22 - La lettre
Ah. Ralph Walker. En voilà un étrange personnage — je veux dire, un étrange vampire. Il y a deux instants, il était à deux doigts d'agresser un humain car cet imbécile ne s'était pas nourrit depuis trop longtemps, il y a un instant il était en train d'observer avec insistance une vampire de l'autre côté d'un miroir sans tain, et à cet instant précis il était en train de courir dans les rues de Londres, à une vitesse plus que douteuse, et sans émettre le moindre effort.
Mais pourquoi ?
Il connaissait cette vampire, et il en était sûr. Cependant, il était également sûr de ne jamais avoir croisé son chemin. Mais elle lui avait semblé étrangement familière, non pas dans son apparence, mais dans son comportement. C'était son comportement qui lui était familier. Et ce comportement, il y avait déjà eu affaire.
Mais c'était en 1840. Ralph jura à mi-voix en même temps qu'il passait le panneau de la ville, indiquant qu'il n'était plus dans Londres. Il avait beau tout faire pour ne plus y songer, il semblait que tout le ramenait en 1840, il y a plus d'un siècle en arrière, lorsqu'Alec et Lewis étaient encore en vie. Si cette vampire était bien celle à laquelle il pensait, alors la situation était vraiment étrange, car elle lui rappelait tout bonnement le conseiller vampire qui séjournait à Londres, Dragos Lupesco. C'était lui qui était derrière les enlèvements d'alchimistes en 1840, qui était également à l'origine de sa condition si particulière et qui avait aveuglément obéi au Suprême pour au final mourir des crocs de Darwin, l'ancien alpha d'Alec. Et il ne trouverait guère étonnant que cette vampire soit sa compagne disparue depuis des années, mais il devait en avoir le cœur net. Lentement, Ralph remettait les pendules à l'heure dans sa tête, réussissant à trouver des liens entre le siècle qui séparait les deux évènements, des liens de plus en plus évidents, et il s'en voulu de ne pas les avoir vu jusqu'à présent. Il était sûr que des morts auraient pu être évitées.
Il s'arrêta un instant pour contempler le paysage. Il se trouvait bien à l'extérieur de Londres, en bordure de campagne. Malgré la croissance exponentielle de la ville, il reconnaissait certaines routes, surtout celles qui conduisaient chez eux. Enfin, chez lui. Ralph fut tenté un instant d'y aller, mais il y renonça, il restait un soucis plus important à régler.
En se concentrant et en faisant appel à sa mémoire, il se retrouva à errer dans une vieille ruine bien à l'écart d'une quelconque route. Durant de nombreuses minutes, il ne croisa que quelques biches effrayées par une présence vampirique en pleine journée, et Ralph se retrouva rapidement à quatre patte pour tenter de trouver la moindre trace humaine sur le sol.
Alors qu'il croyait abandonné, songeant même à une fausse piste, il aperçu une trace de pied humain imprégnée sur la terre. Elle ne datait pas d'hier, et elle était presque effacée, mais il distinguait bien les cinq doigts d'un pied plutôt fin et cela ne le rassura pas. Ralph remonta les traces pour trouver ce qu'il cherchait depuis son départ précipité de Londres ; une pente naturelle qui était recouverte de mousse, d'herbes et de fougères, avec, sur le côté, de la terre fraichement remuée. La mâchoire du vampire se contracta. Il avisa le soleil haut dans le ciel. Il devait être proche de l'heure du déjeuner et à contre-cœur, il ôta son manteau pour le poser sur ce qui devait être le cadre d'une fenêtre recouvert de mousse, puis il déposa ses lunettes de soleil dessus. Il porta ensuite ses mains devant ses yeux et il se concentra pour faire sortir ses griffes.
Instinctivement, ses canines sortirent avec, et Ralph grogna lorsque ses ongles furent remplacés par de grossières griffes noires et épaisses. Mais au moins, ça mettrait moins de temps pour creuser. Le vampire se laissa tomber à genoux devant le monticule de terre et il se mit à gratter la terre rapidement pour vérifier ses dires.
Au bout de longues minutes, il parvint enfin à dégager suffisamment de terre pour apercevoir le début d'un tunnel qui s'enfonçait dans le sol. Sa bouche fit une grimace de mécontentement et il se contenta d'élargir l'entrée pour y passer son corps entier. Et il s'y engouffra. Le temps que ses yeux s'habituent au noir, il s'enfonça de plus en plus pour au final trébucher sur une racine qui dépassait traitreusement du sol. Son corps tomba en avant, et le mince tunnel l'empêcha de correctement se rattrapa. Il se contenta de racler ses griffes sur les parois pour tenter de ralentir sa chute.
Ralph termina sa chute en se rattrapant de justesse par terre. En se relevant, le vampire constata que sa chemise était tachée de terre, tout comme son pantalon. En secouant sa tête, il fit tomber un nuage de poussière par terre. Enfin, il porta attention à ce qui l'entourait, pour qu'un poids tombe sur son estomac.
