9 - Visite de courtoisie à un retraité
Edward Chapman avait tendance à penser qu'il se retrouvait dans des situations bien étranges, ces derniers jours. Outre ses habituels retards matinaux, vous l'auriez bien comprit, Edward Chapman n'était guère du matin, il avait en l'espace de moins d'une semaine hérité du poste de son ancien mentor, Bryce Lynch, ouvert une nouvelle enquête, il s'était fait mordre et il en avait jouit, mais il avait également rencontré un vampire ayant la capacité de marcher en plein jour, et qui souhaitait voir son ancien mentor à la retraite.
Heureusement que son pseudo jour de repos arrivait bientôt, histoire qu'il soit sûr de ne pas avoir rêvé.
En attendant, il venait de frapper à la porte de Lynch, et ils attendaient depuis quelques instants déjà, sans parvenir à prononcer le moindre mot à son étrange compagnon.
Ralph, quant à lui, se contentait d'être face à la rue et de scruter le moindre passant. Depuis la dernière fois qu'il était venu à Londres, la population s'était accrue de manière exponentielle, et elle semblait plus dissipée. Mais de meilleure humeur. Il fallait dire que les vampires ne représentaient plus vraiment une menace, tout comme les loup-garous, et que la population anglaise n'avait vraiment plus à s'en faire.
« Eddie ! s'exclama une voix derrière lui.
— Bonjour, Bryce, répondit le jeune inspecteur avec un faible sourire.
Ralph se retourna pour faire face à Bryce Lynch. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement et sa bouche s'entrouvrit. S'il n'avait pas eu ses lunettes de soleil, les deux humains aurait rapidement vu l'expression qu'il abordait. Il contint rapidement sa surprise et ferma son visage, laissant paraitre l'expression neutre qu'il abordait toujours.
— Ralph Walker, c'est ça ? demanda-t-il en souriant au vampire.
Il n'avait l'air nullement impressionné, et encore moins effrayé par le vampire qui se déplaçait en plein jour. Ralph le détaille avec surprise. Il ressemblait vraiment à son ancêtre. Il avait le même nez que l'ancien alchimiste, la même couleur des yeux, et la même forme du visage.
— C'est bien cela, finit par répondre le vampire.
— Mon grand-père m'a beaucoup parlé de vous. Et son père avant cela. Ainsi que son père. Bref, c'est de famille.
— Je suis heureux de savoir que les Lynch... Soient encore des Lynch.
Eddie fronça les sourcils et regarda Ralph.
— Votre aïeul était un homme respectable, je suis heureux de voir que cela a duré à travers les années.
— Vous êtes tel qu'on me vous a décrit ! Allez, entrez, entrez, j'ai du thé mon petit Eddie !
Eddie arrêta de fixer le vampire et s'empressa d'entrer dans la demeure de son mentor, suivit de Ralph. Bryce referma la porte derrière lui et rejoint ses invités plus loin dans l'entrée.
L'ancien inspecteur arriva dans le petit salon armé d'un plateau recouvert d'une théière, de plusieurs tasses, de pâtisseries et d'une poche de sang. Ralph haussa un sourcil, intrigué par cette attention.
— J'ai toujours un peu de sang au cas ou j'aurai un Surnaturel à la maison, expliqua-t-il rapidement en voyant le regard intrigué de son hôte.
— C'est une attention très touchante. Merci.
Ralph versa la poche de sang dans la troisième tasse et regarda d'un œil amusé le regard brillant d'Eddie directement concentré vers l'assiette à pâtisserie. Bryce sembla le remarquer également, puisqu'il se mit à discrètement rigoler.
— Vas-y Eddie, ce sont tes préférées !
— Ils sont à la crème et confiture de fraise ?! s'exclama-t-il avec un large sourire.
— Et ils sont fait maison, mon petit Eddie !
— Confiture de fraise ! Mes préférés ! »
Ralph s'immobilisa et déglutit péniblement.
« Crème et confiture de fraise ! Mes préférés ! »
Le vampire refoula son douloureux souvenir et tacha de se concentrer sur Bryce, hilare, qui regardait Eddie engloutir à une vitesse phénoménale les scones à la fraise.
« Eh, laisse-en moi au moins un, espèce de goinfre ! s'exclama Bryce en attrapant un score au passage.
Edward sembla consentir à sa demande et lui laissa le dernier scone.
— C'est à se demander qui t'a élevé ! dit son mentor en bougonnant, bon, et si vous me disiez avec exactitude pourquoi vous venez déranger un retraité ?
Edward s'essuya grossièrement la bouche.
— C'est ma toute première enquête sans toi et je piétine. Je n'arrive pas à faire le lien entre les quatre cadavres, si ce n'est qu'ils ont été mutilés. Et tu m'as dit que monsieur Walker ici présent pourrait m'aider.
Bryce se tourna vers Ralph.
