caresser doucement ses cheveux. Ralph fronça les sourcils.

— Il faudrait que tu lui expliques le plus gros de ce que nous faisons ici, s'il te plait.

     La jeune femme eut une nouvelle grimace avant de regarder furtivement Ralph. Il ignorait pourquoi, mais tout le monde ici semblait ou le détester, ou avoir peur de lui. Sauf Ejderha.

— A... Alors, bégaya la jeune femme, je suis Altéa, et moi je m'occupe d'avoir un visuel temporel et universel sur les personnes que nous envoyons en mission. Je suis en binôme avec Kyre et on a le même boulot. On s'assure que le gens ne se perdent pas à travers l'espace-temps.

     Cela n'aida pas plus Ralph. Il jeta rapidement un coup d'œil au dénommé Kyre, qui était avec l'homme qui avait essayé de le frapper.

— Ici, nous ne sommes pas dans la même lignée temporelle que toi, ajouta Ejderha.

— Quoi ?

— Comment t'expliquer... Ici, nous sommes dans un univers semblable au tien, mais avec quelques différences. Ce n'est pas ton univers. Et même si tu es dans le futur par rapport à d'où tu arrives, ce n'est pas ton futur. Lorsque Cléo t'a donné la machine, tu as traversé l'espace et le temps pour arriver jusqu'à nous. Ici, dans cette temporalité, il existe un autre Ralph, ce qui fait que tu n'es pas vraiment notre Ralph.

     Le vampire ouvrit et referma plusieurs fois la bouche.

— Je sais que ça fait beaucoup d'un coup. Mais effectivement, tu n'es pas unique dans l'étendu de l'univers qui existe. À vrai dire, il existe de multiples univers, de multiples temporalités... Et de multiples Ralph, conclut-il.

— Et lui, c'est qui ? demanda-t-il à Ejderha en désignant l'homme à côté de Kyre.

— C'est Jack. Cléo, la femme qui t'a amené ici, était sa compagne.

     Ralph serra les lèvres.

— Et pourquoi tout le monde semble avoir peur de moi ?

— Le Ralph de cet univers n'est... Pas le Ralph le plus gentil que l'on ai pu rencontrer. À vrai dire, c'est même un tueur sanguinaire que l'on recherche activement.

     Le vampire sentit bien qu'Ejderha avait tenté de prendre des pincettes pour lui dire cela, mais il comprit rapidement que sa tentative était tombée à l'eau en voyant l'air sidéré de Ralph sur son visage.

— Et vu que ce n'est pas moi, vous pouvez pas me laisser tranquille ?

— Mais nous avons besoin de toi, Ralph. Nous avons besoin de toi afin que nous puissions mettre la main sur le Ralph de notre temporalité.

     Ralph marqua un temps. Il essaya de dire quelque chose avant de se raviser, puis il regarda Ejderha.

— Désolé, il faut que je sorte. »

     Il tourna rapidement ses talons sous le regard pesants des humains présents dans la pièce.

     Lorsque les portes se refermèrent, les humains regardèrent Ejderha. Ce dernier avait un air empli de peine sur son visage. Ses paupières battirent rapidement lorsqu'il remarqua les regards sur lui.

« Laissez-lui du temps... Ça fait beaucoup d'un coup.

— C'est précisément ce que nous n'avons pas, Ej, appuya Jack, le temps passe, et notre Ralph prend de l'avance qu'on ne pourra bientôt plus rattraper.

— Ce Ralph vient d'une ligne temporelle assez tumultueuse, du moins psychologiquement pour lui. Il a passé plus d'une cinquantaine d'années à dormir, et il a raté beaucoup d'évolutions qui ont fait que d'autres Ralphs ont été préparé bien plus rapidement.

     Il marqua un temps avant de se plonger dans le regard de Jack.

— Soit indulgent, lui dit-il avant de se tourner vers tous les autres, soyez tous indulgents envers lui. C'est tout ce que je vous demande. »

     Il vit plusieurs têtes soutenir son regard avant de reporter leur attention sur leurs taches respectives, à savoir : trouver leur Ralph. Ejderha leur adressa un dernier regard avant de se diriger vers la sortie. Il passa la porte automatique qui se verrouilla derrière lui et il regarda à gauche puis à droite du couloir, avant de légèrement humer l'air. Au final, il se dirigea à gauche.

     Après quelques minutes de marche, il finit par retrouver Ralph, seul. Ce dernier se tenait debout devant l'immense porte qui permettait de sortir dehors.

« Tu te demandes si le soleil te brûlera si jamais tu sors dehors ? demanda-t-il au vampire.

     Ejderha sentit le regard pesant de Ralph sur lui. Sans attendre sa réponse, il enchaina :

— Le soleil ne te fera aucun mal, rassura-toi. Dans cet univers, il s'est éloigné de la planète. Il fait bien plus froid dehors, et le vie est plus dure, mais ce n'est pas le soleil qui te tuera.

     Ralph posa une main sur la poignée.

— Cependant, je te déconseille fortement de sortir.

     Ralph enleva la main de la poignée et marmonna quelques mots.

— Pourquoi ? finit-il par demander sur un ton agacé.

— Comme tu as pu le voir, les humains te craignent.

     Ejderha se tourna vers le couloir qui était derrière eux.

— J'ai pu les raisonner uniquement parce qu'ils croient en moi. Mais dehors, il y a d'autre humains qui te déteste, et qui ont tous les droits pour.

— Je n'ai rien fait, marmonna-t-il en serrant les dents.

— Pour eux, tu es quand même Ralph. Pour eux, tu es dangereux et tu dois être supprimé.

     Ralph fronça les sourcils.

— Et pourquoi tout le monde te croit ? Pourquoi tout le monde semble avoir confiance en toi ? demanda-t-il.

— Parce que... Eh bien, je suis le Suprême. Du moins dans cet univers.

     Les mains de Ralph se crispèrent presque par réflexe. Ejderha eut un petit sourire mais il ne fit aucun geste.

— Je t'assure que je ne te veux aucun mal. Mais je pense que nous devrions en discuter plus calmement. Sans compter le fait qu'il faut que tu te nourrisses. Ça fait longtemps, et les sauts dans le temps et l'univers n'aident généralement à combler un estomac. Viens.

     Ralph ferma ses yeux un instant. Même s'il détestait l'avouer, Ejderha avait raison ; il avait faim, et au vue de la réaction unanime des quelques humains qui l'avaient vu, ce n'était pas raisonnable de sortir dehors, le ventre vide. Il se résolu à suivre le Suprême.