L'endroit dans lequel il venait d'atterrir était pour le mois singulier, et terriblement familier. Cela ressemblait à un château enterré six pieds sous terre, tel un singulier tombeau ; un singulier tombeau duquel était sorti une vampire qu'il avait reconnu. Ça sentait le renfermé, c'était plongé dans le noir le plus total et il n'y avait pas âme qui vive. Ralph se sentit quelque peu nostalgique d'une époque complètement dépassée. Il commença à avancer dans les couloirs, oubliant la raison pour laquelle il était venu à la base. C'était comme dans un rêve. Il se souvenait de cet endroit, même s'il y avait passé peu de temps.
Ses pas se pressèrent un peu plus, et il se retrouva devant un laboratoire dont il poussa la porte. Ralph resta interdit devant la pièce. Une table d'expérience renversée, des tessons de verre éparpillés un peu partout, et une petite lucarne qui était désormais inutile, car une avalanche de terre était passée à travers.
Pas de doute, c'était bien de cet endroit où Lewis avait mit au point la potion qui le faisait actuellement marcher en plein jour. Un rictus naquit cependant sur son visage lorsqu'il fit le contour de la table, observant la moitié de corps étendue par terre. C'était depuis bien longtemps un bas de squelette humain que Ralph savait parfaitement vampire. Il s'approcha lentement des ossements avant de s'accroupir à ses côtés.
« Ta fiancée cause bien des problèmes en mille-neuf-cent-quarante-sept, pauvre merde, murmura-t-il à un fémur qui ne lui répondit évidemment pas, il semblerait que tu lui aies transmit ton envie de règne et ta rancœur.
Ralph se releva et donna un petit coup de pied sur les ossements, comme pour vérifier qu'il était bien mort, au cas ou le reste de son cadavre allait se mettre à bouger. Avec soulagement, il constata qu'il était toujours immobile.
Le vampire se mordit les lèvres. Et maintenant, quoi ? Ralph croisa ses bras contre sa poitrine. C'était une chose de comprendre le mobile, mais c'en était une autre de réussir à arrêter sa fiancée, peu importe son nom. Dans tous les cas, il ne pouvait pas faire grand chose six pieds sous terre, dans un château où il n'y avait âme qui vive.
Ralph tourna ses talons, effectuant un demi-tour et il releva la tête. Puis il se figea.
En face de lui se trouvait un homme aux cheveux blonds cendrés et lâchés. Ces derniers reposaient sur ses épaules et descendaient un peu dans son dos. Ses vêtements étaient pour le moins étranges, ils semblaient venir d'ailleurs. Pourtant, une simple chemise blanche et un pantalon noir en vinyle noir si moulant qu'il en devenait indécent tant il pouvait deviner chaque forme de ses muscles n'avaient rien de si étrange. L'étrangeté de cet homme venait du manteau qu'il portait.
Il n'était pas aussi long que ceux que Ralph avait pu voir jusqu'à présent. Il lui arrivait à mi-cuisse, et il était assez ample et large. Les manches, larges également, étaient quant à elles maintenus aux poignets. De plus, il était sans le moindre système de fermeture. Mais le plus étrange restait la couleurs assez particulière du vêtement ; Ralph le devinait blanc mais il ne pouvait s'empêcher de voir des nuances de lilas et de bleu ciel suivant la façon dont le manteau était orienté. En baissant son regard, Ralph pu observer les étranges chaussures qu'il portait ; elles était en cuir noir, mais des coques en titane venaient mouler le bout et le talon de chaque pied. Pour compléter l'étrange tenue, les talons et le tibia des chaussures étaient traversées par une mince ligne qui brillaient d'une lueur bleutée.
Les yeux de l'inconnu ne laissait pas vraiment de doute ; c'était un vampire, tout comme lui.
— Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il en montrant ses crocs.
L'inconnu eut un rictus.
— Ralph, arrête d'être sur la défensive. Je ne vais pas te faire de mal, je te le promets, et tu sauras que j'ai raison plus tard.
— Ça m'étonnerait qu'on se revoit.
L'inconnu lui adressa un franc sourire, avant de se rapprocher de Ralph. Ce dernier fit un pas en arrière avant de sentir le vampire inconnu, bien plus rapide que lui, se tenir devant lui et replacer une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Ralph se tendit à son toucher et soutint son regard du mieux qu'il ne le put.
— Ralph, je te promets que ce n'est pas cela qui t'étonnera, plus tard.
Le brun ouvrit la bouche pour émettre une pique, mais le vampire inconnu sortit une feuille de papier pliée en quatre de la poche intérieure de son manteau et la plaça à hauteur de ses yeux.
— J'ai juste une lettre pour toi, aujourd'hui.
Ralph attrapa la lettre en la regardant sans comprendre.
— Pourquoi ? demanda-t-il.
— Tu verras. Mais si j'étais toi, je me dépêcherais. À bientôt, Ralph. »
Il baissa un instant les yeux vers la lettre pour la déplier. Lorsqu'il releva ses yeux, il se rendit compte qu'il était seul dans la pièce (sans compter la moitié de corps du vampire). Intrigué, il se contenta de ranger la lettre dans la poche de son pantalon et il ressorti du tombeau. La lumière du jour l'aveugla et il partit se réfugier à l'ombre, non sans avoir récupéré ses précieuses lunettes et son manteau avant.
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