— Mon grand-père m'a souvent parlé d'une affaire que mon aïeul avait résolu. C'était l'affaire du...
— Des corps mutilés, termina Ralph, je m'en souviens, c'était il y a longtemps. Malheureusement, l'affaire est restée irrésolue.
— Alors, cela n'aboutira à rien ? demanda Eddie en regardant tristement l'assiette de pâtisseries vide.
— En fait, nous pouvons aboutir à deux conclusions, déclara Ralph.
— Lesquelles ? demanda le jeune inspecteur.
— Ou bien nous avons affaire à un vampire, car seul un vampire peut se permettre de vivre aussi longtemps, ou bien nous avons affaire à un imitateur.
— Un imitateur Surnaturel ?
— Seul un Surnaturel pourrait faire de tel dégâts sur un corps humain.
Eddie hocha la tête et tourna son visage vers Bryce, qui avait regardé leur échange en inclinant sa tête à chaque fois.
— C'est une conclusion intéressante, dit-il, mais pourquoi, après autant de temps, quelqu'un se donnerait la peine de recommencer ces actes ?
— Je ne peux pas savoir, répondit Ralph, ou bien c'est un acte de vengeance, ou alors c'est un jeune vampire qui ne contrôle pas ses pulsions, ou encore un tueur en série... Il y a de trop nombreuses possibilités pour être sûr. Il faudrait resserrer l'étau pour savoir à qui nous avons affaire.
— On pourrait commencer par le registre des nouveaux vampires ? suggéra Eddie.
— Malheureusement, si c'est un nouveau vampire qui a fait cela, il n'est probablement pas déclaré.
— Il y a des vampires non déclarés à Londres ?! s'exclama le jeune inspecteur.
— Malheureusement plus qu'on ne le croit, répondit tristement Bryce.
— Mais cela finit toujours pas se savoir, ajouta Ralph en regarda Eddie.
Le vampire reposa sa tasse de sang vide sur le plateau.
— Merci beaucoup pour cet en-cas.
— On va aller consulter les registres des vampires au bureau, suggéra Eddie, ça nous fera quelques pistes à éliminer.
— C'est une bonne idée, conclu Bryce en se relevant. »
Eddie et Ralph l'imitèrent. Ils remercièrent le retraité et arpentèrent les rues sans rien dire. Ralph avait remit ses lunettes sur son nez, et il faisait tout son possible pour se concentrer sur l'enquête. Mais malgré tous ses efforts, le sang qu'il avait prit chez Bryce était loin d'être suffisant pour couper sa faim.
« Inspecteur Chapman, j'aimerai vous poser une question assez importante.
Eddie se tourna vers le vampire, presque surprit de le voir briser le silence.
— Laquelle ?
— Avez-vous déjà été mordu par un Surnaturel ?
Edward arrêta de marcher et il se figea sur place, observant Ralph sans un mot, le cœur battant à la chamade.
— Eh bien... Je... Pourquoi une telle question ?
— La première fois que nous nous sommes vus, vous étiez dans une chambre d'un bar à vampire. Inutile de vous décrire avec exactitude ce qu'il se passe là-bas, vous avez certainement dû en avoir un aperçu.
Eddie sembla danser sur ses deux pieds, hésitant avant de répondre.
— Je... Oui. Mais je ne vois pas en quoi...
— Vous n'êtes pas sans savoir que nous, vampires, lorsque nous buvons le sang de créatures vivantes, nous avons accès à des souvenirs, ou des brides de mémoire.
— Et alors ?
— Et alors si un vampire vous a mordu, il a accès à des souvenirs de l'inspecteur Chapman, à la tête de l'enquête sur des meurtres commis en plein Londres, par des Surnaturels.
L'inspecteur sembla réaliser l'étendu de ses paroles.
— Oh, dit-il.
Ce fut le seul son qui parvint à franchir ses lèvres.
— Inspecteur Chapman, avez-vous été mordu par un Surnaturel ? répéta Ralph.
Eddie hésita avant de répondre.
— Oui, avoua-t-il avec une once de honte.
Ralph sembla soupirer et tira sur le col de chemise d'Edward. Ce dernier sursauta et tenta de se dégager de son emprise, mais il le maintint avec une force surhumaine et inspecta son cou, vierge de toute morsure.
— Où vous a-t-on mordu ?
— ... Sur la cuisse...
Ralph sourit.
— Intéressant. Si vous me le permettez, j'aimerai ôter au plus vite cette morsure, afin que le vampire qui vous a mordu n'ai plus accès à vos souvenirs.
Eddie ouvrit et referma sa bouche plusieurs fois.
— C'est pour... C'est pour le bien de l'enquête, nous sommes d'accord ?
— C'est pour le bien de l'enquête, tout naturellement.
Eddie soupira de soulagement.
— Et aussi pour notre plaisir personnel, ne le cachons pas. »
Eddie s'étouffa avec sa salive.
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